Présentation du paratexte
L’épître de Pietro Vettori au lecteur revient longuement sur la démarche philologique de l’éditeur (§1-23). Suivent une recommandation d’Eschyle (§24-29) et de longues précisions sur les scolies présentées dans l’ouvrage (§30-50) avant une ultime recommandation du poète, égal d’Homère, et du travail engagé pour l’édition (§51-54).
Traduction : Malika BASTIN-HAMMOUPetrus Victorius Lectori S.
Piero Vettori au lecteur, salut.
Plures, ut apparet, eidem operi, eodem tempore, diuersis tamen in locis, toto animo incubuere, communis utilitatis studiosi, ac Graecas literas hac etiam parte adiuuare uolentes.
Plusieurs personnes, à ce qu’on voit, se sont attelées avec tout leur cœur à ce même ouvrage, en même temps mais en des lieux différents, des savants soucieux du bien commun et désireux d’aider les lettres grecques aussi de ce côté.
Quum enim Aeschylus Atheniensis, magni nominis in tragicis, summaque cum laude in eo studio uersatus, ad nostra tempora, quibus et doctrina omnis liberalis, et in primis Graeca lingua reuixit, mancus undique ac debilis peruenisset (nam et plurimae ipsius tragoediae funditus periere, et nonnullae quae restabant, mendose excusae fuerant : turpibusque maculis affectae, in manibus habebantur) huic illi malo remedium adhibere conati sunt easque rursus diligentius multo integriusque imprimendas curarunt ac non pauca ipsius uulnera facile sanarunt.
Car alors qu’Eschyle d’Athènes, un grand nom chez les Tragiques et versé dans ce genre pour sa plus grande gloire, était parvenu dans un état bien abîmé et mauvais à notre époque, lors de laquelle tous les arts libéraux et particulièrement la langue grecque viennent à revivre (car d’une part la plupart de ses tragédies sont complétement perdues, d’autre part les rares qui restaient avaient été imprimées de façon négligée et on les lisait entachées de fautes honteuses), eux ont entrepris d’appliquer un remède à ce mal et se sont chargés de les réimprimer avec beaucoup plus de zèle et d’authenticité et ont soigné facilement de nombreuses de ses blessures.
Nos igitur quoque, qui olim eidem rei operam diligenter dederamus ac non sine fructu aliquo cum antiquis libris hunc poetam contulisse nobis uidebamur, perire lucubrationes nostras noluimus sed eas erudito ac diligenti iuueni Henrico Stephano diuulgandas dedimus, quum hic apud nos facultatem edendi nullam haberemus.
Nous aussi donc, qui naguère nous étions ardemment attaqué à ce projet et pensions avoir comparé avec profit ce poète aux manuscrits anciens, nous ne voulions pas que se perdent nos recherches et les avons confiées à Henri Estienne le Jeune pour qu’il les édite, puisque nous n’avions aucune possibilité d’éditer chez nous.
Cuius rei expectatio diu consilium nostrum remorata est.
L’attente de la réponse a beaucoup retardé notre projet.
Atque hoc non fecimus ut laudem aliorum minueremus sed ut quicquid studio nostro in hoc efficere potuimus, in medium proferremus.
Et si nous l’avons fait, ce n’est pas pour amoindrir le mérite d’autrui mais pour diffuser ce que nous avons pu réaliser en travaillant à cet égard.
Neque nunc labores nostros cum eorum uigiliis conferemus, ullamue in partem uicisse nos illos gloriabimur : docti postea uiri, et qui acre iudicium harum rerum habent, uidebunt quae potissimum e multis editio anteponenda sit.
Et pour l’heure nous n’allons pas comparer notre travail avec le fruit de leurs veilles ni nous glorifier d’avoir fait mieux ici ou là : les savants de demain et ceux qui ont du goût à cela verront quelle est parmi toutes la meilleure édition.
Vna certe in re illis feliciores fuimus, quod integram Agamemnonem nacti sumus : cuius fabulae prima tantum pars, atque ea quidem pusilla, typis antea excusa fuerat.
Au moins dans un cas nous avons été plus heureux qu’eux : nous avons trouvé l’intégralité d’Agamemnon. De cette pièce, seule la première partie (et encore, un petit bout) avait été imprimé jusqu’ici.
Nam quod prius errore quodam non paruo, confusa haec fabula erat cum Choephoris, originem huius incommodi (nisi fallor) indicabo.
Car à cause d’une erreur de taille, cette pièce était confondue avec Les Choéphores ; je vais expliquer (sauf erreur de ma part) l’origine de ce désagrément.
Erant in uetustissimo nobilissimoque uolumine, quo continentur omnes Sophoclis atque Aeschyli tragoediae, quae superiorum temporum acerbitatem subterfugere nec non Apollonii etiam Argonautica (id autem apud nos est) ; ambae hae fabulae, eodem ordine scriptae quo res ipsae gestae fuere ut Agamemnon praecederet, consequerentur Choephorae.
Elles se trouvaient dans un volume très ancien et connu qui contenait toutes les tragédies de Sophocle et d’Eschyle, qui avaient échappé à l’injure du temps, et aussi les Argonautiques d’Apollonios (le volume est chez nous) ; ces deux pièces étaient écrites dans l’ordre même des événements, avec Agamemnon d’abord, Les Choéphores ensuite.
Lapsae autem illinc sunt paginae nonnullae, siue ab improbo quopiam excisae ; in quibus reliqua, ac magna quidem illa, pars Agamemnonis continebatur, et initium Choephorarum manebat.
Mais plusieurs pages s’en sont perdues, peut-être arrachées par un malotru ; c’était la suite et la plus grande partie d’Agamemnon et le début des Choéphores subsistait.
Neque enim multa e principio huius fabulae uidentur desiderari.
Et par le fait, il semble manquer très peu du début de cette pièce.
Alium autem librum inueneramus, in quo Agamemnon integra esset, quum tamen nec in illo nec in altero ullo Choephoras totam reperire potuerimus.
Or nous avions un autre livre, dans lequel l’Agamemnon était entier alors que ni dans celui-ci ni dans aucun autre nous n’avions pu trouver Les Choéphores intactes.
Quare affirmare ausim eam partem huius tragoediae ex hoc nostro exemplari manasse.
Aussi oserais-je affirmer que ce morceau de cette pièce est issu de l’exemplaire que nous possédons.
Vnde sane descripta fuerit, postquam id incommodum quod narraui, acceptum est.
C’est de là qu’elle a été transcrite, une fois reconnu le dommage que j’ai rappelé.
Quare mutilata capite atque initio suo in manus uenit.
C’est pourquoi elle se lit sans son titre et sans son début.
Quod uero ad Agamemnonem pertinet, ne quicquam omitteremus quod ad eius restitutionem faceret, quum audissemus Romae in bibliotheca Alexandri Farnesii, summi antistitis, atque omni re, nobili ac splendido homine digna, instructissimi, Aeschyli uolumen inueniri, in quo haec fabula legeretur, conferendam eam, a nobis descriptam, curauimus cum eo exemplari.
Pour ce qui est de l’Agamemnon, pour ne rien omettre de ce qui contribue à sa restauration, quand nous sûmes par ouï-dire qu’à Rome, dans la bibliothèque d’Alexandre Farnese, cardinal, et érudit en toute chose qu’un homme de noblesse éclatante mérite de connaître, se trouvait un volume d’Eschyle où se trouvait cette pièce, nous en commandâmes une collation, transcrite par nos soins, avec cet exemplaire.
In quo nobis operam suam fidelem atque eruditam praebuit Gulielmus Sirletus, ut cuncta diligenter notaret quae aliter illic legerentur.
Nous reçûmes pour ce faire l’aide fidèle et érudite de Gulielmus Sirletus1 qui s’offrit à noter les leçons divergentes.
Nos autem postea uarietatibus illis diligenter ponderatis, in eam opinionem uenimus ut nostrum librum non deteriorem illo putaremus ac magnam partem eorum quae uariata in eo offenduntur, immutatam ab aliquo crederemus, qui in suos quosdam uersus restituere chori cantus uoluerit.
Nous ensuite, une fois pesées attentivement les variantes, en vînmes à l’idée que notre livre n’était pas plus mauvais que celui de Rome et qu’une bonne part des variantes qu’on y trouve provenait à notre avis d’une modification faite par quelqu’un qui avait voulu rétablir des chants du chœur en faisant des vers de son cru.
Saepe enim addita aut dempta illic quaedam cognouimus, quae consilium ipsius adiuuarent.
Car nous y reconnaissons des ajouts et des suppressions qui servent ce projet.
Vt autem comitem huius laboris, magni quidem atque ardui, eruditum ac strenuum iuuenem habui Bartholomaeum Barbadorum (quem semper, propter ingenii excellentiam et optimarum artium studium, plurimum amaui) ita laudis ipsum socium habere cupio, siqua ex tam tenui studio gloria acquiri potest.
Or, comme j’ai eu pour m’accompagner dans ce labeur, important, bien sûr, et difficile, un jeune homme savant et travailleur, Bartolomeo Barbadoro2 (que j’ai toujours apprécié pour son intelligence et sa culture classique), je souhaite l’associer à la louange, si un travail si pointu mérite quelque gloire.
Quanquam nobilissimos uiros et pulcherrimarum rerum scientia politissimos, honeste olim in eo uersatos accepimus.
Nous avons accueilli aussi des hommes connus et très férus de belles lettres et versés de longtemps dans cet auteur.
Et sane si spectetur utilitas, quae profecto ingens capitur e diligentia posita in emendandis, autoritate ueterum librorum, antiquorum monimentis, res praemio hoc uirtutis atque honestorum factorum carere non debet.
Et bien sûr, si l’on visait l’utilité, laquelle est immense quand elle vient de l’application à corriger, par l’autorité des vieux livres, les témoignages antiques, ce projet ne devrait pas manquer la palme de l’honneur et des bonnes actions.
Nam quin molestum in primis atque operosum hoc negotium sit, nemo dubitare potest ; sed magis hoc cognitum ac perspectum habent qui id experti sunt, et aliquando in eo occupati fuere.
Car que cette entreprise soit pénible au début et laborieuse, personne ne peut en douter ; mais on le sait avec encore plus de certitude quand on l’a soi-même expérimentée et qu’on s’en est quelquefois occupé.
Non paenitebit autem nos tantos labores in alieno opere suscepisse, si gratos illos et acceptos studiosis ingenuarum artium esse intelligemus.
Mais nous ne regretterons pas d’avoir confié un si dur labeur au travail d’autrui3 si nous sommes sûrs qu’il est agréable aux spécialistes des belles lettres et bien reçu d’eux.
Dignus certe semper nobis hic poeta uisus est, et propter sententiarum grauitatem, et propter elegantiam sermonis, in quo purgando cuncti, qui id facere possent, omnes ingenii sui uires contenderent.
Certes, notre poète nous a toujours paru mériter, en raison de la gravité de ses maximes et l’élégance de sa langue, que tous ceux qui en sont capables mettent toutes leurs forces à l’éditer proprement.
Et sane consensus duorum doctissimorum atque eruditissimorum uirorum, qui in hoc elaborarunt, eiusdem iudicii fuisse illos declarauit.
Et bien sûr l’accord de deux très grands savants et érudits qui ont travaillé là-dessus a montré qu’ils étaient du même avis.
Multa uero quae ualerent ad eum ornandum et ad utilitatem, quae ex accurata eius lectione capi potest, ostendendam, conmemorare non libet.
Mais tout ce qui sert à le parer et à prouver l’utilité qu’il y a à pouvoir le lire après une révision précise, je n’ai pas à cœur de le rappeler.
Magnis enim ille crebrisque testimoniis grauissimorum et Graecorum et Latinorum scriptorum celebratus est et non ut poeta solum, sed etiam ut philosophus ac scientia reconditarum artium ornatus.
Car il a été encensé dans nombre de beaux passages des plus grands auteurs grecs et latins et non pas seulement en tant que poète mais aussi en tant que philosophe et qu’auteur doté de connaissances ésotériques.
Nam quantopere etiam studium suum adiuuerit, ac quantum dignitatis ei adportarit, quod prius rude admodum atque inchoatum ferebatur (quamuis summum ipsius attingere non potuerit), ab utriusque linguae magnis auctoribus memoriae mandatum est.
Car combien il a lui-même favorisé son étude, combien de gloire lui a apporté ce qui avant lui se transmettait encore brut et inachevé (même s’il n’a pas pu atteindre la cime de ce savoir), cela a été rappelé par les grands auteurs des deux langues.
Volui etiam, humanissime lector, tibi quid de scholiis quae inueniuntur in antiquis libris, sentirem, ostendere, simulque quantum numerum bonitatemque eorum auxerim, quae in Aeschylum antea excusa fuerant, libellumque hunc multis partibus meliorem reddiderim, indicare.
J’ai voulu aussi, très érudit lecteur, te donner mon avis sur les scolies qu’on trouve dans les exemplaires anciens, également indiquer quelle quantité et quelle nature de scolies j’ai ajoutées à celles qui avaient été auparavant éditées sur Eschyle et comment j’ai amélioré ce livre en beaucoup d’endroits.
Declarationes igitur has non contemnendas plerunque arbitror, quippe quum uideam, Eustathium Homeri interpretem, qui ultimis Graeciae temporibus floruit magnaeque auctoritatis grammaticus habitus est, earum testimonio saepe niti, atque ipsas diligenter citare.
Je suis souvent d’avis qu’il ne faut pas négliger ces éclaircissements, d’autant que je constate qu’Eustathe, le commentateur d’Homère qui vécut aux derniers temps de la Grèce et compte comme un grammairien de grande autorité, s’appuie souvent sur eux et les cite beaucoup.
Arbitrorque non paucas ipsarum, particulas esse iustorum commentariorum, quae inde sumptae, commoditatis causa, ut parata aliquis haberet quae notionem externae aut priscae uocis traderent aut consuetudinem aliquam referrent, translatae postea sint in libros ipsos poetarum.
Et je suis d’avis que nombre d’entre elles sont des bribes de commentaires réguliers qui, extraites de là par commodité, pour qu’on dispose de notions toutes prêtes sur un mot étranger ou archaïque ou sur un usage particulier, ont ensuite été transportées jusque dans les livres mêmes des poètes.
Cognoui enim hoc contigisse in multis antiquissimis Aristotelis exemplaribus, ut declaratiunculae multae quae illic leguntur, (siue illi libri rationem disserendi, siue res naturales tradant, siue partem aliam philosophiae explicent) haustae sint e magnis plenisque doctissimorum uirorum, Alexandri, Simplicii, Philoponi uoluminibus.
Car je sais qu’il est arrivé dans beaucoup d’exemplaires très anciens d’Aristote que de nombreuses notules qu’on y lit (soit dans les livres de dialectique ou de sciences naturelles ou d’autres parties de la philosophie) soient tirées de grands ouvrages complets de grands savants, Alexandre, Simplicius, Philopon.
Illae autem, quum semel studio alicuius in opus ipsum auctoris transierant, fiebat ut semper qui illum auctorem describeret, notaret etiam quae in margine eius exemplaris adposita forent.
Or ces notes, une fois qu’elles étaient passées du livre de quelqu’un à l’ouvrage même de l’auteur, il arrivait que celui qui transcrivait l’auteur notât aussi les notes marginales ajoutées au modèle.
Neque tamen eiusdem auctoritatis fideique omnes esse iudico, ut nec omnia etiam commentaria quae in antiquos scriptores confecta sunt eandem diligentiam eruditionemque prae se ferunt.
Mais je ne crois pas que toutes les notes soient de même autorité et valeur, pas plus que tous les commentaires qui ont été faits sur les auteurs antiques ne valent par le même intérêt et la même érudition.
Vt autem libere loquar quod sentio de scholiis iis quae in tres nobilissimos tragicos circunferuntur, puto haec quae in Aeschylum leguntur, in uetustissimo praesertim nostro exemplari, meliora caeteris et eruditiora esse ; primasque ipsis libenter detulerim ; secundas uero Sophocleis, et illis maxime quae Romae primum separatim excusa fuerunt : nam ipsa postea creuere, opera cuiusdam qui magis numerum eorum augere uoluerit quam intelligentiam eius poetae adiuuare studuerit.
Or pour parler librement de mon sentiment sur les scolies qui circulent sur les trois célèbres Tragiques, je pense que celles qu’on lit sur Eschyle, et surtout dans notre très vieil exemplaire, sont meilleures et plus savantes que les autres ; et je leur donnerais volontiers la première place ; la seconde aux scolies à Sophocle et surtout à celles qui ont été imprimées pour la première fois séparément à Rome4 : car ensuite il y en a eu davantage par l’œuvre d’un quidam qui a voulu en augmenter le nombre plutôt que de s’appliquer à améliorer l’intelligence de ce poète.
Immiscuit enim cum ipsis nonnulla doctrina et acumine priorum illorum indignissima.
Car il en a ajouté quelques-unes qui sont très en deçà de la science et de la pertinence des premières.
Quae in septem Euripidis tragoedias declarationes editae sunt, minores multo inferioresque doctrina esse existimo.
Les scolies éditées sur sept tragédies d’Euripide sont faibles et très inférieures en savoir, à mon avis.
Nam hoc etiam affirmare non dubitarim, quod scio, Graecum hominem qui Sophoclea primum scholia, formis excusa, diuulgauit, descripsisse ipsa e nostro hoc exemplari : ac praeterea illa quae apud nos abhinc annis sexaginta in Apollonium Rhodium excusa sunt una cum opere ipso poetae, ab eodem libro fluxisse.
Car je n’hésiterais pas à affirmer que, à ce que je sais, le Grec qui a le premier imprimé et commercialisé les scolies à Sophocle5 a fait sa transcription à partir de notre exemplaire et qu’en outre les scolies à Apollonios de Rhodes qui sont sorties de chez nous il y a soixante ans avec le texte même du poète, sont issues de ce même livre.6
Quod ualet etiam ad nobilitatem huius uoluminis ostendendam auctoritatemque ei undique ac gratiam conciliandam, quum inde tot commoda in studiosos bonarum artium profecta sint.
Ceci vaut pour prouver la notoriété de ce volume et son autorité et pour lui valoir de la reconnaissance, puisque tant d’avantages en résultent pour les amateurs des belles lettres.
Neque tamen, iis solum retentis quorum uestigia in nostro antiquissimo exemplari impressa sunt, caetera reieci quae prius excusa, illinc absunt.
Mais je n’ai pas seulement retenu les scolies imprimées dont il y avait trace dans notre très vieil exemplaire pour rejeter toutes celles qui, imprimées déjà, en étaient absentes.
Illa enim quoque utilia puto ac posse aliquando sua luce caliginem alicuius obscuri apud poetam loci discutere censeo.
Car j’estime qu’elles aussi sont utiles et je juge qu’elles peuvent parfois dissiper de leur lumière les ténèbres de tel passage obscur chez le poète.
Hoc tamen testificari uolo plurima quae in excusso antea uolumine leguntur explanata ita ut singulis poeticis uocibus statim redditae sint earum declarationes, in nostro calamo antiquitus exarato libro inueniri sine tam accurata minutaque omnium uerborum expositione, quod contentus auctor eorum fuerit aut ordinem uerborum monstrasse, aut ueterem aliquem morem tradidisse, aut aliquid, quod ad artem pertineret, admonuisse neque tantopere diffisus ingenio fuerit eruditionique lectoris, ut egere illum semper singularum uocum, non reconditarum etiam, propinqua coniunctaque explanatione iudicarit.
Mais je veux témoigner que la plupart de celles qu’on lit imprimées dans l’édition antérieure, énoncées pour que les éclaircissements qu’elles donnent soient aussitôt affectées à chaque mot poétique, se trouvent dans le vieux livre tracé à la plume, avec moins de précisions et d’explications détaillées de tous les mots, parce que leur auteur s’est contenté soit de montrer l’ordre des mots, soit de transmettre une coutume antique soit de préciser quelque point technique sans douter à ce point de l’intelligence et du savoir du lecteur qu’il pensât qu’il lui fallût toujours, pour chaque mot, y compris simples, une explication proche et accrochée.7
Nam hoc etiam asseuerare ausim in nullis aliis tragicorum scholiis plura inueniri quae ad artificium huius poematis ostendendum pertineant ac studiosos eius percipiendi magis adiuuare queant.
Car je n’irais pas jusqu’à dire qu’on ne trouve nulle part ailleurs dans les scolies aux tragiques de remarques illustrant la technique de ce poème et susceptibles d’aider les savants qui veulent en savoir plus.
Quod si genere aliquo declarationis alicuius tragici poetae scripta egebant, hae ipsae in primis Aeschyli fabulae id requirebant, quum infinitis locis obscurae admodum sint inuenianturque in ipsis multa nomina ualde a consuetudine remota.
Si les œuvres d’un poète tragique avaient besoin d’un genre d’éclaircissement, ce sont surtout celles d’Eschyle qui le réclamaient, vu qu’en de nombreux passages elles sont très obscures et qu’on y trouve beaucoup de vocables qui ne sont absolument pas usuels.
Ille enim, ut undique amplum grandeque id poema efficeret, et plura quam alii eiusdem loci uerba nouauit, et uetusta etiam peregrinaque liberius usurpauit.
Car Eschyle, pour rendre partout son poème ample et solennel, a fait des néologismes plus nombreux que ses collègues de même genre et a aussi volontiers utilisé des mots archaïques et étrangers.
Quae omnia nisi explicata forent, molestiam saepe lectori non paruam exhiberent impetumque eius uehementer retardarent.
Si tous ces termes n’étaient pas expliqués, ils produiraient souvent de l’ennui chez le lecteur et retarderaient vivement son intérêt.
Neque tamen ille unquam, dum seruit amplitudini eius poematis, nitorem atque elegantiam sermonis neglexit.
Et pourtant il n’a jamais, en servant la majesté de son poème, négligé l’éclat et l’élégance de la langue.
Aspersa enim est oratio ipsius suauissimis quibusdam quasi floribus, qui exornant eam magnopere et undique concinnam ac politam reddunt.
Car son discours est parsemé de sortes de fleurs très suaves qui le parent avantageusement et le rendent partout harmonieux et lisse.
Iuuit autem me praecipue, quum breui in margine nostri illius libri significatum inueni, hoc aut illud ad imitationem Homeri prolatum fuisse omnesque illas animaduersiones diligenter collegi, siue illae eodem pacto usurpatum uerbum aliquod fuisse ab Aeschylo, quo a principe poetarum, ostenderent, siue sententiam quampiam haustam esse e fonte eodem pulcherrimarum grauissimarumque sententiarum demonstrarent.
J’ai apprécié surtout, quand j’ai trouvé le sens dans une courte note marginale dudit manuscrit en notre possession, que tel ou tel passage ait été écrit à l’imitation d’Homère et j’ai soigneusement collecté ces remarques, soit qu’elles montrent que tel mot a été utilisé de la même façon par Eschyle que par le prince des poètes, soit qu’elles prouvent que telle maxime a été puisée à la même source des plus belles et graves maximes.
Nam omnibus in rebus Aeschylum summum Homeri imitatorem extitisse admiratumque semper esse ingenium et eruditionem ipsius, ab optimis auctoribus proditum est, quum idem etiam (ut erat probus uir, ac simplicis naturae) feratur solitus dicere tragoedias suas exiguas esse partes amplarum Homeri cenarum.
Car en tout Eschyle s’est montré le meilleur imitateur d’Homère, il a toujours admiré son génie et son savoir, la chose a été transmise par les meilleurs auteurs, vu que lui-même (en homme honnête et simple qu’il était) avait, dit-on, coutume de dire que ses tragédies étaient des miettes des grands banquets d’Homère.
Quod quum, ut multa alia, Graece melius dicatur, ita tamen quoque expositum, declarat quantum honorem ipse habuerit eximio poetae et quantopere se adiutum ingenio ipsius inuentioneque fateretur.
Le mot, comme souvent, est mieux dit en grec mais, même exposé sous cette forme, il signale le degré d’honneur qu’il devait au poète par excellence et le degré d’aide qu’il avouait avoir puisée au génie et à l’invention d’Homère.
Labores autem quos sustinui in scholiis iis, quae adiunxi, eruendis ex antiquo exemplari et ordine suo collocandis (quum ob uetustatem illud multis locis paene deletum sit) ac fastidia quae in tam humili minutoque opere deuoraui commemorare non libet.
Le travail que m’a coûté l’ajout des scolies que j’ai tirées de mon vieil exemplaire et mises à leur place (bien que l’âge l’ait en beaucoup d’endroits bien abîmé) et l’ennui que j’ai subi dans ce travail si humble et minutieux, je n’ai pas à cœur de le rappeler.
Neque enim quicquam unquam quod prodesse possit studiosis aut nimis arduum aut me indignum putabo.
C’est que jamais je ne jugerai un travail utile aux savants trop difficile ou dégradant.
Vale.
Porte-toi bien.