Occasio fabulae, quae inscribitur Acharnenses, ex Athenaeo, Thucydide, Diodoro Siculo et Plutarcho.
Nicodemus Frischlinus

Présentation du paratexte

Traduction latine de cinq comédies d’Aristophane.

Bibliographie :
  • Thomas Baier« Nicodemus Frischlin als Aristophanes-Übersetzer »editorDramatische Wäldchen. Festschrift für Eckard Lefèvre zum 65. GeburtstagpubPlacepublisherdate
  • Patrick Lucky Hadley Athens in Rome, Rome in Germany. Nicodemus Frischlin and the Rehabilitation of Aristophanes in the 16th Century pubPlace publisher date
  • David PriceThe Political Dramaturgy of Nicodemus Frischlin : Essays on Humanist Drama in GermanypubPlace publisher, date
Traduction : Christian NICOLAS

Occasio fabulae, quae inscribitur Acharnenses, ex Athenaeo, Thucydide, Diodoro Siculo et Plutarcho.

Circonstances de la pièce intitulée Les Acharniens, d’après Athénée, Thucydide, Diodore de Sicile et Plutarque.

Erat Athenis Aspasia Socratica, mulier speciosissima, cuius fama uniuesam Graeciam compleuerat.

Il y avait à Athènes une Aspasie, disciple de Socrate, femme superbe dont la renommée avait rempli toute la Grèce.

Hanc impendio amabat Pericles, ciuitatis Atticae Praetor.

C’est d’elle qu’était amoureux fou Périclès, chef de la cité d’Athènes.

Cum autem iuuenes Athenienses temulenti, Megaram fuissent profecti, et Simaetham nobile scortum rapuissent, Megarenses dolore iracundiae permoti, Athenas proficiscuntur, et Aspasiae duas meretriculas uicissim auserunt.

Or, alors que des jeunes Athéniens pris de boisson étaient partis à Mégare et avaient enlevé une célèbre putain du nom de Simétha, des Mégariens, mus par la douleur et la colère, allèrent à Athènes et osèrent voler deux petites catins à Aspasie en représailles.

Hinc belli Peloponnesiaci principium erupit omnibus Graecis, ex tribus meretricibus, ut docet Athenaeus in Dipnosoph.1

Tel fut le début de la guerre du Péloponnèse qui éclata pour la Grèce entière, à cause de trois catins, comme le rappelle Athénée dans les Deipnosophistes.

Nam ira percitus Aspasiae amator, Pericles, decreto publico sanxit : si quis Megarensis attingeret finem Atticum, ea res homini illi capitalis esset ; praetores, in solenni iureiurando adderent, ut bis quotannis agrum Megarensem popularentur.

Car fou de colère, l’amant d’Aspasie, Périclès, décréta publiquement que si un Mégarien entrait dans le territoire athénien, il risquait la peine capitale ; les gouverneurs devaient dans un serment solennel jurer de saccager deux fois par an le territoire de Mégare.

Atque hoc plebiscitum Pericles in tabulam retulit.

Et ce décret, Périclès le fit publier sur une plaque.

Cum autem Rex Lacedaemoniorum Archidamus suos legatos Athenas misisset ut tum socios Athenienses pacarent, et ab amicitia Corcyreorum eos auerterent, tum uero inprimis, ut hoc illi plebiscitum Megaricum abrogarent, ibi solus Pericles omnibus restitit et sua pertinacia decretum conseruauit, lege obtensa: quae tabulam, in quam plebiscitum esset relatum, uetaret reuellere.

Mais comme le roi de Sparte Archidamos avait envoyé une ambassade à Athènes pour apaiser les Athéniens, alors alliés à lui, et pour les détourner de pactiser avec Corcyre, mais surtout pour qu’ils abolissent le décret contre Mégare, là, Périclès résista seul contre tous, s’obstina à conserver le décret, tendit la loi, qui interdisait d’arracher la plaque où le décret avait été consigné.

Etsi autem aliae quoque causae fuerant, quae Atheniensibus infestos reddiderant Peloponnesios, tamen ob illas arma non fuisse sociis illaturos Lacedaemonios si Athenienses adduci potuissent, ut plebiscitum Megaricum facerent irritum : auctor est Plutarchus2.

Il y avait certes d’autres causes qui avaient rendu les Péloponnésiens hostiles aux Athéniens ; mais elles n’auraient pas suffi pour que Sparte prenne les armes contre un allié, pour peu qu’on ait pu amener les Athéniens à annuler le décret contre Mégare : témoin Plutarque.

Confirmati igitur ad arma ciues orationibus Periclis, obtemperant illi et res suas, liberos, coniuges et omne instrumentum domesticum ex agris in urbem comportant ; iumenta et oues in Euboeam mittunt, ut refert Thucydides3 qui hanc migrationem difficilem fuisse Atheniensibus tradit, propterea, quod plerique eorum ruri uiuere consueuissent.

Donc les citoyens poussés aux armes par les discours de Périclès lui obéissent et transportent leurs biens, enfants, femmes et tous leurs meubles de la campagne à la ville ; les bêtes de somme et les moutons, ils les envoient en Eubée, comme le rappelle Thucydide, qui rapporte que cet exode fut compliqué pour les Athéniens, surtout que le plus grand nombre vivait à la campagne.

Magnis paulo post copiis Lacedaemonii cum sociis (inter quos erant etiam Boeotii) Rege Archidamo duce, Atticam ingrediuntur, et deuastatis praediis ac uitibus excisis, foedatisque finibus, Acharnas usque quae Attica curta fuit, perueniunt.

Peu après, avec une armée nombreuse, Les Spartiates et leurs alliés (parmi lesquels même les Béotiens), sous la conduite du roi Archidamos, envahissent l’Attique, dévastent les terres et coupent les vignes, souillent le territoire et parviennent à Acharnes, qui était un bout de l’Attique.

Nam, auctore Thucydide, ciues Acharnenses, praecipuam partem urbis, neutiquam putabat Archidamus passuros esse uastationem suorum fundorum sed reliquos omnes ad pugnam incitaturos, aut ubi res suas amisissent Acharnenses, non perinde promptos fore credebat ad pugnandum pro aliis : et forte seditionem inter illos futuram esse.

Car selon Thucydide, Archidamos estimait que les citoyens d’Acharnes, principal dème de la cité, ne tolèreraient pas du tout un ravage de leurs terres mais inciteraient tous les autres au combat ou que, s’ils perdaient leur territoire, les Acharniens ne seraient plus disposés à se battre pour les autres et qu’il y aurait peut-être des défections entre eux.

Haec Archidamo fuisse consilia sedenti ad Acharnas, refert Thucydides4.

Tel était le plan d’Archidamos stationnant à Acharnes, selon Thucydide.

Conflagrantibus postea, in conspectus ciuium, praediis et agris, ipsi concurrere et coetus facere incipiebant, in quibus multum altercationum erat, cum alii ad erumpendum incitatores essent, alii quidem dehortarentur.

Ensuite le feu mis aux propriétés sous les yeux des citoyens les incitait à se réunir et à faire des assemblées, au cours desquelles les uns incitaient à faire une sortie, les autres à ne pas le faire.

Vates item oracula decantabant uaria, neque inter se consentientia, quae quisque, sicut affectus erat, ita accipiebat.

Des devins récitaient divers oracles incompatibles entre eux, que chacun entendait selon ses intérêts.

Acharnenses porro, ut qui sibi non minima pars ciuitatis esse uidebantur, populum ad pugnam, quam maxime instigabant.

Les Acharniens, de proche en proche, qui se voyaient comme une part non négligeable de la cité, incitaient de toutes leurs forces le peuple à la guerre.

Denique tota ciuitas commota erat, et Pericli irata, qui ciues ab eruptione prohibebat : et huius belli auctor fuerat.

Finalement toute la cité était ébranlée et en colère contre Périclès, qui empêchait les citoyens de faire une sortie alors qu’il était responsable de la guerre.

Inter hos etiam Cleo fuit, teste Plutarcho5 : qui, ubi ciuitatem in illum incensam uidit, auram popularem captans, acriter mordebat Periclem.

Parmi eux, Cléon, selon Plutarque, qui, voyant la cité en colère contre Périclès et prenant le courant populiste, s’en prenait vivement à lui .

Verum nihil istorum mouit Periclem, sed ignominiam moderate tulit, et eos, qui angebantur uastionem agrorum, demulsit: dicens arbores caesas et deiectas mox renasci : uirorum caesorum iterum non promptam fore facultatem.

Mais rien de cela n’ébranla Périclès, qui, au contraire, supporta avec calme les injures ; ceux qui se tourmentaient des ravages de leurs terres, il les calma en leur disant que les arbres coupés et déracinés repoussaient vite, mais que des hommes tués n’auraient pas cette possibilité.

Nauibus in Peloponnensum dimissis terram hostium per legatos uastauit ; ipse terrestri exercitu in fines Megaricas ducto, eas undequaque conculcauit.

Il envoya des troupes navales dans le Péloponnèse et ses légats y ravagèrent le territoire ennemi ; lui-même mena une troupe d’infanterie sur le territoire mégarien et le dévasta de toutes parts.

Paulo post foedus et amicitiam ineunt Athenienses cum Nymphodoro Abderita, cuius sororem habebat Sithalces Rex Thracum, per quem etiam Regem ipsum sibi adiungunt.

Peu après, les Athéniens font un traité d’alliance avec Nymphodore d’Abdère, dont la sœur avait épousé le roi de Thrace Sithalcès et grâce à qui ils gagnent l’alliance du roi.

Nam Athenas ueniens Nymphodorus, foedus et societatem Sithalcae cum Atheniensibus conciliauit et Sadocum filium Sithalcae ciuem Athenis fecit atque Atheniensibus pollicitus est se bellum, quod gerebatur in Thracia, compositurum esse et apud Sithalcen persuadendo effecturum ut in Thracia conscriptas copias equitum et peditum, peltis utentium, auxilio Atheniensibus mitteret.

Car en arrivant à Athènes, Nymphodore ménagea un traité d’alliance entre Athènes et Sithalcès et donna la citoyenneté athénienne à Sadocos, fils de Sithalcès, puis il promit aux Athéniens qu’il conclurait la guerre qui avait lieu en Thrace et qu’il réussirait à persuader Sithalcès de lever des troupes de cavaliers et de fantassins, armés de peltes, et de les envoyer en renfort aux Athéniens.

Conciliauit etiam Perdicam, filium Alexandri, regem Macedonum Atheniensibus, ut sua cum illis arma coniungeret.

Il convainquit aussi Perdicas, fils d’Alexandre, roi de Macédoine, de s’allier militairement à Athènes.

Cum autem multis ultro citroque cladibus illatis bellum in tam longum duceretur, multi ciues desiderio agrorum et tranquillitatis publicae, arma detestabantur ; quamquam plures initio, inter quos erant Acharnenses praecipui, uindictam expetebant, ut acceptas clades in hostibus ulciscerentur.

Mais, alors que des deux côtés on s’infligeait des défaites et que la guerre traînait en longueur, beaucoup de citoyens, qui regrettaient la campagne et la tranquillité publique, rejetaient la guerre ; cependant plusieurs, au début, parmi lesquels se trouvaient notamment les Acharniens, étaient revanchards et voulaient venger sur l’ennemi les défaites connues.

Senatus uana spe populum lactaba, de pace nihil consultabat sed tantummodo magnificis promissis, de affuturis regum auxiliis plebem deliniebat.

Le Conseil entretenait le peuple d’un vain espoir, ne faisait rien pour la paix mais se contentait, à coups de promesses ruineuses, de faire miroiter au peuple le prochain secours des rois alliés.

Huc accedebat quod Athenienses, stulta ambitione Alcibiadis incitati, anno belli 17, cum in spem uenissent Siciliae totius occupandae, suos illo misissent exercitus, ducibus Alcibiade, Nicia et Lamnacho.

S’ajoutait à cela que les Athéniens, mus pat la sotte ambition d’Alcibiade, la dix-septième année de la guerre, dans l’espoir d’occuper toute la Sicile, avaient envoyé leurs troupes sous le commandement d’Alcibiade, Nicias et Lamachos.

In hoc enim bello duo duces Nicias et Lamachus, amissis quadraginta millibus hominum perierunt, sicut historiam huius belli recitat Thucydides lib. 6.6

Car dans cette expédition, les deux généraux Nicias et Lamachos perdirent 40 000 hommes et moururent, comme le raconte Thucydide au livre 6 de sa Guerre du Péloponnèse.

Hinc occasionem traxit Aristophanes, ut praesentem scriberet Comoediam, in qua stulta Atheniensium consilia, et plebisciti Megarici immanitatem adeoque totius belli incommoda proposito Lamachi interitu demonstrat, pacemque cum Lacedaemoniis ineundam suadet, commonstratis omnibus, quae pacem comitari solent, operibus et commodis.

C’est de là qu’Aristophane prend l’occasion de cette présente comédie, dans laquelle il montre les absurdes décisions des Athéniens, la cruauté du décret contre Mégare et les inconvénients de toute cette guerre, en proposant la mort de Lamachos et se fait le promoteur de la paix avec Sparte, en montrant toutes les œuvres et les avantages qui accompagnent d’ordinaire la paix.


1. Ath., Deipn. 13.24.24 sq..Mais Athénée cite en fait les propos mêmes d’Aristophane, Ach. 524 sq.
2. Plut., Per. 29.6.
3. Thc., Guerre du Péloponnèse 3.17.
4. Thc., Guerre du Péloponnèse 2.20.
5. Plut., Per. 33.8.
6. Thc., Guerre du Péloponnèse 6.