Présentation du paratexte
Argument des Sept contre Thèbes par Johannes Caselius. Le texte s’attache à évoquer la famille des Labdacides tout entière, depuis Belus jusqu’au sujet de sa pièce en comparant différentes versions du mythe.
Bibliographie :Argumentum tragoediae Aeschyli, Septem ad Thebas ducum.
Argument de la tragédie d’Eschyle, les Sept contre Thèbes.
Mutuum Œdipi filiorum exitium continet haec tragoedia.
Cette tragédie contient la mort mutuelle que se donnent les fils d’Œdipe.
Illius autem calamitatis ut prima semina aperiamus, et omnem seriem exponamus, altius erunt aliqua repetenda, et referenda plenius.
Pour faire voir les premiers germes de ce malheur et exposer toutes ses conséquences, il faudra remonter assez loin et rapporter des détails précis.
A Belo rege Aegypti et Syriae genus Œdipo fuit.
Œdipe descendait de Bélus, roi d’Égypte et de Syrie.
Erant enim Belo tres fili, Aegyptus, Danaus, Agenor.
De fait, Bélus avait trois fils, Aegyptus, Danaüs, Agénor.
Danaus et filius Aegypti Lynceus Chemmitae1, ut est apud Herodotum in Euterpe, (fuit autem Chemmis, Aegypti urbs in regione Thebaica) ex Aegypto in Peloponnesum migrarunt ; Danaus, eiecto Gelanore, regnum occupauit Argiuorum ; Lynceus deinceps, cui nupta erat Hypermnestra Danai filia, socerum sustulit.
Danaüs et Lyncée, le fils d’Aegyptus, natifs de Chemmis, comme le dit Hérodote dans Euterpe (Chemmis était une ville de l’Egypte dans la région de Thèbes) migrèrent d’Égypte dans le Péloponnèse : Danaüs, après avoir démis Gélanor, occupa le trône d’Argos ; ensuite Lyncée, à qui avait été mariée Hypermnestre, la fille de Danaüs, mit à mort son beau-père.
Sed illa persequi neque nostri instituti est neque huius loci.
Mais ce n’est ni l’objet ni le lieu de poursuivre cette narration.
Agenoris regis Phoenicum mentio non est praetermittenda.
Il ne faut pas oublier de mentionner Agénor roi des Phéniciens.
Cadmus enim Agenoris filius, qui litteras primus et honestas disciplinas e Phoenicia in Graeciam transtulisse creditur, principium familiae dedit, et fundamenta iecit Thebanae ciuitatis in Boeotia.
En effet, Cadmus, fils d’Agénor, qui le premier, croit-on, avait fait passer les honnêtes disciplines de la Phénicie en Grèce, établit l’origine de sa famille et posa les fondements de la cité de Thèbes en Béotie.
Boeotiam olim incolebant barbari Aones et Temnites e Sunio euagati, et Leleges, Hyantes2, ut libro nono geographiae scribit Strabo.
Des barbares aoniens et temniens venus de Sunium habitaient jadis la Béotie, de même que les Lélèges et des Hyantes, comme l’écrit Strabon dans le neuvième livre de la Géographie.
Paullo refert haec aliter Pausanias in Boeoticis : nec mirum.
Pausanias rapporte autrement ces évènements sur les Béotiens, ce qui n’est guère étonnant.
Prisca namque illa non perinde diligenter fuerunt consignata litteris : imo in recentibus, quaeque huius memoriae sunt, saepe narrationes dissentiunt.
Le fait est que ces évènements antiques n’ont pas été consignés par écrit avec le même soin, et même sur les évènements récents et de ce temps, les narrations divergent souvent.
Pausanias ait, in ea regione, ab ultima hominum memoria habitasse Hectenas ; fuisse Hectenum regem ibidem ortum, Ogygium nomine ; ab hoc appellatas a poetis Thebas Ogygias ; Ogygiae uero etiam ab Aeschylo nominantur34 ; gentem Hectenum uniuersam graui pestilentia fuisse funditus deletos : deserta tum ab hominibus loca occupasse Hyantes et Aones : quos tamen ille scriptor haudquaquam aduenas, sed origine Boeotos fuisse existimat. Cadmus, inquit, cum sequentibus saeculis aduenisset cum copiis Phoenicum, Hyantes proelio fudit: qui ex Hyantibus caesi non fuerant, altera nocte elapsi sunt: reliqui erant Aones, qui moniti illorum calamitate, se Cadmo dedidere supplices : hic supplicibus pepercit, neque exclusit a Phoenicum consuetudine, potestatem tamen tantum per uicos propinquos habitandi, fecit : ipse autem editiore loco oppidum condidit, cui de suo nomine Cadmeae nomen indidit : Cadmea postea arx fuit ; cum crescente multitudine ciuium, ut paulo post ostendemus, Thebae deinceps fuere conditae humiliore loco. 5
Pausanias dit qu’aux fondements de l’humanité les Ectènes habitaient cette région ; qu’y était né un roi Ectène du nom Ogygius ; que de là les poètes avaient appelé Thèbes Ogygies (les Ogygies sont mentionnés par Eschyle) ; que le peuple des Ectènes fut entièrement décimé par une grande peste ; puis que les Hyantes et les Aoniens avaient occupé ces lieux alors déserts d’hommes : cependant cet illustre auteur ne pense nullement qu’ils étaient étrangers, mais originaires de Béotie. Ensuite, dit-il, alors qu’il était venu plusieurs siècles plus tard de Phénicie avec une armée, Cadmus combattit les Hyantes, et les défit ; ceux des Hyantes qui n’avaient pas été massacrés s'enfuirent la deuxième nuit ; demeuraient les Aoniens, qui, avertis par le sort funeste des Hyantes, se présentèrent à Cadmus en suppliants ; ce dernier les épargna et ne leur interdit pas de se mêler aux Phéniciens ; mais il leur permit seulement d’habiter dans des villages voisins. Par ailleurs, il fonda, sur un lieu assez élevé, une ville qui du nom de son fondateur fut appelée Cadmée ; ensuite Cadmée devint une citadelle, lorsque, le nombre des citoyens s’étant accru, (comme nous le montrerons par la suite) Thèbes fut ensuite fondée en contrebas.
Nolo hic multis referre quae poetae de nuptiis Cadmi, quando filiam Martis et Veneris Harmonian duxerit, deque Cadmi filiabus, tradunt.
Je ne veux pas m’attarder longtemps sur les récits que font les poètes sur les noces de Cadmus, lorsqu’il épousa Harmonie, la fille de Mars et de Vénus, et sur les filles de Cadmus.
Cadmi filius fuit Polydorus, ex Europane Syria, an ex Harmonia ? Ex hac6, si sequimur Euripidem in Phoenissis.
Polydore fut-il le fils que Cadmus eut de la Syrienne Europe ou d’Harmonie ? De la seconde, si l’on suit Euripide dans les Phéniciennes.
Cadmus ex Boeotia migrauit in Illyrios, et Illyrios quidem Encheleas dictos, et filio regnum Cadmeae tradidit.
Cadmus migra en Illyrie, en tout cas chez les Illyriens qu’on nomme Enchéléens, et transmit le royaume de Cadmée à son fils.
Regi Polydoro natus fuit Labdacus.
Le roi Polydore eut pour fils Labdacus.
Ille moriturus filio dedit tutorem Nycteum : eandem tutelam, moriente Nycteo, frater in se recepit Lycus, et initio regnum administrauit, et deinceps, fide prisca, Labdaco, cum iam adoleuisset, restituit.
Sur son lit de mort il donna Nyctée comme tuteur à son fils ; à la mort de Nyctée, son frère Lycos reçut la même tutelle et administra au début le royaume ; ensuite, conformément à sa parole, il le restitua à Labdacus qui était déjà grand.
Labdacus, nato sibi Laio, non diu superstes fuit, et ipse quoque moriens Lyco filii tutelam credidit .
Labdacus, après la naissance de son fils Laïos, ne survécut pas longtemps et lui-même à sa mort confia à Lycos la tutelle de son fils.
Ceterum tutelam iterum gerente Lyco, Amphion et Zethus, Antiopes filii cum copiis Cadmeam regionem inuadunt, et proelio Lycum superant, cum quidem, quibus genus Cadmi curae esset, surripuissent Laium.
Du reste, alors que Lycos exerçait à nouveau sa tutelle, Amphion et Zéthos, les fils d’Antiope, envahissent Cadmée avec des troupes et défont Lycos, alors que ceux qui avaient le soin de la descendance de Cadmus avaient mis Laïos en sécurité.
In illo dominatu duo, quos dixi fratres, Thebas prope Cadmeam, ut paulo ante meminimus, condiderunt: nomen oppido fecerunt de Thebae propinquae nomine.
Durant leur règne, les deux frères dont je viens de parler fondèrent près de Cadmée Thèbes, comme nous l’avons évoqué un peu plus tôt : ils donnèrent ce nom à la ville d’après le nom d'une parente, Thébé.
Sed conditores eos esse Thebarum, Homerus quoque in Necyia testatur, ubi sic inquit Vlysses.
Homère aussi témoigne qu’ils furent les fondateurs de Thèbes dans la Nekuia, où Ulysse dit :
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« Après elle, j'ai vu Antiope, fille d’Asopus, qui se vantait d’avoir dormi dans les bras de Zeus lui-même, et elle a donné naissance à deux fils, Amphion et Zéthus, les premiers à établir le siège de Thèbes à sept portes et à l’entourer de murs, car ils ne pouvaient pas habiter la vaste Thèbes sans clôture, si puissants qu'ils fussent. »
Quod autem poetae canunt, carminibus Amphionis excitatos fuisse muros Thebarum : hoc indicant, in arte Musica praestitisse : id quod de excellenti hominis sapientia et eloquentia intelligendum est.
Par ailleurs, les poètes chantent que les murailles de Thèbes furent élevées par les chants d’Amphion : ils indiquent par là qu’il a excellé dans l’art de la musique, ce qu’il faut comprendre en lien avec la sagesse et l’éloquence excellente de cet homme.
Sed aiunt Amphionem inuexisse modum Lydium, quem didicerit, quod affinitate coniunctus esset Tantalo, et tribus lyrae cordis tres adiecisse insuper alias.
Ils disent qu’Amphion avait importé le rythme lydien, qu’il avait appris grâce aux liens que son mariage lui avait fait tisser avec Tantale, et qu’aux trois cordes de la lyre il en avait ajouté trois nouvelles.
Cum repente omnes occidissent, (Amphion enim cum suis peste periit, Zethum filium nescio ob quod factum sustulit ; Zethus ipse uitam maerore finiit) regno restituerunt Thebani Laium.
Alors que tous étaient morts soudainement, (car Amphion et les siens périrent de la peste, il reconnut pour fils Zéthos pour je ne sais quel motif ; Zéthos, quant à lui, mourut de chagrin) les Thébains rendirent le trône à Laios.
Cum Laius per uim abripuisset, et extrema contumelia Chrysippum, Pelopis non ex Hippodamia, Œnomai filia, sed ex alia filium, affecisset ; ibi Pelops omnibus illum diris deuouit, eique imprecatus est a proprio filio exitium, quod eidem quoque portendebat oraculum.
Alors que Laïos avait enlevé par la force, et qu’il avait souillé du dernier outrage Chrysippe, fils de Pélops et qui l'avait conçu non pas d’Hippodamie, fille d’Oenomaos, mais d’une autre femme, Pélops le voua à toutes les furies et il lui souhaita de mourir de la main de son propre fils, ce que l’oracle lui prédisait également.
Cum enim uxorem duxisset Iocastam, Menoecei filiam Creontis sororem, (falso haec apud Diodorum Creontis filia dicitur8) neque liberos aliquamdiu ex ea susciperet ; abiit ipse Delphos sciscitatum oraculum, petens simul prolem masculam.
En effet, alors qu’il avait épousé Jocaste, fille de Ménécée et sœur de Créon (chez Diodore, il est dit à tort qu’elle était la fille de Créon) et que pendant les premiers temps il ne concevait pas d’enfant avec elle, il partit à Delphes pour questionner l’oracle, lui demandant en même temps une descendance masculine.
Apollinis responsum sic extulit interpres Euripidis.
Un scholiaste d’Euripide a ainsi rapporté la réponse d’Apollon :
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« Laïos, fils de Labdacus, tu demandes une naissance heureuse d’enfants. Je te donnerai un fils chéri ; cependant, il est écrit par le destin que tu perdras la vie par les mains de ton fils. C’est ainsi que l’a voulu Zeus, fils de Cronos ; il s’est laissé convaincre par les terribles imprécations de Pélops, à qui tu as enlevé son fils chéri. C’est lui qui a prié pour que tu subisses tout cela. »
Verum securus futuri Laius nihilominus liberis operam dabat, sed natum filium, recordatus oraculi, iamque exitium metuens, e medio tolli inhumana et plus quam barbara expositionis consuetudine, iubebat, talis illius ferro transfossis, unde postea Œdipus a pedum tumore fuit appellatus.
Sans souci de son avenir, Laïos ne donnait pas moins de soin à engendrer des enfants, mais, une fois son fils né, se rappelant l’oracle et craignant déjà sa mort, il ordonna qu’on l’enlève selon la coutume inhumaine et plus que barbare de l’exposition après lui avoir percé les talons d’une épée, d’où cet enfant fut ensuite nommé Œdipe d’après la tumeur que présentaient ses pieds.
Tantamne in parentes crudelitatem cadere?
Une si grande cruauté s’exercer contre des parents ?
Quibus res mandabatur, uel qui expositos, quantumuis alieni, inuenissent, plerumque misericordia, uitae consulebant infantium.
Ceux à qui était confiée cette mission ou qui avaient trouvé les enfants exposés, bien qu’étrangers, prenaient généralement, par miséricorde, soin de la vie des nourrissons.
Non solum enim comicis credimus, sed etiam historiis.
En effet, nous nous fions sur ce point aux comiques mais aussi aux historiens.
Illi enim, quae saepe fierent, retulerunt: hae uero, quae accidissent.
Les premiers nous ont rapporté les habitudes, les seconds les évènements.
Ita qui ex familia regis exponendum acceperant infantem, ad Polybum regem Corinthium; ipsi detulerunt : uel, ut ab aliis scribitur, qui in monte Cithaerone ab illis expositum, pastores inuenerunt, ad Polybum detulerunt, seu Polybi uxori, quae sterilis esset, donarunt.
Ainsi, ceux que la famille du roi avait chargé d’exposer l’enfant le portèrent d’eux-mêmes à Polybe, roi de Corinthe ; ou, d’autres l’écrivent, des bergers, l’ayant trouvé exposé par d’autres sur le mont Cithéron, le portèrent à Polybe ou le donnèrent à l’épouse de Polybe parce qu’elle était stérile.
Itaque educatus in regia Corinthi adoleuit: cumque ei quispiam generis obscuritatem obiiceret, uel, ut Diodorus ait, cum sibi strui insidias inaudisset10 ; Delphos iter instituit, de genere rebusque suis sciscitatum.
C’est pourquoi, ayant été éduqué à la cour de Corinthe, il grandit ; et, comme quelqu’un lui reprochait l’obscurité de sa naissance, ou, comme le dit Diodore, comme il avait eu vent d’un complot fomenté contre lui, il décida de faire route vers Delphes pour connaître sa famille et sa naissance.
Œdipo Pythia, non quod scire aueret, sed aliud respondebat: futurum scilicet, ut et patrem suum ipse interficiat, et cum matre corpus misceat.
La Pythie répondit à Œdipe non ce qu’il désirait savoir mais lui fit une autre réponse, lui disant Qu’à l’évidence il tuerait son père et coucherait avec sa mère.
Quo ille grauiter oraculo perturbatus, fugiendam sibi in perpetuum Corinthum, neque ad Polybum reuertendum putauit, ne in se tam atrox et nullis ante saeculis auditum flagitium committeret.
Lors, gravement perturbé par cet oracle, il pensa qu’il devait fuir pour toujours Corinthe et ne pas retourner chez Polybe pour ne pas commettre un crime contre lui si atroce et inouï à ce jour.
Arbitrabatur enim, cum oraculo secus non erudiretur, hos sibi parentes esse.
En effet il pensait, puisque l’oracle ne lui avait pas donné plus d’informations, qu’il s’agissait là de ses parents.
Cum Œdipus Delphis discederet, eodem tempore Laius Delphos et ipse contendit, quaesitum, ut se de exposito infante res haberet ; in uia, idque in Phocide obuiam factus Œdipo Laius ; uel ipsemet, uel satellites, insolenter et cum imperio, occurrentem Œdipum de uia iubent decedere ; grauiter hoc sane tulit excelsi animi iuuenis, tantae seruitutis insolens ; subito ad arma uentum est ; neque fuit tantum superior Œdipus, sed etiam manu sua et patrem, quem tamen ipse minime patrem esse suspicaretur, et quotquot erant satellitum, iugulauit ad unum, qui cladem hanc domum nuntiaret.
Au moment même où Œdipe quittait Delphes, Laïus fait lui aussi chemin vers Delphes pour demander ce qu’il en était du nourrisson qu’il avait fait exposer ; sur la route, en Phocide, Laïus se trouva face à face avec Œdipe ; ou lui-même ou ses compagnons, avec insolence et hauteur, ordonnent à Œdipe qui vient à eux de quitter la route ; le jeune homme à l’excellent caractère le supporte fort mal, peu habitué qu’il est à être traité comme un serviteur ; soudain on en vint aux armes ; Œdipe l’emporta mais tua également de sa main à la fois son père, dont cependant il ne soupçonnait pas le moins du monde qu’il s’agissait de son père, et tout ce qu’il y avait de compagnons, à l’exception d’un qui rapporterait chez lui la nouvelle du massacre.
Eodem uero etiam tempore exortum fuit monstrum illud nobile, biformis bellua, cui Sphingi nomen fuit.
Or, au même moment, avait fait son apparition ce célèbre monstre, cette bête hybride appelée Sphinge.
Hanc Sphingem cuique praetereuntium perplexam quaestionem proposuisse fabulantur, confecisseque omnes ordine et absumpsisse, quoniam nemo omnium eo erat acumine ingenii, qui tam obscurum aenigma solueret.
Cette Sphinge, dit-on, posait une devinette à ceux qui venaient à elle, les tuait et les mettait à mort l’un après l’autre, puisqu’aucun d’eux n’était assez intelligent pour résoudre une si obscure énigme.
Ibi multis quotidie misere pereuntibus, propositum fuit praemium, quod dari posset maximum, nuptiae reginae uidelicet, ipsumque regnum, si quis hoc monstrum conficeret.
Alors que chaque jour bien des hommes périssaient d’un sort funeste, on proposa la récompense la plus grande possible, c’est-à-dire, évidemment, de prendre la reine en mariage et en même temps le royaume, si on venait à bout de ce monstre.
Aenigma istud nemini hodie non notum, his comprehensum celebratur uersibus :
Aujourd’hui, tout le monde connaît cette énigme, embrassée dans ces vers :
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« Il y a sur la terre une chose à deux pieds, à quatre pieds et à trois pieds, dont le nom est un, et elle change de nature seule de toutes les créatures qui se meuvent en rampant sur la terre ou dans l’air et la mer. Mais lorsqu’elle se déplace en s’appuyant sur la plupart de ses pieds, la rapidité de ses jambes est à son plus faible. »
Antequam caetera huc proprie pertinentia, persequar, non fecero praeter officium, si sphingis interpretationem proferam, quam Cebes initio Tabulae suae, quae nobis iter ad uirtutem, ueluti penicillo delineatum, ostendit, proposuit.
Avant de rapporter le reste des éléments liés en propre à notre pièce, je n’aurai pas outrepassé mon office si je rapporte l’explication de la Sphinge, que Cébès au début de son Tableau qui nous montre le chemin vers la vertu, propose comme dessiné au pinceau.
De Tabula primum loquens,
ἔστι γὰρ, inquit, ἡ ἐξήγησις
ἐοικυῖα τῷ τῆς Σφιγγὸς αἰνίγματι, ὃ ἐκείνη προεβάλλετο τοῖς ἀνθρώποις. εἰ
μὲν οὖν αὐτὸ συνίει τις, ἐσώζετο, εἰ δὲ μὴ συνίει, ἀπώλετο ὑπὸ τῆς Σφιγγός.
ὡσαύτως δὲ καὶ ἐπὶ τῆς ἐξηγήσεως ἔχει ταύτης. ἡ γὰρ ἀφροσύνη τοῖς ἀνθρώποις
Σφίγξ ἐστιν. αἰνίττεται δὲ τάδε, τί ἀγαθόν, τί κακόν, τί οὔτε ἀγαθὸν οὔτε
κακόν ἐστιν ἐν τῷ βίῳ. ταῦτ’ οὖν ἐὰν μέν τις μὴ συνιῇ, ἀπόλλυται ὑπ’ αὐτῆς,
οὐκ εἰσάπαξ, ὥσπερ ὁ ὑπὸ τῆς Σφιγγὸς καταβρωθεὶς ἀπέθνησκεν, ἀλλὰ κατὰ
μικρὸν ἐν ὅλῳ τῷ βίῳ καταφθείρεται καθάπερ οἱ ἐπὶ τιμωρίᾳ παραδιδόμενοι. ἐὰν
δέ τις γνῷ, ἀνάπαλιν ἡ μὲν ἀφροσύνη ἀπόλλυται, αὐτὸς δὲ σώζεται καὶ μακάριος
καὶ εὐδαίμων γίνεται ἐν παντὶ τῷ βίῳ.
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Parlant d’abord du Tableau, il dit : « Cette explication ressemble à l’énigme que la Sphinge proposait aux hommes. Si l’un d’eux l’entendait, il était sauvé. Mais celui qui ne l’entendait pas, la Sphinge le faisait périr. Il en est de même de cette explication, car Déraison est pour les hommes une Sphinge. Ce tableau laisse entendre ce qui est bien et ce qui est mal, et ce qui n’est ni bien ni mal dans le cours de la vie. Si donc il arrive à quelqu’un de ne pas entendre, Déraison le fait elle-même périr, non tout d’un coup, comme celui que la Sphinge faisait mourir en le dévorant ; mais, tout au cours de sa vie, elle le consume peu à peu, comme celui qui aux supplices est livré. Mais s’il entend, c’est Déraison au contraire qui périt. Quant à lui, il est sauvé, et il passe dans le bonheur et la félicité le cours entier de sa vie. »
Haec erudite, et ut philosopho dignum erat, ille Cebes.
L’illustre Cébès dit cela avec science et comme il était digne d’un philosophe.
Quid tamen mali fuerit illa Sphinx, affirmare in tantis priscae historiae tenebris perdifficile est : liceat nobis aliquid suspicari de graui seditione aut occulta coniuratione.
Il est très difficile de dire, dans les si grandes ténèbres de l’histoire antique, quel mal incarna cette Sphinge, mais on pourrait possiblement suspecter qu’il s’agisse d’une grave sédition ou d’une conjuration secrète.
Eius qui auctor sit, hunc et uaferrimum et crudelissimum esse, necesse est, ut fraudibus quamplurimos circumscribat, ceteros saeuitia cogat ; neque uero hos solum quos oppresserit, sed et illos, quos ad se pellexerit, perdit, aeque omnes, uel e uita tollens, uel quod non minus miserum est, bonis exuens.
Son potentiel auteur devait nécessairement être à la fois très adroit et très cruel pour élimer par la ruse le plus grand nombre d’hommes possible et tenir les autres dans la terreur ; il perd non seulement ceux qu’il a opprimés mais aussi ceux qu’il s’est ralliés, soit les tuant tous indistinctement, soit, ce qui n’est pas moins horrible, en les dépouillant de leurs biens.
Hoc monstrum qui conficiat, princeps ciuitatis merito habeatur : immo huic soli imperium iure deferatur.
Si quelqu’un se débarrassait de ce monstre, on le considèrerait à bon droit comme le premier de la cité : bien plus, c’est à juste titre qu’on confierait le pouvoir à ce seul homme.
Cui enim potius, nisi seruitutis auerruncatori, et libertatis uindici futuro diadema deferat ciuitas ?
En effet, à quel autre homme la cité confierait-elle la couronne si ce n’est à celui qui l’aura protégée de la servitude et aura vengé sa liberté ?
Pro summo enim beneficio, summum praemium decernitur.
Car en échange d’un souverain bienfait on décerne une souveraine récompense.
Quod autem beneficium dari maius posse uideatur, quam quod uniuersus populus esse tale censeat ?
D’ailleurs, quel plus grand bienfait pourrait être octroyé que celui qu’un peuple tout entier considère comme tel ?
Quod maius item praemium?
De même, quelle plus grande récompense ?
Œdipus, qui sapientia ualeret et manu, quidquid id fuit mali, facile sustulit.
Quelque mal que ce fût, Œdipe, qui tirait sa valeur de sa sagesse et de sa main, l’éradiqua facilement.
Si filum fabulae sequimur, aenigma soluit Œdipus : Sphingi monstrauit, hominem esse, de quo quaereret ; hunc namque in lucem editum humi quadrupedem repere ; deinceps uiribus confirmatum, cum iam illis firmis uteretur, bipedem ingredi : decrepitum denique, aetate malis confectum, scipione sustentatum, uix procedere tripedem : itaque Sphingem se de rupe praecipitasse.
Si nous suivons le fil de la fable, Œdipe résolut l’énigme : il répondit à la Sphinge que la réponse à son énigme était l’homme ; qu’en effet à sa naissance il rampait à quatre pattes ; qu’ensuite, affermi dans ses forces, alors qu’il les utilisait déjà fermes, il marchait sur deux jambes ; que vieux enfin, affecté par les maux de l’âge, s’appuyant sur un bâton, il peinant à marcher sur trois jambes : c’est pourquoi la Sphinge se précipita de la falaise.
Ita bene de omnibus meritus ille, ut putabatur, aduena Corinthius, nuptias reginae et regnum, praemii loco adeptus est, penitus ignarus, illam sibi matrem esse, hoc uero hereditatis iure sibi deberi.
Ayant rendu à tous, ainsi qu’on le pensait, un grand service, l’étranger corinthien obtint la main de la reine et le trône en guise de récompense, ignorant complètement qu’il s’agissait de sa mère et que le trône lui revenait par droit héréditaire.
Nupsit infelix Iocasta, infelici Œdipo, filio mater : fatalis calamitas fatalem calamitatem plerumque grauis grauiorem excipit.
La malheureuse Jocaste épousa le malheureux Œdipe, la mère le fils : généralement un malheur fatal prolonge un malheur fatal, un lourd malheur un malheur plus lourd.
Filio mater parit duos filios, et filias totidem: Eteoclem, Polynicem, Antigonam, Ismenen.
La mère engendre de son fils deux fils et autant de filles : Étéocle, Polynice, Antigone, Ismène.
Iocasta porro, tam graui errore animaduerso et diris deuouit filium, et ipsa laqueo uitam finiit.
En outre, Jocaste, une fois la lumière faite sur cette si grave méprise, voua son fils aux furies et se pendit.
Sic enim apud poetam Vlysses :
En effet, c’est ainsi que qu’Ulysse s’exprime chez le poète :
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« Et j'ai vu la mère des enfants d’Œdipe, la belle Épicaste, qui fit une chose monstrueuse dans l’ignorance de son esprit en épousant son propre fils ; et celui-ci, après avoir tué son propre père, l’épousa ; et sur-le-champ les dieux firent connaître ces choses parmi les hommes. Cependant, dans la belle Thèbes qui endurait des malheurs il régna sur les Cadméens par les funestes desseins des dieux ; mais elle descendit dans la maison d’Hadès, le puissant gardien, faisant un nœud coulant mortel du haut plafond, elle fut ravie par son propre chagrin ; mais derrière elle elle laissa pour lui d’innombrables malheurs, tout ce que les Furies d’une mère font passer. »
Ex hoc Homeri loco primum de exitu Iocastae cognoscimus : sed ex eodem Pausanias recte colligi putat, nihil ex Iocasta Œdipum liberorum suscepisse.
C’est d’après ce passage d’Homère que nous connaissons en premier lieu la fin de Jocaste : mais d’après le même passage Pausanias pense à juste titre qu’on peut comprendre qu’Œdipe n’a point conçu d’enfants avec Jocaste.
Quid enim, inquit, repente fama haec per mortales disseminata fuerit, si tot ante peperisset liberos ?14
Comment auraient-ils pu « le faire savoir sur-le-champ », si elle avait au préalable mis au monde tant d’enfants ?
Et huic sententiae suffragatur, quod mentionem liberorum poeta nullam facit.
Cet avis est soutenu par le fait que le poète ne fait pas mention des enfants.
Liberos autem illos procreasse ex Hyperphantis filia Eurygania, idem ostendit, quod proditum sit ab auctore Oedipodiorum et ab Onasia, qui Plataeadibus (tragedia ita inscripta a poeta, ni fallor) scripserit, de ingenti animi maerore Euryganiae, quo affecta fuerit, cum in proelio mutuis uulneribus ipsius filii occidissent.15
Le même montre qu’il eut ces enfants d’Euryganée, fille d’Hyperphas, comme le firent voir l’auteur de l’Oedipodie et Onasias qui peignit dans Les Platéens (la tragédie a été intitulée ainsi par le poète, si je ne m’abuse) un tableau d’Euryganée accablée d’un immense chagrin alors que ses fils avaient péri au combat de leurs blessures respectives.
Tragoedi uero, cum non historici sint, sed poetae, id est inuentores, neque tantum elocutionem addant, non solum quae accepissent ex ueris narrationibus in fabulas suas transtulerunt, sed, ueris etiam attexuerunt, quod ipsis quoque licuit, uerisimilia, et potissimum talia, quae admiratione et terrore maxime repleant spectarorum animos.
Les tragiques, parce qu’ils ne sont pas des historiens mais des poètes, c’est-à-dire des inventeurs et qu’ils ne se contentent pas de mettre en mots les choses, non seulement ont transposé dans leurs pièces les éléments qu’ils ont reçus de récits véridiques mais ils ont également mêlé à ces faits véridiques, ce qui leur a aussi été permis, des éléments vraisemblables et de préférence tels qu’ils frappent le plus l’esprit des spectateurs d’admiration et d’effroi.
Τραγικώτερα autem sunt omnia, si non ex Eurygania, sed ex infelicissima matre infelicissimos liberos infelicissimus pater susceperit.
Or toute l’histoire est plus tragique, si ce père si infortuné a engendré ses enfants si infortunés non d’Euryganée, mais de sa mère si infortunée.
Sed haec in medio relinquimus.
Mais nous laissons en suspens cette question.
Œdipus etiam cum uidisset, se parricidam patris, matris esse adulterum; ipse sibi oculos eruit, ueluti conspectum et iudicium hominum fugiens, seque in priuatam uitam abdidit, regno relicto filiis.
Œdipe également, puisqu’il avait vu qu’il était le parricide de son père, l’amant de sa mère, se creva les yeux, comme pour fuir le regard et le jugement des hommes, et se retira dans la sphère privée après avoir laissé le trône à ses fils.
Caecum deinceps filii in aedicula inclusum tenuerunt.
Ensuite ses fils le tinrent, aveugle qu’il était, enfermé dans le palais.
Pudebat enim eos patris et ortus sui.
Ils avaient en effet honte de leur père et de leur naissance.
Itaque impiis filiis imprecabatur, ut gladio belloque regnum partirentur ; quae dirae suum quoque exitum habuerunt.
C’est pourquoi il jeta une malédiction sur ses fils impies, les obligeant à se partager le trône par le glaive et la guerre ; et ces furies eurent aussi leur suite.
Initio autem inter fratres sic conueniebat, quo diras patris declinarent, ut alternis annis imperarent, ita, ut uno imperante, alter e ciuitate tantisper cederet.
Au début, pour éloigner les imprécations de leur père, les frères convinrent de commander une année sur deux, de sorte que, l’un gouvernant, l’autre quitterait la cité pendant ce temps.
Sic enim minus metuendum, ne armis aliquando dimicarent.
En effet, cet arrangement amoindrissait la crainte qu’ils combattent un jour par les armes.
Siue maior natu erat Polynices, et cum annum iam prior imperasset, pacti non immemor, concedens foras, fratri tradebat imperium, quod anno exacto reciperet, siue Eteocles erat maior natu, et prior imperabat16, (illud autem a grammaticis, hoc a Diodoro traditur) Eteocles certe noluit deinceps Thebas reuertenti et regnum reposcenti Polynici cedere.
Soit que Polynice fût l’aîné et parce qu’il avait déjà le premier gouverné un an, se souvenant du pacte et s’exilant, passa à son frère le pouvoir pour le récupérer l’année suivante, soit qu’Étéocle fût l’aîné et le premier commandât (le premier cas est rapporté par les grammairiens, le second par Diodore), il est certain qu’Étéocle refusa ensuite de céder le trône à Polynice qui regagnait Thèbes et le réclamait.
Argos igitur se Polynices ad Adrastum regem confugit.
Polynice s’enfuit donc à Argos chez le roi Adraste.
Sub idem uero etiam tempus Tydeus filius Œnei, cum in Calydone fratris filios, Alcithoum et Lycopem occidisset, Argos fugisse dicitur.
Or, au même moment, Tydée, fils d’Œnée, alors qu’il avait tué à Calydon Alcithoos et Lycops, les fils de son frère, avait, dit-on, fui à Argos.
Accepit ambos Adrastus perhumaniter, et ex oraculo quodam filias nuptum dedit, Polynici Augeam, Tydeo Deipylen.
Adraste accueillit les deux princes avec beaucoup d’humanité et, à la suite d’un oracle, leur donna en mariage ses filles, Augée à Polynice, Déipyle à Tydée.
Ita moribus et uirtute sua sese hi adolescentes sibi regem deuinxerant.
Ainsi ces jeunes hommes s’étaient attaché le roi par leurs mœurs et leur courage.
Quare et pro summa erga eos beneuolentia, et pro arctissima affinitate utrique recuperandi regni spem fecit, seque eos in patriam reducturum, recepit .
C’est pourquoi, en raison de sa grande bienveillance à leur égard et de leur lien très étroit, il conçut l’espoir de rendre à l’un et à l’autre leur trône et de les reconduire dans leur patrie.
Cumque in regnum priorem Polynicem restituere constituisset, ablegauit ad Eteoclem Tydeum, qui imperium Polynici repeteret.
Et alors qu’il avait en premier lieu résolu de remettre Polynice sur le trône, il manda Tydée auprès d’Étéocle pour réclamer le pouvoir pour Polynice.
Eteocles legatum non solum re dimisit infecta, sed etiam quinquaginta uiros in insidiis collocauit, qui Argos regredientem tollerent.
Étéocle renvoya le légat sans avoir accédé à sa demande, mais plaça également cinquante hommes en embuscade pour le supprimer sur le retour vers Argos.
Neque tamen haec fraudulenta uis plus potuit, quam fortitudo Tydei.
Et cependant cette violence déloyale eut moins de pouvoir que le courage de Tydée.
Omnibus namque a se ad unum interfectis Tydeus uiuus et incolumis Argos rediit.
En effet, après les avoir tous tués sauf un, Tydée revint vivant sain et sauf à Argos.
Haec noua iniuria Tydeum incendit et Adrastum.
Ce nouvel outrage enflamma Tydée et Adraste.
Quare Adrastus, quae opus essent ad expeditionem parauit omnia, et in belli foedus adsciuit Capaneum, Hippomedontem, et Parthenopaeum Atalantae, filiae Schoenei, filium.
C’est pourquoi Adraste prépara tout ce qui était nécessaire à l’expédition et s’adjoignit pour alliés dans cette guerre Capanée, Hippomédon, et Parthénopée, fils d’Atalante, fille de Schœnée.
Sex hisce accessit septimus ingratiis Amphiaraus, de arbitrio Euriphylae uxoris, Adrasti filiae, etsi praeuidebat exitium.
À ces six chefs s’ajouta un septième, Amphiaraos, contre son gré et sur l’avis de sa femme Euriphyle, fille d’Adraste, même si elle prévoyait son trépas.
Hi erant septem ad Thebas belli duces, qui septem locis, ad septem uidelicet portas dispositi, oppugnarent oppidum : atque in hoc ipso tantum cardine uertitur haec tragoedia.
Voilà les sept chefs de la guerre contre Thèbes, qui, disposés en sept lieux, évidemment aux sept portes, assiégèrent la place forte : cette tragédie tourne uniquement sur ce pivot.
Denuntiato namque bello, Eteocles de salute sua, potissimum tamen reipubublicae sollicitus, exploratore ante misso in castra hostium, cohortatur ciues ad defendendam patriam: atque ubi intellexit, quam quisque sibi oppugnandam delegisset portam ciuitatis, sex ipse contra duces, propulsatores hostium delectos, quemque suo loco statuit, ipsemet cum germano, Polynice conferturus manum.
Après l’annonce de la guerre, Étéocle, inquiet de son salut, mais aussi et avant tout de celui de l’État, envoie un éclaireur dans le camp des ennemis et exhorte les citoyens à défendre leur patrie : et lorsqu’il comprend quelle porte de la cité chacun des chefs avait choisi d'attaquer, il plaça contre les chefs six défenseurs pour repousser les ennemis, chacun à sa place, s’apprêtant lui-même à combattre contre son frère, Polynice.
Cum Tydeo ad portam Proetida, congreditur Astaci filius Melanippus ; cum Capaneo ad portam Electram, Polyphontes ; cum Eteoclo (quem supra inter duces non posuimus, secuti Diodorum ; qui pro hoc ipsum Adrastum nominat17) ad tertiam portam, Megareus Creontis filius ; cum Hippomedonte ad portam Oncae Mineruae, Œnopis filius Hyperbius ; cum Parthenopoeo ad portam borealem, Actor Hyperbii frater ; cum Amphiarao ad portam Homoloidem, admodum adolescens Lasthenes ; ad ultimam portam cum Polynice Eteocles ; quod omnium primum diximus.
À la porte Proïtide s’avance Ménalippe, fils d’Astaque contre Tydée ; à la porte Électre Polyphontès contre Capanée ; à la troisième porte, s’avance Mégarée, fils de Créon, contre Étéoclos (que nous n’avons pas placé entre les chefs, suivant Diodore, qui nomme Adraste à sa place) ; à la porte Athéna Onka Hyperbios, fils d’Oïnops contre Hippomédon ; à la porte du Nord Actor, frère d’Hyperbios, contre Parthénopée ; à la porte Homoloïs Lasthénès, tout jeune homme, contre Amphiaraos ; à la dernière porte Étéocle contre Polynice, ce que nous avons dit en premier lieu.
Quid ceteris ducibus acciderit, non plurimum ad rem facit : certe praeter unum Adrastum, ut historicus narrat, perierunt omnes : si modo et ipse omnem rem cognouit, quod minus est credibile, quoniam, quae primis libris explicauit, maximam partem e fabulis eruit, neque id dissimulat. Idem narrat Capanea, uiolentius agentem, cum per scalam muros conscendisset, caesum fuisse: Amphiarao cum curru terra dehiscere uisa est.18
Ce qui arriva à tous les autres chefs n’est pas de notre propos : ce qui est certain c’est que, Adraste mis à part, comme le raconte l’historien, tous périrent (si du moins lui-même connait toute l’affaire, ce qui est fort peu crédible, puisque ce qu’il a narré aux premiers livres il l’a tiré de légendes et il ne s’en cache pas). Le même raconte que Capanée, faisant preuve d’une grande violence, a été tué alors qu’il avait gravi les murs par une échelle : la terre a semblé engloutir Amphiaraos et son char.
Omnis autem res uertitur in μονομαχίᾳ fratrum ; qui cum se mutuis uulneribus confecissent, confectum erat bellum : penes neutrum erat uictoria, seruata tamen ciuitas.
Toute l’affaire se solde par un combat singulier entre les frères ; comme ils s’étaient mis à mort par des blessures respectives, la guerre était finie ; personne n’avait remporté la victoire, mais la cité avait été sauvée.
Chorus constat ex mulieribus Thebanis, quarum lacrymae et ploratus augent calamitatem.
Le chœur est composé de Thébaines, dont les larmes et les pleurs ajoutent au désastre.
Allato de interitu fratrum nuntio, prodeunt sorores Antigona et Ismena, ambae utriusque, sed haec tamen magis Eteoclis, illa Polynicis exitium deplorans.
Après avoir appris la nouvelle de la mort de leurs frères, leurs sœurs, Antigone et Ismène paraissent, toutes les deux déplorant le trépas de l’un et de l’autre : la seconde cependant pleure davantage le trépas d’Étéocle, la première Polynice.
Cum uero Thebana ciuitas sepelire regio ritu Eteoclem decreuisset, Polynici contra funus fieri uetuisset, Antigona tamen hunc sepelit, quod officium natura soror germano debeat, altera parte chori pertracta in suam sententiam.
Alors que la cité de Thèbes avait décrété d’enterrer Étéocle selon la coutume royale mais qu’elle avait interdit qu’on offre des funérailles à Polynice, Antigone l’enterre cependant, devoir qu’une sœur doit naturellement à son frère, ralliant à son avis une partie du chœur.