Epistola. Reuerendis, magnificis et nobilibus uiris, Domino Ioanni Cobenzelio a Prosseck et Mossau, domino in Lueg, Equiti Teutonico et Commendatori in Lee, iuxta Graecium et in Brixia ac Patauio, Administratori Cathedralis Ecclesiae in Myllstatt, Sanctae Caesariae Maiestati et Archiduci Austriae Carolo a secretioribus consiliis inferiorisque Austriae Praesidi iudiciario, Domino item Ioanni Achilli Ilsingio, Domino in Chunenberg et Linda, Sanctae Caesariae Maiestatis Consiliario, Dominis suis obseruandis s<alutem> p<lurimam> d<icit> Nicodemus Frischlinus.
Nicodemus Frischlinus

Présentation du paratexte

Traduction latine de cinq comédies d’Aristophane.

Bibliographie :
  • Thomas Baier « Nicodemus Frischlin als Aristophanes-Übersetzer » editor Dramatische Wäldchen. Festschrift für Eckard Lefèvre zum 65. Geburtstag pubPlace publisher date
  • Patrick Lucky Hadley Athens in Rome, Rome in Germany. Nicodemus Frischlin and the Rehabilitation of Aristophanes in the 16th Century pubPlace publisher date
  • David PriceThe Political Dramaturgy of Nicodemus Frischlin : Essays on Humanist Drama in GermanypubPlace publisher, date
Traduction : Christian NICOLAS

Epistola. Reuerendis, magnificis et nobilibus uiris, Domino Ioanni Cobenzelio a Prosseck et Mossau, domino in Lueg, Equiti Teutonico et Commendatori in Lee, iuxta Graecium et in Brixia ac Patauio, Administratori Cathedralis Ecclesiae in Myllstatt, Sanctae Caesariae Maiestati et Archiduci Austriae Carolo a secretioribus consiliis inferiorisque Austriae Praesidi iudiciario, Domino item Ioanni Achilli Ilsingio, Domino in Chunenberg et Linda, Sanctae Caesariae Maiestatis Consiliario, Dominis suis obseruandis s<alutem> p<lurimam> d<icit> Nicodemus Frischlinus.

Épitre dédicatoire. Aux vénérables, généreux et nobles messieurs, M. Johannes Cobenzl von Prosseck und Mossau1, seigneur de Lueg, Chevalier Teutonique et Commandeur à Lee, près de Graz , et à Brescia et à Padoue, administrateur de la cathédrale de Mylstatt , secrétaire particulier de Sa Majesté Impériale et Archiduc d’Autriche Charles, Président du Parlement de Basse-Autriche, et M. Johann Achilles Ilsing2, seigneur de Chunenberg et Linda , Conseiller de Sa Majesté Impériale, ses respectables seigneurs, Nicodème Frischlin envoie son salut appuyé.

Et recens illa amicitia, Reuerende et Magnifice Cobenzeli, quae nuper admodum inter nos contracta est, et uetus illa animorum nostrorum coniunctio, Nobilis et Magnifice Domine Ilsingi, quae iam olim coepta, nuper VVormatiae redintrgrata est, facit ut utrumque uestrum compellem audacter et fortasse nimis familiariter.

D’une part, l’amitié récente, vénérable et généreux Cobenzl, que nous venons de contracter, d’autre part l’ancienne relation intellectuelle, noble et généreux Ilsing, que nous entretenons depuis longtemps et qui s’est renforcée dernièrement à Worms, me donnent l’audace de vous interpeller l’un et l’autre, et peut-être avec une trop grande familiarité.

Nam ea est mentium uestrarum aequanimitas, ea iudiciorum uestrorum dexteritas, is animorum candor, ut uos non ipsi solum iniquissimae cuiusdam diffamationis immanitatem et meam innocentiam ex litteris et sermonibus tum meis tum alienis libenter cognoueritis, et cognitam ac manibus deprehensam mirifice approbaueritis, sed apud alios causam meam, certe iustissimam et aequissimam contra popularium meorum calumnias, ut audio, strenue defenderitis.

Car vous avez une telle égalité de tempérament, une telle justesse de goût, une telle gentillesse de caractère, que non seulement vous avez en personne entendu parler de l’importante diffamation dont je suis l’objet et de mon innocence, qui transparaît des lettres et discours faits par moi ou par autrui, et que, dès que vous l’avez reconnue et prise en flagrant délit, vous avez merveilleusement appuyée, mais encore devant autrui, ma cause, de fait très juste et très bonne, contre les calomnies de mes concitoyens, à ce que j’entends dire, vous l’avez plaidée avec énergie.

Et profecto ita est ut scribo : conspectus ille uester et mutua colloquia, omnem Austriacorum, Styriorum et Carniolanorum procerum memoriam tunc mihi subito refricuerunt.

Et il en va sûrement comme je vous l’écris, car votre considération et les conversations que vous avez eues ont subitement ravivé en moi le souvenir complet des grands d’Autriche, de Styrie et de Carniole.

Videbar enim mihi non in tractu Rheni sed in ripis Austriaci Danubii, inter eos homines uersari qui a moribus hostium meorum (boni enim et bene morati me non oderunt) tantum discrepant quantum modesta uirgo ab impuro scorto.

Car j’avais l’impression d’être non pas sur le cours lent du Rhin mais sur les bords du Danube autrichien, au milieu d’hommes aussi éloignés du caractère de mes ennemis (car les gens de bien et de bon caractère ne me détestent pas) qu’une vierge pudique est loin d’une impure putain.

Nam, ut nihil dicam de litterarum studiis, nihil de cognitione multarum linguarum, nihil de doctrina legum et iuris, quid, quaeso, possit maius esse in uobis, quid pulchrius, quid praeclarius quam est illa uestra humanitas, remota ab omni fastu Cyclopico ? aut quid laudabilius quam sermones uestri in conuiuio, graues, sobrii, non spurci, non leues, non turpi uino madidi ?

Car, pour ne rien dire des études littéraires, rien de la connaissance de nombreuses langues, rien de l’expertise en jurisprudence, y a-t-il quelque chose, je vous prie, de plus grand en vous, de plus beau, de plus remarquable que votre humanité, si éloignée de la morgue des cyclopes ? ou de plus digne d’éloge que vos propos de table, sérieux, sobres, ni grossiers, ni inconsistants, ni imprégnés d’une honteuse ivresse ?

Equidem ista ego sic probo et sic probanda esse censeo, ut digna esse iudicem, quae etiam ad posterorum nostrorum, si qui erunt, memoriam deuoluantur.

Pour moi, j’ai tant d’estime pour cette attitude et la juge si estimable, que je pense qu’elle mérite de passer à la postérité, si nous en avons une.

Obiistis hactenus legationes quam plurimas, functi publicis muneribus sub tribus imperatoribus et obiistis eas cum fenore et utilitate huius Imperii, cum salute multorum ciuium, cum laude uestra singulari.

Vous avez jusqu’ici mené de nombreuses missions d’ambassade, accompli des charges sous trois empereurs, et vous les avez menées avec une plus-value et un profit pour notre Empire, pour la sauvegarde de nombreux sujets et votre gloire personnelle.

Nam non solum apud Imperii Septemuiros, apud Reges exteros, apud Duces, apud Principes, tam ecclesiasticos quam politicos, grauissima et plane indubia expediuistis negotia, alter e uobis etiam ad Turcicum tyrannum periculosissima legatione defunctus, sed nunc quoque VVormatiensem conuentum, Caesariae Maiestatis nomine, laudabiliter egistis.

Car c’est non seulement auprès des sept princes-électeurs de l’Empire, auprès des rois étrangers, des ducs, des princes, tant de l’église que du temporel, que vous avez réglé des affaires de première importance et absolument non négociables, et même pour l’un de vous deux une mission fort périlleuse auprès du sultan ottoman, mais aussi, pour l’heure, vous avez remarquablement tenu les assises de Worms au nom de Sa Majesté Impériale.

Merito igitur uos magnifacit Romanus Imperator, merito uos suspicit aula Caesaria, merito uos amant omnes boni et quicumque uirtutem amant quique nondum indixere bellum litteris, honestis moribus.

C’est donc à bon droit que l’Empereur romain fait grand cas de vous, que la cour impériale vous respecte, que tous les gens de bien vous aiment ainsi que ceux qui aiment la vertu et n’ont pas encore déclaré la guerre aux belles lettres et aux bonnes mœurs.

Ego sane, cum nihil habeam nunc aliud, quo meam erga uos obseruantiam meumque amorem faciam testatum, praeter has Nubes, sed eas tamen minime nubilas neque cito euanidas (durarunt enim ultra duo milia annorum), mitto eas uobis legendas.

Quant à moi, n’ayant, pour vous témoigner publiquement mon respect et mon affection, que ces Nuées, mais des nuées pas du tout sombres ni éphémères (de fait, elles ont duré plus de deux mille ans), je vous les donne à lire.

Cum enim sophisticas rhetorum et philosophicas argutias nihili facere soleatis, ut certe nihili sunt faciendae, non dubito quin harum Nubium lectio, id est omnium sophisticarum nugarum reprehensio, pergrata sit uobis futura.

Car alors que vous n’accordez d’ordinaire aucun crédit à la sophistique des rhéteurs et aux arguties des philosophes, qui de fait n’en ont aucun, je suis sûr que la lecture de mes Nuées, qui sont le rejet de toutes les balivernes des sophistes, vous sera très agréable.

Qui enim grauioribus inuoluti estis negotiis et multis fori turbis onerumque publicorum molestiis conflictamini, habituri estis in hoc dramate Aristophanio multos sales, multa dicteria quae uos mitifice recreabunt.

Car vous qui êtes impliqués dans des affaires d’importance, dans nombre d’embrouillaminis judiciaires et vous débattez dans les tracas des charges publiques, vous trouverez dans cette pièce d’Aristophane beaucoup de plaisanteries, beaucoup de bons mots qui vous délasseront merveilleusement.

Accipite igitur hoc quicquid est chartacii muneris et Latinum Aristophanem pari beneuolentia parique amore complectimini quo Graecum illum omnes Athenienses ciues, omnes equites, reges etiam exteri nunc olim prosecuti sunt.

Recevez donc ce cadeau de papier, quoi qu’il vaille, et embrassez cet Aristophane latin avec la même bienveillance et le même amour qu’ont eus d’emblée pour ce Grec tous les Athéniens, tous les cavaliers et même des rois étrangers.

Quod restat, precor Deum, ut is uobis largiatur felicia negotiorum consilia, animos indefessos, corpora salua et diutissime incolumia.

Pour le reste, je supplie Dieu de vous prodiguer d’heureux succès pour vos affaires, l’infatigabilité pour vos âmes, la santé et l’intégrité physique la plus longue possible.

Francofordiae ad Moenum, Calendis Maii, anno etc86.

Francfort sur le Main, 1er mai 1586.


1. Né en 1530, « Hans Cobenzl (Ioannes Cobenzelius) had a distinguished diplomatic career serving the imperial government as the single most important and powerful secretary in the Reichsvizkanzlei under Ferdinand I », dans P. L. Hadley, Athens in Rome, Rome in Germany: Nicodemus Frischlin’s 1586 Translations of Aristophanes, 2014, p. 109.
2. « Johann Ilsing (Ioannes Achilles Ilsingius) likewise served as a trusted and loyal diplomat representing imperial Habsburg interests under Ferdinand's successors, Maximilian II and Rudolf II», dans P. L. Hadley, Athens in Rome, Rome in Germany : Nicodemus Frischlin’s 1586 Translations of Aristophanes, 2014, p. 109.