Bernardus Iunta, nobili patritio domino Francisco Accolto electo episcopo anconitano. S.P.D.
Bernardus Iunta

Présentation du paratexte

Dix-sept ans après la parution de la princeps d'Aristophane à Venise chez Alde paraît, toujours en Italie mais cette fois à Florence, une nouvelle édition des mêmes neuf comédies du poète comique, aux presses de Filippo Giunta (1450-1517). Bernardo Giunta (1487-1551) a succédé à son père Filippo et c’est lui qui publie, en 1515, une nouvelle édition d’Aristophane. Bien que le nom de Filippo apparaisse dans le colophon, c’est Bernardo qui rédige cette adresse à Franciscus Accoltus dans laquelle il évoque ses déboires avec l’éditeur du texte, Euphrosynus Boninus. En réalité, cette lettre a surtout pour objet de louer les livres qui sortent des presses de Filippo Giunta et d’expliquer que deux autres comédies inédites seront bientôt publiées, en plus de ces neuf déjà connues

Bibliographie :
  • William A. Pettas, « An International Publishing Family: The Giunti », Library Quarterly. Information, Community, Policy, vol. 44,‎ 1974, p. 334-349.
Traduction : Malika BASTIN-HAMMOU

Bernardus Iunta, nobili patritio domino Francisco Accolto electo episcopo anconitano. S.P.D.

Bernardo Giunta salue grandement le noble seigneur patricien Francisco Accolta évêque élu d’Ancône

Vt nostrae iamdudum (primisque ut aiunt ab incunabulis1) contractae amicitiae iam aliquid concedere tibique lubens non nihil impertiri uelle uidear, Aristophanis comici poetae nouem quas hactenus habere licuit comoedias quam potui diligentius castigata, tuo nomine cudendas tibique emendandas, his hodie dare uisum est, qui nouis, ac sane pulcherrimis typis nova quotidie apud nos Graecorum pariter ac Latinorum uolumina cudunt.

Afin de sembler concéder à notre amitié contractée depuis longtemps (et pour ainsi dire depuis le berceau ), et de sembler vouloir de bon cœur partager avec toi quelque chose, j’ai décidé de remettre aujourd’hui les neuf comédies, dont on dispose à ce jour, corrigées le plus rapidement que j’ai pu, pour qu’elles soient imprimées sous ton patronage et corrigées par toi, à ceux qui chaque jour chez nous impriment avec des caractères nouveaux et vraiment magnifiques de nouveaux volumes aussi bien en grec qu’en latin.

Putabam, uir doctissime, duas quoque notioribus his addere posse, nondum ab aliis impressas, quae cito forsan abs te, nostra ope his nouem comitatae, legi poterunt, ni forsan Euphrosyni Bonini praeceptoris tui, & aliorum tuorum, pariterque nostrorum amicorum, promissa irrita, quod credere nequeo, in leues abibunt auras.

Je pensais, homme très savant, pouvoir ajouter à ces comédies bien connues deux autres, pas qui n'ont pas encore été imprimées par d’autres, et qui, ajoutées à ces neuf par nos soins, pourront bientôt peut-être être lues par toi, à moins que peut-être les promesses d’Euphrosynus Boninus ton précepteur, et d’autres de tes amis, qui sont également nos amis, devenues vaines, ne se perdent portées par une brise légère, ce que je ne peux croire.

Has interim ut amicorum omnia soles hilari fronte accipies, acceptasque siquid superfluuum siquid diminutum in illis esse perspicies, acrius castigabis.

Pour l’heure, tu recevras ces comédies avec bonne humeur, comme tu as l’habitude pour tout ce qui vient de tes amis, et après les avoir reçues, si tu trouves qu’il y a en elles quelque chose en trop, ou qui manque, tu le corrigeras avec beaucoup de précision.

Quod faxis etiam atque etiam mi Francisce rogo.

Ce que tu auras fait, je te demande de le faire encore et encore, mon cher Franciscus.

Siquid autem in illis erit quod tuas plus aequo teretes laceret aures, id impressorum incuria euenisse uelim credas.

Et s’il y a en elles quelque chose qui blesse tes oreilles délicates plus que de raison, crois bien que je voudrais que cela est arrivé à cause de l’incompétence des imprimeurs.

At siquid delectabile, si quid quod aures mulceat inuenies, id tanti auctoris nomini et singulari doctrine nostroque pariter ergate amori, ac potius obseruantiae tribues.

Mais si tu trouves quelque chose de plaisant, qui te caresse les oreilles, attribue-le autant au nom et au savoir singulier qu’on tire d’un si grand auteur, qu’à notre amitié pour toi, et plus encore à notre considération.

Vale, amicorum nostrorum non ultime his quoque meliora iam iam a nobis accepturus si prima haec nostra munuscula et si tanto uiro parum digna tibi grata esse intellexero.

Porte-toi bien, toi qui n’est pas le dernier de nos amis, toi qui va recevoir sous peu aussi de nous des choses meilleures que celles-ci, si je comprends que t’ont été agréables ces premiers petits cadeaux que nous te faisons et qui sont trop peu dignes d’un si grand homme.


1. Erasme, Adagia 653, . La formule est accompagnée d'une citation de Plaute.