Clarissimo eruditissimoque uiro D. Ioanni Tartesio, praesidi collegii Aquitanici apud Burdegalenses Petrus Nannius. S.P.D.
Petrus Nannius

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Traduction : Sarah GAUCHER

Clarissimo eruditissimoque uiro D. Ioanni Tartesio, praesidi collegii Aquitanici apud Burdegalenses Petrus Nannius. S.P.D.

Pierre Nannick adresse son chaleureux salut au très illustre et très érudit Johannes Tartesius, président du collègue d’Aquitaine à Bordeaux.

Magnae foelicitatis est incolumi uita honestam sui famam sentire.

C’est le signe d’une grande félicité que de jouir de son vivant d’une honnête réputation.

Nam posthuma illa gloria, et quae non nisi a morte contingit, tametsi a multis magnopere expetita, serior tamen haberi solet, ut quae tum demum adueniat, ubi is, qui ea frui debebat, e uita discesserit, quasi si bellaria inferantur iam digressis conuiuis.

En effet, la gloire posthume et qui ne provient que de la mort, bien que bien des gens la recherchent vivement, est habituellement considérée comme trop tardive, puisque qu’elle arrive seulement lorsque celui qui devait en jouir a quitté l’existence, comme si l’on apportait le dessert après le départ des convives.

Tibi uero integris sensibus, necdum fracta aetate ea nunc est famae claritudo, ut apud multas gentes nullius nomen adaeque celebretur.

Or, tu possèdes à présent que tes sens sont intacts et que ta vie n’est pas encore arrivée à son terme, une illustre renommée, si bien que chez bien des peuples aucun nom n’est également célébré.

In ore est omnibus, Parisios a te doctis uiris esse repletos, et nunc Burdegalam repleri, teque Cereris in morem translatis subinde sedibus uagari, quo sementem eruditissimorum uirorum uariis in locis spargas.

Tous rappellent que tu as rempli Paris d’hommes savants, que tu en remplis maintenant Bordeaux et qu’à la manière de Cérès, ayant changé de séjour, tu voyages pour répandre dans des lieux variés la semailles d’hommes très érudits.

Neque id absurde de te iactatur, ut caecias nubes, ut Ptolemaeus ille libros, ita te doctissimos quosque contrahere, eosque ut uiuiradices uariis in gymnasiis conserere, et dum id agis, nullis a te sumptibus parci, amplissimos tuos census ad id unum destinari, longeque Moecenatis benignitatem transcendere.

Et ce n’est pas à mauvais escient qu’on te vante de rassembler, comme le vent du nord-est les nuages, comme le célèbre Ptolémée les livres, tous les plus grands savants et de les cultiver, comme des plantes, dans différents gymnases, de ne t’épargner, ce faisant, aucune dépense, de destiner à ce seul effet tes plus abondantes ressources, et de dépasser de loin la générosité d’un Mécène.

Ille enim, et si multa in doctos decidit, quantulum tamen de patrimonio imminuit ?

Ce dernier, en effet, s’il a dépensé bien des richesses pour les savants, de quelle faible part cependant a-t-il entamé son patrimoine ?

Tibi omnia omnino eruditorum commodis seruiunt.

Mais toi, tous tes biens sont complètement mis au service du profit des érudits.

Nihil uereor ne de assentatione sim suspectus, cum non meas sed omnium uoces repono.

Je ne crains en rien d’être suspecté de partisanerie, lorsque j’exprime non pas mon opinion mais celle de tous.

Puto eum quem laudant omnes, et me impune laudare posse, praesertim cum id non eadem amplitudine, qua ceteri, faciam, multa detrahens ex iustissimis tuis laudibus, quo et fronti tuae et meae uerecundiae parcerem.

Je peux également, je pense, louer sans crainte celui que tous louent, surtout étant donné que je ne le fais pas aussi amplement que les autres, en retirant beaucoup des très justes louanges qui te sont dues, afin d’épargner ton front et ma pudeur.

Credo enim te magis cupere, ut uirtutes tuae in animis hominum sentiantur, quam uerbis iactentur.

Car, à mon avis, tu préfères que les esprits des hommes sentent tes vertus plutôt que mes mots les étalent.

Ego quoque multo malim, si fieri posset te meum animum, qua uerba cognoscere.

Pour ma part, je le préfèrerais également de loin, s'il était possible que tu connaisses mon esprit plutôt que mes mots.

Ceterum inter tot tuos laudatores uocem continere nequiui, quin, ut olim inter tot salutatores etiam coruus extitit, qui edoctum ab alio suum chaere Augusto occinuit1, ita et ego quoque ex tot magnificis encomiis, quae nunc Louanii de te resonant, paucula uerba decantarem.

Du reste, au milieu tant de panégyristes, je n’ai pas pu contenir ma voix pour m’empêcher de chanter quelques mots à partir de tant de magnifiques éloges, qui à présent résonnent à Louvain sur toi, de même que jadis parmi tant de clients même un corbeau se montra, qui chanta à Auguste un 'Hello' appris d'un autre.

Qui enim in omnium laudibus obticet, aut publica iudicia improbare, aut malignus esse uidetur.

En effet, celui qui se tait au milieu des louanges de tous, paraît rejeter l’opinion publique ou être envieux.

Vt autem aliquod argumentum mei erga te animi extaret, statui Ranas Aristophanicas a me recognitas tibi dedicare, quas nunc publice interpretaturus sum, doctissimum autorem doctorum amantissimo certum habens non displiciturum, qui tantopere placuit Quintiliano, ut illi primas in comoedia tribuerit2, quas non solum elegantia et lepore, sed et utilitate doctrinae meretur.

D’autre part, pour donner à voir une preuve de ma disposition à ton égard, j’ai décidé de te dédier les Grenouilles d’Aristophane, qu’après avoir révisées je m’apprête à faire paraître pour le public, puisque j’ai la certitude qu’un auteur tout à fait savant, à qui Quintilien a jugé bon d’attribuer en matière de comédie les palmes qu’il mérite non seulement grâce à son élégance et son charme, mais aussi à l’utilité de son enseignement, ne déplaira pas à un amoureux des savants.

Alii comici toti ferme in hoc sunt, ut qui affectus in singulis aetatibus, aut studiis uigeant, describant, iste autem ut hoc habet, ita etiam uitia reipublicae castigat, et principes ciuitatis censoria quasi uoce obiurgat.

Presque tous les autres comiques sont hommes à décrire les passions qui président à chaque âge ou à chaque désir, mais celui-là, en plus de posséder cette qualité, châtie aussi les vices de l’état et réprimande les premiers de l’état comme par la voix d’un censeur.

Accipe igitur eum poetam, a quo Menander quidem formam nouae comoediae, Lucianus uero dialogorum argumenta accepit.

Reçois donc ce poète duquel Ménandre a reçu la forme, du moins, de la nouvelle comédie et Lucien les sujets de ses dialogues.

Vale.

Adieu.

Louanii quarto Idus Decemb. 1533.

À Louvain, le 4 des Ides de décembre 1533.


1. Macr., Sat. 2.4.
2. Quint., I.O. 10.1.66.