Présentation du paratexte
Traduction latine de cinq comédies d’Aristophane.
Bibliographie :-
Thomas Baier « Nicodemus Frischlin als Aristophanes-Übersetzer »editorDramatische Wäldchen. Festschrift für Eckard Lefèvre zum 65. GeburtstagpubPlacepublisherdate -
Patrick Lucky Hadley Athens in Rome, Rome in Germany. Nicodemus Frischlin and the Rehabilitation of Aristophanes in the 16th Century pubPlace publisher date -
David Price The Political Dramaturgy of Nicodemus Frischlin : Essays on Humanist Drama in GermanypubPlace publisher, date
Argumentum in Equites
Argument des Cavaliers
Comoedia hac exagitaturus Cleonem poeta, introducit Niciam et Demosthenem, duces Athenienses, seruili habitu et misera specie uestitos, qui de suis aerumniis et seruitute queritantur et consilium de arripienda fuga inenut.
Dans cette comédie qui a pour but de harceler Cléon, le poète met en scène Nicias et Démosthène, généraux athéniens, habillés en esclaves et de piètre apparence et qui se plaignent de leurs malheurs et de leur servitude et en arrivent à la décision de s’évader.
Sed quia hoc non satis tutum uidebatur, idcirco alia uia rem aggrediuntur et primum spectatoribus ingenium ac mores ciuisdam Paphlagonis, seu uociferatoris (hoc enim nomine Cleo notabatur) recitant et flagitia in rempublicam domi et foris perpetrata exponunt.
Mais comme la chose ne leur paraissait pas sans danger, ils changent de méthode et commencent par raconter aux spectateurs la personnalité et les mœurs du Paphlagonien ou du gueulard (c’était en effet le surnom bien connu de Cléon) et exposent les scandales qu’il a commis contre l’état en politique intérieure ou extérieure.
Deinde uinum sibi adferri iubet Demosthenes, ut illo hausto, bonum consilium reperiat.
Puis Démosthène réclame du vin pour pouvoir, après boire, prendre la bonne décision.
Nicias domum ingressus herum Cleonem dormientem reperit et uinum subductum effert.
Nicias entre à la maison, trouve son maître Cléon endormi et emporte du vin qu’il lui vole.
Eo accepto et somno Cleonis cognito, Demosthenes iterum ad herum intrare iubet Niciam et tabulas in quibus arcana illius continebantur proferre.
Démosthène le boit, connaît le rêve de Cléon et demande à Nicias de retourner chez le maître et de rapporter les archives où tous ses secrets étaient consignés.
Inspectis autem et lectis tabulis, oraculum deprehenditur de Cleonis interitu et de successione Allantapolae seu fartoris cuiusdam, qui alio nomine dicebatur Agoracritus.
Ils examinent et lisent ces archives secrètes et découvrent un oracle qui mentionne que Cléon va mourir et que lui succèdera un certain charcutier, autrement connu sous le nom d’Agoracritos.
Illis oraculum examinantibus, commodum ipse Allantopola interuenit, cui spem consequendi imperii duo serui faciunt, partim quod ipse uir malus et audax esset (nam tales digni imperio tum habebantur), partim quod oraculum reipublicae administrationem ei deferret.
Alors qu’ils scrutent cet oracle, arrive opportunément le charcutier, chez qui les deux esclaves suscitent l’espoir de s’emparer du pouvoir, d’une part parce qu’il est méchant et audacieux (telles étaient les qualités requises pour le poste à l’époque), d’autre part parce que l’oracle lui prédit l’administration de la cité.
Ei rei ut fidem faciant, oraculum ex tabula recitant et quibus eum moribus praeditum esse uelint, lepide perstringunt.
Pour le persuader, ils lui lisent l’oracle des archives et, comme il a le caractère qu’ils supposaient, ils l’enjôlent drôlement.
Interim e crapuloso somno expergefactus Cleo, cum serurum suorum furtum animaduertisset, celeriter procurrit et seruis tamquam coniuratis et seditiosis extrema mala comminatur.
Entre temps Cléon s’est réveillé de sa sieste éthylique et, s’apercevant du larcin de ses deux esclaves, il se précipite dehors et, accusant ses esclaves de complot et de sédition, il les menace des pires tortures.
Fugit Agoracritus sed chorus equitum accedit et animum illi ad opprimendum Cleonem adicit.
Agoracritos s’enfuit mais le chœur des cavaliers arrive et lui donne le courage d’attaquer Cléon.
Qui mox confirmatus Cleonem frustra auxilium Senatus implorantem uerberibus multat.
Rassuré, et alors que Cléon réclame en vain l’aide de l’Assemblée, il le roue de coups.
Cum uero multis querelis et magno clamore sublato Cleo se defenderet equitesque accusaret, Allantopola suum quoque clamorem contra attollit.
Mais alors que Cléon, à force de plaintes et à grands cris, se défendait et accusait les cavaliers, le charcutier aussi poussa ses propres cris en réponse.
Exoritur grauis inter Cleonem et Agoracritum contentio.
S’ensuit une grave altercation entre Cléon et Agoracritos.
Nam multis se criminibus et calumniis proscindunt et extremam internecionem sibi inuicem minantur.
De fait, ils se déchirent de griefs et de calomnies et se menacent de s’entretuer.
Chorus turbulenti Cleonis audaciam et peculatum execratus, Allantopolam exhortatur ut productum Cleonem teneat ac manifestorum scelerum coram populo reum agat.
Le chœur, qui hait l’audace et l’âpreté au gain du séditieux Cléon, enjoint le charcutier de retenir Cléon sur scène et de l’accuser officiellement, en présence du peuple, de ses crimes flagrants.
Qua uoce incitatus Allantopola Agoracritus primum Cleoni, qui tarditatem linguae et ruditatem obiciebat, opponit ipsius loquacitatem et clamores.
Encouragé par ces mots, le charcutier Agoracritos, alors que Cléon le premier émettait des objections en bégayant et en parlant sans art, oppose sa propre éloquence et ses cris.
Deinde Cleonis uitia sibi inesse fingit et false hominem reprehendit.
Puis il feint d’être porteur des vices de Cléon et blâme par défaut le bonhomme.
Tum uterque alteri, uerbis quibusdam ex sua arte petitis, necem interminatur.
Alors tous les deux, par des mots choisis chacun dans son bagage, se menacent de mort.
Qua re animaduersa, chorus Allantopolam admiratur, cum fieri non posse existimasset ut summa Cleonis dicacitas a quoquam superaretur.
Remarquant cela, le chœur admire le charcutier dans la mesure où il pensait que la remarquable faconde de Cléon ne pouvait être surpassée par personne.
Hac oratione equitum denuo confirmatus Allantopola Cleonem acriter inuadit et alia multa crimina et flagitia illi obicit.
Ce mot encourage à nouveau le charcutier, qui attaque violemment Cléon et lui reproche beaucoup d’autres crimes et scandales.
Sed Cleo nemini impudentia cessurum se affirmat.
Mais Cléon affirme qu’il ne le cèdera à personne en matière d’impudence.
Cui respondet Agoracritus et furem et hominem perfidum et scortatorem et fellatorem seu pathicum docet.
Alors Agoracritos lui répond et le dénonce comme voleur, traître, coureur de putes, fellateur et sodomite.
Itaque noua oritur altercatio et multis utrimque conuiciis prolatis, Cleo rursum ab Allantopola uerberatur.
D’où une nouvelle altercation où de nombreuses insultes sont proférées des deux côtés et où Cléon est à nouveau frappé par le charcutier.
Tandem graui ira percitus, in Prytanaeum abit ut coniuratores illic, coram senatu Atheniensi accuset.
Finalement, pris d’une colère extrême, il part pour le Prytanée pour y accuser, devant l’assembles athénienne, les conjurés.
Sed Allantopola relictis in theatro intestinis et cultro fartorio, ita monente choro, celeriter subsequitur ut se contra calumnias Cleonis defendat.
Mais le charcutier abandonne sur le théâtre ses boudins et son couteau à farce et, sur les conseils du chœur, le suit en vitesse pour se défendre des calomnies de Cléon.
Illis digressis, chorus primum abeunti Agoracrito felicitatem precatur, deinde in strophis et antistrophis Neptunum ac Mineruam pro felici successu inuocat ; in epirrhematis autem et antepirrhematis uaria ac multa Atheniensium uitia carpit, cumprimis quod boni poetae, malorum hostes, in contemptu populi essent.
Dès qu’ils sont sortis, le chœur adresse d’abord des prières pour Agoracritos qui s’en va puis, dans des strophes et antistrophes, invoque Neptune et Minerve pour le succès de leurs entreprises ; quant aux épirrhèmes et antépirrhèmes, il y dénonce les différents et nombreux vices des gens d’Athènes, particulièrement le fait que les bons poètes ennemis des méchants y sont tenus dans le mépris.
Praeterea res ac uirtutes maiorum extollit et his suae aetatis hominum uitia opponit.
En outre il exalte les faits et vertus des ancêtres et leur oppose les vices des hommes de son temps.
Postremo equitum uirtutem tam in proeliis naualibus quam terrestribus, cum summa frugalitate coniunctam commendat.
Enfin il fait l’éloge du courage des cavaliers dans les combats tant navals que terrestres, joint à la plus extrême frugalité.
Reuersus ex senatu Allantopola, rem illic contra Cleonis accusationem prospere gestam equitibus exponit et orationem a se habitam recitat in qua Cleonis morem exprimens, senatum impudenter reprehendit, populo spem pacis et rerum omnium copiam promittit, foedus Lacedaemoniorum dissuadet ac totius chori applausum consequitur.
Le charcutier revient de l’assemblée et raconte aux cavaliers le succès qu’il y a eu contre l’accusation de Cléon, le discours qu’il y a tenu, où, tout en exposant la manière d’être de Cléon, il blâme impudemment l’assemblée, promet au peuple un espoir de paix et l’abondance complète, déconseille de traiter avec les Lacédémoniens et obtient les ovations de tout le chœur.
Illo sic perorante, mox adest et ipse Cleo, qui aduersario suo graues minas ingerit sed false, ab eodem eluditur.
Alors qu’il fait sa péroraison, revient Claon en personne qui profère de graves menaces à son adversaire mais en vain et il est à nouveau ridiculisé par l’autre.
Paulo post uterque ad plebem prouocat.
Peu après, tous deux en appellent au peuple.
Vbi haec utriusque beneuolentiam cognoscit et res pro patria gestas intelligit, constituit de ambobus paulo diligentius inquirere.
Ce dernier s’enquiert d’abord de la bienveillance de l’un et de l’autre, prend en compte les actions faites pour la patrie et décide de faire sur les deux un surcroît d’enquête.
Iactitante ibi Cleone sua in rempublicam beneficia et merita, respondet Agoracritus non esse uiri liberalis aliis eripere quod alteri largiatur.
Cléon gonfle ses bienfaits et ses bonnes actions pour la cité et Agoracritos répond que ce n’est pas agir en homme de bien que de prendre à autrui de quoi donner à un seul autre.
Simul obicit Cleoni furta et rapinas, perturbationes pacis et alia scelera.
Par là même, il reproche à Cléon des vols, des larcins, des entorses à la paix et d’autres crimes.
Cui accusationi etiam chorus equitum adstipulatur, qui Cleonem seditionis arguit, quod clipeis et armis in templo suspensis ansas reliquisset, quod perturbata republica bona ciuium compilasset, ut aquam turbare solent qui anguillas captant, quod homo esset auarus et sordidus, quod denique etiam libidinosus et perquam superus.
Cette accusation, même le chœur des cavaliers la conforte en accusant Cléon de sédition pour avoir, alors qu’il avait suspendu les boucliers et les armes dans le temple, laissé les poignées1 , pour avoir, lors de troubles civils, empilé les biens des citoyens, comme les pêcheurs d’anguilles d’ordinaire troublent l’eau, pour être un homme cupide et sordide, pour enfin être un obsédé sexuel qui plus est tyrannique.
Quibus omnibus plebs, tanquam conscia, lubens assentitur et Cleonem detestatur.
Sur tout, le peuple, en connaissance de cause, adhère de bon cœur et maudit Cléon.
Ille aduersario trierarchiam comminatur sed chorus silentium ei mandat.
Ce dernier menace son adversaire de lui imposer une triérarchie mais le chœur lui ordonne le silence.
Victus ergo modis omnibus Cleo magistratum deponere et anulum iubetur reddere.
Battu sur tous les plans, Cléon est donc tenu de déposer sa charge et de rendre son anneau.
Vbi cum nihil superesset praesidii, oracula se allaturum ait, quibus suam auctoritatem tueatur.
Alors, n’ayant aucun autre secours, Cléon affirme qu’il va produire des oracles pour asseoir son autorité.
Id ipsum effecturum se promittit Allantopola.
Le charcutier promet de faire la même chose.
Ceterum horum oraculorum auctores fuerant Bacis, qui pro Cleone, et Glanis, qui pro Allantopola faciebat.
Et d’ailleurs ces oracles avaient pour auteurs Bacis, du côté de Cléon, et Glanis, du côté du charcutier.
Prior oraculum suum recitat Cleo, posterior Allantopola, idque alternis uicibus.
Le premier à réciter ses oracles est Cléon, puis le charcutier, à tour de rôle.
Sed ea ita comparata erant ut facile intelligeretur Cleonem imperio submouendum et in locum eius Allantopolam subrogandum.
Mais tout était ainsi fait qu’on comprenait facilement qu’il fallait chasser Cléon du pouvoir et le remplacer par le charcutier.
Cum ergo et hac uia nihil profecisset Cleo, ad ultimum remedium confugit ac populum inscare constituit.
Comme donc cette méthode non plus n’avait pas réussi à Cléon, il en vient à son dernier recours et entreprend d’appâter le peuple.
Digressis ambobus, chorus equitum cum populo expostulat quod sui tam impotens sit, ut etiam inescari se patiatur.
Tout les deux quittent la scène pendant que le chœur et le peuple se plaignent d’être si peu indépendants qu’ils acceptent même d’être appâtés.
Sed is se satis cautum ac circumspectum fore promittit.
Mais le peuple promet d’être à l’avenir plus prudent et circonspect.
Mox reuersi in scenam Cleo et Agoracritus, propositis utrinque dapibus, certatim plebis fauorem mercari conantur.
De retour sur scène, Cléon et Agoracritos proposent chacun des mets et rivalisent pour acheter les faveurs du peuple.
In quo turpi aucupio, cum neuter alteri cederet, tandem Allantopola plebem hortatur ut cistas utriusque patefaciat et cuius uacuam deprehendat, eum probum et beneuolum, cuius uero plenam inueniat, eum pro depeculatore et hoste reipublicae habeat.
Lors de cette lamentable entreprise de plumage de pigeons, aucun des deux n’a l’avantage ; pour finir, le charcutier demande au peuple d’ouvrir les paniers de chacun des deux adversaires : celui dont le panier sera vide devra être tenu pour honnête et bienveillant, celui dont le panier sera plein, pour accapareur et ennemi de la cité.
Hoc consilio approbato, cum uacua Allantopolae, plena autem Cleonis cista reperiretur, de omni dignitatis gradu Cleo deicitur.
Décision approuvée ; panier vide chez le charcutier, plein chez Cléon : Cléon est déchu de toutes ses dignités.
Populus se Allantopolae, qui Agoracritum se esse profitebatur, officiose commendat.
Le peuple se met officiellement sous la protection du charcutier, qui avoue s’appeler Agoracritos.
Abeunte cum populo Allantopola, chorus equitum in stropha et antistropha, laudatis equitibus, diuitias et paupertatem deprecatur et Cleonymi sordes detestatur ; in epirrhemate uero et antepirrhemate sceleratos et flagitiosos, ut Arignotum et Ariphradem, insectatur, itemque Hyperbolum et Nauphantem, sed picturate, sub persona triremium.
Le peuple et le charcutier sortent ; le chœur des cavaliers, dans une strophe et une antistrophe, après avoir fait l’éloge des cavaliers, demande instamment à n’être ni riche ni pauvre et maudit la bassesse de Cléonymos ; dans un épirrhème et un antépirrhème, il fustige les scélérats et les scandaleux, comme Arignote et Ariphrade, ou encore Hyperbolos et Nauphante, mais de façon imagée, en utilisant le personnage des trières.
Interim, cum populo in theatrum redit Agoracritus et multo iam formosiorem et quasi recoctum populum Atheniensem ostendit equitibus.
Entre temps Agoracritos revient sur scène avec le peuple et montre aux cavaliers un peuple beaucoup plus beau et comme requinqué.
Simul ueterem illi caecitatem et stultitiam demonstrat quod se rhetorum praestigiis decipi et sophistarum technis circumueniri passus esset.
En même temps il lui fait voir son aveuglement et sa sottise de s’être laissé embobiner par les tours de passe-passe des rhéteurs et circonvenir par les trucs des sophistes.
Quod ne deinceps eueniat, duo scorta adducit, quae foedera Atheniensium cum Lacedaemoniis repraesentabant eaque apud Cleonem prius latitasse, nunc uero in lucem reddita affirmat.
Et pour que cela n’arrive plus à l’avenir, il amène deux putains, qui représentent les traités des Athéniens avec Sparte et dont il dit qu’elles se cachaient jusqu’ici chez Cléon et qu’il les a rendues au jour.
Hisce plebs ad se receptis, Agoracrito summam rerum committit, Cleonem uero cum farciminibus et intestinis negotium amandat.
Le peuple les accueille chez lui et confie le pouvoir à Agoracritos ; quant à Cléon, il l’envoie vendre des saucisses et des boudins.