Petrus Mosellanus Protegensis Ioanni Caesario Iuliacensi medico utriusque literaturae doctissimo s.d.p.
Petrus Mosellanus

Présentation du paratexte

list Traduction : Christian NICOLAS

Petrus Mosellanus Protegensis Ioanni Caesario Iuliacensi medico utriusque literaturae doctissimo s.d.p.

Petrus Mosellanus salue grandement Johannes Caesarius de Jülich, médecin très savant dans les deux langues

Multa sunt Caesari optime, quae rem literariam hoc nostro seculo iuuant.

Beaucoup d’éléments, excellent Caesarius, favorisent à notre époque la matière littéraire.

Sed mea sententia utriusque literaturae studia nihil aeque promouet, ac diuinum illud, et priscorum temporibus ἐν ἀγορᾷ λαλοῦσι1 speratum artificium, quo ueterum et earundem locupletissimarum bibliothecarum reliquiae, ex tanto uelut librorum naufragio superstites, in mille transfunduntur exemplaria. Id quod utinam tanta exerceretur, deligendi quae optima sunt, cura, ac emendandi, quae deprauata sunt, fide, quanta tractatur industria, frequentiaque.

Mais à mon sens, rien ne promeut autant les études grecques et latines que ce travail digne des dieux et que les temps anciens ne pouvaient pas même espérer en rêve qui voit les vestiges des vieilles bibliothèques et aussi les plus riches, sauvés de l’immense naufrage des livres, transvasés dans des milliers d’ouvrages, raison pour laquelle j’aimerais que s’exerçât autant de soin à choisir les meilleurs ouvrages et de conscience dans l’émendation de ceux qui sont mauvais qu’on y met de travail et de temps passé.

Non esset, quod tam saepe codices infoeliciter emisse paeniteret.

Ce ne serait pas qu’il y eût si souvent à regretter l’achat de volumes.

Nunc autem huic arti manus admoliuntur, non qui utilitatis publicae respectu formularum decies castigandarum taedia deuorant. Sed qui prae unius aureoli lucello omneis omnium literas floccipendunt.

Mais aujourd’hui mettent la main à cette besogne des gens qui, au lieu de viser le bien public en oubliant l’ennui de corriger dix fois des formules , bradent pour le bénéfice d’un sou toute la littérature universelle,

Adeo ut de bonis literis, quae sub Laurentii Vallae, Theodori Gazae, Hermolai Barbari, et Angeli Politiani manibus caput erigere coeperant, paene fuisset actum, nisi Aldus Manutius homo bonis studiis euehendis natus utriusque linguae scriptoribus optimis imprimendis huic malo remedium adhibuisset.

en sorte que c’en serait fait des belles lettres, qui entre les mains de Lorenzo Valla, Théodore Gaza, Hermolaus Barbarus et Ange Politien avaient commencé à dresser la tête, si Alde Manuce, homme né pour élever les études et imprimer les meilleurs auteurs des deux langues, n’avait prodigué un remède à ce mal.

Quanquam enim et in hoc nonnihil desydero (quis autem omnia praestitit unquam ?) tamen si non ingratissimi audire uolumus, ei deberi fatebimur, quod et latinae et graecae literaturae bibliothecas, si non instructissimas certe multo magis quam ante tolerabiles possidemus.

Car si même à son égard j’ai un peu de déception (mais qui a pu jamais tout réussir ?), force est toutefois de reconnaître, sauf à passer pour bien ingrats, que c’est à lui que nous devons d’avoir des bibliothèques grecques et latines peut-être pas très achalandées mais en tout cas bien plus acceptables qu’avant.

Olim regum ac principum erat munus librorum copiam in comunem studiosorum usum ingentibus parare impendiis, Quae res multos qui studio hoc tam honesto praecellerunt, posteris celebres fecit.

Jadis c’est aux rois et princes qu’incombait la tâche de financer à grands frais la mise à disposition pour la communauté des savants d’innombrables livres, chose qui a assuré à beaucoup qui excellèrent dans ce travail la gloire auprès de la postérité.

Nostra uero memoria cum plaerique principes hanc gloriam, immo comunem omnium utilitatem negligant, Aldi tamen beneficio factum est ut nos ipsi quantumuis tenui fortuna homines mediocri codicum supellectili coemendae simus pares.

Pour ce qui est de notre temps, vu que la plupart des princes négligent cette gloire - et même le bien de tous leurs sujets -, grâce toutefois à Alde, il nous a été possible à nous aussi, quelque peu fortunés que nous soyons, en acquérant un petit bagage de volumes, de nous sentir leurs égaux.

Quod si qua desunt, id quod non negamus, nostri Germani, quibus uel inuita Italia artis inuentae debetur gloria, supplebunt.

Et s’il en manque certains, ce que nous ne nions pas, nos Allemands, auxquels, n’en déplaise à l’Italie, est due la gloire d’avoir inventé l’imprimerie, y pourvoiront.

Et in primis apud inclytam Basileam hoc iam strenue molitur Ioannes Frobenius, qui quantum de rectis literis, tum ante sit meritus, tum posthac mereri, et possit et uelit, indicio sunt elaboratissimae illae diui Hieronymi lucubrationes, Erasmi Roterodami doctissimi Theologi opera potissimum restituae, et illius formulis excusae, Porro Thomas Anshelmus miro uir ingenio quantum momenti studiis adferre queat, cum ante et Graecis et Latinis adde etiam Hebraicis auctoribus impressis ostendit, tum de caetero hac Aristophanis fecetissimi hominis Comoedia, quam ei excudendam dedimus, apud omneis testatum relinquet.

Et d’abord, dans la glorieuse Bâle, s’y emploie sans relâche Johann Froben dont les mérites dans les belles lettres qu’il a obtenus dans le passé et peut et souhaite obtenir depuis, sont prouvés par ces deux remarquables études de saint Jérôme dont la restitution est due au travail d’Erasme de Rotterdam l’éminent théologien et l’impression aux caractères de Froben, puis Thomas Anshelm, homme de grand talent : l’énergie qu’il peut déployer aux études, il l’a montrée d’abord en imprimant des auteurs grecs et latins (et ajoutes-y même des juifs), ensuite et surtout par cette comédie d’Aristophane, le plus drôle des hommes, dont nous lui avons confié la mise en pages, il en laissera la preuve aux yeux de tous.

Nam quia Illustrissimus princeps meus Georgius Saxonum dux magnificentissimus studia nostra in hoc sua fouet munificentia, ut Lipsica haec Academia iam ante latinis artibus quantum fieri potuit, florentissima, nunc nostra opera graecis quoque studiis illustretur, operae pretium uisum Comoedias aliquot in hoc selectas studiosae iuuentuti publice enarrare.

Car puisque mon très illustre Prince, le très magnifique duc Georges de Saxe, finance dans sa générosité nos travaux, au point que l’académie de Leipzig à laquelle j’appartiens, déjà brillante autant que possible dans les lettres latines, s’illustre aussi aujourd’hui grâce à nous dans le grec, il a paru utile, à cet effet, de commenter pour la studieuse jeunesse une sélection de quelques comédies.

Neque uero nos in id consilii temere incidisse putaris.

Mais ne va pas croire que nous avons entrepris ce projet au hasard.

Immo ad ueterem illam et incorruptam graecanici sermonis puritatem percipiendam nihil magis accurata Menandri fabularum lectione2 conferre sensit grauissimi iudicii homo Fab. Quintilianus.

Bien au contraire : pour apprécier cette antique et authentique pureté de la langue grecque, rien ne vaut une lecture scrupuleuse des pièces de Ménandre selon l’homme au goût si sévère qu’est Quintilien.

Eae quando partim bellorum iniuria, partim maiorum nostrorum negligentia periereunt, proximum est Aristophanicas amplecti Quas sanctissimus ille et inter graecos pene facundissimus theologus Chrysostomus sic semper manibus uersauit, sic accurate lectitauit, sic in pretio habuit, ut, quemadmodum ferunt, pro puluino dormiens uteretur3, unde et aureae eloquentiae cognomentum promeruit.

Vu que ces pièces, soit par la faute des guerres soit par la négligence de nos aïeux, ont disparu, le plus proche est de s’emparer de celles d’Aristophane, que ce très saint homme entre les Grecs et presque le plus éloquent théologien Jean Chrysostome a eues en mains sans arrêt, a lues et relues scrupuleusement, a tenues en si haute estime que, comme on le raconte, il s’en servait d’oreiller quand il dormait, ce qui lui a valu son surnom d’éloquence dorée.

Iam ex illis nouem quae Aristophanis titulo adhuc supersunt, si qua caeteras, uel argumenti commoditate, uel morum correctione, uel festiuis, sed tamen castis salibus antecellit, ea meo quidem iudicio erit πλοῦτος.

Maintenant sur les neuf pièces attribuées à Aristophane qui ont survécu, s’il en est une qui dépasse les autres par la convenance de l’argument, la correction des mœurs, la drôlerie tout en restant dans les limites de la plaisanterie chaste, ce sera à mon avis celle du Plutus.

Hanc ergo in usum cum aliorum studiosorum, qui hinc proficient, tum uero maxime nostrorum auditorum a nobis selectam et Anshelmi nostri typis excusam tui nominis auspicio foelicissimo prodire merito uoluimus praeceptor et parens optime.

C’est donc elle que, à l’usage des autres savants, qui en tireront profit, mais aussi et surtout de nos étudiants, j’ai choisie et confiée à la casse de notre ami Thomas Anshelm avec le désir de l’éditer à dessein sous l’auspice très favorable de ton nom, maître et père excellent.

Nam quum quidquid huius ingenioli agellus, quem tuis perceptionibus diligenter excoluisti, produxerit, id totum tibi deberetur, et huuis messis tempore ipsi nihil Caesario dignum in horreum colligissemus uorsuram interim facere statuimus potius quam in neruum ire, hoc est ab Aristophane mutuum sumere, quod tibi interim dependatur.

Car puisque tout ce que mon petit domaine d’intelligence, que tu as diligemment cultivé de tes leçons, a pu produire t’est dû entièrement et que, au moment de cette moisson, nous n’avons rien entreposé au grenier qui fût digne de Caesarius lui-même, nous avons décidé de transférer notre dette plutôt que d’aller en prison, c’est-à-dire de faire un emprunt à Aristophane qui puisse te payer entre temps.

Suscipe ergo uir clarissime serena fronte quidquid id est libelli, et nostrum erga te amorem hoc munusculo, pro tempore utcumque ostensum, tantisper boni consule, dum per ocium et ingenii facultates maiora ad tui nominis gloriam parare liceat.

Examine donc, homme très célèbre, d’un œil indulgent tout cet opuscule et agrée notre affection à ton endroit, marquée de toute manière par ce petit cadeau de circonstance, en attendant que le loisir et les facultés intellectuelles me permettent de t’en offrir de plus grands pour glorifier ton nom.

Vale foelix Lipsiae Octauo Kalend. Septemb. Anno restitutae salutis M.D.XVII.

Porte-toi bien dans la félicité. Leipzig, 25 août de l’an de grâce 1517.


1. Eur., Ion 565.
2. Quint., I.O. 1.8.8.
3. Alde Manuce, 1498 1.17, .