Présentation du paratexte
Traduction latine de cinq comédies d’Aristophane.
Bibliographie :-
Thomas Baier « Nicodemus Frischlin als Aristophanes-Übersetzer »editorDramatische Wäldchen. Festschrift für Eckard Lefèvre zum 65. GeburtstagpubPlacepublisherdate -
Patrick Lucky Hadley Athens in Rome, Rome in Germany. Nicodemus Frischlin and the Rehabilitation of Aristophanes in the 16th Century pubPlace publisher date -
David Price The Political Dramaturgy of Nicodemus Frischlin : Essays on Humanist Drama in GermanypubPlace publisher, date
Magnifico et nobili uiro, D. Sigismundo Viheusero, domino in Oberlautenbach, Horneck et Mielchofen, Sanctae Caesariae Maiestati a consiliis intimis et Imperii Romani Procancellario, Domino suo obseruando s<alutem> p<lurimam> d<icit> Nicodemus Frischlinus.
Au généreux et noble seigneur Sigismund Vihauser, seigneur d’Oberlautenbach, Horneck et Mielchofen, secrétaire privé de Sa Majesté Impériale et vice-chancelier du Saint Empire Romain, son respectable seigneur, Nicodème Frischlin envoie son salut appuyé.
Scribimus indocti doctique poemata passim1
« Tous, bons, mauvais, partout nous laissons des poèmes », écrit Horace au sujet des poètes de son temps.
Non enim omnia fuerunt docta et erudita, cum Horatius, Virgilius, Propertius, Tibullius, Manilius, Grattius et consimiles sua ederent poemata eaque per Maecenatem Caesari Augusto traderent.
Car tous les poèmes n’étaient pas savants ou bien écrits à l’époque où Horace, Virgile, Properce, Tibulle, Manilius, Grattius etc. sortaient leurs poèmes, qui, transitant par Mécène, arrivaient jusqu’à l’empereur Auguste.
Nam et anseres tum erant, qui inter olores strepebant2 et plagiarii erant Celsi Albinouani, qui aliorum poetarum libris parabant insidias3.
Car on trouvait alors des oies pour jargonner au milieu des cygnes et il y avait des plagiaires, des Celsus Albinovanus qui tendaient des embûches aux livres d’autres poètes.
Quin immo, ne apud Graecos quidem, temporibus Aristophanis, eiusdem notae fuerunt omnes poetae, sed unus alio doctior et elegantior et in dicendo sublimior.
Bien plus, même chez les Grecs du temps d’Aristophane, tous les poètes n’avaient pas même réputation mais l’un était plus docte et plus élégant que l’autre et, dans le style, plus sublime.
Cuius sane rei exemplum praebent luculentum hae Ranae Aristophanis, in quibus instituitur certamen de palma tragica inter Aeschylum et Euripidem, nobilissimae famae scriptores tragicos.
C’est cela surtout que donnent en exemple ces Grenouilles d’Aristophane, dans lesquelles est institué un concours pour décerner la palme de la tragédie entre Eschyle et Euripide, acteurs tragiques des plus célèbres.
Sed tale illud certamen est ut in eo uincatur Euripides ab Aeschylo et hic proclametur longe τραγικώτερος multoque grandiloquentior et in rebus iuxta ac uerbis sublimior.
Mais le concours est fait pour faire battre Euripide par Eschyle et pour que ce dernier soit proclamé de loin plus tragique, beaucoup plus éloquent et, tant dans le fond que dans la forme, plus sublime.
Quare non est mirum, etiam hodie in tanto poetarum numero, tam paucos esse inter se consimiles ut uix centesimus quisque nomen poetae iam mereatur.
Aussi est-il peu étonnant, même aujourd’hui au milieu d’une telle masse de poètes, qu’il y en ait si peu de comparables qu’à peine 1% d’entre eux méritent le nom de poète.
Hoc illos scire oportet, qui a poetis hodie accipiunt libros et carmina et qui praemia illis iubentur decernere ab imperatoribus, a regibus, a summis principibus.
C’est ce que doivent savoir ceux qui reçoivent des poètes des livres et des vers et qui reçoivent l’ordre de leur attribuer des prix de la part d’empereurs, de rois, de grands princes.
Est enim ualde iniquum conferre honorem, decus, diuitias indoctis, quae res solis debetur doctis et docta poemata scribentibus.
Car il est vraiment injuste d’accorder honneur, gloire et argent à des sots, chose réservée aux seuls doctes, auteurs de poèmes doctes.
Nam bonus et prudens non ignorabit quid distent aera lupinis4.
De fait le bon et le sage n’ignoreront pas « la différence entre des sous et des lupins ».
Multi enim hodie sint thyrsigeri, si numerum respicias poetarum et poetastrorum, at pauci Bacchi, si uideas bonitatem operum.
Car aujourd’hui nombreux sont les porteurs de thyrse, si le critère est le nombre des poètes et des poétastres, mais il y a peu de Bacchus, si le critère est la qualité des œuvres.
Quorsum uero ista ?, inquies, uir magnifice et Nobilissime : eo nimirum ut intelligas in uulgi iudicio non esse semper acquiescendum, quando de poetis pronuntiant, qui ipsi aut non sunt poetae aut alias in literis non multum excellunt.
À quoi tend tout cela, direz-vous, généreux et noble seigneur ? à vous faire entendre qu’il ne faut pas toujours adhérer au jugement de la masse lorsqu’elle émet des jugements sur les poètes sans être poète elle-même ou, d’ailleurs, sans exceller beaucoup dans les lettres.
Vulgus enim interdum recte uidet ; est ubi peccat.
Car la masse voit juste parfois ; il est des cas où elle se trompe.
Quod ipsum tamen non eo commemoro quod ego iudicii tui aequitati diffidam.
Mais si je dis cela, ce n’est pas que je doute de l’équité de votre jugement !
Noui enim qui et quantus uir sis et quam paucos tui similes habeas in discernendis bonis scriptoribus a malis.
De fait je connais votre qualité et votre importance et combien peu vous sont comparables quand il s’agit de distinguer les bons auteurs des mauvais.
Nam et optimarum literarum studiis a prima adulescentia fuisti deditus, et Graecas literas cum Latinis utiliter coniunxisti.
Car vous vous êtes dès la prime enfance adonné aux études littéraires et vous avez mêlé utilement grec et latin.
Quibus rebus postea confirmatus, ad studium iuris et legum te mature contulisti, in quo non modo summum eruditionis et dignitatis iuridicae gradum es consucutus, sed pro tua quoque singulari doctrina et sapientia, locum inter supremi Imperii assessores meruisti, ita ut tandem etiam aulae Caesariae gubernaculis et clauo consistorii imperialis sis admotus.
Puis, aguerri dans ces matières, vous vous êtes mis de bonne heure à l’étude de la jurisprudence dans laquelle non seulement vous avez acquis le plus haut degré de culture et de diplôme mais aussi, en raison de vos connaissances spéciale et de votre science, vous avez acquis un poste parmi les assesseurs de l’Empire, en sorte que finalement vous avez même été promu à la direction de la cour impériale et à la barre du consistoire impérial.
Nec sane immerito, quando ad has ingenii dotes etiam accedit animi tui aequitas et singularis quaedam bonitas, qua tu literarum humaniorum studia promouere summopere gaudes.
Et ce n’est pas immérité, puisqu’en plus de vos dons intellectuels vous disposez d’un sens de la justice et d’une bonté remarquables qui vous font prendre un grand plaisir à promouvoir les études humanistes.
Quare non dubito quin tu pro tua in me perueteri beneuolentia atque fauore, cum has omnes comoedias Aristophanis, tum hanc quoque perfacetam fabulam, quae tuo nomini consecrata est, iam deinceps sis placide excepturus et benigne promoturus, tum ab omni quoque iniuria clementer protecturus.
Aussi je suis sûr que, avec la bienveillance ancienne et la faveur dont vous m’honorez, vous recevrez bientôt avec plaisir toutes ces comédies d’Aristophane et en particulier celle-ci, qui vous est dédiée nominativement, et que vous en ferez de bon cœur la promotion et la protègerez avec clémence de toutes les attaques qu’elle pourrait subir.
Idque ut facias, etiam atque etiam te rogo et obsecro.
C’est ce que je vous demande et vous prie de faire instamment.
Salutat te uir doctissimus et optimus Hermannus Lersnerus, Iuris Vtriusque Doctor Academiae Marpurgensis in Hassia Cancellarius et ibidem in iure antecessor.
Vous avez le bonjour du très savant et excellent Hermann Lersner, docteur de l’un et l’autre droit Chancelier de l’Académie de Marburg en Hesse et professeur de droit.
Deum ego tibi opto perpetuo propitium, fortunam perennem, uitam incolumem, animum indefessum.
Je vous souhaite l’éternelle faveur de Dieu, une fortune pérenne, une santé intacte, une intelligence infatigable.
Scripsi Francofordiae ad Moenum, 19 Calendis Iunii, anno etc86.
Rédigé à Francfort sur le Main, 14 mai 1586.