Μάρκος Μουσοῦρος ὁ Κρὴς τοῖς ἐντευξομένοις εὖ πράττειν
Marcus Musurus

Présentation du paratexte

Il s’agit de la première édition imprimée d’Aristophane. Elle ne comporte que neuf des onze comédies qui nous sont parvenues : les Thesmophories et Lysistrata seront publiées par Bernardus Giunta en 1516. Le premier paratexte est de l'imprimeur, Alde Manuce, et le deuxième, en grec, est de l'éditeur, le crétois Marcus Musurus. Il est suivi d’une épigramme en grec de quatre distiques à Alde composée par Scipione Forteguerri, dit Carteromaco (1466-1515) (Pontani et Weise, 2022, 100). Vient ensuite une série de textes préliminaires issus de la tradition manuscrite.

Marcus Musurus (1470-1517) est probablement, dans l'histoire de l'édition des textes grecs, le plus important des Crétois venus en Occident. Le début de sa vie est mal connu. Il semble être né à Candie, l’actuelle Héraklion, vers 1470, dans une vieille famille qui faisait du commerce. Il y aurait suivi les cours d'Arsenios de Monemvasia (1465-1535), le fils de Michel Apostolis (c. 1420-après 1474), et étudié avec Georges Gregoropoulos (1450-1501), comme en témoigne l'importante correspondance qu'ils ont entretenue. Très tôt il quitte la Crète pour l'Italie. Son exil, à la différence de celui des nombreux réfugiés qui fuyaient le joug turc, est volontaire. Il semble avoir été motivé par une politique active menée par le sénat de Venise, qui dominait alors la Crète, visant à attirer les jeunes crétois prometteurs afin de parfaire leur éducation. Vers l'âge de seize ans, Musurus s'installe à Florence, où régnait alors Laurent le Magnifique. Savants byzantins et occidentaux y étaient alors nombreux ; on trouve parmi eux Demetrios Chalcondyles (1423-1511), qui occupa la chaire de grec à Florence jusqu'en 1491, ou encore Jean Lascaris (1445-1535). Venu de Constantinople, ce protégé de Chalcondyles, qui savait aussi bien le grec que le latin, enseignait alors le grec et Musurus fut son élève. Si l'on s'en tient aux programmes des cours donnés par Lascaris, Musurus a dû fréquenter auprès de lui Sophocle, Thucydide, Demosthène ou encore l'Anthologie grecque . En 1493, après un bref voyage en Crète, Musurus quitte Florence, où le climat politique et culturel s'était dégradé après la mort de Laurent de Médicis, en 1492. À ces années florissantes pour l'humanisme succède en effet une période sombre, dominée par le moine dominicain Savonarole. Musurus s’installe alors à Venise, où il s'associe avec l'imprimeur Alde Manuce. Dans cette seconde préface, Musurus, comme Manuce, s’efforce de justifier le choix de publier Aristophane. Il commence donc par louer le sérieux du travail d’Alde, qui a permis la diffusion de livres grecs parfaitement recommandables, et notamment d’Aristote, qui paraît la même année qu’Aristophane : Le premier argument consiste à lier l’édition d’Aristophane à celle d’Aristote et d’autres travaux « sérieux » : c’est au même public qu’il s’adresse, dans la perspective de leur procurer un divertissement qui les rendra d’autant plus aptes à s’adonner, une fois reposés, à leurs études : On retrouve là un argument fréquent dans la rhétorique de justification des ouvrages de divertissement. Le second argument, rhétorique, consiste à louer l’imprimerie qui rend possible d’assister « en tous lieux et à jamais » aux fêtes de Dionysos, cadres de « spectacles vivants » par essence éphémères. Musurus, comme plus tard Florent Chrestien, recourt ici à la métaphore du spectacle pour transposer la relation chorège-texte-spectateur à la relation imprimeur-livre-lecteur. L’imprimeur est le chorège, et les lecteurs deviennent les spectateurs. Dans cette relation, cependant, une figure centrale n’est pas nommée : celle du poète, à laquelle correspond celle de l’éditeur, Musurus lui-même : Une fois justifiée la démarche consistant à publier un poète dramatique, Musurus s’emploie à justifier Aristophane, qui pose d’autres problèmes. Conformément à la tradition antique, c’est d’abord pour sa langue que le poète est loué par Musurus ; mais il évoque aussi la finesse de ses plaisanteries, qu’il présente comme un avantage pour les individus « qui aiment apprendre » - sans préciser s’il s’agit du public des savants dont il était question plus haut, des apprentis hellénistes, ou d’une catégorie plus large : L’on passe ainsi, grâce à l’ambiguité du terme φιλομαθοῦντες, des savants qui lisent les auteurs grecs pour s’instruire et trouveront chez Aristophane un auteur qui les divertira et leur permettra de se concentrer d’autant mieux sur leurs travaux, aux apprentis hellénistes, qui trouveront chez Aristophane un auteur scolaire plaisant, à la catégorie beaucoup plus vaste de quiconque aspire à la vertu. Aristophane est en effet dans un troisième temps présenté comme un éducateur, au sens moral du terme. Musurus, reprenant cette fois la tradition antique initiée par Aristophane lui-même dans ses parabases et reprise par Horace, qui en fait un poète satirique luttant sans relâche contre les vices de ses contemporains, souligne l’intérêt de sa lecture dans une perspective d’édification morale. En effet, à plusieurs reprises, Aristophane se présente, par l’entremise du chœur, comme un nouvel Hercule luttant courageusement contre Cléon. C’est le cas dans la parabase des Guêpes, mais aussi dans celle de la Paix . En rappelant de manière allusive cet auto-éloge, Musurus justifie la pratique de la satire, qui est particulièrement problématique : dès Horace en effet, la figure d’Aristophane oscille entre celle du courageux satiriste utile à la cité parce qu’il combat les vices de ses contemporains, et celle de l’individu odieux qui s’en prend nommément et en plein théâtre à ses concitoyens, et notamment à Socrate . Dans les Nuées, en effet, Aristophane mettait en scène et ridiculisait un Socrate sophiste et malhonnête ; la pièce s’achevait sur sa mise à mort, ce que Platon ne manqua pas de rappeler dans son Apologie, faisant d’Aristophane, pour des siècles, le responsable de la mort du philosophe. L’habileté de Musurus consiste à passer sous silence l’ « affaire Socrate » et à mettre en avant le courage du satiriste. Prenant plutôt l’exemple du général coupable critiqué par le poète, l’attaque ad hominem n’est plus une calomnie, elle devient une marque de franchise, de « parrhésia » : Au final, à en croire Musurus, Aristophane est un nouvel Homère, un éducateur de la Grèce et, grâce à l’édition qu’en donne Alde, de tout un chacun. Il a pour lui le charme – ses comédies sont captivantes -, la pureté de la langue – il permet d’apprendre le grec attique le plus pur-, mais aussi l’éloquence et la moralité de sa posture, puisque, courageusement, il châtie les méchants. L’argument concernant la langue reste néanmoins le plus développé, avec, chose plus originale, celui de l’utilité politique du poète dans le contexte de la Venise de la fin du XVe siècle. Aristophane est présenté comme un « réservoir » à expressions dont il faut se pénétrer et dans lequel il faut puiser si l’on veut véritablement savoir le grec et dégager la senteur du « thym attique ». Or cette connaissance de la langue d’Aristophane n’est pas dissociable de son éloquence et elle a donc une utilité immédiate pour les hommes qui, à Venise, participent à l’exercice du pouvoir. On retrouve là un topos de l’intérêt porté, au XVe siècle, aux auteurs antiques perçus comme des maîtres d’éloquence et donc susceptibles d’enseigner aux gouvernants la maîtrise de la parole à laquelle ils aspirent ; l’argument, d’ordinaire évoqué à propos des orateurs, est ici transposé au poète comique qui s’en trouve politisé, tout comme y contribue le parallèle établi entre l’Athènes classique et la Venise contemporaine. L’édition princeps d’Aristophane est donc d’emblée le lieu d’une justification, qui reprend des arguments d’une tradition antique remontant jusqu’au poète lui-même en passant par Horace et Quintilien. Mais elle est aussi le point de départ d’une tradition moderne de lecture du poète ; les arguments d’Alde et de Musurus seront en effet repris, enrichis, mais aussi discutés aussi bien par les défenseurs que par les détracteurs du poète.

list Bibliographie :
  • Deno John Geanakoplos, Greek Scholars in Venice. Studies in the Dissemination of Greek Learning from Byzantium to Western Europe, Cambridge Mass., Harvard University Press, 1962, p. 111
  • Luigi Ferreri, L’Italia degli Umanisti. Marco Musuro, Brepols, 2014.
  • Martin Sicherl, "Die Editio princeps des Aristophanes", in Erlesenes aus der Welt des Buches… hrsg. v. Bertram Haller, Wiesbaden, 1979, p. 189-231.
Traduction : Malika BASTIN-HAMMOU

Μάρκος Μουσοῦρος ὁ Κρὴς τοῖς ἐντευξομένοις εὖ πράττειν.

Marc Musurus de Crète aux lecteurs. Salutations

Ἄχρι μέντοι παρόντος, ὦ φιλέλληνες, Ἄλδος ἔπραξεν ἡμῖν Ἑλληνικῶν εὐπορεῖν βιβλίων, ἀφ' ὧν ἔστι τὴν μὲν φύσιν τῶν ὄντων κατανοεῖν, τὰς δὲ περὶ τὸ ἦθος ἀρετὰς καὶ κακίας διαιρεῖν, καὶ τίνι συλλογιζομένους μεθόδῳ τἀληθὲς μετέρχεσθαι προσήκει, μανθάνειν·

En vérité jusqu’à ce jour, philhellènes, Alde a fait en sorte de nous procurer des livres grecs, grâce auxquels il est possible de comprendre la nature de ce qui est, de distinguer en matière de comportement les vertus des vices, et de comprendre par quelle méthode il convient, quand on raisonne, de chercher à connaître le vrai.

ἃ γὰρ τῶν Ἀριστοτέλους συγγραμμάτων καὶ ἐς ἡμᾶς σωθέντα διατελεῖ, δαπάνης φεισάμενος οὐδεμιᾶς ἐνετύπωσεν, ἐφ' ᾧτε δεξιὸς τοῖς εἰλικρινοῦς παιδείας ἐφιεμένοις τό γε ἐς αὐτὸν ἧκον γενέσθαι.

En effet, ceux des écrits d’Aristote qui ont survécu jusqu’à nous, il les a fait imprimer en ne s’épargnant aucune dépense, de manière à aider, pour ce qui est de son ressort, ceux qui aspirent à une vraie culture.

Νῦν δὲ θεωρῶν καὶ σκοπῶν τοῖς φιλοσοφοῦσι μετὰ τὴν τῶν λεπτῶν καὶ μετεώρων ἀνάγνωσιν ἐνδεῖν τινα καὶ ψυχαγωγίαν, δι' ἧς τὴν διάνοιαν ἔχοιεν ἂν ἀπειρηκυῖαν ἀνεῖναι, παιδιὰν ἡμῖν οὐ πάντως ἀσπούδαστον ἐπενόησε, μηδοτιοῦν προϊεμένοις καιροῦ, τὰς Ἀριστοφάνους θυμέλας οὐ μόνον ἀγομένων Διονυσίων Ἀθήνῃσιν, ἀλλ' αἰεὶ προχείρους καὶ πανταχοῦ θεᾶσθαι παρασκευάσας.

Mais aujourd’hui, en examinant et en observant qu’il y avait besoin, pour ceux qui philosophent, après la lecture de textes subtils et élevés, d’une forme de divertissement, grâce auquel ils pourraient détendre leur pensée qui a renoncé, il a songé à un jeu qui ne soit pas totalement dénué de sérieux, pour nous qui ne négligeons pas la moindre occasion, en fournissant le moyen d’assister aux spectacles d’Aristophane pas seulement quand se déroulent les Dionysies à Athènes, mais en les rendant disponibles toujours et partout.

οὕτως ἡ τἀνδρὸς χορηγία πολυτελής, τοῦ γε μὴν κωμικοῦ τί ἄν τις ὑπερλαλοίη;

C’est ainsi qu’est somptueuse la chorégie de cet homme ; mais que dirait-on en vérité du poète comique ?

ὃς τῷ μὲν χαρίεντι τῶν λόγων καὶ τῇ ἐς τὸ τέρπειν καὶ ἥδειν ἀστειότητι τοὺς φιλομαθοῦντας ἐπάγεται ἐξ ὧν δὲ τοὺς μὲν ἀρετῆς ἀντιποιουμένους εὐλογεῖ, τοὺς δὲ φαύλης τυχόντας ἀγωγῆς, καὶ διὰ τοῦτο τὸν τρόπον ἀποβάντας οὐ μάλα σπουδαίους, ὁτὲ μὲν τῇ παρ' ὑπόνοιαν ἐλέγχει δριμύτητι, ὁτὲ δ' ἀπροκαλύπτως ὡς αὐτός φησιν Ἡρακλέους ὀργὴν ἔχων ἔπεσι μεγάλοις καὶ σκώμμασιν οὐκ ἀγοραίοις, μετὰ παρρησίας διαβάλλων οὐδὲ στρατηγοῦ ἀπέχεται ἁμαρτάνοντος· τί μὲν αἱρετὸν καὶ φευκτὸν τοῖς προσεσχηκόσιν αὐτῷ τὸν νοῦν εἰσηγεῖται

D’une part il attire ceux qui veulent s’instruire par la grâce de ses paroles et par son esprit plaisant et agréable; d’autre part, parmi eux, ceux qui aspirent à la vertu, il les loue, mais ceux qui ont reçu une mauvaise éducation et qui pour cette raison ont mal tourné et ne sont pas bien sérieux, il les blâme tantôt avec des allusions acerbes, tantôt ouvertement, comme il le dit lui-même, avec une colère d’Héraklès, des vers sublimes et des railleries qui ne sont pas triviales, et avec son franc-parler il ne se retient pas même de critiquer un général coupable. Ce qu’il faut choisir et ce qu’il faut fuir, il l’enseigne à ceux qui l’écoutent.

Εἰ δέ τις μὴ πάρεργον ἔνια τῶν εἰρημένων ἐπιλέγοιτο, πάσης ἡμᾶς ἐλευθεροῖ τερατείας μὴ δεδιέναι τὰ τῷ σύρφακι δήμῳ φοβερὰ νουθετῶν.

Et si l’on prenait certains de ses propos au sérieux, il pourrait bien nous libérer de toute sorte de monstres en nous rappelant qu’il ne faut pas craindre ce qui effraie la populace 1

Καὶ μὲν δὴ τοὺς ὑποδεδυκότας αὐτόν, παμμιγεῖ ὀνομάτων ποικιλίᾳ πρὸς πᾶν ὁτιοῦν συντελούντων ἐκ περιουσίας, οὕτω πλουτίζει ὥστ’ εἴ τις πρὸς τοὺς πλησιάζοντας διαλεγόμενος τὸν Ἀριστοφάνους ἐπιτηδεύειν χαρακτῆρα φιλοτιμοῖτο, ἐμφιλοχωρούντων ἐναύλῳ τῇ μνήμῃ τῶν Ἀττικοῦ ἀποπνεόντων θυμοῦ ῥημάτων, ἐν ἥπατι τῆς Ἑλλάδος τραφῆναι καὶ παιδευθῆναι δοκεῖν·

En outre ceux qui se sont familiarisés avec lui, par la variété et la diversité de son vocabulaire utile pour tout et n’importe quoi, à profusion, il les enrichit à tel point que si quelqu’un en discutant avec ses proches avait l’ambition de pratiquer le style d’Aristophane, comme ses mots qui respirent le thym attique séjournent dans la mémoire, il semblerait avoir grandi et été éduqué dans le sein de la Grèce.

ὡς μὲν οὖν εὔχρηστός ἐστι, τὸν ποιητὴν οὐ δεῖ συνιστᾶν τῷ λίθον ποτὶ τὰν σπάρτον ἄγοντι·2

Donc, comme il est très utile, il ne faut pas comparer le poète avec celui qui "applique la corde sur la pierre".

ἐπεὶ οὐδ’ ἡμῖν τοῦτο πρόκειται, μηδ’ οὕτω μαινοίμην ὡς μὴ συνειδέναι ἐμαυτῷ πολλοῦ δέοντι ἢ ὥστε τὸν Ἀριστοφάνην ἐγκωμιάζειν ὁπότε οὐδ’ ἂν αὐτὸς ἑαυτὸν τῆς ἀξίας ἐγγὺς ἐξαρκέσειεν ἐπαινέσαι.

Et ceci ne se produit pas même pour nous, et puissé-je ne pas être assez fou pour ne pas avoir conscience qu’il s’en faut de beaucoup que je puisse faire l’éloge d’Aristophane, quand lui-même ne suffirait pas même à se louer lui-même en s’approchant de sa valeur.

Τὰ δ’ὑπομνήματα ταυτὶ καὶ πόνου πολλοῦ καὶ χρόνου ἐδεῖτο μακροῦ, εἴ τις αὐτὰ πρὸς τὸ βέλτιον ἐγχειροίη μεθαρμόσασθαι σχῆμα, ὧν θατέρου μὲν ἐπεκρατήσαμεν καίτοι κρείττονος ἢ φέρειν.

Quant à ces commentaires, ils m’ont coûté beaucoup de peine et m’ont pris beaucoup de temps (si quelqu’un entreprenait de les améliorer pour leur donner une plus belle forme) ; du reste je l’ai emporté sur eux, quoiqu’étant au-delà de ce que l’on peut supporter.

Περὶ στενὸν δέ μοι κομιδῇ τὰ τοῦ χρόνου συνέβη, οὐδὲ μόνον τὰς ἐξηγήσεις συνείρειν ἠργολαβήσαμεν πεφυρμένας τέως, ὡς ἴστε που καὶ αὐτοὶ ἀλλὰ καὶ τυπωθείσας ἤδη ἐπετετράμμεθα διορθοῦν, αἱ δὲ τῶν χαλκογράφων ἁμαρτίαι κάρηνά εἰσι λερναῖα τῆς παλιμφύους ὕδρας πολυπλοκώτερα καὶ τῆς Ἰόλεω ἐπικουρίας δεόμενα, ὅσῳ δ’ ἐξεκόπτομεν τοσῷδε πλείους ἡμῖν ἀνεφύοντο τοῦτο μὲν μεταβάλλειν, τὸ δὲ προστιθέναι, τὸ δ’ ἀφαιρεῖσθαι τῶν στοιχείων ἀφορμαί.

D’autre part le temps a été pour moi vraiment court, et non seulement nous avons entrepris de rassembler les interprétations jusqu’alors en désordre, comme vous le savez sans doute aussi vous-mêmes, mais encore nous nous sommes vus confier leur correction après impression, et les fautes des typographes sont plus nombreuses que les têtes de l’hydre de Lerne qui renaît et elles réclament le secours d’un Iolaos. Et plus nous les coupions, plus nombreuses elles repoussaient, occasions pour nous de changer ceci, ajouter cela, supprimer des lettres.

Ἡμῖν μὲν οὖν ὁ πίθος κεκύλισται3 ἐς ὠφέλειαν, εἰ μὲν τῶν καθ’ ἡμᾶς Ἑλλήνων οὐκ ἂν ῥᾳδίως ἔχοιμεν εἰπεῖν·

Pour nous donc "la barrique a roulé" pour le mieux, est-ce le cas pour les Grecs d’aujourd’hui, je ne pourrais le dire facilement.

πλὴν γὰρ ὀλίγων τῶν ἀπὸ τῆς προτέρας εὐδαιμονίας ὥσπερ τι ζώπυρον σωζομένων, εἰς τοὺς λοιποὺς μάτην ἄν τις ἐπηρεάζοι περὶ τἀναγκαῖα κατατεινομένους καὶ χαλεπῶς ὃν τελοῦσι φόρον τῷ βαρβάρῳ ποριζομένους, τῶν δ’ Ἰταλῶν ὅσοις λίαν Ἀττικῶς τῆς γλώττης ἔχειν ἐσπούδασται, καὶ πάνυ ἀκριβῶς οἶδα·

Mis à part les rares qui ont été sauvés, loin de leur félicité d’avant, comme une dernière étincelle, pour les autres, en vain on les critiquerait, eux qui luttent pour l’essentiel et qui se procurent difficilement le tribut qu’ils paient au barbare. Mais pour ceux qui parmi les Italiens se sont vraiment efforcés avec beaucoup de rigueur d’être attiques par la langue, je le crois.

τοῖς γε μὴν ὑπὸ τῆς εὐτυχοῦς τῶν Ἐνετῶν ἀριστοκρατουμένοις συγκλήτου, καὶ αὐτῶν δὴ τῶν Εὐπατρίδων τοῖς γενναιοτέροις τὸ ἦθος, εἴημεν ἃν εἰκότως κεχαρισμένοι.

et nous pourrions bien être appréciés à juste titre et par ceux qui sont excellemment gouvernés par la prospère assemblée des Vénitiens, et par les plus nobles des Eupatrides eux-mêmes.

Τῆς γὰρ Ἀθηναίων πολιτείας, ἧς ἡ βασιλὶς αὕτη τῶν πόλεων ἔστιν οὗ κατ’ ἴχνη χωρεῖ, τὰς Ἀριστοφάνους κωμῳδίας εἰκόνας εἶναι, παρὰ πάντων σχεδὸν ὡμολόγηται.

Tous ou presque s’accordent à dire que les comédies d’Aristophane sont à l’image du régime politique des Athéniens, dont cette ville impériale à l’occasion suit la trace.

Ὑμέτερον δ’ ἂν εἴη τὸν ἡμῶν κάματον τίθεσθαι παραπολὺ, μήτ’ ἐκφαυλίζοντας, εἴ τί που ἔλαθην ἡμᾶς παραδραμόν, μηδ’ ἀργυραμοιβικῶς ἐξ ἅπαντος ἀνιχνεύοντας·

Qu’il soit vôtre de placer haut notre travail, sans le déprécier, si quelque part quelque chose est passé inaperçu et nous a échappé, ni le traquer partout comme s’il s’agissait d’argent ;

ἀλλὰ τῆς μὲν ῥαγείσης νευρᾶς κατὰ τὸν ἐνδήμειον τέττιγα4 τὴν ἐμμελῆ κροῦσιν εὐγνωμόνως ἀναπληροῦντας, πάσης δ’ ἀνωτέρω μικρολογίας, τῶν ἤδη τυπωθέντων ἐμφορουμένους

mais en soutenant généreusement le chant mélodieux, comme la cigale du pays quand une corde s’est brisée, et au-dessus de toute mesquinerie, en vous remplissant de ce qui a déjà été imprimé ;

οὕτω δὲ τοὺς ἐπιστάτας τῆς βιωφελοῦς ταυτησὶ μηχανῆς διεγείραντες ἀκμαιοτέρους ἢ πρὸ τῆς ἐπιβολῆς πρὸς τὸ καὶ μείζω καὶ πλείω τούτων ὑμῖν ἐκπορίσαι καίπερ οἴκοθεν ὡρμημένους ποιήσετε·

favorisant ainsi les spécialistes de cette industrie utile à la vie, vous les rendrez plus forts qu’avant l’entreprise, pour vous procurer et plus et mieux que cela, bien qu’ils se soient lancés avec leurs propres ressources.

αἰνουμένας δὲ τέχνας ἐπιδιδόναι πεπαροιμίασται.

Il est de notoriété publique que les techniques dont on fait l'éloge font des progrès.

Ἀπὸ Ἐνετιῶν.

De Venise.


1. Ar. Vesp. 673
2. Erasme, Adagia 3799, . Proverbe cité comme dorien par les Pères de l’Église et sous une forme différente par Erasme : Funiculum ad lapidem. Τὴν σπάρτην πρὸς τὸν λίθον ἄγειν, « Appliquer la corde sur la pierre. Se dit de ceux qui s’emploient à ce que l’État soit gouverné comme il faut. Saint Chrysostome dit dans la trente cinquième section de son Homélie sur la première épître aux Corinthiens : ‘Examine comment celui-ci applique la corde sur la pierre, cherchant partout à construire l’Église.’ L’image est empruntée aux architectes, qui ne font pas confiance à leurs yeux, mais qui vérifient l’équilibre des murs avec le fil à plomb. C’est le fait d’un comportement exigeant », (Saladin, 2019, 362). Voir également Wilson pour qui « its application here is not immediately clear ; from the context one is inclined to suggest that Musurus sees the builder as the practitioner of a humble manual craft, in contrast to the poet, who can teach so much » (Wilson, 2016, 365 n.14). Firmin-Didot propose encore une autre interprétation : « il est inutile que ce poëte soit soutenu en apportant la pierre à la corde tendue. » Proverbe grec faisant allusion à l’usage des cordiers qui pour mieux tendre la corde ajoutaient l’épaisseur plus ou moins grande d’une pierre ; ce qui pourrait être rendu par le proverbe : « ce serait porter de l’eau à la rivière. » (Firmin-Didot, 1875, 109).
3. Erasme, Adagia 3206, . Volvitur dolium. Κεκύλισται ὁ πίθος, id est Revolutum est dolium. In eum qui commovetur alieno exemplo sive instinctu ad stulte quid faciendum. Nam dolium facili impulsu quo velis volvitur. At sapiens, tetragono similis, semper fixus est et immotus. Apparet esse natum ab historia de Diogene in publico civitatis tumultu volvente dolium, quam refert Lucianus libro De conscribenda historia. "Roule barrique". "La barrique a roulé". Se dit de celui qui est mû par l'eemple ou l'instigation d'autrui pour agir sottement. Car une barrique roule dans le sens qu'on veut sur une légère impulsion. Le sage, au contraire, semblable au cube, est toujours fixe et immuable. Il est clair ue l'adage a pour origine l'histoire de Diogène qui faisait rouler sa barrique en pleine agitation de la cité. Lucien la rapporte dans son ouvrage De l'art d'écrire l'histoire. (Saladin, 2019,104.
4. Erasme, Adagia 414, Erasme fait remonter l'adage à Str., Géographie, 6. Lors d'un concours de cithare, "une corde de la cithare d'Eunomos se brisa au milieu du chant. Une cigale qui volait au-dessus de lui se posa et suppléa, par son chant, la note qui, sinon, aurait manqué. Il fut ainsi proclamé vainqueur et fit ériger la statue d'une citharède avec une cigale posée sur l'instrument" (Saladin, 2019, 346.)