Présentation du paratexte
Epistula nuncupatoria
Epître dédicatoire nominative
Nobilissimo ac reuerendissimo Aloysio Pisano, episcopo Patauino, Iohannis Pisani, clarissimi Diui Marci procuratoris, filio, ANDREAS DIVVS Iustinopolitanus Salutem Plurimam Dat.
Au très noble et très-révérend Aloysius Pisanus/ Luigi Pisano, évêque de Padoue1, fils de Iohannes Pisanus/Giovanni Pisano, illustrissime procurateur de Saint-Marc, Andreas Divus/Andrea Divo, donne un grand bonjour.
Quemadmodum eos summa uituperatione dignos semper exisitimaui, qui, cum optime de aliis merendo maximam sibi gloriam comparare possent, silentio uitam praeterire maluerunt, ita mihi eorum contra uoluntas ac consilium summopere probatum est qui omnem suam operam, studium, laborem non ad suam tantummodo sed communem potius utilitatem contulerunt.
Autant j’ai toujours jugé dignes des plus grands reproches ceux qui, tout en pouvant prétendre à une belle gloire en rendant service aux autres, ont préféré passer leur vie dans le silence, autant au contraire j’ai le plus grand respect pour la volonté et la décision de ceux qui ont mis tous leurs soins, leur zèle et leur travail non pas seulement pour leur compte mais pour le bien commun.
Hoc enim ipsa naturae ratio mortalibus praescribit ut homo homini consultum uelit.
Car c’est une loi de la nature qui prescrit aux mortels que l’homme doit s’intéresser à l’homme.
Quam ducem secuti quam plurimi, alii pro patria, pro imperii dignitate, multa praeclara gessere, alii et permulta ipsi ingeniose excogitarunt, quae mortalium uitae cum usui, tum ornamento forent et fortissimorum uirorum gesta litterarum monimentis prodiderunt.
Beaucoup l’ont prise pour guide, tels en réalisant des exploits pour la patrie, pour la gloire de l’empire, tels en imaginant de nombreuses inventions utiles et belles pour la vie des mortels et en laissant un témoignage littéraire de la geste des plus grands capitaines.
Ex quo quidem officio quantam utrique sibi adepti sint gloriam, id omnibus tam notum est ut meo nunc testimonio egere minime putem.
De ces services, quels mérites ces deux sortes d’hommes ont acquis, la chose est si connue de tous que je ne crois pas qu’ils aient besoin de mon témoignage.
Hac ego naturae inclinatione et eorum quos dixi aemulatione impulsus, iampridem mecum egi, quomodo eiusmodi aliquid inuenirem, quod litterarum studiosis non mediocri utilitati fore censerem.
Pour ma part, mon inclination naturelle et l’envie de me comparer à ceux que j’ai dits m’ont poussé depuis longtemps à chercher de quoi satisfaire, à mon idée, les besoins de la communauté des savants.
Quapropter cum non ignorarem quantum ex litteris Graecis fructus percipi soleat, nec tamen ab omnibus aut illis operam dari posse aut intelligi, non inutilem neque ingratum quam plurimis fore putaui laborem meum si Graecos auctores ad uerbum in Latinum sermonem uertendos atque excudendos curarem : non tamen in iis tam uerborum quidem elegantiam, uenustatem, lenociniaue captans, quam ut lineamenta fidelius quam possem, poeticasque figuras exprimerem.
C’est pourquoi, sachant bien quel profit on tire d’ordinaire de la littérature grecque mais aussi que tous ne peuvent s’y appliquer ou même la comprendre, j’ai supposé que je ferais œuvre utile et agréable à beaucoup en m’occupant de traduire mot à mot les auteurs grecs en latin et de les imprimer, non sans toutefois exprimer autant l’élégance, la grâce, la recherche lexicale qu’on peut y saisir que, le plus fidèlement possible, les grandes lignes et les figures poétiques.
In quam quidem rationem cum me dedissem, tantum abfuit ut eius me consilii paeniteret, ut superiore anno Homerum ediderim, hoc uero tempore festiuissimum comicorum omnium Aristophanem in lucem sim daturus.
Alors que je me suis adonné à cette matière, loin de regretter mon idée, j’ai sorti l’an dernier un Homère et, ces derniers temps, je m’apprête à mettre au jour le plus drôle des auteurs comiques, Aristophane.
Quem quidem cum diu, multumque cogitassem, cui potissimum nuncuparem, nemo plane mihi occurrit cui aut iustius (meo quidem iudicio) dicatum quam tibi, aut tutius a maleuolorum detractatione, quam sub tuo nomine exiturum putarim.
Après m’être longtemps et beaucoup posé la question de savoir à qui le dédicacer, je n’ai trouvé vraiment personne à qui il serait plus légitime (à mon sens) de le dédier ni comment il serait mieux protégé de la calomnie des malveillants que sous ton nom.
Id quod ut facerem, mouebat me primum generis uestri nobilitas, domus amplutudo, ex qua (ut alios taceam) prodiit Reuerendissimus ac amplissimus cardinalis Franciscus patruus tuus, uir singulari prudentia, probitate, integritateque et in cardinalium numero religione maxime celebris, summa patris tui uiri clarissimi et procuratoria dignitate insignis auctoritas, deinde uero etiam tua, qui iam Patauinum episcopatum sis adeptus, ingenui mores, summa probitas, summum in litteris cum Latinis, tum Graecis studium.
Cette décision était motivée d’abord par la noblesse de votre famille, l’ampleur de votre maison, de laquelle (sans rien dire des autres) sont sortis le très-révérend et important cardinal Francesco, ton oncle, homme d’une rare intelligence, probité, intégrité et très célèbre parmi les cardinaux pour sa piété, l’extrême autorité de ton illustrissime père, auréolée de la dignité de procurateur, enfin la tienne, toi qui as déjà obtenu l’évêché de Padoue, ton caractère noble, ta probité extrême, ton goût de le littérature tant grecque que latine.
Multa sciens praetereo quae a me uere de laudibus tuis referri possent, ne aut oratione mea illustriores eas, pour ne pas para reddere uelle, aut assentatiuncula quadam aucupari gratiam tuam uidear.
En conscience je passe les nombreux éloges qu’on pourrait en vérité te faire, pour ne pas donner l’impression de vouloir par mon discours les amplifier encore ou, par de la courtisanerie, être à l’affut de ta bienveillance.
Quamobrem illud a te tantum peto ut et hos industriae meae fructus, qui singularis beneuolentiae ac summae erga te obseruantiae meae perpetui testes sint futuri, perlibenter accipere et me in tuorum numero habere uelis.
Aussi te demandé-je seulement de bien vouloir accepter de bon cœur ces fruits de mon travail, témoignages de ma future et définitive bonne volonté sans faille et obligeance complète à ton endroit, et de me compter comme un des tiens.
Tu igitur iam bene uale meque apud te quam commendatissimum habeas.
Et toi, donc, porte-toi bien et considère-moi comme ton plus chaud partisan.