Présentation du paratexte
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Thomas Baier « Nicodemus Frischlin als Aristophanes-Übersetzer »editorDramatische Wäldchen. Festschrift für Eckard Lefèvre zum 65. GeburtstagpubPlacepublisherdate -
Patrick Lucky Hadley Athens in Rome, Rome in Germany. Nicodemus Frischlin and the Rehabilitation of Aristophanes in the 16th Century pubPlace publisher date -
David Price The Political Dramaturgy of Nicodemus Frischlin : Essays on Humanist Drama in GermanypubPlace publisher, date -
Jean-Claude Carrière « L’Aristophane perdu. Une introduction aux trente-trois comédies disparues avec un choix de fragments traduits et commentés » Le Théâtre grec antique : la Comédie, Actes du 10ème colloque de la Villa Kérylos à Beaulieu-sur-Mer les 1er et 2 octobre 1999 pubPlace publisher date 197-236.
Vita Aristophanis a Nicodemo Frischlino conscripta.
Vie d’Aristophane, consignée par Nicodème Frischlin
Aristophanes poeta comicus patre natus fuit Philippo, ciuis Atticus, ex tribu Cydatheniensi, curia Pandionide.1 Hunc Suidas Rhodium ex oppido Lindo fuisse2 tradit et iure ciuitatis donatum affirmat ; alii (de quibus postea dicam) Aeginetam fuisse dicunt.
Aristophane, le poète comique, avait pour père Philippe, citoyen attique du dème Cydathénéon, de la tribu Pandionis3. La Souda rapporte qu’il était Rhodien, de la cité de Lindos, et affirme qu’il avait été gratifié du droit de cité ; d’autres (j’en dirai un mot plus bas) disent qu’il était d’Égine.
Primus autem hic ueterem Comoediam, rudem adhuc et dispersam, collegit eamque in meliorem atque utiliorem formam traduxit. Nam Cratinus et Eupolis multo acerbius ac turpius alios insectati fuerant quam decebat. Sed et ipse Aristophanes initio eandem uerborum amaritiem in suis usurpabat fabulis, quam tamen postremis comoediis iusta moderatione adhibita, plurimum mitigauit.
Il est le premier à avoir rassemblé les éléments de l’Ancienne Comédie, jusque-là encore inaboutie et hétérogène, et à les avoir unifiés sous une forme meilleure et plus utile. Car Cratinos et Eupolis étaient, dans leurs attaques, beaucoup plus vifs et offensants qu’il ne convenait. Mais Aristophane lui-même, au début, utilisait aussi ce même ton sarcastique dans ses pièces, qu’il adoucit beaucoup dans les dernières comédies, en y appliquant une modération de bon aloi.
Meminit huius priscae libertatis
Horatius in Sermonibus, ubi ait :
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Horace se
souvient de cette antique liberté de ton dans les Satires, quand il
écrit :
Decreto demum promulgato, ne quis actor aut ludio nominatim aliquem in Comoedia perstringeret ; cum iam histriones ab omni actione desisterent, nouae Comoediae rationem inire coepit, cuius primum specimen ostendit in Cocalo, ubi non ueras, ut in Equitibus, Nebulis, Ranis et alibi, sed fictas personas introducit ; Interitum seu Corruptelam et Recognitionem.
Fut alors promulgué un décret interdisant à un acteur ou à un ludion de s’en prendre nommément à quelqu’un dans une comédie ; comme dès lors les histrions se détournaient de ce type de performance, il fut précurseur du genre de la Comédie Nouvelle, dont il montre le premier spécimen dans Cocalos, où, au contraire des Cavaliers, Nuées, Grenouilles et d’autres, il ne met pas en scène de vraies personnes mais des personnages fictifs : Mort, Corruption, une reconnaissance. 5
Vnde initium sumentes Menander et Philemon, nouam Comoediam effinxerunt. Ipse quidem Aristophanes in scaenam non statim uenit, quod natura esset timidus, licet ingeniosus admodum et perquam industrius. Quae autem per initia suorum studiorum facere non audebat, ea per histriones et actores suos, Callistratum et Philonidem perfecit, quorum ille opera ad populum utebatur.
De là, inaugurant le genre, Ménandre et Philémon forgèrent la Comédie Nouvelle. Aristophane pour sa part ne monta pas sur scène, car il était d’un naturel timide, quoique tout à fait ingénieux et très travailleur. Ce qu’au début de son activité il n’osait faire, il le fit faire par ses histrions et acteurs, Callistrate et Philonidès, dont il utilisait le talent à destination du public.
Castigatus ob hoc conuiciis Aristonymi et Amipsiae, ut ex fabulis eius cognoscitur, qui illum de ueteris prouerbii sententia, quarta Luna natum dicebant6, quasi aliis iuuandis operam daret, sibi ipse inutilis, tandem metu deposito in Scaenam prodiit. Et quia supra modum infensus erat Cleoni, tribuno plebis, homini turbulento et noxio ciui, scripsit contra eum Equites Comoediam, in qua reprehendit ipsius furta, peculatus et crudelissima quaeque facinora.
Critiqué pour cela dans des saillies d’Aristonyme et Ameipsias, comme on le sait de ses pièces7, lesquels disaient de lui, selon le vieux proverbe, qu’il était né de la quatrième lune, c’est-à-dire qu’il faisait briller les autres sans s’aider lui-même, il finit par dépasser son trac et se produisit sur la scène. Et comme il vouait une haine sans borne à Cléon, le démagogue, agitateur et citoyen nuisible, il écrivit contre lui Les Cavaliers, comédie dans laquelle il blâme ses vols, malversations et tous ses forfaits les plus cruels.
Sed nemo erat ex histrionibus, qui
personam Cleonis uel habitu et larua uelare uel gestu et uoce
auderet exprimere, propter summum metum in quem ille ciues sua crudelitate
perduxerat. Igitur ipse Aristophanes, facie minio
illita in scaenam prosiluit et personam Cleonis egit. Quare
damnatus ab equitibus, Cleo multam quinque talentum poetae
soluere coactus est. Hinc illud in Acharnensibus : noui ego, noui meum quod oblectet animum, quando
quinque talenta uideo, quae euomuit Cleo
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Mais personne parmi les histrions, n’osait représenter le personnage de Cléon par le costume ou le masque ni le faire parler par le geste et la voix, à cause de la terreur qu’il faisait régner sur ses concitoyens par sa cruauté. C’est donc Aristophane lui-même, le visage enduit de rouge, qui sauta sur scène et joua le rôle de Cléon. Aussi Cléon fut-il condamné par les cavaliers et forcé de verser au poète une réparation de cinq talents. D’où ce passage des Acharniens : « je sais bien, moi, je sais bien ce qui réjouit mon cœur, puisque je vois les cinq talents qu’a vomis Cléon ».
Causa huius odii aduersus
Cleonem ab Aristophane
concepti non haec tantum fuit, quod turbulente et raptim ille omnia ageret in
republica (nam hanc causam cum optimis quibusque communem poeta habuit) sed etiam
priuata, quod Cleo ipsum iam olim postulasset, de iure
ciuitatis, quasi peregrinus esset Aristophanes ac se
nihilominus pro ciue gereret. Tum, quod in Babyloniis, quadam Comoedia magistratus sortito capi solitos coram
legatis lacerasset. Hinc illud in Acharnensibus : neque enim Cleo me nunc
calumniabitur, quod in praesentia legatorum male de ciuitate loquar.
9
La raison de la haine que ressentait Aristophane à l’endroit de Cléon n’était pas seulement que ce dernier gérait les affaires de l’état dans la violence et à la hâte (car ce grief, le poète le partageait avec tous les gens de bien) mais il y avait une raison d’ordre privé, c’est que Cléon avait déjà quelque temps plus tôt intenté un procès en citoyenneté à Aristophane, au motif qu’il était étranger et ne se comportait pas du tout en citoyen, qu’il avait aussi, dans sa comédie Les Babyloniens, vilipendé en présence des légats les magistrats qu’on tirait au sort selon l’usage.10 D’où ce passage des Acharniens : « et de fait Cléon cessera de me calomnier en disant que je parle mal de la cité en présence des légats ».
Quantum ad crimen prius attinet, non
fuit illud de nihilo, quandoquidem patria poetae incerta erat, sicut initio
docuimus. Erant enim Athenis qui Aristophanem
dicerent Rhodium, aut Lindium, nonnulli qui affirmarent Aeginetam, siue quod
plurimum ille temporis eo in loco contriuisset, siue quod suas ibi possessiones
haberet, siue quod pater eius Philippus Aegineta fuisse
perhiberetur. Absolutum in iudicio tradunt, cum iocose et facete admodum hos uersus
Homeri recitasset : μήτηρ μέν τ’ ἐμέ φησι τοῦ ἔμμεναι, αὐτὰρ ἔγωγε οὐκ οἶδ’·
οὐ γὰρ δή τις ἑὸν γόνον αὐτὸς ἀνέγνω.
11
Quant au premier chef d’accusation, il n’était pas sans fondement puisque la patrie du poète n’était pas certaine, comme nous l’avons dit au début. Car certains Athéniens disaient qu’Aristophane était Rhodien (précisément de Lindos), d’autres affirmaient qu’il était d’Égine, soit parce qu’il y avait passé le plus clair de son temps, soit parce qu’il y possédait des biens, soit parce que son père Philippe passait pour être Éginète. Il fut, dit-on, acquitté dans ce procès, alors que dans une fine plaisanterie, il avait cité ces vers d’Homère12 : μήτηρ μέν τ’ ἐμέ φησι τοῦ ἔμμεναι, αὐτὰρ ἔγωγε οὐκ οἶδ’· οὐ γὰρ δή τις ἑὸν γόνον αὐτὸς ἀνέγνω, « ma mère dit que je suis de ce père mais moi je l’ignore : car personne ne peut se flatter de connaître son père ».
Calumniis iterum atque tertium
oppressus, urbe excessit ; prius tamen Cleone uicto, cum ciuis
Atticus manifesto esset declaratus. Sic enim alibi inquit : Αὐτός τ’ ἐμαυτὸν ὑπὸ Κλέωνος ἅττ’ ἔπαθον ἐπίσταμαι
δή
13
Harcelé deux fois,
trois fois par ses calomnies, il quitta la ville, non sans avoir attendu la défaite
de Cléon et vu sa citoyenneté attique déclarée incontestable. C’est en effet ce
qu’il dit ailleurs : Αὐτός τ’ ἐμαυτὸν ὑπὸ Κλέωνος ἅττ’ ἔπαθον
ἐπίσταμαι δή
etc., « Moi, ce que j’ai subi de Cléon, je ne le sais que
trop ».
In eundem Vespas composuit, de quibus paulo infra dicemus. Fuit etiam Socrati et Euripidi infensus ; propterea quod nunquam in theatra ueniebat Socrates nisi cum Euripides cum nouis Tragoediis certaret, aut etiam in Piraeo contenderet. Nam Socrates amabat Euripidem, tum propter sapientiam, tum propter carminum uirtutem et bonitatem. Aliquando tamen ipsum Alcibiades et Critias, ut comoedias etiam in theatro spectaret, inuitarunt, ac modo non ui eodem pertraxerunt. Verum ille non magni Comicos pendebat sed uehementer contemnebat ; ipse uir modestus, iustus, probus et sapiens, homines mordaces, iniuriosos et sani nihil dicentes.
Contre ce même Cléon il composa Les Guêpes, dont je reparlerai ci-dessous. Il était aussi l’ennemi de Socrate et d’Euripide, sous prétexte que Socrate n’allait jamais au théâtre sauf pour voir Euripide en compétition avec de nouvelles tragédies, ou aussi au Pirée s’il y avait un concours. Car Socrate aimait Euripide, pour sa sagesse d’une part, pour la qualité et la beauté de ses vers d’autre part. Une fois même Alcibiade et Critias l’invitèrent à aller voir des pièces au théâtre et ce fut presque sous la contrainte qu’ils l’y traînèrent. Or lui ne prisait guère les Comiques mais, lui, le modeste, le juste, l’honnête et le sage, méprisait vivement ceux qui se montraient sarcastiques, ceux qui insultaient, ceux qui disaient n’importe quoi.
Quae res male ipsos habuit et odii aduersus Socratem prima semina in Aristophane excitauit. Quare sibi facilius ab Anyto et Melito Socratis hostibus persuaderi passus est Aristophanes ut drama aduersus ipsum meditaretur. Cum enim Anytus et Melitus Socrati essent infestisssimi, nec tamen ipsum in crimen uocare auderent, partim metu Atheniensium ne in se aliquod malum redundaret si falso detulissent hominem, non modo nullius calamitatis in republica auctorem sed etiam ciuitatis ornamentum, partim propter amicos et asseclas Socratis, qui suum praeceptorem nunquam deserturi uidebantur.
Aussi s’en faisait-il mal voir et la haine contre Socrate trouva ses premiers germes chez Aristophane. Aussi fut-il assez facile pour Anytos et Mélitos, hostiles à Socrate, d’obtenir d’Aristophane qu’il acceptât de composer une pièce contre lui. Comme Anytos et Mélitos étaient très hostiles à Socrate, sans toutefois aller jusqu’à oser le traîner en justice, un peu par peur d’un retour de bâton des Athéniens au cas où ils aient déféré sous de faux griefs un homme non seulement innocent de toute mauvaise action à l’égard de l’état mais en outre une icône de la cité, un peu aussi à cause des amis et des élèves de Socrate, qui semblaient prêts à défendre leur maître jusqu’au bout.
Ideo Aristophanem subornant eique persuadent ut in comoedia Socratem ab iis malis taxet quae plerique de eo ficta norant : esse loquacem et loquendo efficere ut malae causae bonae uiderentur, introducere nouos et inusitatos deos, cum neque nosset interim, neque reuerertur deos, atque haec ipsa in eos quoque transfundere quos in philosophia institueret. Hoc argumento arrepto, Nebulas conscripsit Aristophanes et per histriones in festo Bacchanaliorum, maxima Graecorum multitudine eo confluente, exhibuit.
Les voilà donc qui subornent Aristophane et le convainquent, dans une comédie, de faire payer à Socrate ses torts, que beaucoup savaient mensongers, d’être éloquent et, par cette éloquence de faire passer de mauvaises causes pour bonnes, lui faire grief d’introduire de nouveaux dieux inconnus, bien qu’en même temps il niât l’existence des dieux et refusât de les honorer, et de prêter aussi ces fautes à ceux qui suivaient ses leçons de philosophie. S’emparant de cet argument, Aristophane écrivit Les Nuées et les fit donner par des acteurs aux Dionysies, devant une affluence record d’Athéniens.
Rei insolentia et inusitato in scaenis spectaculo Socratis, primum omnes Athenienses, cum nihil minus expectassent, obstupuerunt. Deinde, quoniam natura inuidiosi essent, et ad detrectandum optimis quibusque procliues, iucundum eis uisae sunt spectaculum Nebulae. Nam actorem, teste Aeliano, plausu tanto prosequebantur quanto nunquam antea eoque clamore uictoriam ei decreuerunt mandaruntque ut Aristophanis nomen, non alterius, supremum scriberetur.
Le caractère inédit, la nouveauté de voir sur scène Socrate clouèrent d’abord de stupeur les Athéniens, qui ne s’y attendaient pas du tout. Mais ensuite, étant donné leur nature jalouse et encline à traîner dans la boue les célébrités, Les Nuées leur semblèrent finalement un spectacle plaisant. Car, aux dires d’Élien, ils firent à l’acteur une ovation comme jamais et lui décernèrent et remirent la victoire sous de telles clameurs que le nom d’Aristophane, et d’aucun autre, fut inscrit en haut de l’affiche14.
Refert idem Aelianus Socratem, cum praesciuisset se in comoedia taxatum iri, in theatrum ingressum esse et oportuno loco consedisse. Cum autem cirumferretur in scaena et crebro nominaretur, peregrinis quisnam esset ille Socrates interrogantibus, ipsum ad dubitationem ex animis peregrinorum tollendam surrexisse et per totum drama, congredientibus histrionibus, stantem spectasse magnoque animo et istam comoediam et Athenienses contempsisse.15
Le même Élien rapporte que Socrate, après avoir appris qu’il allait payer dans une comédie, se rendit au théâtre et se plaça à un endroit opportun. Alors que son nom faisait le tour de la scène et se trouvait souvent cité, des étrangers demandaient qui donc était ce Socrate et lui-même, pour répondre à la question de ces étrangers, se leva et pendant toute la pièce, alors que les acteurs jouaient leurs scènes, il assista au spectacle debout et, avec beaucoup de courage, marqua son mépris à la comédie et aux Athéniens.
Simili odio adductus Aristophanes, Euripidem in aliis omnibus comoediis traduxit, praecipue in Ranis, Acharnensibus, Thespophoriazusis, ut conceptam de illo opinionem ex animis hominum euelleret, quando optimus ille et sapientissimus habebatur Tragicus.
Mû par une haine comparable, Aristophane mit en scène Euripide dans toutes les autres comédies, surtout dans Les Grenouilles, Les Acharniens, Les Thesmophories, pour tenter d’éradiquer dans la tête du public l’opinion commune qu’il serait le meilleur et le plus sage des Tragiques.
Itaque Ranas confinxit, in quo dramate Bacchum introducit, sollicite quaerentem in terris poetam Tragicum et quod nullum reperiret, ad inferos descendentem, ut Euripidem e campis Elysiis reducat. Sed cum Aeschyles et Sophocles grauitate tragica superiores Euripide haberi uellent, oritur in ea fabula certamen, in quo ab Aeschylo uincitur Euripides. Hac ratione in magnum contemptum perductus fuit Euripides et reliquis Tragicis longe poshabitus. Vt autem maius in illum concitaret odium, etiam Thesmophoriazusas conscripsit, in qua fabula Euripides a feminis sacra Cereris celebrantibus accusatur quod iniusto odio mulieres persequatur easque in suis tragoediis passim traducat. Quibus de causis graues ei minantur poenas mulieres.
Aussi conçut-il Les Grenouilles, drame dans lequel il met en scène Bacchus à la recherche d’un poète tragique sur terre ; et comme il n’en trouve pas, il descend aux Enfers pour faire remonter Euripide des Champs Élysées. Mais comme Eschyle et Sophocle se piquent, sur le critère du sérieux tragique, d’être meilleurs que lui, il en naît, dans cette comédie, un concours dans lequel Eschyle l’emporte sur Euripide. C’est pour cette raison qu’Euripide fut tenu dans un grand mépris et classé loin derrière les autres Tragiques. Pour susciter contre lui davantage de haine, il écrivit Les Thesmophories, pièce dans laquelle Euripide se fait accuser par les femmes qui sont en train de sacrifier à Cérès d’être de sa part en butte à une haine injuste et d’être transposées ici ou là dans ses tragédies. Pour ces raisons, les femmes le menacent de lourdes peines.
Reliquae Comoediae reliquo belli Peloponnesiaci tempore, quo floruit Aristophanes, compositae fuerunt. Nam Pacem anno tertio decimo belli scripsit, cum post mortem Cleonis et Brasidae, qui apud Amphipolin in acie perierant, pax et foedus quinquaginta annorum inter Athenienses et Lacedaemonios esset factum, quod tamen septem annos non durauit, quemadmodum refert Thucydides libro quinto ξυγγραφ. Acharnenses post mortem Periclis et cladem Siculam scripsit, cuius in eo dramate stultam pertinaciam et insecuta mala proponit, ut hoc exemplo malos et plebem terreat, ne stultis ducibus, qualis fuerat Lamachus, belli summam et reipublicae salutem committant. Quantam uero noxam reipublicae dederit Lamachus, amisso exercitu in Sicilia, docuit exitus, stultorum omnium magister.
Les autres comédies ont été écrites pendant le reste de la guerre du Péloponnèse, qui est le floruit d’Aristophane. Car il a écrit La Paix la treizième année de la guerre, une fois que, après la disparition de Cléon et de Brasidas, morts au combat à la bataille d’Amphipolis, un traité de paix de cinquante ans eut été signé entre Athènes et Sparte, lequel ne dura pas sept ans, comme le rappelle Thucydide au livre 5 de sa Guerre du Péloponnèse. Les Acharniens ont été écrits après la mort de Périclès et la défaite sicilienne ; dans cette pièce, il évoque l’absurde entêtement et ses conséquences néfastes pour tenter, par cet exemple, de dissuader les méchants et le peuple de confier à des généraux stupides, comme l’était Lamachos, le soin de conduire la guerre et de protéger l’état. Le tort qu’a fait Lamachos à l’état, en perdant son armée en Sicile, est montré dans l’exodos sous le rôle du maître de tous les sots.
Post cladem Siculam Aues prodierunt, in qua fabula hortatur Athenienses, ut Decelaeam, quam ille ficto nomine Νεφελοκοκκυγίαν uocat, contra Lacedaemonios muniant, priusquam ab illis occupetur. Cui salutari consilio si paruissent Athenienses, in maximum malum non incidissent. Vespae post alteram cladem Siculam scriptae uidentur, quam Atheniensibus Chares (quem ille tecto nomine canis, Labetem uocat) ductu suo inauspicato attulit.
Après la défaite sicilienne furent donnés Les Oiseaux, fable dans laquelle il exhorte les Athéniens à fortifier Décélie (qu’il appelle du nom inventé de Néphélococcygie16) contre les Lacédémoniens avant qu’ils ne puissent l’occuper. Si les Athéniens avaient obéi à ce conseil salutaire, ils ne seraient pas tombés dans le pire des malheurs. Les Guêpes semblent avoir été écrites après la deuxième défaite sicilienne que valut aux Athéniens Charès17 (qu’il dissimule sous le nom du chien, Labès) en menant l’attaque contre les auspices.
Periculosissimis autem temporibus, cum
tota Graecia in armis esset, Lysistratam composuit, in
qua mulieres de republica et pace deliberant, facta coniuratione, quod suis maritis
concubitum denegare et in arcem munitissimam se tantisper recipere uelint dum illi
pacis negotium suspiciant. Plutum et similes Comoedias
iis demum temporibus commentus est, quibus ex interdicto magistratus Attici, neminem
in Comoedia nominatim carpere licuit. Ac Plutum quidem per filium suum
Ararotem, quem multitudini ipsemet praefecerat. Referunt
magnam esse laudem consecutum quod calumniatores subuertisset ; alibi eos nominans
ἠπιάλους (febres pituitosas in Vespis) οἳ τοὺς πατέρας αὐτοῦ δ’ ἦγχον νύκτωρ καὶ τοὺς πάππους
ἀπέπνιγον
18
C’est dans la période
la plus dangereuse, quand toute la Grèce était en guerre, qu’il composa
Lysistrata dans laquelle les femmes délibèrent sur l’état et sur
la paix et, d’un commun accord, décident de refuser à leurs maris toute copulation
et de se retirer dans la partie de l’acropole la mieux protégée aussi longtemps
qu’ils n’apporteraient pas une paix négociée. Plutus et les comédies
de même type, il les créa précisément dans les années où, suite à l’interdiction qui
en était faite par un magistrat athénien, il n’était plus permis d’outrager
nommément quelqu’un dans une comédie. Et il fit jouer Plutus par son fils Ararôs,
qu’il avait lui-même mis comme chef de troupe. On lui fit, dit-on, le grand mérite
d’avoir renversé les sycophantes ; ailleurs il les nomme des ἠπίαλοι (« fièvres pituiteuses », dans Les Guêpes),
οἳ τοὺς πατέρας αὐτοῦ δ’ ἦγχον νύκτωρ καὶ τοὺς πάππους
ἀπέπνιγον
, « fièvres qui ont, la nuit, serré le gosier aux papas et
étranglé les papys ».
Inprimis uero ob hoc laudatus est
atque amatus est a ciuibus, quod fabulis suis rempublicam Atheniensium liberam neque
ullius domini tyrannidi subiectam esse sed ne ipsum quidem populum in statu
reipublicae populari et per se libero, sibimet ipsi imperitare uoluit. Qua de causa
oleae sacrae ramo coronatus est, qui non minoris praemii loco habebatur quam corona
aurea. Ac proinde in Ranis de ingloriis quibusdam hoc
protulit :
19
Il fut surtout
félicité et apprécié de ses concitoyens parce dans ses pièces il voulut une Athènes
démocratique, qui ne fût sous l’emprise d’aucun tyran, mais que ce fût le peuple,
non pas celui d’un régime démagogique, mais un peuple autonome, qui le dirigeât.
C’est pour cela qu’il fut couronné d’un rameau de l’olivier sacré, récompense qui
valait une couronne d’or. Et c’est pour cela qu’il dit dans Les
Grenouilles à propos de quelques sans-gloire :
,
« il est juste que le chœur sacré donne de nombreux conseils à la cité ».
Scripsit praeter has Comoedias, quae extant, alias triginta sex, quarum nomina leguntur apud Athenaeum, in Dipnosophistis. Sunt autem hae : Ἀγηρός, Senectae expers, Aeolosicones duo, Amphiaraus20, quam Aelianus etiam libro duodecimo de Animalibus citat, Anagyrus, Babylonii, Rustici, Senectus, Gerytades, Daedalus, Conuiuae, Danaides, Danai dolia, Dionysus, Niobe, Heroes, Centauri, Cocalus, Lemnia, Nebulae secundae, Thesmophoriazusae alterae, Naues onerariae, Ciconiae, Pelasgi, Pythagorae, Scaenae apprehendentes, Sartagine coquentes, Telmissentes, Colostrum, Philonide, Phaenissae et Horae.
Outre ces comédies, qui sont conservées, il en a écrit trente-six autres, dont les noms se lisent chez Athénée dans les Deipnosophistes. Les voici : Ἀγηρός, c’est-à-dire « Celui qui ne vieillit pas », les deux Aeolosicon, Amphiaraos, qu’Élien aussi cite au livre 12 des Animaux, Anagyronte, Les Babyloniens, Les Paysans, La Vieillesse, Gerytades, Dédale, Les Convives, Les Danaïdes, Les Tonneaux de Danaos, Dionysos, Niobè, Les Héros, Les Centaures, Cocalos, Les Lemniennes, Les Secondes Nuées, Les Secondes Thesmophories, Les Cargos, les Cigognes, Les Pélasges, les Pythagores, Les Preneurs de scène, Les Mijoteurs, les Gens de Telmesse, Le Premier Lait, Philonide, Les Phéniciennes et Les Heures. 21
Peculiaris ab eo inuentus est uersus, qui Aristophanius appellatur, etiam a Cicerone memoratus in Bruto22. Suidas tetrametrum et octometrum ab eo inuentum scribit23. Eloquentia Attica in illo singularis fuit ut ex iis, quae supersunt, Comoediis colligitur. Itaque Platonem memorant Dinoysio regi Syracusano, statum reipublicae Atheniensis et linguam ex optimo auctore perdiscere cupienti, hunc auctorem misisse, hortatumque esse ut fabulas huius poetae diligenter tractaret si quidem reipublicae Atheniensis statum perfecte uellet cognoscere.
Il a inventé un type de vers spécial, qu’on appelle aristophanien et dont même Cicéron témoigne dans le Brutus. La Souda écrit qu’il a inventé le tétramètre et l’octomètre. Il avait une remarquable éloquence attique, comme on peut la récolter dans les comédies qui nous sont parvenues. C’est pourquoi on raconte que Platon, quand le tyran de Syracuse Denys souhaitait apprendre la constitution athénienne et la belle langue d’après le meilleur auteur, lui envoya notre auteur et l’exhorta à manier avec attention les pièces de notre poète s’il voulait parfaitement connaître la constitution d’Athènes.
De Ioanne Chrysostomo disertissimo theologo, sunt qui scribant eum suae facundiae et uehementiae in taxandis uitiis, praesertim mulierum, partem optimam ex quotidiana lectione Aristophanis hausisse et cum dormitum iret, libros huius auctoris puluillo subdere solitum, ut olim Homeri poema Alexander ille Magnus. Certe adhuc uiuus Aristophanes tam illustre nomen suis Comoediis est adeptus, ut fama illius etiam ad Persas peruenerit et rex ipse Persarum, facta poetae huius mentione, de eo percontatus sit quibusnam cum hominibus iste Comicus uiueret, sicut ispe testatur in Acharnensibus.
Quant à Jean Chrysostome, le grand théologien, certains écrivent qu’il a puisé son éloquence et sa virulence, particulièrement contre les femmes, pour la meilleure part de sa lecture quotidienne d’Aristophane ; et quand il allait dormir, il mettait habituellement les livres de cet auteur sous son oreiller, comme autrefois Alexandre le Grand avec les poèmes homériques. Et d’ailleurs de son vivant, Aristophane avait acquis une telle notoriété que sa réputation était arrivée jusqu’en Perse et même le roi des Perses, quand on lui avait parlé de ce poète, avait demandé avec quelles personnes ce Comique vivait, ainsi qu’il le dit lui-même dans Les Acharniens.
Vrbano et perfaceto eum fuisse ingenio, fabulae ostendunt, in quibus omnia, pro more ueteris Comoediae salsa, festiua, mordacia, maledica, ut quocunque uerbo pronuntiato, illico capiatur occasio ad aliquid subsannandum. Est enim Aristophanes cum risu mordax, nihil sine facetiis impingens ; cui ex Latinis Horatium similem facit Scaliger, libro tertio de Poetica, capitulo tertio nonagesimo. Ego uero Plautum ei non inepte aequiparandum iudico, cuius ille locos quam plurimos imitatus est, ut suo ostendetur loco. Etsi autem Aelianus nugatorem et ridiculum 24 uocat, quique omnino talis haberi studuerit, et Plutarchus tumidum dicendi genus et scenae accommodatum et illiberale ab eo usurpatum fuisse scribit, tamen, quia alter Socratis amore, alter Menandri admiratione uictus iudicat (sicuti postea commonstrabitur), ego neutrius iudicio ita standum censeo ut ab eo recedere nefas sit.
Il était d’un naturel spirituel et très facétieux ; ses pièces le démontrent, dans lesquelles tout, selon l’usage de la Comédie Ancienne, est salé, drôle, mordant, insultant, au point qu’à chaque mot prononcé on saisit aussitôt l’occasion d’une moquerie. Car Aristophane fait rire quand il est mordant, il heurte, mais avec des jeux de mots ; Parmi les Latins, c’est à Horace que Scaliger le compare au livre III, chapitre 97 de sa Poétique25. Moi je trouve assez justifié de le comparer à Plaute, qui lui a emprunté de très nombreux passages, comme on le montrera en temps voulu. Et même si Élien le qualifie de blagueur et de rigolo (et il s’est résolument attaché à donner cette impression) et que Plutarque écrit qu’Aristophane a fait usage d’un style enflé, propre à la scène et vulgaire, néanmoins, comme l’un est trop attaché à Socrate et l’autre trop admiratif de Ménandre pour être bon juge (comme on le montrera plus bas), je pense, moi, qu’il ne faut s’arrêter à aucune de ces deux opinions d’une façon définitive.
Quanti Plato Aristophanem fecerit, uel ex ipso liquet Plutarcho, qui Aristophanis sermonem de amore26, a Platone, ueluti Comoediam, in Symposio insertum esse27 ait. Et Cicero primo libro de Legibus Aristophanem facetissimum ueteris Comoediae poetam nominat et eundem plurimum laudat quod noui Dii apud eum e ciuitate eiciantur et publicus sacerdos imprudentiam consilio expiatam, metu liberet, audaciam in admittendis religionibus foedis damnet, atque impiam iudicet28. Idem Cicero libro duodecimo ad Atticum epistola quarta Aristophanem uult, per librarios, sibi reponi pro Eupolide29
Le cas que Platon faisait d’Aristophane se voit même chez Plutarque, qui dit que le discours d’Aristophane sur l’amour, Platon l’a inséré dans Le Banquet comme une sorte de comédie. Et Cicéron, au premier livre des Lois, appelle Aristophane le plus facétieux des auteurs de la Comédie Ancienne et le complimente surtout parce que chez lui les nouveaux dieux sont chassés de la cité, qu’un prêtre public exonère de la crainte toute action faite à la légère mais expiée en conseil et que l’audace qui consiste à importer des religions scandaleuses est condamnée et jugée impie. Le même Cicéron, dans le douzième livre de ses Lettres à Atticus, lettre 4, veut que les scribes mettent pour lui le nom d’Aristophane à la place de celui d’Eupolis.
Extat in eundem Aristophanem epigramma hoc Graecum :
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On a sur le même
Aristophane cette épigramme grecque :
C’est-à-dire : « Les
comédies d’Aristophane, divin ouvrage, sur les vertes chevelures desquelles je viens
en abondance, moi, le lierre attique. C’est du grand Bacchus dans ce livre, quelle
légende souffle là, sarcastique, certes, mais néanmoins pleine de grâces ! ô toi,
esprit si fin et le meilleur caractère des Grecs, que tu railles ce qui le mérite ou
que tu le blâmes ! ».
Athenaeus, libro decimo Dipnosophistarum capitulo nono, dramata ab Aristophane ebrio fuisse concripta affirmat. Καὶ Ἀλκεῖος δὲ ὁ μελοποιὸς καὶ Ἀριστοφάνης ὁ κωμῳδιοποιὸς μεθύοντες ἔγραφον τὰ
ποιήματα
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Athénée, au livre 10 des Deipnosophistes, chapitre 9, affirme que les pièces d’Aristophane sont l’œuvre d’un ivrogne : « Et Alcée le lyrique et Aristophane le Comique étaient ivres quand ils ont écrit leurs vers ». La véracité de ce jugement n’engage que son auteur. Pour moi, il n’est guère vraisemblable qu’on puisse, ivre, présenter une œuvre que peu d’auteurs à jeun, même en s’éclairant dans leurs veilles avec la lanterne de Cléanthe, auraient pu présenter.
Constat eum fuisse caluum, quando suam ipsemet caluitiem in Pace non dissimulauit33. Quo tempore mortuus sit, nondum reperi. Certum est adhuc superstitem fuisse, post eiectos triginta tyrannos a Thrasybulo, cuius uiri ipse in Pluto34 et alibi etiam meminit. Sed duos ab eo relictos esse filios referunt, Philippum et Ararotem, quibus Suidas tertium addit, Philaretum35, alii etiam Nicostratum. Et haec habui, quae de uita Aristophanis commentari uolui. Nunc Plutarchi iudicium de Aristophane subiciam et quanti ab illo fiat ex ipso auctore describam.
Il est établi qu’il était chauve, vu que lui-même ne cache pas sa calvitie dans La Paix. Sur la date de sa mort, je n’ai rien trouvé. Ce qui est sûr c’est qu’il était encore vivant lors de l’expulsion des Trente par Thrasybule, un homme dont il fait mention lui-même dans Plutus et ailleurs. Mais il a, dit-on, laissé deux fils, Philippe et Ararôs, auxquels Suidas en ajoute un troisième, Philarète, d’autres encore un quatrième, du nom de Nicostrate36. Voilà ce que j’avais à commenter sur la vie d’Aristophane. Désormais, je vais évoquer le jugement de Plutarque sur Aristophane et j’expliquerai l’estime en laquelle cet auteur le porte.
Ῥόδιος ἤτοι Λίνδιος, οἱ δὲ Αἰγύπτιον ἔφασαν, οἱ δὲ Καμειρέα· θέσει δὲ Ἀθηναῖος· ἐπολιτογραφήθη γὰρ παρ’ αὐτοῖς·κωμικὸς, υἱὸς Φιλίππου.
διὸ καὶ ἔσκωπτον αὐτὸν Ἀριστώνυμός τε καὶ Ἀμειψίας τετράδι λέγοντες γεγονέναι κατὰ τὴν παροιμίαν ἄλλοις πονοῦντα.
ἐγᾦδ’ ἐφ’ ᾧ γε τὸ κέαρ ηὐφράνθην ἰδών/ τοῖς πέντε ταλάντοις οἷς Κλέων ἐξήμεσεν. Frischlin cite là sa traduction en sénaires iambiques plutôt que l’original.
Αὐτός τ’ ἐμαυτὸν ὑπὸ Κλέωνος ἅπαθον/ ἐπίσταμαι διὰ τὴν πέρυσι κωμῳδίαν.(avec quelques variantes).
Ἐπετίθεντο τῷ Σωκράτει καὶ ἐπεβούλευον οἱ ἀμφὶ τὸν Ἄνυτον ὧν χάριν καὶ δι’ ἃς αἰτίας λέλεκται πάλαι. ὑφορώμενοι δὲ τοὺς Ἀθηναίους καὶ δεδιότες ὅπως ποτὲ ἕξουσι πρὸς τὴν κατηγορίαν τοῦ ἀνδρὸς (πολὺ γὰρ ἦν τὸ τοῦ Σωκράτους ὄνομα διά τε τὰ ἄλλα καὶ ὅτι τοὺς σοφιστὰς ἤλεγχεν οὐδὲν ὑγιὲς ὄντας οὐδέ τι σπουδαῖον ἢ εἰδότας ἢ λέγοντας), ἐκ τούτων οὖν ἐβουλήθησαν πεῖραν καθεῖναι ὑπὲρ τῆς κατ’ αὐτοῦ διαβολῆς. τὸ μὲν γὰρ ἄντικρυς ἀπενέγκασθαι γραφὴν κατ’ αὐτοῦ παραχρῆμα οὐκ ἐδοκίμαζον δι’ ἃ προεῖπον καὶ δι’ ἐκεῖνα δέ, μή ποτε ἄρα ἀγριάναντες οἱ φίλοι οἱ τοῦ Σωκράτους ἐξάψωσι κατ’ αὐτῶν τοὺς δικαστάς, εἶτά τι πάθωσι κακὸν ἀνήκεστον, ἅτε συκοφαντοῦντες ἄνδρα οὐ μόνον οὐδενὸς αἴτιον κακοῦ τῇ πόλει, ἐκ δὲ τῶν ἐναντίων καὶ κόσμον ταῖς Ἀθήναις ὄντα. τί οὖν ἐπινοοῦσιν; Ἀριστοφάνην τὸν τῆς κωμῳδίας ποιητήν, βωμολόχον ἄνδρα καὶ γελοῖον ὄντα καὶ εἶναι σπεύδοντα, ἀναπείθουσι κωμῳδῆσαι τὸν Σωκράτη, ταῦτα δήπου τὰ περιφερόμενα, ὡς ἦν ἀδολέσχης, λέγων τε αὖ καὶ τὸν ἥττω λόγον ἀπέφαινε κρείττονα, καὶ ἐσῆγε ξένους δαίμονας, καὶ οὐκ ᾐδεῖτο θεοὺς οὐδ’ ἐτίμα, τὰ δὲ αὐτὰ ταῦτα καὶ τοὺς προσιόντας αὐτῷ ἐδίδασκέ τε καὶ εἰδέναι ἀνέπειθεν. ὁ δὲ Ἀριστοφάνης λαβόμενος ὑποθέσεως εὖ μάλα ἀνδρικῆς, ὑποσπείρας γέλωτα καὶ τὸ ἐκ τῶν μέτρων αἱμύλον καὶ τὸν ἄριστον τῶν Ἑλλήνων λαβὼν ὑπόθεσιν (οὐ γάρ οἱ κατὰ Κλέωνος ἦν τὸ δρᾶμα, οὐδὲ ἐκωμῴδει Λακεδαιμονίους ἢ Θηβαίους ἢ Περικλέα αὐτόν, ἀλλ’ ἄνδρα τοῖς τε ἄλλοις θεοῖς φίλον καὶ δὴ καὶ μάλιστα τῷ Ἀπόλλωνι), ἅτε οὖν ἄηθες πρᾶγμα καὶ ὅραμα παράδοξον ἐν σκηνῇ καὶ κωμῳδίᾳ Σωκράτης, πρῶτον μὲν ἐξέπληξεν ἡ κωμῳδία τῷ ἀδοκήτῳ τοὺς Ἀθηναίους, εἶτα καὶ φύσει φθονεροὺς ὄντας καὶ τοῖς ἀρίστοις βασκαίνειν προῃρημένους οὐ μόνον τοῖς ἐν τῇ πολιτείᾳ καὶ ταῖς ἀρχαῖς ἀλλ’ ἔτι καὶ πλέον τοῖς εὐδοκιμοῦσιν ἢ ἐν λόγοις ἀγαθοῖς ἢ ἐν βίου σεμνότητι, ἄκουσμα ἔδοξεν ἥδιστον αἵδε αἱ Νεφέλαι, καὶ ἐκρότουν τὸν ποιητὴν ὡς οὔ ποτε ἄλλοτε, καὶ ἐβόων νικᾶν, καὶ προσέταττον τοῖς κριταῖς ἄνωθεν Ἀριστοφάνην ἀλλὰ μὴ ἄλλον γράφειν. καὶ τὰ μὲν τοῦ δράματος τοιαῦτα· ὁ δὲ Σωκράτης σπάνιον μὲν ἐπεφοίτα τοῖς θεάτροις, εἴ ποτε δὲ Εὐριπίδης ὁ τῆς τραγῳδίας ποιητὴς ἠγωνίζετο καινοῖς τραγῳδοῖς, τότε γε ἀφικνεῖτο. καὶ Πειραιοῖ δὲ ἀγωνιζομένου τοῦ Εὐριπίδου καὶ ἐκεῖ κατῄει· ἔχαιρε γὰρ τῷ ἀνδρὶ διά τε τὴν σοφίαν αὐτοῦ καὶ τὴν ἐν τοῖς μέτροις ἀρετήν. ἤδη δέ ποτε αὐτὸν ἐρεσχελῶν Ἀλκιβιάδης ὁ Κλεινίου καὶ Κριτίας ὁ Καλλαίσχρου καὶ κωμῳδῶν ἀκοῦσαι παρελθόντα ἐς τὸ θέατρον ἐξεβιάσαντο. ὃ δὲ αὐτοῖς οὐκ ἠρέσκετο, ἀλλὰ δεινῶς κατεφρόνει (ἅτε ἀνὴρ σώφρων καὶ δίκαιος καὶ ἀγαθὸς καὶ ἐπὶ τούτοις σοφός) ἀνδρῶν κερτόμων καὶ ὑβριστῶν καὶ ὑγιὲς λεγόντων οὐδέν· ἅπερ ἐλύπει δεινῶς αὐτούς. καὶ ταῦτα οὖν τῆς κωμῳδίας ἦν αὐτῷ τὰ σπέρματα, ἀλλ’ οὐ μόνον ἃ παρὰ τοῦ Ἀνύτου καὶ Μελήτου ὡμολόγηται. εἰκὸς δὲ καὶ χρηματίσασθαι ὑπὲρ τούτων Ἀριστοφάνην. καὶ γὰρ βουλομένων, μᾶλλον δὲ ἐκ παντὸς συκοφαντῆσαι τὸν Σωκράτη σπευδόντων ἐκείνων, καὶ αὐτὸν δὲ πένητα ἅμα καὶ κατάρατον ὄντα, τί παράδοξον ἦν ἀργύριον λαβεῖν ἐπ’ οὐδενὶ ὑγιεῖ; καὶ ὑπὲρ μὲν τούτων αὐτὸς οἶδεν· εὐδοκίμει δ’ οὖν αὐτῷ τὸ δρᾶμα. καὶ γάρ τοι καὶ τὸ τοῦ Κρατίνου τοῦτο συνέβη εἴ ποτε ἄλλοτε καὶ τότε, τῷ θεάτρῳ νοσῆσαι τὰς φρένας. καὶ ἅτε ὄντων Διονυσίων πάμπολύ τι χρῆμα τῶν Ἑλλήνων σπουδῇ τῆς θέας ἀφίκετο. περιφερομένου τοίνυν ἐν τῇ σκηνῇ τοῦ Σωκράτους καὶ ὀνομαζομένου πολλάκις, οὐκ ἂν δὲ θαυμάσαιμι εἰ καὶ βλεπομένου ἐν τοῖς ὑποκριταῖς (δῆλα γὰρ δὴ ὅτι καὶ οἱ σκευοποιοὶ ἔπλασαν αὐτὸν ὡς ὅτι μάλιστα ἐξεικάσαντες), ἀλλ’ οἵ γε ξένοι (τὸν γὰρ κωμῳδούμενον ἠγνόουν) θροῦς παρ’ αὐτῶν ἐπανίστατο, καὶ ἐζήτουν ὅστις ποτὲ οὗτος ὁ Σωκράτης ἐστίν. ὅπερ οὖν ἐκεῖνος αἰσθόμενος (καὶ γάρ τοι καὶ παρῆν οὐκ ἄλλως οὐδὲ ἐκ τύχης, εἰδὼς δὲ ὅτι κωμῳδοῦσιν αὐτόν· καὶ δὴ καὶ ἐν καλῷ τοῦ θεάτρου ἐκάθητο), ἵνα οὖν λύσῃ τὴν τῶν ξένων ἀπορίαν, ἐξαναστὰς παρ’ ὅλον τὸ δρᾶμα ἀγωνιζομένων τῶν ὑποκριτῶν ἑστὼς ἐβλέπετο. τοσοῦτον ἄρα περιῆν τῷ Σωκράτει τοῦ κωμῳδίας καὶ Ἀθηναίων καταφρονεῖν.