Illustrissimo ac Amplissimo S. R. E. Cardinali et Principi Tridentino, Christophoro Madrucio. Martius Martiranus.
Martius Martiranus

Présentation du paratexte

Traduction : Christian NICOLAS

Illustrissimo ac Amplissimo S. R. E. Cardinali et Principi Tridentino, Christophoro Madrucio. Martius Martiranus.

Quum uiderem patruum meum non modo de suis Poematis supprimendis,sed (quod longe crudelius est) de cremandis etiam cogitare, tanquam carmen pangere nefarium sit, aut alii grauissimi mortales non id antea factitarint, diu mecum quid agerem, dubitaui.

Voyant que mon oncle songeait non seulement à occulter ses ouvrages, mais (ce qui est bien plus cruel) même à les brûler, comme si composer des poèmes était un acte impie, ou que d’autres mortels de grande importance ne l’eussent aussi fait en précédence, longtemps en moi-même je me suis demandé que faire.

Hinc damni metus, ira illinc patrui deterrebat.

D’une part la crainte d’un préjudice, d’autre part la colère de mon oncle me détournaient de toute résolution.

Hinc alicuius impietatis et impudentiae, illinc grandis ignauiae notam subeundam uidebam ; impietatis, si patruo inscio et inuito, quae ipse abdiderat, inuulgarem ; impudentiae, si id putarem meo agendum iudicio non suo ; ignauiae et non uulgaris, si quod erat nostrae familiae aliquid (ni fallor) gloriae allaturum, id ego metu aliquo praepeditus non quacunque ratione ab interitu uindicarem.

Je me rendais compte qu’il fallait faire face à un blâme, soit de quelque impiété et effronterie, soit de grande paresse ; d’impiété, si, à l’insu et contre le gré de mon oncle, je divulguais quelque chose que lui-même avait dissimulé ; d’effronterie, si j’estimais qu’il fallait agir selon mon opinion, et non pas la sienne ; de paresse, et d’une non ordinaire, si moi, embarrassé par quelque crainte, je n’empêchais par tous les moyens possibles la destruction de ce qui était destiné à apporter une quelque gloire (sauf erreur de ma part) à notre famille.

Nam impudentiae crimini facile occurrebam.

Le fait est que je faisais face, sans doute, à une accusation d’effronterie.

Non meo enim, sed eruditissimorum consilio faciebam, qui me ad id agendum quotidie hortabantur.

Car je n’agissais point selon ma volonté, mais selon celle d’hommes très savants, qui m'exhortaient tous les jours à agir dans ce sens.

Quid mihi igitur faciendum, quidue captandum consilii fuit ?

Que fallait-il donc que je fasse, ou que fallait-il que je retienne de leur conseil ?

Quoniam eo recideram, esset ut alterutrum adeundum, malui subimpius, quam perignauus uideri.

Puisque je m’étais retrouvé dans une telle position, qu’il fallait désormais m’exposer à l’un ou l’autre de ces blâmes, je préférai paraître indélicat plutôt que très paresseux.

Nactus itaque patruum absentem, eius ut uolui scrinia compilaui, eiusque scripta (facinus miserandum) paene carie consumpta, quae tantis olim uigiliis lucubrarat, in lucem aedere et in manus hominum tradere deliberaui.

Ainsi, en l’absence de mon oncle, je pillai ses coffrets comme je voulus, et je décidai d’exposer aux yeux du monde et confier aux mains des hommes ses écrits (crime déplorable) presque consommés par la pourriture, qu’il avait autrefois travaillés à la lueur de la lampe en de si longues veilles.

Quod tamen non fuit temere faciendum, quin mihi de ara aliqua et clypeo prospicerem antea.

Ce ne fut pas, toutefois, une entreprise à prendre à la légère, sans qu’auparavant je voie devant moi quelque autel et bouclier dédié à ma petite personne.

Omnia uersanti id Deus consilii subiecit, tibi haec ut scripta Heros Madruti, hominum quantum sol aspicit, praeclarissime dedicarem.

A moi qui tournais et retournais tout cela dans mon esprit, Dieu imposa ceci, de dédier ces écrits, de la plus excellente manière, à toi, célèbre Madruccio, puisque c’est toi que le soleil regarde parmi les hommes.

Tuo enim nomine tanquam ramo aureo in uestibulo prospecto, si anguis sit patruus meus, ut est placidissimus, e uestigio mitescet.

En effet, si mon oncle était une couleuvre (car il est de tempérament très calme), de par ton nom, aperçu de loin dans le vestibule tel une branche dorée, il serait apprivoisé sur-le-champ.

Quare o patrui summum decus et praesidium meum, hoc unico me usum subsidio fuisse, aequo animo patiare, ut mihi a patruo per te, et per te patruo ab obtrectatoribus amplissime caueatur.

C’est pourquoi - oh ! la gloire suprême de mon oncle et ma propre protection, voilà le seul soutien dont j’eusse besoin - je permettrais volontiers, d’une âme égale, que ton intercession nous mette à l’abri : moi-même de mon oncle, et mon oncle de ses détracteurs .