Lambertus Hortensius Montfortius nobili uiro D. Theodorico Zuleno, etc. Equiti Aurato, Salutem Dat
Lambertus Hortensius Montfortius

Présentation du paratexte

Lambertus Hortensius (1500-1574) Lambertus Hortensius est un prêtre historien et humaniste néerlandais. Il est recteur de l’école latine (Gymnasium) de Naarden en 1544 et bien qu’il ne s’éloigne pas vraiment de la foi catholique, il sympathise avec les idées de la réforme. Son nom en langue vernaculaire n’est pas connu. Il a beaucoup commenté les auteurs anciens, et notamment Aristophane, Virgile et Lucain et il a également écrit des œuvres historiques en latin, notamment autour de la Réforme et des Anabaptistes (comme l’Histoire des Anabaptistes ou Relation curieuse de leur doctrine) qui ont un rayonnement international. Ses commentaires sur l’Enéide de Virgile, Enarrationes in sex priores libros Aeneidos Virgilianae ont été publiés en 1559, suivi en 1577 d’une édition complétée avec les commentaires de Lambertus Hortensius sur les six livres suivants. Cependant, les commentaires sur les livres VII à XII sont moins nombreux.

Dans cette épître dédicatoire, Hortensius, pour présenter les Cavaliers, se livre en réalité à un long excursus sur les manières et les propos de table dans l’antiquité, qu’il étaye de nombreuses anecdotes empruntées aux sources attendues (Athénée, Macrobe, Platon, Plutarque…) le plus souvent relayées par Érasme. Le lien, vers la fin du paratexte, se fait avec la comédie, sorte de banquet à grande échelle.

Bibliographie :
  • Kristine Louise Haugen, “A French Jesuit’s Lectures on Vergil, 1582-1583: Jacques Sirmond between Literature, History, and Myth”, in Sixteenth Century Journal, Vol. 30, No. 4, 1999, pp. 967-985
Traduction : Christian NICOLAS

Lambertus Hortensius Montfortius nobili uiro D. Theodorico Zuleno, etc. Equiti Aurato, Salutem Dat

Lambertus Hortensius de Montfort au seigneur Theodoricus Zulenus1 etc., Chevalier de l’Éperon d’Or2, donne son bonjour.

Alcibiades apud Platonem in Symposio, Socratis encomium dicturus eius prosopographiam diserte praemittit, quo cetera omnia illustria postea uideantur.3

Alcibiade, dans le Banquet de Platon, devant prononcer l’éloge de Socrate, commence par une éloquent portrait illustrant tous les faits ultérieurs célèbres.

Confert eum cum Silenis, ob id, quod longe alius propius introspicienti re uera esset, quam extrinsecus ex habitu, lineamentis, et omnibus denique corporis coloribus appareret.4

Il le compare aux Silènes, au motif qu’il est en réalité très différent, quand on l’examine à l’intérieur, de ce qu’il laisse voir l’extérieur, avec sa silhouette, ses traits et enfin toutes ses caractéristiques physiques.

Etenim si caput hominis spectasses, si uultus deformitatem, humerorum, pectoris, brachiorum, crurum et pedum prodigiosam formam contemplatus fuisses, Thersiten aliquem, aut Thersite etiam monstrosiorem dixisses.

De fait, si on avait regardé la tête du bonhomme, si l’on avait contemplé la hideur de son visage, la forme prodigieuse de ses épaules, de sa poitrine, de ses bras, de ses jambes, de ses pieds, on eût dit un Thersite ou quelque être plus monstrueux que Thersite.

Neque emptorem temere inuenisset, si uenum in forum productus esset.

Et il n’aurait guère trouvé d’acquéreur si on l’avait mis en vente sur le marché.

Facie rusticana, bardo similis erat, nares simae, et eae quidem purulentae, aspectus taurinus.

Par son visage paysan, il faisait lourdaud, avec un nez de singe, qui plus est morveux, et un air de taureau.

Par cultus et nitor, uestitus sordidus, neglectus, squalidus.

Soin et éclat identiques, habit pauvre, négligé, sale.

Oratio ceteris respondens, inculta iacens, ac simplex.

Discours en réponse à tout, sans apprêt, humble et simple.

In collationibus personarum, ac rerum nusquam non in ore erant cerdones, fullones, textores, coriarii, nautae, aurigae, aut si qua est hoc hominum genere faex, et colluuies uilior.

Dans les comparaisons de personnes et de choses, il avait toujours à la bouche les artisans, les foulons, les tisserands, les corroyeurs, les marins, les cochers ou toute autre lie de l’humanité et vile engeance.

Hinc sumebat in disputando sua principia, hinc inductiones, hinc elementa argumentorum ducebat.

C’est de là qu’il prenait dans la conversation ses principes, de là ses inductions, de là qu’il tirait les prémices de ses arguments.

Fortuna erat tenuis, ut quae ne ad mediocritatem quidem accederet.

Sa fortune était mince, incapable de se hisser à un niveau moyen.

Cum hac fortuna coniuncta erat uxor similis quidem, sed ingenio longe dissimilis, mala, procax, deformis, improba, morosa, imperiosa, qualem ne foricarum quidem repurgator ferret.

Avec une telle fortune, il avait pour conjointe une épouse semblable, mais très différente par le caractère, méchante, impudente, laide, malhonnête, morose, autoritaire, que même un laveur de latrines n’aurait pas prise.

Ioci hominis parum liberales, aut urbani erant, quales in morionibus est audire.

Ses bons mots n’étaient guère distingués ni spirituels, du registre de ceux qu’on entend chez des bouffons.

In summa ad nullas Reipublicae partes idoneus adeo uidebatur, ut cum aliquando ad populum orationem exorsus esset, post unam atque alteram periodum enuntiatam cum sibilo exploderetur.

En somme, il semblait si peu apte à quelque charge publique que ce soit que quand, parfois, il commençait un discours en public, après avoir énoncé une ou deux phrases, il se faisait expulser sous les huées.

Haec fuit Socratis externa facies et imago, sed si eum propius intuitus fuisses, numen hominis inuenisses, animum excelsum, philosophicum, et contemptorem earum rerum, quas homines summi pariter et infimi uulgo admirantur.

Telles étaient l’enveloppe et l’apparence externe de Socrate ; mais si on l’avait regardé de plus près, on aurait trouvé le divin de l’homme, une âme élevée, philosophique et n’ayant que mépris pour les choses que les hommes du sommet et ceux d’en bas apprécient généralement.

Cumque inter alios ambitio profitendi sapientiam ultra modum ferueret, ipse autem dicere solebat, id unum scire se, quod nihil sciret.

Comme, plus que d’autres il bouillait de l’ambition de professer la sagesse, lui-même avait coutume de dire que la seule chose qu’il savait, c’était qu’il ne savait rien.

Mortis adeo pertinax contemptor, ut cicunam eo uultu et quidem ἀπνευστί, hauriret, quo uinum soleret.5

Il méprisait à ce point la mort qu’il but la ciguë, et cul-sec6, avec le même air que s’il buvait du vin.

Atque, haec res in caussa fuit, cur Apollinis Delphici oraculo omnium mortalium sapientissimus iudicaretur.

Et telle fut la raison pour laquelle l’oracle d’Apollon à Delphes le jugea le plus sage de tous les mortels.

Erat natura taciturnior, id quod sapientiae argumentum est.

Il était par nature plutôt taciturne, ce qui est un indice de sagesse.

Rogatus aliquando a quodam ut aliorum exemplo, in cena, aliquid e pectoris sui narthecio in medium adferret, ad hunc modum respondisse dicitur : ἐν οἷς μὲν ἐγὼ δεινός, οὐχ ὁ νῦν καιρός· ἐν οἷς δ’ ὁ νῦν καιρός, οὐκ ἐγὼ δεινός 7, id est, in quibus ego polleo, ea non sunt huius ioci atque temporis ; quae uero huius loci sunt atque temporis, in his ego nihil polleo.

Alors que quelqu’un lui demandait un jour, dans un dîner, de livrer comme les autres un secret du fond de son cœur, il fit cette réponse, dit-on : ἐν οἷς μὲν ἐγὼ δεινός, οὐχ ὁ νῦν καιρός· ἐν οἷς δ’ ὁ νῦν καιρός, οὐκ ἐγὼ δεινός, c’est-à-dire « là où j’excelle, ce n’est pas à propos ; là où c’est à propos, je n’excelle pas du tout ».

Ducebat uir tantus esse indecorum lasciuis iocis philosophiam, et oratoriam maiestatem admiscere, et intempestiue, ea illic proponere, quae rebus praesentibus minime congruerent.

Ce grand homme pensait inconvenant de mêler des plaisanteries grivoises à la philosophie et à la majesté oratoire et de proposer là des éléments incompatibles avec la matière présente.

Quod quidem perinde esset, ac si ἦν ἐν τῇ φακῇ μύρον 8, hoc est, in lenticula unguentum admisceres.

Ce serait alors comme si ἦν ἐν τῇ φακῇ μύρον, c’est-à-dire « comme si on versait du parfum dans les lentilles ».

Mensa enim cum Musis, Gratiis et Genio consecrata sit, ut tetricis, et inamoenioribus studiis positis, et curis abiectis, animi sermonibus salsis, ceu delicatioribus quibusdam epulis ibi reficiuntur, ita ab ea omnem tristitiam, et quicquid rugas gigneret, ac frontem corrugare posset, procul illi abesse uoluerunt.

Car comme la table est mise pour les Muses, les Grâces et le Génie, de même que, une fois mises de côté les activités sévères et désagréables et repoussés les soucis, les esprits se restaurent de conversations spirituelles comme de mets délicats, de même on a voulu en éloigner toute sorte de tristesse et tout ce qui donne des rides et fait plisser le front.

Huc ne qua Ate usquam prope accederet conuiuarum numerum intra metas quasdam constrinxerunt, ne plures quam nouem, aut pauciores tribus essent ; sic enim posse fieri arbitrabantur, ut turbae ac tumultui fenestra praecluderetur.

Pour qu’aucune Atè9 ne s’en approche trop, ils ont limité le nombre des convives dans des limites précises, pas plus de neuf, pas moins de trois ; ils pensaient qu’ainsi on interdirait à la foule et au tumulte l’accès à la fenêtre.

Hac animorum hilaritate iudicabant futurum, ut animi postea ad munera tum publica, tum priuata obeunda lubentiores redderentur.

En donnant aux âmes cette gaieté, ils pensaient qu’elles seraient par la suite, tant dans les activités publiques que privées, plus enjouées.

Iouem Xenium inuocabant, ut laetum conuiuium esse uellet.

Ils invoquaient le Zeus de l’hospitalité pour qu’il veuille bien rendre gai le banquet.

Regem conuiuii talis sortiebantur, qui et Modiperator, et Mnamon fuit dictus ; ab hoc bibendi leges praescribebantur, ne non disciplina, ceu in angusta quadam Republica seruaretur.

Ils tiraient au sort le roi de ce banquet, qu’on appela Modimperator10 et Mnamon11 ; c’est lui qui prescrivait les règles pour boire, afin de préserver la discipline, comme dans une petite société.

Puniebantur legibus conuiualibus rei deprehensi.

On punissait selon ces lois conviviales les fautifs pris en flagrant délit.

Et ut mensa omni ex parte religiosa esset, pocula, et poculorum genera diuersa diuersis Diuis consecrata stabant, quo inter potandum bono omine in orbem obambulantia Aten et Nemesin procul inde facessere iuberent ; primus crater Sanitati sacer erat ; secundus Amori ac Voluptati ; tertius Somno ; sed quartus iniuriae donatus fuit quod irritabiles tum fere sint ad uim et certamina irarum ferociores spiritus.

Et pour que la table soit entièrement conforme au culte, il y avait des coupes, et divers genres de coupes consacrées à diverses divinités, que, entre deux tournées, en guise de bon présage, on promenait en cercle pour forcer Atè et Némésis à s’en aller ; le premier cratère était pour la Santé ; le second pour l’Amour et le Plaisir ; le troisième pour le Sommeil ; mais le quatrième fut consacré à l’Insulte parce que, dès lors, les esprits irritables et échauffés étaient portés à la violence et à la bagarre suscitée par la colère.

Elegantiores tamen aliam rationem poculorum esse uolebant.

Mais des hommes plus distingués voulaient un autre service des boissons.

Primum Gratiis, Horis, et Libero patri dicabant: Secundum Veneri, et Libero patri commune : Tertium Iniuriae : quod quia largius erat, et meracius, ad iurgia pronius impellere posse uideretur.

Ils dédiaient le premier cratère aux Grâces, aux Heures et à Bacchus ; le second conjointement à Vénus et à Bacchus ; le troisième à l’Insulte, lequel, parce qu’il était plus grand et plus capiteux, semblait devoir pousser plus vite aux disputes.

Zenodotus Graecus scriptor auctor est, a cena meracum inferri solere.12

Zénodote est l’auteur grec qui atteste que l’on rapportait ordinairement du vin pur du repas.

Calix erat spumans, quae κρᾶσις ἀγαθοῦ δαίμονος 13 dicebatur.

Il y avait un calice mousseux qu’on appelait « le mélange du Bon Génie ».

Meminit huius Aristophanes comicus in Equitibus.

Aristophane le comique s’en souvient dans Les Cavaliers :

μὰ Δί’, ἀλλ’ ἄκρατον οἶνον ἀγαθοῦ δαίμονος 14, id est, non per Iouem, uerum boni genii merum.

μὰ Δί’, ἀλλ’ ἄκρατον οἶνον ἀγαθοῦ δαίμονος, c’est-à-dire « Non par Zeus, mais par le bon vin pur du Bon Génie ».

Ibidem alibi : ἕλκε τὴν τοῦ δαίμονος τοῦ Πραμνίου 15.

Même pièce, ailleurs : ἕλκε τὴν τοῦ δαίμονος τοῦ Πραμνίου,

Trahe poculum daemonis Pramnii.

« Prends la coupe du Génie de Pramnios ».

Erat enim Pramnium uimum inter cetera longe laudatissimum, ut apud Romanos olim Falernum.

De fait, le Pramnios16 était un vin réputé entre tous, comme à Rome autrefois le Falerne.

Refertur et alius adhuc poculorum ordo.

On rapporte aussi un autre ordre des services de boisson.

A lotione, qua cenati utebantur, poculum ἀγαθοῦ δαίμονος, capax uehementer et amplum inferebatur.

C’est après le lavage de mains qu’ils faisaient après dîner qu’on apportait le verre « du Bon Génie », de grande contenance et large.

Huic primus habebatur honos, rursum diuersus a superioribus, alius, sed ut apparet, temporibus diuersis.

C’est à lui que revenaient les premiers honneurs, et à nouveau, différents des précédents, d’autres mais, apparemment, à des moments différents.17

Crater primum in mensam illatus Ioui Olympio statuebatur ; secundus, Heroibus ; tertius, Ioui Seruatori18 ; addunt postremi poculi caussam, quod ebrietatem et constringeret et discuteret.

Le premier cratère apporté à table était pour Zeus Olympien ; le second pour les Héros ; le troisième pour Zeus Sauveur19 ; ils prétextent que c’est le dernier verre, pour contenir et chasser l’ivresse.

Quod enim ulterius progrederetur, id non hilaritatem, sed intemperantiam gigneret.

Car tout ce qui s’ensuivait n’apportait plus la gaieté mais l’intempérance.

Non ignoro praeter haec, etiam aliam gradationem poculorum a politis scriptoribus recenseri ut primum siti restinguendae, secundum uoluptati, tertium satietati, quartum ebrietati, quintum, insaniae tribuerent, sed uetustiores ritus, et mensarum caeremonias apud Graecos solum recenseo.

Je n’ignore pas en outre qu’on trouve une autre hiérarchie des services chez des écrivains plus distingués : ils fixaient le premier pour étancher la soif, le second pour le plaisir, le troisième pour la satiété, le quatrième pour l’ivresse, le cinquième pour la folie, mais ces rites antiques et ces codes de banquet, je ne les trouve que chez les Grecs.

Diodorus Siculus Bibliotheces libro quinto refert, aliquando hunc morem in Graecia fuisse, ut in cena meracum tantum apponeretur, a cena uero ferculis sublatis dilutum bene ominandi caussa, Ioui Seruatori.20

Diodore de Sicile, au livre 5 de sa Bibliothèque, rapporte que parfois en Grèce l’usage était d’apporter à table seulement du vin pur, et après le repas, une fois la table débarrassée, de le couper et de le consacrer en bon augure à Zeus Sauveur.

Barbaris quoque suae solemnes erant compotationes, multorum literis celebratae.

Chez les Barbares aussi, les beuveries solennelles étaient célébrées dans les cultures de nombreux peuples.

Apud Thracas, et Scytharum gentem immoderatius se uino ingurgitare nulli dedecori dabatur, quemadmodum nec apud ueterem Germanorum gentem, noctes et dies perpotando continuare.

Chez les Thraces et la nation scythe, on accordait qu’il n’y avait aucune honte à se gorger de vin sans modération, comme dans l’antique nation germanique on passait des nuits et des jours à boire.

At Scythicum hunc morem ut cum natura pugnantem, tum lex diuina prohibet, et ratio, quae in sapientibus lucet, detestatur.

Mais cet usage scythe, tant la nature que la loi divine l’interdit au combattant, et la raison, qui brille chez les sages, le réprouve !

Neque uero minus apud Persas, Celtiberos, et Carthaginienses bibendi insania laboratum fuit, Thraces adeo uinolentiae diditi fuere, ut uestes suas in conuiuiis uino perfunderent.

Et chez les Perses, les Celtibères et les Carthaginois, on ne s’inquiétait pas moins de cette fureur de boire ; mais les Thraces s’adonnaient tant à l’ivrognerie que, dans les banquets, ils aspergeaient de vin leurs habits.

Laudatiorem legem sanxerat apud Locros Zephyrios Zaleucus, ne quis salutis suae caussa praeter medici consilium meracius biberet.

C’est une règle plus louable qu’avait entérinée chez les Zéphyriens de Locres Zaleucus, interdisant de boire pur à sa santé sans un avis médical.

Qui contra eam legem bibisset, capitale erat potori ; sed is ordo, quem dixi apud Graecos seruabatur.

Si l’on buvait contre la loi, c’était la peine capitale pour le buveur ; mais c’est l’ordre que j’ai indiqué qui prévalait chez les Grecs.

In orbem ita obambulabant phialae, ut par pari biberetur21, id quod ipsi ἶσον ἴσῳ 22 dicebant, hoc est, par pari.

On faisait circuler des coupelles de manière qu’on y goûte d’égal à égal, ce qu’ils appelaient ἶσον ἴσῳ, c’est-à-dire ‘d’égal à égal’.

Ad hanc legem omnes conuiuae tenebantur.

Cette règle concernait tous les convives.

Si quis huic parere recusasset, is altera tenebatur, ἢ πίθι, ἢ ἄπιθι 23, aut bibe aut abi ; quae inde in paroemiam abiit, de eo, qui cum tempori praesenti, et loco se accommodare nolit, ut ab hominum conuictu se subducat.

Si l’on refusait d’obéir à cette règle, on était tenu par la seconde : ἢ πίθι, ἢ ἄπιθι, « ou tu bois, ou tu t’en vas » ; laquelle est devenue un proverbe à l’encontre de celui qui, refusant de s’adapter aux circonstances de temps et de lieu, doit se retirer du commerce des hommes.

Ego autem probemne, an uituperem has, in praesenti non pronuntio.

Pour ma part, dois-je approuver ou rejeter ces usages, je ne me prononce pas pour l’instant.

Certe Cicero eas adeo non improbat, ut etiam uehementer probet Libro Tusculanarum quaestionum quinto.24

D’ailleurs Cicéron, loin de les réprouver, les approuve vivement au livre 5 des Tusculanes.

Ducebant enim utile uehementer, omnes eadem bibendi uoluptate frui, ne sobrii in uinolentorum uinolentiam inciderent, censores, castigatoresque morum praesentium neu sobrii obseruarent, quae inter pocula liberius, licentiusque effunderentur et quae uino inscribenda essent, tanquam non dicta25, ea eliminarent, et calamitatum in posterum multarum auctores forent26.

Car ils jugeaient fort utile que tous jouissent d’un même plaisir de boire, pour éviter que des gens sobres ne s’attaquent à l’ivrognerie des ivrognes en censeurs et en réprobateurs des mœurs actuelles, ou que des gens sobres observent ce qui se déverse entre deux tournées avec trop de liberté et de licence et divulguent ce qu’on a dû écrire avec du vin, comme des paroles muettes, se rendant ainsi responsables de nombreuses calamités futures.

Quam porro multis praeter aequum ea nugandi libertas fraudi, imo exitio fuerit, exempla historiarum docent.

Pour beaucoup, cette franchise dans la baliverne a causé de façon disproportionnée de la déception, voire un malheur ; les exemples historiques le démontrent.

Fuit interim ea lex, ἢ πίθι, ἢ ἄπιθι.

Il y a eu entre temps cette loi « ou tu bois ou tu t’en vas ».

Multo tum aequior, tum ciuilior illa, quam Empedocli symposiarchus in conuiuio praescripsit ; ut, aut biberet ad praescriptum ἶσον ἴσῳ 27, aut uinum in caput eius effunderetur.

Mais beaucoup plus juste et policée est cette règle qu’un convive qui banquetait avec Empédocle prescrivit : il faut boire ce qui est prescrit, « même dose pour une même dose », ou verser le vin sur la tête de l’autre.

Tradunt Empedoclem eam Modiperatoris improbitatem tam indigne tulisse, ut postridie utrumque, et inuitatorem, et Modiperatorem in concilio reos egerit, et damnari iusserit.28

On raconte qu’Empédocle supporta si mal les mauvaises manières du roi du festin que le lendemain, tous les deux, le roi du festin et l’hôte, il les fit comparaître au tribunal et les fit condamner.

Quid si uir ille quorundam nostratium legem, plus quam Scythicam audisset : aut bibe, aut cantharum potu plenum in caput impactum accipe, quam sententiam aduersus eiusmodi nomothetam ferri iussisset ?

Si ce grand homme avait entendu la règle, plus scythe que scythe, de certains de nos contemporains ‘bois ou prends sur la tête le contenu d’un canthare plein’, quel verdict aurait-il rendu contre un pareil législateur ?

Quod amicitiae et beneuolentiae symbolum in Diomedeam tyrannidem uertisset.

Il aurait pris ce signe d’amitié et de bienveillance pour une tyrannie à la Diomède.

Graeci id interim hac potandi effusiori licentia mihi spectasse unum uidentur, quoniam uinum suapte natura propter calefaciendi uim, ingenii industriam excitat, ut in conuiualibus quaestionibus, quae proponerentur, dissoluendis, industrii magis, et astutiores redderentur.

Les Grecs de ce temps, avec cette permissivité excessive sur la boisson, visaient, je crois, un seul but : comme le vin, par sa nature propre et sa faculté d’échauffer, stimule l’énergie, ils voulaient que, dans les questions de banquet qui étaient proposées à l’élucidation, les convives fussent plus énergiques et malins.

Possum nil ego sobrius bibenti occurrunt mihi quindecim poetae 29, inquit Martialis.

« Je suis impuissant quand je suis sobre ; quand j’ai bu, viennent à mon secours quinze poètes », dit Martial.30

Priusquam a poculis ad ludos conuiuales transeam, illud addere lubet, solemne fuisse ante singula pocula diui alicuius, aut herois nomen praefari.

Avant de passer des coupes aux jeux d’esprit, je veux ajouter que la cérémonie prévoyait, avant boire, de dire d’abord le nom d’un dieu ou d’un héros.

Arbitrabantur fausti ominis argumentum id esse et salubre futurum.

On pensait que c’était un gage de bon augure et la promesse d’un futur salutaire.

Adhibebantur conuiuio et ludi quidam, non mehercle theatrales, non morionum, non mercenariorum citharaedorum, non circulatorum forensium, aut praestigiatorum, quales uulgo hac tempestate in conuiuia induci uidemus.

On se livrait lors du banquet à des jeux, mais, ma foi, il ne s’agissait pas de théâtre, de bouffons, de joueurs de cithare loués à la journée, de charlatans étrangers ni de magiciens, comme on en voit tant à notre époque se faire inviter aux banquets.

Stabat peluis, siue31 phiala aenea, quam cottabum, et latagen uocabant.

Il y avait un chaudron, ou une coupelle d’airain, qu’on appellait cottabe ou latagè32.

In hanc, qui bibisset, reliquum uini, quod in fundo poculi supererat, manu auersa intorquebat.

Celui qui avait bu y lançait le reste du vin au fond de la coupe, en retournant sa main33.

Obseruabatur tinnitus.

On faisait attention au tintement.

Si collisio illa in pelui clariorem sonum reddidisset, in felix34. omen id rapiebatur, eum ab amica sua adamari.

Si le choc dans le chaudron rendait un son bien clair, on le tirait vers le bon présage que le lanceur était aimé de son amie.

Sin obscuriorem, obtusioremque tinnitum edidisset, contra infelicem cuculum esse, resque eius in amore parum secundas.

Mais s’il émettait un tintement assez mat et sourd, au contraire le malheureux était cocu et ses affaires de cœur mal engagées.

Quoniam hic ludus cottabisis appellabatur, Aristophanes facetissimus comicus hos conuiuas cottabisi ad hunc modum concertantes methysocottabos35 uocat.

Comme ce jeu s’appelait cottabe36, le très facétieux Aristophane appelle les convives qui font un concours de cottabe de ce genre des méthysocottabes.

Proferebatur lyra, citharaue, ad quam carmen canebat symposiarchus.

On apportait une lyre ou une cithare, avec laquelle le symposiarque37 chantait un poème.

Inde in orbem ea ita oberrabat, ut qui lyram recusasset, hac ignominia notaretur, ut ad myrtum, quae ei in manus tradebatur, cantilenam modularetur.

Puis la lyre faisait le tour de l’assistance et si quelqu’un la refusait il se faisait railler si honteusement qu’il faisait un refrain à un myrte qu’on lui mettait en main.

Quae res in iocum prouerbialem postea tracta fuit, ad myrtum canere 38.

La chose est passée en jeu proverbial, « chanter au myrte ».

Cicerone Libro I. Tusculanarum quaestionum refert.

Cicéron s’y réfère au livre 1 des Tusculanes.

Cum Graeci summam eruditionem in neruorum uocumque cantu sitam censerent, Epaminundam suo iudicio Graeciae principem, praeclare fidibus cecinisse memoriae proditum fuisse. Themistoclem aliquot ante annis, cum in epulis recusasset lyram, quae in orbem obibat, habitum indoctiorem.39

Alors que les Grecs pensaient que le comble de la culture se trouve dans la pratique de la lyre et du chant, on raconte qu’Épaminondas, le premier des Grecs au jugement de Cicéron, était un excellent instrumentiste. Mais Thémistocle, quelques années auparavant, avait refusé dans un banquet la lyre qui circulait, et fut jugé inculte Tusculanes.

Laudatius mehercle id certamen, et praeclarius in epulis fuit, quam eorum, qui nihil aliud, ab ouis ad mala40 usque quod aiunt, in mensis, quam magnis poculis siccandis inter se decertant, unde ubi mens, et ratio iam deficere coeperit, ad rixas, et ad pugnas, postremo ad caedes concurratur, idque Lapitharum exemplo, ut non ad amicitiae foedus, sed ad bellum conuenisse uideantur.

Plus louable, ma foi, est ce genre de concours et plus prestigieux que celui de ces gens qui, depuis les œufs jusqu’aux fruits, comme on dit, ne font, à table, que se battre à qui éclusera le plus de grands verres ; puis, quand la conscience et la raison commencent à faire défaut, on en vient aux disputes, aux bagarres, enfin au meurtre, à l’exemple des Lapithes, au point qu’on semble avoir convenu non pas d’un traité d’amitié mais d’une déclaration de guerre.

Inde apud Graecos in mensam admittebatur, aut citharoedus aut alius quispiam qui fidibus sciret, sed non quiuis, at peritus aliquis Arion, a quo deorum laudes quam optime hymnis decantebantur, aut illustrium heroum res praeclarae celebrabantur, non uero impurae fabulae, quibus castae discumbentium aures ferirentur.

C’est pourquoi chez les Grecs on invitait à table un citharède ou quelque joueur de lyre, non pas le premier venu mais un expert, un Arion, qui chantait les louanges des dieux dans de magnifiques hymnes ou célébrait la geste des héros, et non pas des chansonnettes grivoises qui auraient pu blesser les chastes oreilles des dîneurs.

Heroum res inquam, quod genus Herculei41. labores sunt: Pirithoi, et Thesei memorabilia facinora : uirtutes item eorum, qui sacra certamina uicerant, horum encomia, horum praeconia fidibus ebuccinabant.

La geste des héros, dis-je, du genre des travaux d’Hercule : les mémorables exploits de Pirithoos et de Thésée ; les vertus de ceux qui avaient gagné les concours sacrés ; leurs éloges, leur panégyrique, voilà ce qu’avec la lyre ils déclamaient.

Sic apud Vergilium in conuiuio Didonis cithara crinitus Iopas, personat aurata, docuit quae maximus Atlas 42.

Ainsi chez Virgile, au banquet de Didon, « de sa cithare d’or, le chevelu Iopas fait résonner les chants qu’il tient du grand Atlas ».

Apud Homerum ad epulas Alcinoi regis Phaeacum, Phemius et Demodocus partim laudes deorum, partim eorum ducum Graecorum singulares uirtutes, qui Durateo equo inclusi ad lunae silentium Troiam ceperant, cum admiratione conuiuarum fidibus canunt.43

Chez Homère, au banquet donné par Alcinoos, roi des Phéaciens, Phémios et Démodocos chantent qui les louanges des dieux, qui les qualités particulières des chefs grecs, lesquels, enfermés dans le cheval de bois, avaient, sous la lune silencieuse, pris Troie, provoquant l’admiration des invités avec leur lyre.

Manauit inde adagium, Non est laudandus, ne in cena quidem 44, de homine improbo, et scelesto, et indigno, qui laudetur.

De là est sorti l’adage « Il ne faut pas le louer, même dans un repas », qui se dit d’un homme malhonnête, scélérat et qui ne mérite pas d’éloge.

Harmonia Musica submota, quaestiunculis cyliciis, aenis, mnemoniis45, aenigmatis uerecundis, et griphis uelitatio instituebatur.

Dès qu’on avait fait cesser la musique, on mettait en place un concours de petites questions à boire, de contes, de jeux de mémoire, d’énigmes respectueuses et de devinettes.

Acuebantur his ingenia, delectabanturque non minus.

Cela aiguisait leurs esprits et leur procurait beaucoup de plaisir.

Quaestiones autem ille non erant tetricae, non seuerae, non tristes e philosophiae fonte petitae, sed iucundae, quae nubilum curarum expellerent.

Or ce n’étaient pas des questions sinistres, sévères, sérieuses et tirées de sources philosophiques, mais des amusantes, à même de chasser les nuages de soucis.

Etenim ut nepenthes Homericum ἀνώδυνον pharmacum46 uino admixtum animum perturbationum, et negotiorum fluctibus inquietatum, et curarum aestibus iactatum tranquillat, ita quaestiones symposiacae decorae locis, et temporibus, aptae rebus, ac personis reficiunt ingenia, efficiuntque, ut uini uis cerebrum laedat minus, memoriaque confirmetur magis.

De fait, de même que le népenthès homérique, drogue qui chasse la douleur, une fois mélangé au vin, rassure l’esprit inquiet qu’agite la vague des passions et des affaires, ballotté par le flot des soucis, de même les questions symposiaques, qui conviennent aux circonstances de lieu et de temps, qui s’adaptent à la situation et aux personnes, réparent les consciences, amenuisent l’effet du vin sur les cerveaux et restaurent la mémoire.

Suggerunt interdum nobis quaedam, quae in umbra delitescentibus, non dico, non occurrunt, sed ne inueniuntur quidem studentibus assequi.

On nous ajoute parfois certains traits qui, même quand on est tapi dans l’ombre ne nous arrivent pas, mais n’existent tout simplement pas même quand on les cherche.

Iactantur ultro citroque sales, et facetae orationes, lepida dicta, quibus gratia, quibus insunt ueneres, quales in Rhetoricis oratori praecipiuntur.

On se jette mutuellement de ces plaisanteries, discours facétieux, bons mots pleins de grâce et de charme, que dans les traités de rhétorique on préconise à l’orateur.

Gobriam scribit Xenophon Socraticus, apud Cyrum magnum Persarum Regem cenantem, cum alios eius gentis ritus, tum in primis supra modum admiratum fuisse, quod inter se facete salseque interrogarent, ac responderent.47

Xénophon, le disciple de Socrate, écrit que Gobryas, invité à dîner chez Cyrus le roi de Perse, admira beaucoup, entre autres usages de ce peuple, spécialement leur aptitude à se faire des questions et des réponses drôles et spirituelles.

Nulla certe alia ex re, de salsitudine, et elegantia cuiusque indolis, quam ex facete dictis, melius coniectura ducitur.

Il n’y a pas, sur le sujet de la finesse d’esprit et de l’élégance de caractère de chacun, de meilleure idée à se faire que par les bons mots.

Ad quam rem nusquam facilius, nusquam politius adsuescimus, quam in solacio lepidorum conuiuarum.

Et pour s’y accoutumer, il n’y a pas d’endroit plus facile, plus policé que la douceur de charmants convives.

Nihil pulchrius, aut honestius, nihil iucundius, quam hic unumquenque decorum personae suae tueri.

Il n’y a rien de plus beau, de plus honorable, de plus agréable, que d’observer tout ce qui convient à sa personne.

Quicquid decorum excedit, infacetum pariter, et insulsum habetur.

Tout ce qui dépasse la convenance est tenu pour également grossier et sot.

Vt in comoediis ita in mensa personarum decora multum momenti ad tristes affectus soluendos urbano risu adducunt.

Comme dans les comédies, la convenance des manières de table des personnes influe beaucoup pour chasser les émotions négatives dans un rire plein d’esprit.

Habet speciem et simulacrum comoediae symposium, in quo per omnes actus usque ad plaudite, si quisque suarum partium memor, agat, dicatque πρεπόντως, non minorem sibi consequitur laudem, nec minus percipit in eo theatro uoluptatis, quam in illa histriones.

Il y a une apparence et un simulacre de comédie dans un symposion : si, dans chaque acte, jusqu’à l’ « Applaudissez » de la fin, chacun joue bien son rôle de mémoire et le dit comme il convient48, il n’a pas moins de succès, n’apporte pas moins de plaisir dans ce théâtre que dans la comédie les acteurs.

Neque enim eadem hic obscuro loco natis, quae summo permittuntur fari, alia congruunt gerentibus magistratum, alia priuatis, doctis condonantur, quae indoctis dantur uitio.

Car là non plus les gens de petite naissance n’ont pas le droit de dire ce que disent les grands, les mêmes mots ne conviennent pas aux magistrats et aux simples particuliers, on pardonne aux sages ce qui est reproché aux sots.

Inepte religiosus eam personam sumit quam profanus.

C’est inepte si un homme religieux assume le rôle d’un profane.

Nam ut in profanis hominibus, ita et in religiosis sunt sui gradus, quorum meminisse cum in reliqua uita, tum in conuiuiis non minima philosophiae pars est.

Car chez les profanes et chez les religieux il y a une hiérarchie dont la prise en compte, tant dans la vie ordinaire que dans les banquets, n’est pas un petit détail de la philosophie.

Poeta ex Heliconis sacrario sua adducat, musicus e sua palaestra, grammaticus quod grammaticorum est, disserat, theologus de theologiae mysteriis conferat, sed sobrie, nam nimium illic philosophari de sacris, haud scio an sit probandum, certe religiose tales quaestiones tractandae sunt, neque uero ubilibet.

Que le poète apporte son écot du sanctuaire de l’Hélicon, le musicien de sa palestre, que le grammairien parle de ce qui relève de la grammaire, que le théologien converse sur les mystères de la théologie, mais sobrement, car faire dans ce lieu trop de philosophie sacrée n’est peut-être pas indiqué, du moins faut-il traiter ces questions religieusement et pas partout.

Ita indulgendum urbanis disputationibus, ne extra chorum saltetur, aut camelus saltare indecore49 dicatur.

Ainsi faut-il accepter les discussions spirituelles sans danser hors du chœur, sans quoi l’on dirait que le chameau danse contre les convenances.

Ignoratione decori non minus hic, quam in fabulis peccatur.

L’ignorance du décorum est aussi fautive au banquet qu’au théâtre.

Licinius Mathematicus Alabandenses reprehendere solebat, quod cum in ciuilium rerum administratione essent prudentes, et apprime exercitati, in aliis uero inscientia decori peccarent turpiter.50

Licinius le mathématicien reprochait souvent aux habitants d’Alabandes51 d’être certes prévoyants dans l’administration politique et bien aguerris, mais pour le reste, à cause de leur ignorance des convenances, pitoyablement mauvais.

Idem nostrae aetatis de quibusdam Alabandensibus recte dici potest, qui omnia omnibus personis, locis, temporibus, occasionibus, rebus denique conuenire putant, eandem religionem in mensa, quam in aede sacra postulantes : par peccatum, qui hic in uelitaria disputatione labascat, et qui seria disputatione in suggestu in horrendum errorem incidat, omnia postremo ad unam, et eandem amussim exigentes.

On peut tenir légitimement sur certains de nos contemporains ce même jugement à propos des gens d’Alabandes : ils pensent que tout convient à toute personne, lieu, moment, occasion, en réclamant même scrupule à table qu’à l’église, que c’est péché égal de trébucher dans une joute oratoire et de tomber, lors d’un débat sérieux en chaire, dans une erreur abominable, en mesurant enfin tout à une seule et même aune.

Stoicum hominum genus, qui omnia peccata ut aequalia metiuntur, ex aequo peccare, et qui hominem occiderit, et qui gallum obtruncarit.

L’engeance des Stoïciens, qui ont une seule mesure pour toutes les fautes, pensait que la faute est la même chez celui qui a tué un homme et chez celui qui a décapité un coq.

Hoc nullum ineptius, nullum importunius, nullum societati humanae perniciosius.

Il n’y a rien de plus inepte, de plus inapproprié, de plus nuisible à la vie en société.

Neque uero isti solum sine discrimine hac ratione iudicant, sed etiam, si quid in ludicro, et eo quidem profano argumento salsius per iocum sit dictum, censoria quasi uirga id trutinant, expendunt omnia trutina eadem, pronuntiant, damnant.

Et ces gens ne se contentent pas de juger sans critère de cette façon ; tout ce qui se dit en plaisantant, qui plus est dans un contexte profane, de façon spirituelle et par jeu, ils le pèsent comme avec une baguette de censeur, mettent tout sur la même balance, prononcent, condamnent.

Sed ad institutum.

Mais revenons à notre sujet.

Si Cato e Theatro discesserit, quod uultum floralium licentiae conuenientem induere noluerit52, quanto iustius morosophi hoc genus ex comoedia excludendi sunt ?

Si Caton a quitté le théâtre parce qu’il refusait d’arborer un visage en accord avec le laxisme des Floralies, n’a-t-on pas d’autant plus raison de demander que les « morosophes » 53 de cette sorte soient exclus de la comédie ?

Quaestiones conuiuales tales esse debent, quasi symposiacae Platonis, quales Dipnosophistarum Athenaei, quales Macrobianae, M. Varronis, aut conuiuarum, apud D. Erasmum, non uero, Philelphi, et Poggii, quas his facetias uocauit, cum rectius circulatorum, aut ganeorum scurrilitates eas inscribere potuisset.

Les questions des banquets doivent être celles du Banquet de Platon, des Deipnosophistes d’Athénée54, de Macrobe55, de Varron56 ou des convives chez Érasme57, et non celles de Philelphe58 ou du Pogge59, que ce dernier a nommées Facéties quand il aurait dû plus justement les intituler Bouffonneries des badauds ou des piliers de taverne.

Breuitas in quaestionibus commendatur, ut adsit elegantia, ut argutae sint, quaeque paucis, quo facilius memoriae mandentur, argumentis explicentur.

La brièveté dans les questions est recommandée pour favoriser l’élégance, l’ingéniosité et elles doivent pouvoir, pour faciliter leur mémorisation, être développées en quelques arguments.

Operosa prolixitas, et copia in reddendo, partim odiosa est, partim tempus eximit, quo minus in orbem percurrant uices.

Le bavardage et l’abondance sont pénibles dans la réponse, tantôt ils ennuient, tantôt ils prennent trop de temps, empêchant la bonne alternance des tours de parole.

Varietas quaestionum grata est, quod taedium leuet.

La variété des questions est agréable en ce qu’elle amoindrit l’ennui.

Iam, quia in symposiacis nihil pertinaciter ad sanguinem usque defenditur, sed est quasi diatriba, omnium gentium consensu semper dimicationes illae liberae fuere, ut nefas esset, et propemodum scelus, grauiter puniendum, illic dicta, multa cum libertate, euulgare.

Lors, vu que dans les questions symposiaques on ne défend rien mordicus et jusqu’au sang, mais qu’il s’agit d’une espèce de conversation, toutes les nations unanimes ont toujours eu de ces disputes à la parole libre où il était interdit, et presque, comme dans le cas d’un crime, puni sévèrement de révéler ce qui s’y disait sur le ton de la franche liberté.

Iuris regula extat, qua impunitas in mensa dictorum condonatur.

Il y a une règle de droit qui accorde l’impunité aux propos de table.

Ne quid dicam, lubricum linguae ad poenam non trahendum 60, Modestino, Pandectis libro 48 titulo 4 ad legem Iuliam maiestatis.

En bref, « ce qui échappe à la langue ne doit pas être imputé à crime », selon Modestinus au livre 48 des Pandectes61, titre 4, sur la loi Julia sur le crime de lèse-majesté.

Manauit hinc mos, ut supra mensam sub summo tabulato rosa, uel suspendatur, uel pingatur, cum inscriptione.

En a découlé l’usage de suspendre ou de dessiner au-dessus de la table, sous l’étagère du haut, une rose avec cette inscription :

Hic dicta in epulis foras non proferuntor.

« Ce qui se dit au banquet ne doit pas être proféré à l’extérieur ».62

Rosa Veneri sacra est, et uenustas mensae conuenit, a qua nullum uenustatis genus abesse debet.

La rose est sacrée pour Vénus et la vénusté convient aux propos de table, qui ne doivent se passer d’aucun genre de vénusté.

Conuiuiorum hilaritati nihil in uita iucunditatis est anteponendum.

Aucune sorte de plaisir de la vie ne doit être placée avant l’humour des commensaux.

Membra ea reficit, refocillat uitales humores, spiritus recreat, et mentem expergefacit.

Ce dernier repose les membres, guérit les humeurs vitales, recrée l’esprit et réveille l’intelligence.

Laxantar curae, ut dixi, et pascitur ingenium.

Les soucis se relâchent, je l’ai dit, et l’inspiration se réveille.

Amicitiam sarcit, et retinet : non mehercle illa inuitatio effusior poculorum, sed benignitas ad impartiendum mensam communem, et collatio diuersarum rerum, tum autem illa animorum conglutinatio, concentus, ac consensus.

L’humour répare l’amitié et la maintient ; il ne s’agit pas, ma foi, de cette incitation à boire beaucoup, mais de l’agrément à partager une table commune, de la comparaison de propos divers, de cette réunion des âmes qu’on y trouve alors, de cette harmonie, de cet assentiment.

Varro copulat hic Gratias cum Musis, quamobrem conuiuas desiderat, non tristes, non taetricos, non inamabiles, aut insulsos, sed laetos, lubentes, musicos, suaues, sed literatos.63

Varron y rassemble les Muses avec les Grâces, aussi souhaite-t-il des convives qui ne soient pas sinistres, sévères, mal aimables ou incultes, mais qui soient gais, joueurs, amis des Muses, doux et cultivés.

Arcendi procul sunt bilosi, irritabiles, iracundi natura, quique perleui momento ad iram concitantur, maxime ubi ad naturalem illum atrae bilis calorem accesserit uinum, ubi oleum, ut aiunt igni adicitur.

Il faut en chasser les bilieux, les irritables, les colériques par nature et ceux qui à la première occasion se mettent en colère, surtout quand, à cette chaleur naturelle de la bile noire, s’est ajouté le vin, quand on met de l’huile sur le feu, comme on dit.

Vt maestitia uitae uenenum est, ita hilaritas in cenis, et uinum uice antidoti est aduersus omnes curarum aestus.

De même que la tristesse est le poison de la vie, de même la gaité dans les repas est comme un antidote contre toute l’agitation des soucis.

Vino tantum Aesculapius tribuit, ut numinibus id prope adaequarit.

Esculape attribue tant de qualités au vin qu’il en fait presque l’égal des dieux.

Quin illud addam, apud Graecos conuiualem cantionem fuisse, πέντε πίνε, τρία πίνε, ἅμα τέτταρα 64.

Je pourrais ajouter que les Grecs avaient cette chanson à boire : « bois-en cinq, bois-en trois, et encore quatre ».

Apud Romanos bibendi ratio his constabat legibus.

Chez les Romains, la manière de boire était réglée par les lois suivantes :

Non labasse sermone ; non leuatum uomitione ; non altera corporis parte uacillasse ; plurimum hausisse uno potu ; plurimum praeterea addidisse aliis minoribus ; optima fide non respirasse in hauriendo, nec expuisse ; nihil ad elidendum in pauimento summum, atque postremum potum ex uino, reliquisse. 65

« Ne pas bégayer ; ne pas se soulager en vomissant ; ne pas flancher sur la deuxième moitié du corps66 ; boire le plus possible en une fois ; ajouter en outre le plus possible aux petites rasades ; le plus loyalement, ne pas respirer quand on boit, ni recracher ; ne rien laisser tomber sur le carrelage du fond du dernier verre de vin ».

Porro autem quantopere mentem uinum excitet, testantur maxime poetae apud Latinos, cum alii, tum Ennius, Horatius, et Martialis ; apud Graecos, Homerus, Alcaeus, et Aristophanes, quos omnes nisi uino hilariores ad scribendum surrexisse auctores tradunt.

Quant à l’excitation produite sur l’esprit par le vin, on a surtout le témoignage des poètes latins, notamment Ennius, Horace, Martial ; et grecs, Alcée, Homère, Aristophane, tous auteurs dont on dit qu’ils ne se sont levés pour écrire que dans la gaité de l’ivresse.

Omnes certe in quo quisque genere, reliquos longo interuallo ita relinquunt, ut difficilis sit eorum imitatio.

Et assurément, chacun dans son genre, ils ont devancé de si loin tous les autres qu’ils sont difficiles à imiter.

Vt alios nunc omittam, quid Aristophane elegantius, quid nitidius, quid magis Atticum ?

Pour ne rien dire des autres pour l’instant, y a-t-il plus élégant qu’Aristophane, plus brillant, plus attique ?

Cum tot et tam illustres comici diuersis aetatibus claruerint, ut Menander, Demophilus, Diphilus, Philemon, Aristophanes, et alii nonnulli, unus Aristophanes tot saculorum consensu, aliis extinctis, ab interitu uindicatus fuit.

Alors qu’il y a eu tant de brillants auteurs comiques qui se sont illustrés à plusieurs époques, Ménandre, Démophile, Diphile, Philémon, Aristophane et plusieurs autres, seul Aristophane, avec l’accord de toutes les générations qui laissèrent s’éteindre les autres, a échappé à l’oubli.

Huius Equites, quartam ordine comoediam tibi, Vir Nobilis, Equiti Aurato nuncupare consilium fuit.

Ses Cavaliers, sa quatrième comédie dans l’ordre chronologique, c’est à toi, Noble Chevalier de l’Ordre de l’Éperon d’Or, que j’ai décidé de la dédicacer.67

Quid enim decorum magis est, quam ut Equites ad equitem diuertant et hospitio excipiantur ?

Quoi de plus convenable en effet que de voir des Cavaliers se tourner vers un Chevalier et lui demander l’hospitalité ?

Leporis omne genus referta est ; neque uero minus habet eruditionis, quam elegantiae.

Elle est truffée de charmes de tout genre et ne recèle pas moins d’érudition que d’élégance.

Hanc comoediam legendo, quibus et qualibus uiris commissa Atheniensium Respublica e magna gloria paulatim dilapsa fuerit, cognosces, ut sunt omnium rerum humanarum uices.

En lisant cette comédie, tu apprendras à qui et à quel genre d’hommes fut confiée la république athénienne pour perdre insensiblement son si glorieux statut, conformément aux vicissitudes des choses humaines.

Consimili ratione cogita, nostrae urbis florem tum demum quoque flaccescere coepisse, ubi in homines id genus incidisset.

De la même façon, songe que la fleur de notre ville, elle aussi, a commencé à flétrir précisément quand elle est tombée aux mains d’hommes de ce genre.

Vale.

Adieu.


1. Ou Dirk van Zuylen.
2. L’ordre de l’Éperon d’Or ou de la Milice Dorée est un ordre de chevalerie pontifical distinguant les promoteurs de la foi catholique.
3. Plat., Conv. 215a sq..
4. Erasme, Adagia 2201, Ce passage, célèbre, est longuement repris et commenté par Érasme ; on le trouve également dans le prologue du Gargantua de Rabelais. Voir Pouey-Mounou, 2019.
5. Erasme, Adagia 2201, Passage inspiré de l’adage érasmien : ut mortem quoque nulli non formidatam contempserit, in tantum, ut cicutam eodem ebiberit uultu, quo uinum solet.
6. En grec dans le texte.
7. Plut., Qu. Conv. 613a8.
8. Erasme, Adagia 623, .
9. Déesse du malheur.
10. Le mot signifie en gros « celui qui ordonne la mesure (ou les mesures, les doses). Sur ce nom latin du roi des banquets, sous la variante Modiperator, voir Non. 142.7.
11. Mot dorien, qui désigne le président du banquet : voir Plut., Quaest. Conv. 612c.
12. Erasme, Adagia 553, Hortensius a probablement trouvé cette référence dans les Adages d’Érasme, 553 : Bonae fortunae, sive Boni genii. Érasme renvoie à Zénodote mais aussi à Ar., Eq. 85.
13. Ath., Deipn. 15.47. ἐν δὲ τῷ αὐτῷ δράματι καὶ τῆς τοῦ Ἀγαθοῦ Δαίμονος κράσεως μνημονεύει, « dans la même pièce [scil. Les Paysans d’Antiphane], il fait mention du mélange du Bon Génie ».
14. Ar., Eq. 85.
15. Ar., Eq. 107.
16. Pramnios est une bourgade d’Icarie qui faisait du vin.
17. On rendait les honneurs au Bon Génie à l’inauguration du banquet puis à nouveau à la fin du banquet. Certains l’identifient à Zeus Sauveur. Voir Athénée, Deipn. 11.73.6 : ΜΕΤΑΝΙΠΤΡΟΝ ἡ μετὰ τὸ δεῖπνον ἐπὴν ἀπονίψωνται διδομένη κύλιξ. Ἀντιφάνης Λαμπάδι (II 68 K) ‘Δαίμονος / Ἀγαθοῦ μετάνιπτρον, ἐντραγεῖν, σπονδή, κρότος’. Δίφιλος Σαπφοῖ (II 564 K)·‘Ἀρχίλοχε, δέξαι τήνδε τὴν μετανιπτρίδα/ μεστὴν Διὸς σωτῆρος, ἀγαθοῦ δαίμονος’, « Métaniptre : c’est, après le repas, une fois qu’ils s’étaient lavés, la coupe qu’on donnait. Antiphane, dans La Lampe [frg. II 68 K] : ‘le métaniptre du Bon Génie, l’avaler ; libation, bruit de langue !’. Diphile, dans Saphô [frg. ] : ‘Archiloque, reçois cette métaniptre/ remplie de Zeus Sauveur le Bon Génie’ ».
18. Erasme, Adagia 1701, .
19. Zeus Sôter en grec.
20. Ds., Bibliothèque historique 4.3.4. Le passage est en fait au livre 4 : φασὶν ἐπὶ τὸ δεῖπνον, ὅταν ἄκρατος οἶνος ἐπιδιδῶται, προσεπιλέγειν ἀγαθοῦ δαίμονος· ὅταν δὲ μετὰ τὸ δεῖπνον διδῶται κεκραμένος ὕδατι, Διὸς σωτῆρος ἐπιφωνεῖν, « On dit qu’au repas, quand on apporte le vin pur, on ajoute en outre le Bon Génie ; quand après le repas on apporte du vin coupé d’eau, on invoque Zeus Sauveur ».
21. On lit liberetur (de liberare, qui ne fait pas tellement sens). Peut-être faudrait-il biberetur, meilleur pour le sens et le temps ? Nous traduisons comme s’il y avait biberetur.
22. Erasme, Adagia 35, L’adage 35 d’Érasme (Par pari referre. Ἴσον ἴσῳ ἐπιϕέρειν) est consacré à l’explication de cette formule, qui vient de l’usage des beuveries grecques : Porro prouerbium natum uideri potest a compotationibus ueterum Graecorum, apud quos aequalibus cyathis bibere mos erat. (…) Erat haec uox ἴσον ἴσῳ, solennis inter propinandum, ut ex eodem auctore facile liquet. Ea significabant, aut pares esse cyathos, aut tantundem additum aquae, quantum inesset uini. ; « Le proverbe semble provenir des symposions de la Grèce antique, où l’usage était de boire des verres de capacité équivalente. (…) Cette formule, ἴσον ἴσῳ, était rituelle quand on trinquait, comme il appert facilement de ce même auteur [scil ; Athénée]. Cela voulait dire soit que les verres étaient de même capacité, soit qu’on mélangeait autant d’eau qu’il y avait de vin ».
23. Erasme, Adagia 947, .
24. Cic., Tusc. 118. mihi quidem in uita seruanda uidetur illa lex, quae in Graecorum conuiuiis optinetur : ‘aut bibat’ inquit ‘aut abeat’. Et recte. Aut enim fruatur aliquis pariter cum aliis uoluptate potandi aut, ne sobrius in uiolentiam uinolentorum incidat, ante discedat, « à mon sens, il y a lieu d’appliquer à la vie la règle dont les Grecs ne se départent pas dans leurs festins : ‘il faut boire, disent-ils, ou alors il faut partir’. Et c’est justice, car il faut prendre part de concert avec les autres au plaisir de la beuverie ou, si l’on ne veut pas se trouver en butte, en étant dans son sang-froid, aux mauvaises plaisanteries de gens avinés, il faut se retirer auparavant » (trad J. Humbert, C.U.F.).
25. Ov., Ars 1.568sq. Allusion aux mots d’amour qu’on s’écrit muettement sur la table avec des gouttes de vin.
26. Erasme, Adagia 601, .
27. Erasme, Adagia 35, .
28. DL., Vies des philosophes illustres 2.8.64. C’est le tyrannique roi du festin qui ordonna de verser le vin sur la tête de ceux qui ne boiraient pas. Empédocle l’accusa ainsi que l’homme qui organisait la réception et les fit condamner à mort pour tyrannie !
29. Mart., Ep. 11.6.12-13, On lit d’ordinaire succurrent au lieu d’occurrunt. Le texte est rappelé aussi dans l’adage érasmien (aquam bibens nihil boni parias, « on ne crée rien de bon quand on boit de l’eau »). C’est peut-être là que Hortensius l’aura retrouvé.
30. Il s’agit d’un banquet de la fête des Saturnales, où il faut improviser des vers.
31. On lit sine mais nous pensons qu’il faut lire siue.
32. Ces deux mots grecs désignent un jeu de beuverie qui consistait à lancer les dernières gouttes de sa coupelle (ce contenu s’appelle latagè) dans une autre coupe en bronze, le cottabe, pour faire résonner le métal, tout en disant le nom de l’être aimé.
33. Avec un mouvement du poignet plutôt que du bras.
34. On lit infoelix ; mais c’est une ciquille pour in foelix en deux mots.
35. Ar., Ach. 534. L’adjectif composé signifie quelque chose comme « ivres de cottabe ».
36. Sur le kottabos, voir A. Attia et A. Delahaye, et « Vertiges du banquet : jeux d’habileté et d’équilibre au symposion », KENTRON 36/2021, Dossier thématique : jeu, normes et transgressions.
37. Le président du banquet.
38. Erasme, Adagia 1521, .
39. Cic., Tusc. 1.4. Dans l’épisode où Thémistocle, qui ne sait pas en jouer, refuse la lyre qu’on lui tend et se fait taxer d’indoctior. L’épisode est raconté dans la suite immédiate dans une démarcation au discours indirect du passage de Cicéron.
40. Erasme, Adagia 1386, Donc du début à la fin du repas.
41. Nous rectifions la coquille Hercules.
42. Virg., En. 1.739-740. Le texte standard porte docuit quem maximus Atlans.
43. Hom., Od. 1 et 7. Allusion à plusieurs passages de L’Odyssée. Phémios apparaît au chant 1, dans un banquet que Pénélope donne pour les prétendants ; Démodocos au chant 7, chez Alcinoos.
44. Erasme, Adagia 1611, .
45. Trois mots translitérés du grec et inconnus en latin : comprendre des formes de κυλίκειος (dérivé du nom d’une coupe à boire, le kylix), αἶνος (apologue), μνημόνιος (mémoriel). La source la plus proche est Pollux, Onom. 6.108 : τῶν μέντοι συμποτικῶν καὶ αἴνιγμα καὶ γρῖφος. τὸ μὲν παιδιὰν εἶχεν, ὁ δὲ γρῖφος καὶ σπουδήν· καὶ ὁ μὲν λύσας γέρας εἶχε κρεῶν τινὰ περιφοράν, ὁ δ’ ἀδυνατήσας ἅλμης ποτήριον ἐκπιεῖν. ἐκλήθη δ’ ἀπὸ τῶν ἁλιευτικῶν γρίφων. τὰ δὲ ζητήματα ὠνομάζετο κυλίκεια· Θεοδέκτης δ’ ὁ σοφιστὴς εὐδοκιμήσας ἐν αὐτοῖς, ἐπεὶ καὶ μνημονικὸς ἦν, μνημόνια αὐτὰ ἐκάλεσεν, « Cependant, parmi les jeux de beuverie, il y avait l’énigme (ainigma) et la devinette (grîphos) ; la première était enfantine, la devinette réclamait de l’attention ; celui qui trouvait la solution emportait en prix un plat de viande, celui qui échouait devait boire une rasade de saumure. Le mot tire son nom du filet de pêche (grîpos). Les questions étaient appelées kylikeia ; Théodecte le sophiste, qui y était brillant, du fait qu’il avait une bonne mémoire, les appelait mnemonia ».
46. Hortensius pense sans doute à un passage de Plutarque, Quaest. Conv. 614 c (citant Hom. Od. 4.221) : τοῦτο γὰρ ἦν ὡς ἔοικε τὸ ‘νηπενθὲς’ φάρμακον καὶ ἀνώδυνον, « car tel était sans doute la drogue ‘chasse-douleur’ et antalgique ». Ce mystérieux breuvage népenthès était utilisé par Hélène, qui l’avait ramené d’Égypte, dès qu’il fallait chasser les soucis de son mari Ménélas, après le retour de Troie. Voir aussi Diod. Sic. 1.97.7.
47. Xen., Cyr. 5.18. ἐνενόησε δὲ αὐτῶν καὶ ὡς ἐπηρώτων τε ἀλλήλους τοιαῦτα οἷα ἐρωτηθῆναι ἥδιον ἢ μὴ καὶ ἔσκωπτον οἷα σκωφθῆναι ἥδιον ἢ μή· ἅ τε ἔπαιζον ὡς πολὺ μὲν ὕβρεως ἀπῆν, πολὺ δὲ τοῦ αἰσχρόν τι ποιεῖν, πολὺ δὲ τοῦ χαλεπαίνεσθαι πρὸς ἀλλήλους,·« Il s’aperçut aussi qu’ils s’interrogeaient mutuellement sur des points où il est plus agréable d’être questionné que de ne pas l’être, qu’ils se brocardaient sur des sujets où l’on aime mieux être brocardé que de ne l’être pas, et que leurs railleries étaient tout à fait exemptes d’insulte, de tout geste déplacé, de toute méchanceté les uns envers les autres ».
48. En grec dans le texte.
49. Erasme, Adagia 1666, Dans l’adage : Vbi quis indecore quippiam facere conatur, et inuita, sicut ajunt, Minerua, camelum saltare dicebant, « quand quelqu’un se mettait à faire quelque chose d’inconvenant et contre Minerve, comme on dit, ils disaient que le chameau dansait ».
50. Vitr., Arch. 7.5.5. Le mathématicien s’appelle en réalité Licymnius (à moins que ce soit un ethnique et non un anthroponyme : ‘un mathématicien de Licymne’ ?) : tum Licymnius mathematicus prodiit et ait ‘Alabandis satis acutos ad omnes res ciuiles haberi, sed propter non magnum uitium indecentiae insipientes eos esse iudicatos, quod in gymnasio eorum quae sunt statuae omnes sunt causas agentes, foro discos tenentes aut currentes seu pila ludentes, « alors le mathématicien Licymnius s’avança et dit que les gens d’Alabandes étaient assez pointus en matière civile mais que, pour ne pas donner assez d’importance au défaut de convenance, ils passaient pour sots, parce que les statues qu’on voit dans leurs gymnases sont celles de plaideurs, celles du forum lancent le disque ou courent ou jouent à la balle ».
51. Ville de Carie.
52. Erasme, Adagia 947, . Hoc inter Pompeium et Caesarem, inter Ciceronem Catonemque commissum est, Catonem inquam illum, quo sedente populus negatur permisisse sibi postulare florales iocos nudandarum meretricum, « Cela s’est commis devant Pompée, César, Cicéron et Caton ; oui, Caton, celui qui avait pris place au théâtre et à qui, dit-on, le public n’osa pas demander la permission de montrer aux jeux floraux des courtisanes nues ». La source de l’épisode pour Hortensius est dans les Adages d’Érasme (aut bibat aut abeat), dont la formulation est très proche.
53. Le mot, forme de ‘fou’ et de ‘sage’, signifie ‘les fous-sages’ et se trouve chez Luc., Alex. 40.
54. C’est-à-dire Le Banquet des sages, conversations de tables (fictives), œuvre d’Athénée de Naucratis en grec, au 3e s. de notre ère.
55. Allusion aux Saturnales, dialogues de lettrés dans un banquet, œuvre latine écrite vers 400.
56. Allusion à la Satire Ménippée intitulée nescis quid uesper serus uehat, « on ignore ce que la fin de soirée apportera », citée par Gell., Noct. 3.11.1-7 et Macr., Sat. 1.7.12 et 2.8.2-3 ; voir L. Deschamps, « L’art du banquet selon Varron », Regards critiques, dans le carnet de recherche de la Revue des Études Anciennes.
57. Allusion aux Colloquia, plus particulièrement le Convivium profanum le Convivium religiosum et le CConvivium poeticum.
58. François Philelphe/ Francesco Filelfo, écrivain italien de la première Renaissance, est l’auteur des Libri duo Conviviorum, qu’Hortensius a pu lire dans l’édition parisienne de 1552.
59. Les Facetiae du Pogge (Poggio Braccioloni) sont un livre de contes grivois écrit au milieu du 15e s.
60. Modest., Dig. 48.4. Cette citation du juriste Modestinus est amputée de l’adverbe facile (non facile trahendum).
61. Les Pandectes (du grec pandectai, « qui contiennent tout ») est l’autre nom du Digeste, recueil juridique, compilé sur l’ordre de l’empereur Justinien (527-565) et qui contient les textes d’une quarantaine de jurisconsultes de toutes époques.
62. Cette inscription, d’allure très juridique avec sa forme proferuntor d’impératif futur passif (inconnue par ailleurs dans la littérature antique) n’est pas autrement connue, que nous sachions.
63. Varro., Men. 337-340Cèbe. Survol de la satire ménippée de Varron nescis quid uesper serus uehat, dont la teneur est rapportée par Aulu-Gelle.
64. Plut., Qu. Conv. 657a, Cette chanson est chez Athénée et Plutarque, mais sous la forme, ἢ πέντε πίνειν, ἢ τρί’, ἢ μὴ τέσσαρα (« ou bois-en cinq, ou bois-en trois, mais pas quatre »), et chez Érasme aut quinque bibe, aut treis, aut ne quatuor.
65. Plin., Nat. 14.146. Citation approximative : Torquato rara gloria, quando et haec ars suis legibus constat, non labasse sermone, non leuatum uomitione nec alia corporis parte, dum biberet, matutinas obisse sine iniuria uigilias, plurimum hausisse uno potu, plurimum praeterea aliis minoribus addidisse, optima fide non respirasse in hauriendo neque expuisse nihilque ad elidendum in pauimentis sonum ex uino reliquisse, diligenti scito legum contra bibendi fallacias, « Torquatus eut la gloire rare (puisque l’art de boire a aussi ses lois) de ne jamais bégayer, ni se soulager en vomissant ou par quelque autre partie du corps pendant une beuverie ; de prendre la garde du matin sans dommages ; d’écluser cul-sec le plus possible, et de boire encore le plus avec des pichets ordinaires ; de ne pas, et sans tricher, respirer en buvant, et de ne point cracher ; de ne jamais laisser au fond du vase de quoi produire un bruit en tombant sur le dallage ; exact observateur des lois sur les tricheries des buveurs ».
66. Comprendre : ne pas uriner.
67. Il semble qu'on ait ici la première mention de l'ordre chronologique des comédies.