Ioannes Auratus Candido Lectori Salutem
Ioannes Auratus

Présentation du paratexte

Jean Dorat évoque les corrections et les annotations qu’il a faites à l’édition du Prométhée enchaîné de Chrestien Wechel et recommande la lecture de l’ouvrage pour connaître le style d’Eschyle. L’édition est adressée comme outil de travail à ses élèves dans le cadre d’un cours prochain.

Bibliographie :
  • Monique MUND-DOPCHIE, La survie d’Eschyle à la Renaissance, Editions, traductions, commentaires et imitations, LOVANI AEDIBUS PEETERS (1984).
  • Geneviève DEMERSON, Dorat en son temps, culture classique et présence au monde, Clermont-Ferrand, Adosa (1979).
Traduction : Malika BASTIN-HAMMOU

Ioannes Auratus Candido Lectori Salutem

Jean Dorat adresse son salut au Lecteur impartial.

Superioribus diebus cum rogassem Christianum Wechelum ut tragoediam primam Aeschyli, Προμηθέα δεσμώτην scilicet, seorsum excuderet, quam propediem auditoribus nostris interpretari possem (ea enim paene sola mihi uidebatur, quamuis mendosissima alioqui, tamen legi atque intelligi posse), is libenter mihi pollicitus est se facturum : tantum rogauit, ut et ipse percurrere eam uellem, et mendis praecipuis lectionis nostrae uarietatem apponere.

Il y a quelques jours comme j’avais demandé à Chrestien Wechel1 qu’il sortît séparément la première tragédie d’Eschyle - c’est-à-dire le Prométhée enchaîné - pour que je puisse très prochainement la traduire pour nos auditeurs (en effet c’est à peu près la seule qui me semblait, bien qu’elle soit très altérée en quelque endroit, pouvoir cependant être lue et comprise), celui-ci de bon gré m’a promis qu’il le ferait : il m’a seulement demandé de bien vouloir la reprendre et d’ajouter des variantes de notre lecture aux fautes les plus importantes.

Itaque feci, non tam quia optime per ocium id facere mihi liceret, quam ut hominis amici precibus obtemperarem. Notaui igitur quaedam sed obiter, quae et ratio pedum, et sensus ipse, et poetica phrasis subindicabant, reliqua accuratius persecuturus inter interpretandum, ita ut inoffense de reliquo perlegi possit.

C’est pourquoi je l’ai fait, non tant parce qu’il m’était possible de le faire pendant mon temps libre au mieux, que pour me conformer aux prières de mon ami. J’ai donc noté certaines choses mais en passant, que et la métrique, et le sens lui-même, et l’expression poétique révélaient, dans l’intention d’explorer le reste de manière plus précise quand je traduirai, de façon à ce qu’on puisse lire le reste sans heurt.

Aeschyli autem tragoediam idcirco excudi uolebam, ut haberent auditores nostri, atque adeo reliqui omnes studiosi, specimen quasi quoddam, quod cum Euripide et Sophocle compararent, cum Aristophanes in Ranis et Aeschylum et Sophoclem Euripidi anteponat.

Quant à la tragédie d’Eschyle, je voulais qu’elle soit imprimée afin que nos auditeurs et à plus forte raison tous les autres savants aient, pour ainsi dire, un échantillon qu’ils puissent comparer avec Euripide et Sophocle, puisque Aristophane dans les Grenouilles place Eschyle et Sophocle avant Euripide.

Tum etiam, quoniam emendatius Aeschyli exemplar in Italia uel Germania extare dicitur, ut aliquem ad eius editionem incitarem. Dignus est enim auctor, cum inter ceteros Tragicos maxime grandiloquus sit, qui omnium manibus teratur.

Maintenant encore je le veux, puisqu’on dit qu’il subsiste un exemplaire assez correct d’Eschyle en Italie ou bien en Allemagne, pour inciter quelqu’un à l’éditer. En effet l’auteur est digne, puisqu’il pratique parmi les autres Tragiques le style le plus élevé, d’être fréquemment mis entre toutes les mains.

Vale, et hac Aeschyli quasi προτομῇ fruere.

Salut, et profite de cette « tête coupée » d’Eschyle.


1. Chrestien Wechel : imprimeur et libraire à Paris entre 1522 et 1554.