Présentation du paratexte
Vie du poète Eschyle issue du dialogue VI du De poetarum historia de Lilio Gregorio Giraldi.
Traduction : Sarah GAUCHERAeschyli poetae uita ex Lilii Gregorii Gyraldi De poetarum Historia Dialogo VI
Vie du poète Eschyle issue du dialogue VI du De poetarum historia de Lilio Gregorio Giraldi
In hac tabulae parte erat Aeschylus Atheniensis Tragicus, Euphorionis, ut ait Antipater poeta, filius et Cynegiri frater, eius qui (ut scitis) fortiter contra Persas in Marathone pugnauit.
Dans cette partie de la liste se trouvait le tragique Eschyle, un Athénien fils d’Euphorion, comme le dit le poète Antipater, et frère de Cynegirus, qui, comme vous le savez, combattit avec courage contre les Perses à Marathon.
Herodotus tamen Euphranorem, non Euphorionem, appellasse uidetur1.
Cependant Hérodote a semble-t-il appelé son père Euphranor et non Euphorion.
Aeschylus cum quintum et uigesimum annum ageret in poetarum certamine depugnauit et ut docet Horatius, personam et pallam inuenit2, quod et Graeci non negant ; quorum inconstantiam mirari oportet, cum haec ipsa et aliis attribuant, ut alibi ostendimus.
À vingt-cinq ans, Eschyle disputa un combat de poètes et, comme l’enseigne Horace, inventa le masque et le manteau, ce que reconnaissent également les Grecs ; mais on doit remarquer leur inconstance, puisqu’ils attribuent également ces inventions à d’autres, comme nous le montrons ailleurs.
Sunt et qui arbylas, quod calciamenti uel soleae genus est inuenisse putent ; ut uero Porphyrion scribit, syrma, cothurnos, et personam3.
Il se trouve également des gens pour penser qu’Eschyle a inventé les ἀρϐύλαι, un genre de chaussure ou de sandale ; mais, comme l’écrit Porphyrion, il inventa la robe tragique, les cothurnes et le masque.
Sed enim Philostratus in Apollonii uita ita
scriptum reliquit : Cum Aeschylus, inquit,, artem tragicam confusam nimis et crudelem
immitemque uideret, eam aliquantum moderatus est : nam in unum Choros contraxit,
qui antea disiuncti fuerant, abstulit et frequentes crebrasque histrionum
responsiones ; neces insuper in scena fieri uetuit, ne scilicet praesente populo
homines trucidarentur.
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Mais Philostrate nous transmet ces mots dans la Vie d’Apollonios : « Alors, dit-il, qu’Eschyle voyait l’art tragique trop confus, grossier et sans règle, il lui imposa des limites : en effet, il rassembla les chœurs qui étaient auparavant séparés, il multiplia et accrut également les réponses des comédiens ; il interdit par ailleurs que les morts aient lieu sur scène, vraisemblablement pour qu’on ne massacre pas d’hommes en présence du peuple.
Addidit praeterea habitus heroicos et
orationes apparatos, item pulpita, quo e sublimi recitantes facilius et uiderentur et
audirentur : quare, inquit Philostratus, Aeschylum
Athenienses tragoediae parentem appellauere, mortuumque etiamnum in Dionysiis
uocabant.
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Il ajouta en outre des masques de héros et des discours éclatants, également des tréteaux, pour que les acteurs soient à la fois vus et entendus plus facilement depuis le haut des gradins : c’est pourquoi, dit Philostrate, les Athéniens ont appelé Eschyle père de la tragédie et qu’ils l’invoquaient, même après sa mort, aux Dionysiaques. »
Haec ille fere totidem uerbis.
Voilà ce qu’il dit presque mot pour mot.
A Baccho uero per somnium (ut a Pausania proditur) iussus est Aeschylus tragoedias scribere : nam cum adhuc adolescens esset, atque in agro uuas custodiret, somno correptus, a deo monitus est ut fabulas Tragicas doceret ; qui consurgens, dei monitis obtemperauit et perinde id opus ei facillime successit.6
C’est en songe, comme le rapporte Pausanias, que Bacchus ordonna à Eschyle d’écrire des tragédies : en effet, alors qu’il était encore jeune homme et qu’il gardait les vignes dans un champ, le dieu l’engagea à monter des tragédies ; se réveillant en sursaut, Eschyle obéit aux ordres du dieu et, de la même manière, il s’acquitta de cette tâche avec une extrême facilité.
Vini quoque semper appetentior fuisse
traditus est, unde et illum Callisthenes, ut Lucianus refert, in uino Tragoedias scribere dicere
solebat7 : et ideo eum quoque Sopater rhetor Dionysii amicum
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On raconta également qu’il était toujours plus prompt à s’aviner, d’où Callisthène, comme le rapporte Lucien, a également l’habitude de dire qu’il écrivait ses tragédies ivre : c’est pour cette raison que le rhéteur Sopater l’appelle « ami de Dionysos ».
Tum subridens Piso : Omnes, inquit, fere uinosi admodum atque bibaces Graeci fuere poetae, an ea causa, quod a Baccho Amari dicuntur ?
Alors Pison sourit et dit : « Presque tous les poètes grecs furent complètement saouls et grands buveurs, est-ce pour cette raison qu’on dit qu’ils sont aimés de Bacchus ? »
Cui ego : Amantur sane.
Et moi je lui répondis : « Tout à fait ».
Piso :
Pison dit :
Nam uina, ut poeta noster ait, parant animos.
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« En effet, le vin, comme le dit notre poète, prépare leur esprit à la tâche.
Flaccus uero :
En effet, Horace dit :
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“Aucun poème écrit par des buveurs d’eau ne peut plaire ni demeurer longtemps”.
Scribit item Plutarchusin Symposiacis, ideo Aeschylum Tragoedias potando scripsisse dictum esse, quoniam uini calor inueniendi uim excitat, quae in sobriis torpet aliquando : imaginationes mouet, impetumque et fiduciam ministrat.11
De même, Plutarque écrit dans les Symposiaques qu’Eschyle a écrit ses tragédies en buvant, parce que la chaleur du vin excite la force de l’imagination qui est quelquefois engourdie chez les gens sobres : elle met en mouvement les images, elle donne de l’ardeur et de la confiance.
Addit non recte Gorgiam suam tragoediam Marti tribuisse, cum magis Baccho ascribenda fuisset.
Il ajoute que c’est à tort que Gorgias a imputé sa tragédie à Mars, puisqu'elle devait plutôt avoir été écrite par Bacchus.
Nec uos id lateat, quod a doctissimis probatur, uel Platone et Aristotele etiam tradentibus, quod Bacchus quidam sit furoris deus, sine quo uates et poetae parum proficere gentes arbitrabantur.
N'oubliez pas, et les plus savants l'attestent, même Platon et Aristote en témoignent, que Bacchus est un dieu de la fureur, sans lequel les peuples pensent que les devins et les poètes obtiennent peu de résultats.
Sed et in Dionysii theatro poemata et praecipue scenica recitabantur.
Mais dans le théâtre de Dionysos on déclamait de la poésie et surtout dramatique.
Quin et omnem scenam in Dionysium auctorem12 refert Diodorus, unde et technitae, id est, artifices Dionysii histriones nuncupantur, id quod in primis ostendit Aristoteles, qui cur improbis sint moribus13 ut plurimum in Quaestionibus inquirit, et Plutarchus, qui cur histriones a Romanis sic uocentur14, perscribit.
Bien plus, Diodore rapporte également que toutes les représentations scéniques sont l’invention de Dionysos d’où on appelle technitae, c’est-à-dire artisans de Dionysos les acteurs, ce que montrent en premier lieu Aristote, qui, dans ses Quaestiones, cherche pourquoi ces histrions ont de mauvaises mœurs et Plutarque, qui écrit pourquoi les histrions sont appelés ainsi par les Romains.
Sed his missis, quae huius non sunt loci, reliquam Aeschyli uitam prosequamur.
Mais, après avoir laissé de côté ces éléments qui ne nous intéressent pas ici, passons au reste de la vie d’Eschyle.
Fuit ergo Aeschylus, ut Gellius obseruat, ea tempestate, qua post uictoriam Marathoniam Miltiades in uinculis mori coactus est, quo primum tempore Romae Aediles propter seditiones creati sunt15, Olympiade, ut notat Eusebius, LXX16.
Eschyle vécut donc, comme l’observe Aulu-Gelle, à l’époque où, après la victoire de Marathon, Miltiade fut contraint de mourir dans les fers, époque où on nomma pour la première fois à Rome des édiles pour faire face à un soulèvement, l’année de la soixante-dixième Olympiade, comme le note Eusèbe.
Quo etiam tempore mortuus est Pythagoras, cuius et Aeschylum sectatorem fuisse, se ait accepisse M. Cicero.17
Et c’est à cette époque également que mourut Pythagore, dont Cicéron dit avoir appris qu’Eschyle avait été le sectateur.
At uero ut ipsius Aeschyli scribit interpres doctus sane grammaticus, LX Olympiade claruit, qua etiam tempestate Pindarus floruit.
Mais, comme l’écrit un interprète d’Eschyle, un savant tout à fait grammairien, il s’illustra lors de la soixantième Olympiade, à l’époque où Pindare connut également son floruit.
Ex quibus certe colligimus mendum esse apud Suidam, qui nona eum certasse Olympiade scribit nec Aechylum amplius XII Olympiadibus uixisse legimus.
À partir de ces témoignages, nous observons qu’il y a une erreur dans Suidas, qui écrit qu’Eschyle a concouru à la neuvième Olympiade et où nous lisons qu’Eschyle n’a pas vécu au-delà de douze Olympiades.
Sed haec utcumque sunt certe scribentium uitia in numerorum notandis figuris.
Mais, quoi qu’il en soit, il s’agit certainement d’erreurs des copistes dans l’écriture des nombres.
Scripsere cum alii de Aschylo, tum uero Chamaeleon in libre de eius uita, quod Sophocles illum sit accusare solitus, quod etsi opportuna faceret, non ea tamen quae faceret uideret, hoc est, ut ille Graece protulit :
À propos d’Eschyle, d’autres et en particulier Chamaeleon dans son livre sur la vie du poète ont écrit que Sophocle avait l’habitude de l’accuser de ce que, même s’il faisait ce qu’il fallait, il ne savait pas ce qu’il faisait, c’est-à-dire, ainsi qu’il l’a dit en grec :
ὦ Αἰσχύλε, εἰ καὶ τὰ δέοντα
ποιεῖς, ἀλλ’ οὖν οὐκ εἶδές γε ποιεῖς.
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"Ô Eschyle, même si tu fais ce que tu dois, tu n'as pas vu ce que tu faisais"
Narratur etiam cum aliquando in Isthmiaco spectaculo forte spectator adesset alterque e duobus gladiatoribus grauiter esset saucius et omnis spectantium turba acclamaret, tum Aeschylus tandem Chium manu prehendens ait : Viden’ quanta est exercitatio ? Vulneratus tacet, spectantes clamant ».19
On raconte aussi que, alors que par hasard Eschyle assistait un jour à un spectacle isthmique, l’un des deux gladiateurs était ensanglanté et toute la foule des spectateurs criait, Eschyle prit finalement l'homme de Chios20 par la main et dit alors : « Vois-tu la force de l’habitude ? Le blessé se tait, les spectateurs crient. »
Sed huiusmodi sententiae eius multae feruntur.
On rapporte de nombreuses sentences de ce genre qu’il a prononcées.
Diem ille suum obiisse miro quodam prorsus et fortuito modo traditur.
On raconte qu’il mourut d’une manière étonnante et fortuite.
Cum enim caluus esset et annos natus octo et quinquaginta, in agro sedens, accidit forte ut aquila inde uolans, testudinem in caput eius demitteret, rata scilicet caluum Aeschyli caput saxum esse, quo ales ipsa eiumodi animalia solet conquassare ; qua quidem testudinis ruina, eius ita cerebrum et caput comminutum est et contritum, ut statim interierit.21
En effet, alors qu’il était chauve et âgé de cinquante-huit ans, il s’assit dans un champ et il arriva par hasard qu’un aigle qui volait là lâchât une tortue sur sa tête, pensant sans doute que la tête chauve d’Eschyle était une pierre, sur laquelle cet oiseau a l’habitude de casser les animaux de cette espèce ; la chute de cette tortue lui cassa et lui broya le cerveau et la tête, de sorte qu’il mourut aussitôt.
Historiam praeter alios Aelianus et Valerius Maximus perscribunt.22
En plus d’autres auteurs, Élien et Valère-Maxime rapportent cette histoire.
Idem hoc uersiculo Sotades testatus est :
Sotadès témoigne du même épisode dans ce petit vers :
Αἰσχύλῳ γράφοντι ἐπιπέπτωκεν
χελώνη.
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“Une tortue tomba sur Eschyle qui écrivait”.
Sunt qui tradant in aprico loco ideo illum fuisse, quod tabulati ruinam metueret, quam ei oraculum praedixerat.
Certains racontent qu’il s’était trouvé dans un lieu en plein air parce qu'il craignait la chute d'un plancher que lui avait prédite un oracle.
Filios duos Aeschylus post se reliquit, Euphorionem et Bionem, qui et ipsi Tragici poetae fuere, quorum prior Euphorion cum patris fabulis quater uicit.
Eschyle laissa après lui deux fils, Euphorion et Bion, qui furent également des poètes tragiques : le premier d’entre eux, Euphorion, gagna quatre fois avec les pièces de son père.
Scripsit idem et proprias fabulas.
Le même écrivit également ses propres pièces.
Bion uero inter eos reponitur, qui Tharsici cognominati sunt, quasi uos dicatis, confidentiores et arrogantes : acerbi enim et dicaces poetae fuere.
On met Bion au rang de ceux qui ont été surnommés Tharsici, c’est-à-dire trop confiants et arrogants : ils furent en effet des poètes acerbes et mordants.
Atque ideo sunt, qui Horatium uelint, cum in Epistolis cecinit,
Ille Bioneis sermonibus et sale nigro
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Et c’est pourquoi certains veulent que, lorsqu’Horace chante dans ses Épîtres qu’il se réjouit “des propos de Bion et de leur sel noir”, l’on comprenne plutôt qu’il s’agit de ce poète, Bion de Tarse, plutôt que du philosophe Bion de Borysthène.
Non me praeterit, quod Porphyrion de Bione intellegit, quem Aristophanis patrem fuisse25, ait ille unus, Acron uero de Bione eius nominis sophista, qui tanta fuit dicacitate, ut nec Homero pepercerit26.
Il ne m’échappe pas que Porphyrion identifie Bion au père d’Aristophane, ce qu’il est le seul à dire, mais Acron identifie Bion à un sophiste de ce nom qui fut tellement mordant qu’il n’épargna pas même Homère.
Sed cum de poetis agat eo loci Horatius de iis minus intelligendum reor.
Mais puisque ce passage d’Horace traite des poètes, je pense que ces identifications sont moins pertinentes.
At haec ego uobiscum.
Mais je vous en laisse juges.
Fuit et alius lyricus poeta Bion, atque item alius Bucolicus, de quo alibi meminimus.
Il y eut également un Bion poète lyrique et aussi un autre auteur de poèmes bucoliques, dont nous gardons quelque part la trace.
Sed nos reliqua de Aeschylo, quem grandem natu cum Sophocle admodum puero certasse scribit Plutarchus uictumque ab eo fuisse : quod cum iniquo ferret animo, in Siciliam demigrauit, ubi et diem ultimum clausit, sepultusque apud Gelam fluuium, quod et ipsum hoc epitaphium ostendit :
Mais passons à la suite de la vie d’Eschyle, dont Plutarque écrit que, alors qu’il était son aîné, il se mesura au tout jeune Sophocle qui le surpassa et que, ne supportant pas cette défaite, Eschyle émigra en Sicile, où il passa ses derniers instants et fut enterré près du fleuve Géla, où l’on trouve cette épitaphe :
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Quod sic est Latine factum :
Voici l’épitaphe en latin :
“Sous ce monument repose Eschyle, fils d’Euphorion, Athénien, venu s’étendre aux plaines fertiles de Géla”
Non igitur id mirum uideri debet, quod est ab Athenaeo libro nono proditum, quod Aeschylus Siculorum uocibus utatur, quod scilicet in Sicilia diu est uersatus28, tametsi ea parte Athenaei exemplar mendosum uidetur : neque enim mihi satis compertum est, an de altero Aeschylo agat de quo et Macrobius meminit, et Siculum fuisse ait29 : hoc doctiores uiderint.
C’est pourquoi on ne doit pas être surpris de ce que nous a rapporté Athénée dans son livre neuf, à savoir qu'Eschyle a utilisé des mots siciliens parce qu'il a manifestement longtemps vécu en Sicile, bien que sur ce point le témoignage d’Athénée semble fautif : en effet, je ne sais pas avec certitude s’il traite d’un second Eschyle dont Macrobe aussi se souvient et dont il dit qu’il fut sicilien : que des hommes plus savants en jugent à ma place.
Scripsit uero Aeschylus fabulas nonaginta, et de iis octies et uigesies uicit.
Eschyle écrivit quatre-vingt-dix pièces et il l’emporta vingt-huit fois.
Elegias quoque composuisse legimus, ex
quibus uersiculum illum citat Theophrastus : Gens Tyrrhena suis clara ueneficiis
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Nous lisons qu’il a également composé des élégies, dont Théophraste cite ce vers : “La nation tyrrhénienne célèbre pour ses empoisonnements.”
Tanti uero Aeschylum Lycurgus celeberrimus ille Atheniensium orator fecisse dicitur ut statuam illi aheneam poni curarit et alteram Sophocli, amborumque Tragoedias publice custodiri mandauit, publicum quoque scribam constituit, qui eas histrionibus lectitaret.31
On dit que Lycurgue, très célèbre orateur athénien, avait Eschyle en si haute estime qu’il se chargea de faire réaliser une statue en bronze de lui et une autre de Sophocle ; il ordonna que les tragédies de ces deux poètes soit reproduites par les soins de la communauté et manda un scribe de la cité de pour en relire le texte avec les acteurs.
Hactenus quidem ego de Aeschylo, tu contra Piso recita quae de illo scribit Fabius.
Mais pour ma part j’en ai fini à propos d’Eschyle ; quant à toi, Pison, dis ce que Quintilien a écrit à son propos. »
Id libenter faciam, inquit Piso.
« Je le ferai volontiers », dit Pison.
Sic uero ille ait : Tragoedias primus in lucem Aeschylus
protulit, sublimis et grauis, et grandiloquus saepe usque ad uitium, sed rudis in
plerisque et incompositus, propter quod correctas eius fabulas in certamen
deferre, posterioribus poetis Athenienses permisere, suntque eo modo multi
coronati.
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Et il dit : « “Eschyle est le premier à avoir donné de l’éclat aux tragédies ; il est sublime, grave et majestueux, souvent jusqu’à l’excès, mais, en bien des cas, il est rugueux et gauche ; c’est pourquoi les Athéniens permirent aux poètes qui lui succédèrent de produire dans des concours ses pièces après les avoir corrigées, et c’est de cette manière que beaucoup furent couronnés.”
Atque haec quidem Fabius quae uerba mihi notiora sunt ex iis quae tu paulo ante de Euphorione eius filio recitasti.
Voilà ce que dit Fabius : ces mots sont plus connus que ceux que tu viens de rapporter au sujet de son fils Euphorion. »
Tum ego : Fuit et alter Aeschylus patria Alexandrinus, qui et bene eruditus fuit et fabulam Amphitryonem docuit ; sed et praeter hanc Messeniaca carmina composuit, ut est ab Athenaeo proditum.
Alors moi : « Il y eut également un autre Eschyle, un alexandrin, qui à la fois fut bien éduqué et écrivit une pièce intitulée Amphitryon : mais, outre cette pièce, il composa aussi des vers messéniaques33, comme l’a fait voir Athénée.
Aeschylum ex eadem familia, hoc est, eius sorore, seu fratre, poetae quinque continuato ordine sequebantur, id quod rarissime alias contigisse puto : illud enim notissimum, raro ad nepotes transire disciplinas, tametsi et apud Romanos et in Crassorum familia contigit, et in Graecis quoque, ut in Nestore poeta retulimus.
Eschyle eut cinq poètes de sa famille, issus de sa sœur ou de son frère, qui lui succédèrent dans un ordre continu, ce qui, je pense, s’est très rarement produit ailleurs : en effet, on sait très bien que les connaissances passent rarement aux neveux, même si c’est arrivé chez les Romains avec la famille des Crassus et aussi chez les Grecs, comme nous l’avons vu avec le poète Nestor.
Sed et hodie nos Ferrariae exempla habemus in Varina familia, auum, filios et nepotes.
Mais nous en avons également des exemples contemporains à Ferrare dans la famille de Varinus34, l’aïeul, les fils et les petits-fils. »
An id ea forte causa euenit, inquit Piso, quod ex prudentibus patribus leues et fatui plerunque filii nascuntur ?
« Est-ce que cela arrive, dit Pison, parce que les pères avisés engendrent souvent des fils légers et bouffons ?
Atque ea causa minus sapientia successores gignit, quod philosophi prodidere.
Voilà pourquoi la sagesse engendre moins de successeurs, ce que font voir les philosophes. »