Amplissimo bonarum artium Patrono, Alexandro Farnesio, S<anctae> R<omanae> E<cclesiae> Cardinali meritissimo, Andreas Diuus Iustinopolitanus salutem et felicitatem
Andreas Divus

Présentation du paratexte

Traduction : Christian NICOLAS

Amplissimo bonarum artium Patrono, Alexandro Farnesio, S<anctae> R<omanae> E<cclesiae> Cardinali meritissimo, Andreas Diuus Iustinopolitanus salutem et felicitatem.

Au considérable protecteur des arts et lettres, Alexandre Farnese, Cardinal très légitime de la Sainte Église Romaine, Andrea Divo de Justinopolis1 souhaite salut et félicité.

Semper ego cum natura mea, tum doctorum praeceptis magnam credidi uirtutis esse uim, nunc autem clariore multo, atque illustriore argumento id perspexi.

J’ai toujours, autant par ma nature propre que par les leçons de mes professeurs, accordé une grande valeur à la vertu ; mais aujourd’hui j’en ai eu une preuve encore plus nette et plus éclatante.

Cum enim audissem, te bonarum artium patrocinium suscepisse, iisque ita florere, ut magnam laudem ab omnibus feras, statim in tui non dicam beneuolentiam, sed pietatem obseruantiamque ita exarsi, ut nihil magis postea cogitarem, quam hunc meum animum, quacumque ratione possem, tibi declarare.

Car quand j’eus appris que tu avais endossé la charge de protecteur des arts et lettres et que tu y réussissais si bien que tous font ton éloge, aussitôt j’ai ressenti non pas seulement une ardeur à te complaire mais une fidélité et un respect tels que je ne songeais plus qu’à te faire connaître mon affection de n’importe quelle façon.

Quid igitur in hac re praestarem, homo ab iis rebus destitutus, quae tuae dignitati conueniunt ?

Que pouvais-je en la circonstance te proposer, en homme dépourvu de tout ce qui convient à ta dignité ?

Omnino nihil est tam amplum quod non uirtus et magnitudo tum ingenii, tum fortunae tuae superet ; quae enim animi sunt bona, ea in te ita elucescunt, ut in nullo magis ; quae uero fortunae, tanta sunt, et tam multa, ut optare supra nihil possis.

Absolument rien n’est assez considérable pour égaler les qualités et la dimension de ton intelligence ou de ta fortune ; car les biens de l’esprit brillent chez toi comme chez nul autre ; quant à ceux de la fortune, tu en as de si grands et de si nombreux que tu n’as rien à souhaiter de plus.

Auus tuus sanctissimus, et optimus, quo nemo umquam maiore hominum laetitia et expectatione pontificatum est adeptus, nemo maiore sapientia et aequitate administrauit, suae gloriae quasi radios ita diffundit, ut magnam partem in te transmittat.

Ton très saint et excellent aïeul, dont le pontificat a, plus que n’importe quel autre, comblé la joie et les attentes des hommes et a été administré avec plus de sagesse et de justice que n’importe quel autre, diffuse les rayons de sa gloire jusqu’à t’en transmettre la plus grande part.

Pater uero tuus quantus est, Dii immortales, certe priscos illos imperatores aut adaequat, aut superat.

Quant à ton père, grand comme il est, Dieux immortels, à l’évidence il égale ou surpasse les meilleurs empereurs de l’antiquité.

Denique tota familia tua nihil est illustrius, nihil honoratius.

Enfin, comparé à ta famille, rien n’est plus illustre, plus respecté.

Quae res cum solea[n]t homines insolentiores, et superbiores efficere, summa tamen moderatio, et naturae benignitas in te cernitur ideoque nihil magis, quam eorum, qui te colunt, animum perpendis.

Alors que cela rend d’ordinaire les hommes plus orgueilleux et dédaigneux, chez toi pourtant c’est la modération et une bonté de caractère que l’on voit et c’est pourquoi tu ne pèses rien davantage que l’âme de tes amis.

Quae me ratio impulit, ut auderem ego quoque exiguum munus amplitudini tuae dicatum mitter, exiguum tamen, si magnitudini tuae conferatur, si uiribus nostris, multo maximum.

C’est ce qui m’a poussé à oser moi aussi envoyer un menu cadeau consacré à ta grandeur, menu en comparaison de ta grandeur mais, en comparaison de nos forces, immense.

Aristophanis comoedias superioribus annis non sine summis laboribus, ac uigiliis latinitate donaui.

Les comédies d’Aristophane, ces dernières années, non sans un travail assidu et des nuits blanches, je les ai traduites en latin.

Eas hortatu quorumdam hominum, quorum auctoritas apud me plurimi est, ut imprimendas curarem, sum adductus.

A la demande de certains, dont l’autorité est d’un grand prix chez moi, j’ai été amené à les faire imprimer.

Quoniam uero ita usus, obtinuit, ut nullus fere liber in lucem exeat, quin prius alicuius excellentis, ac praestantis uiri tutelae commendatus fuerit, ut scilicet detractorum calumnias non extimescat, idcirco quicquid in hac tralatione positum est a me diligentiae, ac studii, id tuo numini consecratum esse uoluimus, cuius humanitatem ab omnibus iam praedicari audio.

Mais puisque l’usage est que presque aucun livre ne sorte sans être recommandé à la protection d’un homme excellent et de premier rang, afin de ne pas craindre, j’imagine, les calomnies de ses détracteurs, tout ce que j’ai mis dans cette traduction de soin et de goût, j’ai voulu le consacrer à ton approbation, toi dont je sais que la culture est dans toutes les bouches.

Illud autem magnopere doleo, eum me non esse, qui, quantum cupiam, declarare ualeam.

Mais je déplore vivement de ne pas être capable de déclarer autant que je voudrais.

Quod autem ualeo, hoc est ut dotes tuas celebrare, quantum in me est, nunquam desinam, etsi non est hoc officium ualde a te requirendum, qui et iam ipse te summis ornas laudibus et habes, ut audio, qui tecum uiuunt, teque assidue colunt, doctiores longe, ac eloquentiores, quam ego sum, perque multos.

Ce que je peux, c’est de ne jamais cesser de célébrer, de toutes mes forces, tes dons, même si ce n’est pas un office que tu doives rechercher, toi qui par toi-même t’ornes des plus beaux éloges et que tu en as, comme je le sais, dans la suite de ceux qui vivent avec toi et cultivent ton amitié, de bien plus savants que moi et en grand nombre.

Sed ne te grauissimis studiis occupatum diutius detineam, finem faciam, si prius illud te rogabo, ut in eorum, qui te obseruant, numerum me, qui iam pridem tui sum obseruantissimus, recipere ne dedigneris.

Mais, pour ne pas te détourner trop longtemps des tes occupations sérieuses, je vais finir en te demandant tout de même au préalable de ne pas dédaigner de me compter au nombre de ceux qui te respectent, moi qui depuis longtemps ai pour toi tant de respect.

Quod si facies, magnum meae in te pietatis praemium tulisse me existimabo.

Si c’est le cas, j’estimerai avoir reçu une grande récompense de la vénération que je te porte.

Vale.

Adieu.


1. C’est-à-dire la ville d’Istrie Capodistria, en slovène Koper.