Defensio Aristophanis contra Plutarchi criminationes
Nicodemus Frischlinus

Présentation du paratexte

Traduction latine de cinq comédies d’Aristophane.

Bibliographie :
  • Thomas Baier« Nicodemus Frischlin als Aristophanes-Übersetzer »editorDramatische Wäldchen. Festschrift für Eckard Lefèvre zum 65. GeburtstagpubPlacepublisherdate
  • Patrick Lucky Hadley Athens in Rome, Rome in Germany. Nicodemus Frischlin and the Rehabilitation of Aristophanes in the 16th Century pubPlace publisher date
  • David PriceThe Political Dramaturgy of Nicodemus Frischlin : Essays on Humanist Drama in GermanypubPlace publisher, date
Traduction : Christian NICOLAS

Defensio Aristophanis contra Plutarchi criminationes

Défense d’Aristophane contre les attaques de Plutarque

Ex his Plutarchi uerbis sinistrum apparet summi uiri de summo poeta iudicium.

Ces mots de Plutarque donnent la critique très négative d’un très grand homme sur un très grand poète.

In quo refutando, dum aliquod operae mihi sumo, tuam, lector amice, aequanimitatem efflagito, teque oro ut nihil prius contra Aristophanem statuas, hac Plutarchi auctoritate deceptus, quam rationes illius probe mecum excutias.

Dans la réfutation que je prends le soin de faire, ami lecteur, je réclame ton impartialité et te supplie de ne rien décider contre Aristophane, à la trompeuse lumière de la seule autorité de Plutarque, avant d’avoir avec moi examiné soigneusement son raisonnement.

Equidem magni iudicii et multiplicis eruditionis hominem fuisse Cheronaeum Plutarchum, nemo sanus dubitat.

Evidemment, nul homme sain d’esprit ne saurait contester le jugement sûr et la science polyvalente de Plutarque de Chéronée.

Nam non modo in omni Graecorum Latinorumque scriptorum historia uersatum esse, sed etiam philosophorum omnium scholas perlustrasse, et accuratas dicendi ac disserendi de rebus uariis rationes egregie eum tenuisse, quiuis potest intelligere qui in scriptis illius cognoscendis mediocrem operam posuit.

Car il était à la fois féru en histoire grecque et romaine mais avait également parcouru toutes les écoles philosophiques et possédait à un degré éminent la méthode pour parler et penser de toutes sortes de choses ; peut s’en apercevoir quiconque a un peu travaillé à connaître ses écrits.

Ego certe huius uiri litteraria monumenta tanti facio ut e maximo optimorum ac praestantissimorum auctorum cumulo, quouis alio potius quam hoc auctore carere uelim.

Pour moi, je fais à coup sûr un si grand cas de lui que, parmi l’immense liste des meilleurs et plus importants auteurs, je préfèrerais qu’on me privât de n’importe lequel plutôt que de lui.

Nam ita iudico ceterorum scriptorum iacturam uel unius Plutarchi operibus resarciri posse.

Car j’estime que la perte de tous les autres auteurs pourrait être réparée par l’œuvre de Plutarque.

Nihilominus tamen tanti eum non aestimo ut quae ab illo scribuntur, ea cuiquam alteri in praeiudicium ualere uelim.

Néanmoins, je ne l’estime pas au point de vouloir préjuger que tout ce qu’il écrit vaille mieux que n’importe quel autre.

Nam quia in iudicando et sententia de aliis ferenda, ut homo, errare, labi, decipi potuit, caute omnino in ea parte legendus probandusque hic auctor est.

Car puisque, dans ses jugements et opinions sur les autres, il peut, comme tout être humain, se tromper, faire erreur, s’abuser, c’est avec la plus extrême prudence qu’il faut lire et évaluer cet auteur.

Quam enim maligne et inique de malignitate Herodoti1 scripserit, id nostra aetate homines quidam doctissimi perbenigne euidenterque demonstrarunt.

En effet, combien lui-même a été mauvais et partial quand il a écrit qu’Hérodote était mauvais, tous les savants contemporains l’ont démontré excellement et clairement.

Quam temere interdum Plutarchus de uiris doctissimis pronuntiet uel ex uno loco (ut omittam alios) satis intellegi potest, ubi suam is de Aristotelis Metaphysicis fert sententiam : ἀληθῶς γὰρ (ait in Vita Alexandri) ἡ περὶ τὰ φυσικὰ πραγματεία, πρὸς διδασκαλίαν καὶ μάθησιν οὐδὲν ἔχουσα χρήσιμον, ὑπόδειγμα τοῖς πεπαιδευμένοις ἀπ’ ἀρχῆς γέγραπται 2 . Reuera (inquit) commentarius ille, qui dicitur Metaphysica, ad docendum uel dicendum nihil habet momenti, eo fine ab initio scriptus ut esset modo specimen eruditis.

Sa légèreté occasionnelle de jugement sur les grands savants peut se voir d’un seul exemple parmi d’autres, là où il donne son avis sur La Métaphysique d’Aristote : ἀληθῶς γὰρ (dit-il dans la Vie d’Alexandre) ἡ περὶ τὰ φυσικὰ πραγματεία, πρὸς διδασκαλίαν καὶ μάθησιν οὐδὲν ἔχουσα χρήσιμον, ὑπόδειγμα τοῖς πεπαιδευμένοις ἀπ’ ἀρχῆς γέγραπται, « en réalité, dit-il, cet ouvrage intitulé Métaphysique n’est d’aucun intérêt pour le contenu et le style, vu qu’il a été écrit d’emblée pour servir de pense-bête aux spécialistes ».

Hoc iudicium tanti uiri de summo philosopho, quam sit friuolum et prorsus nullum, omnes intelligunt qui adyta philosophiae intrarunt et Aristotelis praecepta recte perdidicerunt.

Ce jugement d’un si grand homme à l’égard du meilleur philosophe, peut en sentir la frivolité et, de là, la nullité quiconque a pénétré les arcanes de la philosophie et a appris par cœur les leçons d’Aristote.

Quare neque in hac comparatione duorum Comicorum, neque in aliis scriptis, Plutarcho ita assentiendum censeo ut, quid ea in se ueri aut falsi habeant, prius perscrutari non liceat, quam quidem ἁπλῶς adhibeamus.

Aussi, pas plus dans cette comparaison entre les deux Comiques qu’ailleurs, il ne faut, à mon avis, accorder à Plutarque un si grand crédit qu’on n’ait pas le droit d’en évaluer le degré de vérité et de fausseté avant d’adhérer franco3.

Etsi enim non infitias eo recte sensisse de Menandro Plutarchum quod eum Aristophani praeferendum censuit (est enim tanto superior Aristophane Menander quanto maior est Plauto Terentius, licet alii diuersum a me sentiant), quia tamen non sine contumelia alterius de altero iudicauit, omnino mei officii esse puto ut a falsis criminibus alter uindicetur.

Car même si je ne nie pas que Plutarque ait raison, sur Ménandre, de le préférer à Aristophane (Ménandre est en effet supérieur à Aristophane comme Térence est plus grand que Plaute, même si certains ne sont pas d’accord avec moi), mais comme c’est en rabaissant le deuxième qu’il a donné la palme au premier, je pense qu’il est de mon devoir de défendre le deuxième de ces fausses accusations.

Ac initio quidem non nego genus sermonis apud Aristophanem reperiri φορτικόν καὶ θυμελικὸν καὶ βάναυσον 4 , illiberale, scaenae accommodatum et sordidum.

Et pour ce qui est du début, je ne nie pas que la langue d’Aristophane puisse être trouvée φορτικόν καὶ θυμελικὸν καὶ βάναυσον, « grossière, propre à la scène et vulgaire5 ».

Nam multa in Aristophanis Comoedia occurrunt uerba obscena, multa geruntur scurrilia, multa dicuntur sordida.

Car on trouve dans les comédies d’Aristophane beaucoup d’obscénités, on y voit beaucoup de bouffonneries, on y parle beaucoup de saletés.

Sed quia tamen ista non in omnibus Comoediis neque in iisdem semper aut crebro obuia sunt, propterea non tota accusanda aut repudianda erat oratio in qua pleraque dicuntur grauiter et multa geruntur admodum prudenter.

Mais vu que cela ne se trouve pas dans toutes les comédies, et, dans celles où les trouve, pas partout ni souvent, il ne faut pas condamner et rejeter l’ensemble d’une œuvre dans laquelle le gros du discours est sérieux et le gros des actions tout à fait avisé.

Quin immo hoc ipso laudat orationem Aristophanis Plutarchus cum eam scaenae accommodatam esse dicit.

Bien plus, Plutarque fait l’éloge d’Aristophane en disant que sa parlure est adaptée à la scène.

Equidem scurrilia, illiberalia et obscena illis tantum poeta tribuit qui sunt tales ut serui nequam, senes auari et salaces, uetulae libidinosae et consimiles personae ubi non suum sed alienum in persona introducta ingenium poeta delineat.

Et même les bouffonneries, grossièretés et obscénités sont réservées aux personnages conformes, esclaves bons à rien, vieillards cupides et lubriques, vieilles libidineuses et autres personnages où le poète ne dessine pas son propre caractère mais celui d’autrui, incarné dans un personnage.

Equidem hac ipsa aetate inuenias homines doctos qui hac ipsa de causa Aristophanem Menandro praeferent, quod genus illud sermonis Aristophanici sit accommodatius scaenae quam Menandri et hoc τραγικώτερον, illud κωμικώτερον esse dicturi sunt.

D’ailleurs on trouverait à notre époque des savants qui préféreront Aristophane à Ménandre, pour la raison même que la parlure aristophanienne se prête mieux à la scène que celle de Ménandre et diront que ce dernier est plus tragique, le premier plus comique.

Nam Vetus Comoedia ante Aristophanem omnino talis fuit ut pleraque in ea obscene et scurriliter agerentur ac dicerentur.

Car l’Ancienne Comédie avant Aristophane était ainsi faite que presque tout ce qu’on y jouait et disait était obscène et bouffon.

Vitio igitur temporum illorum potius quam poetae hoc, quicquid reprehensionis est, ascribi debet.

C’est donc le défaut d’une époque plutôt que d’un poète, quelque répréhensible qu’il soit, qu’il faut incriminer.

Quid quod ne ispse quidem Menander hac culpa uacat ?

Et d’ailleurs même Ménandre se trouve parfois en faute.

Si enim adeo esset pudicus, adeo probus ut a Plutarcho praedicatur, certe magnam illi faceret iniuriam Plinius, qui Menandrum uocat ‘omnis luxuriae interpretem’6.

Car s’il était aussi chaste et honnête que le dit Plutarque, alors il serait victime d’une belle erreur judiciaire de la part de Pline, qui appelle Ménandre « l’interprète de toute luxure ».

Postremo, ut omittam alia, uel finis poetam excusat.

Enfin, pour ne rien dire du reste, la fin justifie le poète.

Nam, Caelio Rhodig. teste, Comoedia finis non fere alius erat Graecis quam laetitia et hilaritas.

Car, aux dires de Caelius Rhodiginus7, le but de la comédie était chez les Grecs seulement la gaîté et le rire.

Quod adeo uerum est ut in libris obseruatum sit et testis in Nebulis Aristophanes, interpretis item accedente calculo, risus gratia, plerumque scorta pudenda graphice expressa et id genus alia non pauca produci consueuisse, adeo ut comicum risum prouerbii uice usurpari quandoque compererim.

Cela est si vrai qu’on observe dans les livres (et Aristophane l’atteste dans Les Nuées, avec en outre l’ajout de la patte du traducteur) que pour faire rire on a pris l’habitude de mettre en scène souvent de honteuses putains très réalistes et d’autres personnages en nombre de ce type, au point que j’ai trouvé plusieurs fois l’expression « rire comique » passée en proverbe8.

Cui quoniam inesset saepe morsus aliquis et principum foeda sugillatio Comicorum sales uenenatos9 dicit Seneca.

Puisqu’on y trouve souvent du mordant et des outrages scandaleux faits aux gens de pouvoir, Sénèque dit des plaisanteries des Comiques qu’elles sont vénéneuses.

Haec Caelius libro sexto capite septimo decimo.

Sur ce sujet, voir Caelius Rhodigus, VII, 10.

Idem ergo finis nostro poetae fuit propositus ut spectatores in risum solutos excitaret et de sapientibus dictis atque occultis in Comoedia consiliis admoneret, ipsosque de corrigenda republica et emendandis moribus quasi praepararet.

Donc notre poète s’est proposé le même but de faire éclater de rire les spectateurs et, pour ce qui est des paroles sages qui se cachent dans les comédies, de les préparer pour ainsi dire à améliorer l’état et corriger les mœurs.

Quid enim uetat et ridentem dicere uerum ?

Car qu’est-ce qui empêche de dire la vérité en riant ?

Certe illis temporibus adeo pruriebant aures populi ut Cratinum cum suo grege loco moueret propterea quod nihil obsceni admicuisset.

Certes, à cette époque, le public avait les oreilles qui démangeaient, au point que Cratinos et sa troupe durent quitter la scène au motif qu’il n’avait rien mis de graveleux.

Neque enim Comoedias uel audiebant uel spectabant, quae non obscenos haberent iocos, sicut alibi queritur de hac re ipsemet Aristophanes.

Car on n’écoutait ni ne regardait de comédies si on n’y trouvait pas de jeux de mots graveleux, comme d’ailleurs s’en plaint ailleurs Aristophane.

Quo autem consilio ipse obscenos homines et spurcos in scaenam introducat et quo animo dicta illorum uelit accipi, idem non obscure docet cum ait : σμικρὸν δ’ ὑποθέσθαι τοῖς κριταῖσι βούλομαι· / τοῖς σοφοῖσι μὲν τῶν σοφῶν μεμνημένοις κρίνειν ἐμέ, / τοῖς γελῶσι δ’ ἡδέως, διὰ τὸ γελᾶν κρίνειν ἐμέ 10 .

Pour quelle raison lui-même met en scène des personnages obscènes et répugnants, et dans quel état d’esprit il souhaite qu’on reçoive leurs paroles, lui-même s’en explique clairement quand il dit : σμικρὸν δ’ ὑποθέσθαι τοῖς κριταῖσι βούλομαι· / τοῖς σοφοῖσι μὲν τῶν σοφῶν μεμνημένοις κρίνειν ἐμέ, / τοῖς γελῶσι δ’ ἡδέως, διὰ τὸ γελᾶν κρίνειν ἐμέ.

Non enim turpes et obsceni homines ideo in theatrum producuntur ut ex illorum turpitudine legibus uetitam uoluptatem capiamus illorumque similes esse studeamus, sed ut moribus aliorum foedis et illiberalibus conspectis, nostros emendemus et uitam ad honestatem componamus.

Car si l’on met sur scène des hommes vils et obscènes, ce n’est pas pour que nous tirions de leur vilénie un plaisir illégal ni que nous tâchions de devenir comme eux, mais pour que, voyant les mœurs d’autrui dépravées et grossières, nous amendions les nôtres et arrangions notre vie jusqu’à viser le bien.

Enimuero Aristophanem sua non fefellit expectatio et quam de ciuibus ista spectantibus conceperat opinio.

Et par le fait, Aristophane n’a pas été déçu dans son attente et dans l’idée qu’il se faisait des citoyens qui regardaient cela.

Nam quod multi oratores grauissimis orationibus apud plebem consequi non poterant, hoc Aristophanes ridiculis suis dramatibus consequebatur.

Car ce que beaucoup d’orateurs n’obtenaient pas du public avec leurs discours austères, Aristophane l’obtenait en faisant rire dans ses pièces.

Quamobrem nihil a Comico alienum fecit neque culpatur a Plutarcho ex merito quod ridicula et obscena in scaena dixit.

Aussi, rien pour lui n’était-il étranger au comique et ce n’est pas à bon droit que Plutarque lui reproche de dire sur scène des mots drôles et obscènes.

Sed uideamus nunc etiam reliqua, quae Plutarchus in Aristophane uellicat potius quam reprehendit.

Mais voyons maintenant le reste des coups d’épingle, plutôt que des reproches, de Plutarque.

Nam etiam dictionem et uerba carpit, quod uidelicet ab Aristophane antitheta, similiter cadentia, paronymiae et similes figurae intempestiue et frigide adhibeantur.

Car il pinaille aussi sur le style et les mots, disant qu’Aristophane se sert d’antithèses, d’homéoptotes, de paronymes et autres figures de façon intempestive et sans effet.

Atque hoc Plutarchus prolatis exemplis quibusdam confirmare nititur.

Et cela, Plutarque entreprend de le prouver en empruntant plusieurs exemples.

Primum est quod Aristophanes ταμίας, quaestores et praefectos aerarii, in aquam demersos, non ταμίας sed Λαμίας, hoc est striges (ut Alciatus hanc uocem libro octauo capitulo secundo et uicesimo interpretatur11) nominados censet.

Le premier, c’est qu’Aristophane a dit qu’on avait noyé des ταμίαι (des questeurs, des préposés au trésor public), non des ταμίαι mais qu’il faudrait les appeler des Λαμίαι, Lamies, striges (c’est la traduction d’Alciat dans son livre VIII, chapitre 22).

Paronomasiam hanc a Plutarcho frustra et inique reprehendi, quilibet potest intelligere cui quidem uox Lamia non erit ignota.

Cette paronomase est critiquée sans raison et injustement par Plutarque, quiconque le saura qui a connaissance en tout cas du mot Lamia.

Lamiam enim fuisse reginam Libycam, scribit Diodorus Siculus libro uicesimo, quae obitu filiorum uehementer indignata, aliarum mulierum fetus e complexibus matrum abripi et contrucidari praeceperit.12

Lamia, en effet, était une reine de Libye, selon Diodore de Sicile au livre 20, qui, rendue folle de douleur par la mort de ses enfants, ordonna d’arracher du ventre de leur mère et de mettre à mort tous les autres enfants.

Igitur de ea aliquid dicendum ut elegans uerbi usus cognoscatur.

Il faut donc en dire un peu sur elle pour reconnaître l’élégance de l’emploi du mot.

Philostratus ait Lamias a quibusdam laruas appellari et lemures, esseque ad amorem et Venerem propensas et carnes humanas maxime formosorum esurientes appetere, quae cupiditate libidinis eas alliciant, quos postea cupiant deuorare.13

Philostrate dit que certaines appellent Lamies des fantômes et des lémures qui sont enclines à l’amour et au plaisir et raffolent de chair humaine, surtout de beaux jeunes gens, qu’elles recherchent, qu’elles attirent à elles puis, après avoir assouvi leur désir, elles dévorent.

Sed, obsecro te, quomodo elegantiori paronomasia magisque tempestiua potuissent ταμίαι, quaestores iniqui et peculatores rapaces denotari quam si dicantur λαμίαι ?

Mais, s’il te plaît, de quelle paronomase mieux choisie et mieux à propos aurait-on pu désigner des ταμίαι, questeurs injustes et racketteurs insatiables, qu’en les appelant λαμίαι ?

Sicut enim Lamiae carnes humanas appetunt et libidine allectas deuorant, ita rerumpublicarum depeculatores homines deuorant et quos primum inescant, eosdem post comedunt, dum bona illorum sudore parta consumunt.

Car comme les lamies recherchent la chair humaine et les attire, font l’amour et les dévorent, de même ces détrousseurs officiels dévorent les hommes et, en les appâtant, les mangent en consommant les biens issus de leur travail.

Quis est humanum sanguinem exugere, ut striges faciunt, si hoc non est ?

Qu’est-ce que sucer le sang humain, comme font les striges, si ce n’est cela ?

Alterum exemplum est de Cleone sycophanta, cum Aristophanes ait : οὗτος ἤτοι κα<ι>κίας καὶ συκοφαντίας πνεῖ 14 , Hic aut malitiam aut sycophantiam spirat.

Le second exemple est celui de Cléon le sycophante, quand Aristophane écrit : οὗτος ἤτοι κα<ι>κίας καὶ συκοφαντίας πνεῖ, « Ce type souffle la méchanceté et la délation ».

Quo iure haec ὁμοιόπτωσις uellicetur, ego non uideo.

De quel droit épingler cette homéoptote, je ne vois pas.

Nam iste aut uir simpliciter malus fuit aut malo peior et sycophanta pessimus.

Car ou cet homme était simplement mauvais ou alors pire que mauvais et le plus mauvais sycophante.

Et quomodo possit esse allusio uenustior quam est in nominibus κακίας et καικίας, quorum hoc uenti nomen est, illud malitiam significat ?

Et comment pourrait-il y avoir allusion plus spirituelle que celle qu’on a dans les deux mots κακίας et καικίας, ce dernier désignant un vent, le premier signifiant « méchanceté » ?

Tertium exemplum est quo Parasitum Aristophanes describit his uerbis : τῇ γαστρὶ ζῇ καὶ τοῖς ἐντέροις καὶ τοῖς κώλοις 15 .

Le troisième exemple est celui où Aristophane décrit un parasite par ces mots : τῇ γαστρὶ ζῇ καὶ τοῖς ἐντέροις καὶ τοῖς κώλοις.

Elegans est allusio in uoce κώλοις : significat enim κῶλον et membrum externum, ut manum et pedem, et intestinum.

L’allusion est élégante dans le mot κώλοις : en effet κῶλον signifie à la fois un membre extérieur (le pied, la main) et l’intestin.

Cum autem homines ad laborandum sint procreati ut uictum quaerant manibus et pedibus, idcirco festiue notat Aristophanes parasitum, quod in otio aliorum laboribus fruatur et segnem uentrem atque intestina sua alieno cibo pascat, quandoquidem uentre et intestinis utatur, loco membrorum.

Comme les hommes sont nés pour travailler, pour chercher leur pitance avec les mains et les pieds, Aristophane désigne spirituellement le parasite, du fait qu’il profite sans rien faire du travail d’autrui et nourrit son ventre oisif et ses boyaux d’une nourriture procurée par autrui, puisqu’il se sert du ventre et des boyaux comme de ses membres.

Quid igitur in hoc ὁμοιοπτώτῳ reprehendendum censeat Plutarchus, aeque nescio.

Quoi de répréhensible dans cette homéoptote selon Plutarque, je ne sais pas non plus.

Sed nec illud improbandum censeo, quod Plutarchus quarto loco perstringit, cum quidam apud Aristophanem sic loquitur : ὑπὸ τοῦ γέλωτος εἰς γέλᾶν ἀφίξομαι 16 , prae risu ad ridendum deueniam.

Mais il ne faut pas non plus, selon moi, rejeter ce que Plutarque pointe en quatrième lieu, quand un quidam chez Aristophane dit : ὑπὸ τοῦ γέλωτος εἰς γέλᾶν ἀφίξομαι, « j’en viendrai à rire avant d’avoir ri ».

Nam saepe in hominum uita tot res accidunt ridiculae ut una uix satis rideri coepta, alia se offerat.

Car souvent dans la vie humaine, il se produit tant d’accidents qui prêtent à rire que, à peine a-t-on commencé à rire, qu’une autre se présente.

Quintum est de amphora, quam dicit said 17 .

Le cinquième exemple est celui de l’amphore qu’il dit être « punie d’exil » .

Atqui ut exul suam amphoram, quasi communi exilio multatam, exulem et exilii sociam nominem, quid, obsecro, uetat ? Saepe a personis in res coniunctas, aptissima fit nominum et uocabulum detorsio.

Or qu’un exilé appelle son amphore, comme si elle aussi était frappée d’exil, « exilée » et « compagne d’exil », qu’est-ce qui l’empêche, s’il te plaît ? Souvent les personnages font vers des choses connexes d’excellentes torsions des noms et des mots.

Est autem ἐξοστρακίζειν proprium et usitatum uocabulum, quo certa quaedam species exilii continetur.

D’ailleurs ἐξοστρακίζειν est un mot approprié et usuel pour désigner une certaine espèce d’exil.

Nam exulum bona publicabantur, ostracismo damnatorum non item.

Car on confisquait les biens des exilés ; il n’en allait pas de même de ceux qui étaient frappés d’ostracisme.

His locus et tempus exulandi dabatur, neutrum illis.

Ces derniers avaient un lieu et une période d’exil, ceux-là n’avaient ni l’un ni l’autre.

Sextum profertur ex Thesmophoriazusis, ubi una mulierum accusans Euripidem, inter alia haec dicit :

Le sixième est tiré des Thesmophories, où l’une des femmes, invectivant Euripide, dit, entre autres choses :

νῦν οὖν ἁπάσαισι παραινῶ καὶ λέγω· τοῦτον κολάσαι τὸν ἄνδρα πολλῶν οὕνεκε.ἄγρια γὰρ ἡμᾶς, ὦ γυναῖκες, δρᾷ κακά·ἅτ’ ἐν ἀγρίοισι λαχάνοις αὐτὸς τραφείς. 18 Nunc igitur uos cunctas hortor ac moneoVt hunc uirum propter multas causas plectatis.Nam agresti et truculento modo multa nobis infert mala,Quippe iter olera agrestia ipsus enutritus.

νῦν οὖν ἁπάσαισι παραινῶ καὶ λέγω·τοῦτον κολάσαι τὸν ἄνδρα πολλῶν οὕνεκε.ἄγρια γὰρ ἡμᾶς, ὦ γυναῖκες, δρᾷ κακά·ἅτ’ ἐν ἀγρίοισι λαχάνοις αὐτὸς τραφείς.Or donc je vous demande et vous conjure toutesDe châtier ce gars pour des tas de raisons. Car fort sauvagement il nous fait bien du mal,Lui qui, petit, mangea beaucoup d’herbes sauvages.

Ἄγρια pro ἀγρίως.

Ἄγρια est mis pour ἀγρίως.

Citantur hi uersus a Gellio, libro quindecimo capitulo uicesimo ubi nihil in illis desideratur, quamuis corrupte ibidem legantur.19

Le passage est cité dans Aulu-Gelle, 15.20, où il ne trouve rien à redire à ces vers, même si le texte cité est corrompu.

Quid igitur Plutarchus reprehendit ?

Qu’à donc à reprocher Plutarque ?

An illam μεταγωγήν, in uoce ἀγρίοις (quae uox reperitur in sequenti uersu) tanquam frigidam et intempestiuam carpit ?

Est-ce ce déplacement dans le mot ἀγρίοις (qui est repris au vers suivant), en tant qu’elle est « sans effet » et « mal à propos », qu’il relève ?

At mihi (quo pace tanti uiri dixerim) intempestiua uidetur haec reprehensio et Aristophanica μεταγωγή, non frigida, sed calida, non intempestiua, sed festiua.

Mais selon moi (soit dit sans offusquer le grand homme), c’est le reproche que je trouve mal à propos ; et le déplacement aristophanien n’est pas sans effet mais efficient, non pas mal à propos mais drôle.

Cum enim Euripides insectatus fuisset mulieres et agresti feritate illas tractasset in suis dramatis, idcirco mulier haec iudicat eum uicissim inclementer a feminis esse tractandum.

Car c’est quand Euripide a fini d’invectiver les femmes et de les traiter avec une sauvagerie de bête que cette femme juge qu’à son tour il mérite d’être traité avec sévérité par les femmes.

Deinde causam addit agretis animi et immitis erga femineum sexum eamque reicit in illius educationem, quod agrestibus oleribus sit enutritus, quasi agrestis uictus agrestem in illo effecisset animum.

Ensuite elle ajoute le motif de son esprit sauvage et barbare contre le sexe féminin et le rejette sur son éducation, puisqu’il a été nourri d’herbes sauvages, comme si une nourriture sauvage rendait l’âme telle.

Nam ut Gellius refert, mater Euripidis agrestia olera uendendo sibi uictus quaesiuit20.

Car, comme Aulu-Gelle le rappelle, « la mère d’Euripide gagnait sa vie en vendant des herbes sauvages ».

Postremo hoc ipso scommate mulier ista Euripidem ab insectatione et contemptu aliarum mulierum deterrere uoluit, dum ei matrem obicit λαχανόπώλιδα21, hoc est olerum uenditricem.

Enfin, par ce sarcasme, cette femme a voulu dissuader Euripide de détester et mépriser les autres femmes en lui reprochant sa mère λαχανόπωλις, c’est-à-dire vendeuse de légumes.

Nam istam genetricis pauperiem, superbo et praefracto homini exprobrare uoluit.

Car par la pauvreté de sa mère, elle veut casser l’orgueil et l’inflexibilité du bonhomme.

Nihil ergo hoc in loco uideo quod Plutarchus iure possit sugillare et carpere.

Je ne vois donc rien dans ce passage qui justifie que Plutarque le raille et le relève.

Septimum et ultimum exemplum ex Acharnensibus adducitur, ubi Dicaeopolis circa finem Comoediae, Lamachum irridet poscentem a famulo armaturam, ut cito se expediat contra hostes in Sicilia, qui adesse nuntiabantur.

Le septième et dernier exemple est tiré des Acharniens, quand Dicéopolis, vers la fin de la comédie, se moque de Lamachos, qui réclame à son serviteur son armure pour filer faire une expédition contre les ennemis en Sicile, où l’on disait qu’ils se trouvaient.

Vbi enim Lamachus nominat arma militaria et belli socia, ibi Dicaeopolis contra arma culinaria et instrumenta pacis nominat.

Car quand Lamachos cite un nom d’arme et du vocabulaire guerrier, Dicéopolis au contraire nomme des armes de cuisine et des instruments de paix.

Estque omnino pulcherrima ibidem parodia, qualis illa Terentiana in Adelphis ubi, cum Demea grauiter ac serio de filio suo recte et ex moribus aliorum instituendo dixisset : Nihil (inquiens) praetermitto, consuefacio deniqueInspicere, tanquam in speculum uitas omnium Iubeo atque ex aliis sumere exemplum sibi : Hoc facito, hoc fugito, hoc laudi est, hoc uitio datur, 22 Ibi Syrus, nequam seruulus, eadem prope uerba παρῳδῶν in iocum uertit et ad conuiuia et rem propinariam deflectit.

C’est une parodie très réussie, comparable à celle de Térence dans Les Adelphes quand, alors que Déméa venait de parler gravement et sérieusement de la manière d’éduquer correctement son fils à partir de l’exemple d’autrui, en disant : « Je ne passe rien, je l’habitue enfin à regarder la vie des autres comme dans un miroir,je l’engage à prendre ailleurs un exemple pour lui-même :/ ‘fais ça, fuis ça, ça c’est bien, ça c’est mal’ », là, Syrus, petit vaurien d’esclave, prend presque les mêmes mots et, par parodie, les détourne par jeu du côté du banquet et du vocabulaire culinaire.

Ipse prandio interim intentus : Conseruis (inquit) ad eundem illis praecipio modum : Hoc salsum est, hoc adustum est, hoc lautum est parum ;Illud recte, iterum sic memento. SeduloMoneo quae possum pro mea sapientia.Postremo, tanquam in speculum, in patinas, Demea,Inspicere iubeo et moneo quod facto usus siet. 23

Lui-même, occupé à préparer un prochain banquet, dit : « Je fais la même leçon à mes compagnons d’esclavage : ‘ça, c’est salé, ça, c’est brûlé, ça, c’est mal dressé ; ça, c’est bien, souviens-t ’en la prochaine fois’ ; je conseille de mon mieux, comme je peux selon mon goût ; enfin, comme dans un miroir, Déméa, je leur dis de regarder le fond de la casserole et leur explique ce qu’il faut faire ».

Eodem plane modo Lamachum irridet Dicaeopolis, iisdem prope uerbis resumptis et ad rem dissimilem accommodatis.

C’est de cette même façon que Dicéopolis se moque de Lamachos, en reprenant presque les mêmes mots appliqués à autre chose.

Quare, cum Lamachus dicit ad famulum :

Aussi quand Lamachos dit à son serviteur :

τὸ λοφεῖον ἐξένεγκε τῶν τριῶν λόφων, 24

τὸ λοφεῖον ἐξένεγκε τῶν τριῶν λόφων,

Loculum mihi effer cristarum trium,

« Apporte-moi la boîte avec les trois aigrettes »,

ibi subicit Dicaeopolis, alloquens famulum :

Dicéopolis place là, parlant à son esclave :

κἀμοὶ λεκάνιον τῶν λαγῴων δὸς κρεῶν. 25

κἀμοὶ λεκάνιον τῶν λαγῴων δὸς κρεῶν.

Et mihi lancem affer leporinarum carnium.

« Et à moi fais venir la terrine de lièvre ».

Iterum ubi dicit Lamachus secum ipse cogitabundus :

Même jeu, quand Lamachus se dit en son for intérieur :

ἀλλ’ ἦ τριχόβρωτες τοὺς λόφους που κατέφαγον ; 26

ἀλλ’ ἦ τριχόβρωτες τοὺς λόφους που κατέφαγον ;

Nisi criniuori cristas meas exederint ?,

« Ah ça ! ces mange-poils m’ont mangé les aigrettes ? »,

ibi iterum subicit Dicaeopolis, et ipse cogitabundus :

Dicéopolis place, lui aussi en son for intérieur :

ἀλλ’ ἦ πρὸ δείπνου τὴν μίμαρκυν κατέδομαι ; 27

ἀλλ’ ἦ πρὸ δείπνου τὴν μίμαρκυν κατέδομαι ;

nisi ante cenam farcimen ego deuorem.

« Ah ça, avant dîner, je me fais cette farce ! ».

Quid in paenultimo uersu taxet Plutarchus, nulla conjectura assequor, nisi καινοφωνίαν forte, id est obscuritatem aut nouitatem uocis τριχόβρωτες.

Pourquoi Plutarque met-il l’avant-dernier vers à l’amende, je n’en ai aucune idée, sauf peut-être à cause du néologisme, c’est-à-dire de l’obscurité et de la nouveauté du mot τριχόβρωτες.

At uero nihil hac ipsa uoce potuisset uenustius excogitari, cum ille Lamachum, tanquam pediculosum militem, notare uellet, qui frustra de cristis suis et tinearum arrosu esset sollicitus et suos interim capillos a pediculis non praeseruaret.

Mais rien de plus spirituel que ce mot n’aurait pu être inventé, puisqu’il voulait ainsi désigner Lamachos comme un pouilleux de soldat, qui se préoccupe vainement de ses aigrettes rongées par des mites sans songer à préserver dans le même temps ses cheveux des poux.

Cum enim λόφος non tantum significet cristam, sed etiam capitis uerticem, poeta talem uocem excogitauit, quae utrique significationi possit applicari, siue igitur per τριχόβρωτας uelis intelligi crinium deuoratrices tineas et uermes, a quibus cristae et comae illarum eroduntur, sicut Lamachus hanc uocem accipit, siue pediculos, qui inertissimi illius ducis capillos exedant, neutrubi sua uerbo uenustas aberit.

En effet, vu que λόφος ne signifie pas seulement « aigrette » mais aussi « haut de la tête », le poète a forgé ce mot pour qu’on puisse y appliquer le double sens, soit qu’on veuille assigner à τριχόβρωτες le sens de « mangeur de poil », donc mites et vers, par lesquels les aigrettes et leurs poils sont dévorés (c’est le sens que veut lui donner Lamachos), soit des « poux », qui se repaissent des cheveux de ce général très indolent ; dans les deux cas, le mot sera bien trouvé.

Quin immo hac ipsa nouitate uerborum sesquipedalium, poeta ostendit militum iactantium et uoces inflatas, quales etiam suis Thrasonibus affingit Plautus, Aristophanem in hac re imitatus.

Bien plus, avec ce néologisme long d’un pied et demi, le poète montre la jactance et l’outrance verbale des soldats, comme celle que Plaute donne à ses Matamores, à l’exemple d’Aristophane.

Paulo post alii duo sequuntur uersus :

Peu après, il y a cette séquence de deux vers :

Λα. φέρε δεῦρο γοργόνωτον ἀσπίδος κύκλον.

Λα. φέρε δεῦρο γοργόνωτον ἀσπίδος κύκλον.

Fer huc mihi Gorgonitergum clipei circulum

« Lam. :-Apporte-moi ici l’orbe à dos de Gorgone de mon écu »

Δι. κἀμοὶ πλακοῦντος τυρόνωτον δὸς κύκλον. 28

Δι. κἀμοὶ πλακοῦντος τυρόνωτον δὸς κύκλον.

Mihi placentae caseitergum da circulum.

« Dic. :-Et apporte-moi l’orbe au dos bien gratiné de ma terrine ».

Vocem γοργόνωτον forte a Comico alienam putat Plutarchus. At illa non fuit aliena a Lamacho, homine militaris disciplinae et uanae uirtutis opinione inflato.

Peut-être Plutarque juge-t-il le mot γοργόνωτος inapproprié à un Comique ? En tout cas il est approprié à Lamachos, homme tout gonflé de sa discipline de soldat et de l’opinion qu’il a de sa vaine bravoure.

Nam gloriosi milites, quos poetae Comici in scaenam producunt, quia (ut modo dixi) animos prae se ferunt elatos, sublimes, regios, tragicos, ideo consimilis etiam illis affingenda est oratio ut sermo sit character animi, non quidem in poeta, sed in persona quam ille in theatrum producit.

Car les soldats fanfarons, que les poètes comiques mettent sur scène, vu qu’ils affichent (je l’ai déjà dit) une âme élevée, sublime, royale, tragique, il faut par là même leur faire une parlure qui leur ressemble pour que leur langage caractérise leur âme, non pas celle du poète même, mais celle du personnage qu’il montre sur la scène.

Inspice Terentianum Thrasonem et uidebis quam magnifice ille et pompatice de suis rebus loquatur.

Regarde le Thrason de Térence29 et tu verras avec quelle emphase et pompe il parle de sa propre parlure.

Quid ? an Plautinus ille Pyrgopolinices non satis tumide loquitur ?

Et le Pyrgopolinice de Plaute, n’est-il pas assez enflé dans son style ?

Ego, inquit, hanc machaeram mihi consolari uolo,ne lamentetur, neue animum despondeat :Quia se iampridem feriatam gestitem,Quae misera gestit fartum facere ex hostibus. 30

« Moi, dit-il, cette épée, je veux me la consoler, pour qu’elle ne se lamente pas ni ne perde courage, au motif que je la garde depuis trop longtemps oisive, elle qui, la pauvre, aime faire du hachis d’ennemis ».

Et quod parasitus ibi subicit, adulatus hero suo :

A quoi le parasite répond, tout à la flatterie de son patron :

Mars haud ausit dicere neque aequiperare suas uirtutes ad tuas. 31

« Mars hésite à parler ou bien à comparer ses forces avec toi ».

Hocidem noster Lamachus, miles gloriosus, de se innuit per hanc uocem γοργόνωτον.

C’est ainsi que notre Lamachos, en soldat fanfaron, parle de lui en disant le mot γοργόνωτος.

Nam Perseo, cuius clipeo caput Gorgonis fuerat indutum, semet ipsum oblique aequiparat. Itaque Dicaeopolis, ut fastum illum derideat, uocem τυρόνωτον in sua parodia γοργονώτῳ et placentam cliper opponit.

Car c’est à Persée, qui avait inséré dans son bouclier la tête de Méduse, qu’il se compare indirectement. Aussi Dicéopolis, pour railler cette prétention, remplace dans sa parodie γοργόνωτος par τυρόνωτος et « écu » par « terrine ».

Vt enim clipeus in tergo aliqua imagine exornatur, ita placenta in tergo obdicitur caseo.

Comme l’écu est décoré sur son dos d’une image, de même la terrine est, sur son dos, couverte de fromage.

De hac tota parodia, quid Iulius Caesar Scaliger, uir non minoris iudicii quam Plutarchus, sentiat, hoc in libro tertio, capitulo septimo nonagesimo de re poetica testatum is fecit.32

Sur toute cette parodie, l’avis de Jules-César Scaliger (un homme dont le jugement ne vaut pas moins que celui de Plutarque) se trouve attesté au livre III, chapitre 97 de sa Poétique.

Risus (inquit Scaliger) frequens etiam ex parodia, cum serium uerbum deflectunt in ridiculum.

« Le rire, dit Scaliger, naît fréquemment de la parodie, quand on détourne un mot sérieux vers le risible.

Exempli gratia unum ponam ex Acharnensibus.

A titre d’exemple, j’en prendrai un dans les Acharniens.

In armorum iudicio apud Aeschylum ille fuit : ‘δέσποινα πεντήκοντα Νηρηΐδων χορόν’ 33 .

Dans Le Jugement des armes d’Eschyle, il y a ce vers : δέσποινα πεντήκοντα Νηρηΐδων χορόν34, ‘maîtresse, le chœur des cinquante Néréides…’35.

Ad Anguillam a Thetide transtulit poeta : ‘πρέσβειρα πεντήκοντα Κωπαΐδων κοράν’ 36 .

Le poète le transfère de Thétis à l’Anguille : πρέσβειρα πεντήκοντα Κωπαΐδων κορᾶν, ‘doyenne des cinquante vierges Copaïdes’.

Similis modus ubi Lamachus petit arma a puero, Dicaeopolis, qui bellica irrideret propter incommoda et detestaretur proter atrocitatem, pacemque idcirco et procuraret et suaderet, contra totidem uersibus ac paene uerbis instrumenta culinaria petit ; illud uero festiuissimum, cum detracturus e lancea thecam, iubet puero ut altrinsecus teneat quoad educat ipse.

Procédé semblable lorsque Lamachos demande ses armes à son esclave : Dicéopolis, afin de railler la guerre à cause de ses inconvénients et la rendre détestable à cause de ses atrocités, et, pour cette raison, de promouvoir et prêcher la paix, demande en retour en autant de vers et presque autant de mots des ustensiles de cuisine ; cela est tout à fait spirituel, quand, au moment de retirer la lance de l’étui, il ordonne à l’esclave de la tenir d’un côté pendant qu’il la tire de l’autre.

Verum Dicaeopolis imperat puero ut ueru teneat, e quo ipse turdos eximat.

Et Dicéopolis ordonne à son esclave de tenir la broche pour qu’il en retire les grives.

Vides enim facti similitudinem ad unguem, uerum tantam dissimilitudinem quanta uidetur inter curam uiuendi et ambitionem moriendi.

Tu vois donc une analogie de situation parfaite, mais avec une différence de registre aussi grande qu’entre le soin de vivre et l’ambition de mourir.

Cetera per se quisque aut ex illo petat ad imitationem aut noua inueniat quae alii queant imitari.

Pour le reste, que chacun pour son compte cherche ailleurs de bonnes choses à imiter ou invente lui-même des inédits que les autres pourraient imiter ».

Hactenus Scaliger.

Scaliger, fin de citation.

Quod si ergo Plutarchus alia non habuit quae in uerbis Aristophanicis castigaret, praeter ea quae superioribus exemplis commonstrare uoluit, sane miror qua fronte hanc atrocem in illum clausulam, quasi correlarium, subiungere sit ausus.

Donc si Plutarque n’a rien d’autre à reprocher aux mots aristophaniens en dehors de ceux qu’il a voulu montrer dans les exemples précédents, je m’étonne qu’il se sente le droit d’être aussi péremptoire dans la condamnation définitive qu’il lui délivre à la fin de ce passage, comme une conséquence directe.

Habet nimirum (inquit) in apparatu uerborum aliquid tragicum, non comicum (cur autem tragice et magnifice in comoedia loquatur miles gloriosus Lamachus et alii quidam, causa iam dicta est), proteruum, pedestre ; obscuritatem, communitatem, fastum elationem, louacitatem, nugas quae nauseam cieant. 37

« Il y a à l’évidence (dit Plutarque) dans sa manière d’assembler les mots quelque chose de tragique mais aussi du comique (mais pourquoi en comédie on peut faire parler sur le mode tragique et élevé un soldat fanfaron comme Lamachos, on s’en est déjà expliqué), du grossier, du prosaïque, de l’obscurité, du saut, de l’élévation, du bavardage, des balivernes, jusqu’à la nausée».

Bona uerba, Plutarche. Nam talem esse dictionem Aristophanis nunquam probabis.

Ce ne sont que des mots, Plutarque ; car tu ne pourras jamais prouver que tel est le style d’Aristophane.

Sequitur altera criminatio, in qua non uerba tantum sed etiam uerborum compositio et ipsa φράσις seu λέξις reprehenditur, tanquam inaequalis, difformis, uaria et a se ipsa multum dissimilis, hoc est alibi depressa et humilis, alibi elata et sublimis, cum ex aduerso Menandri oratio simplex, plana, aequabilis et sibi per omnia sit similis.

S’ensuit un autre grief où ce ne sont plus seulement les mots mais aussi la composition des mots, la phrase et l’expression même qui sont reprises, en tant qu’elles seraient inégales, sans forme, disparates, et tout à fait incohérentes, c’est-à-dire ici basses et humbles, là élevées et sublimes, alors qu’au rebours l’expression de Ménandre est unie, plane, et toujours cohérente.

Quod ipsum comparatione quadam petita ab opificibus illustrat.

Il illustre cela avec une comparaison empruntée aux artisans.

Nam cum nemo sutorum tam industrius sit qui unus calceum possit effingere omni sexui et cuiuis aetati accommodum, Menander, Plutarcho auctore, tam conformi sermone usus est ut is omni aetati, omni statui, omni sexui congruat. 38

Car alors qu’aucun couturier, si habile soit-il, ne pourrait fabriquer une chaussure qui aille aux deux sexes et à tous les âges, Ménandre, aux dires de Plutarque, s’est servi d’une langue si conforme qu’elle s’adapte à tout âge, tout sexe, toute situation.

Hoc quam uerum sit, non uideo, nisi tantum uerborum proprietatem et eorundem connexionem, hoc est sermonem grammaticum, hic intelligi uelit.

Quel est le degré de vérité de cette assertion, je ne vois pas, à moins que ce soit seulement la propriété des mots et leur association, c’est-à-dire une langue de grammairien, qu’il faille comprendre.

Alias enim comica oratio non est eadem seruo et hero. Neque enim eodem modo affecti atque animati sunt ambo, neque eadem res in actionibus ambo tracant.

Car par ailleurs la langue comique n’est pas la même chez l’esclave ou chez le maître, pas plus qu’ils ne sont tous deux mus par les mêmes passions et ressorts ni ne sont impliqués dans les mêmes actions.

Quare intererit multum Dauusne loquatur an Heros39.

C’est pourquoi il sera important de savoir si c’est Dave ou un héros qui parle.

Et honestae matronae sermo a meretricis oratione tantum abest quantum a caelo abest terra.

Et la langue d’une matrone respectable est aussi éloignée du discours d’une courtisane que la terre l’est du ciel.

Diuersissimus certe est sermo Strepsiadae a sermone Phidippidae, et Socratis oratio ab oratione Lysistratae, si res spectes.

Très différentes sont la langue de Strepsiade et celle de Phidippide40, le discours de Socrate et celui de Lysistrata, si l’on considère les situations.

Eadem nihilominus et aequabilis oratio, si uerba et compositionem consideres.

Néanmoins, identique et égal le discours, si l’on considère les mots et la composition.

Nam quomodo hoc uerum sit de Aristophanis Comoediis quod tam dissimilis loquendi character in illis reperiatur, ego nondum uideo.

Car comment pourrait-on trouver véridique, sur les comédies d’Aristophane, qu’on trouve une telle disparité dans la typologie des discours, je ne le vois pas encore.

Dici quidem a Plutarcho, sed non probari audio.

Certes c’est ce que dit Plutarque, mais je n’en entends pas la preuve.

Quod si parodias Aristophanicas notat, quibus ille tragica dicta, leui immutatione in risum uertit ; tum ante excusatus est a Scaligero Aristophanes.

Et s’il critique les parodies aristophaniennes, dans lesquelles il tourne un mot tragique en dérision avec une légère modification, alors Scaliger a déjà disculpé Aristophane.

Sin Euripides introductus, itemque Aeschylus, poetae Tragici, in scaena dicunt grandiloquentius, eo ipso poeta decorum spectasse, non neglexisse uidetur.

Et si l’on voit Euripide, mis sur scène avec Eschyle, s’exprimer dans le grand style, c’est justement en cela que le poète, selon moi, a respecté, et non pas négligé les règles.

Taceo quod interdum opera Tragicam in re ludicra affectat grandiloquentiam, ut uel risum moueat, uel certe Euripidem ceterosque Tragicos salse derideat.

Je ne dis rien sur le fait que parfois l’œuvre emprunte, sur un sujet amusant, le grand style tragique pour susciter le rire ou bien se moquer au moins d’Euripide et des autres Tragiques.

Nec dissimilitudinem φράσεως Aristophanicae arguit quod μιμητικῶς seu ἀφηγητικςῶς Homeri, Pindari et aliorum uersus suis admiscet, praesertim cum id appositissime fecerit Aristophanes.

Et il ne prouve en rien l’hétérogénéité de style d’Aristophane en disant qu’il mêle à ses vers, par imitation ou détournement, ceux d’Homère, Pindare et d’autres, vu surtout qu’Aristophane l’a fait fort à propos.

Vnum uidetur pro Plutarcho facere, quod odae in choris, in quibus dii deaeque inuocantur, aliquid τραγικώτερον spirant, quam reliqua oratio.

Un point semble aller dans le sens de Plutarque : les chants du chœur, dans lesquels on invoque dieux et déesses, respirent un ton plus tragique que le reste.

Sed illam grauitatem requirebat ratio chori, qui canebat suas strophas, adhibitis etiam tibiae modis.

Mais c’est cette gravité que requérait la forme du chœur, qui chantait ses strophes au son modulé de la flûte.

Id quod omnes docti norunt et facile item intelligunt.

Ce que les savants savent tous et comprennent aisément.

Sed Menandri aetate nullus erat chori usus, in noua Comoedia.

Mais à l’époque de Ménandre, il n’y avait plus d’usage du chœur, dans la Comédie Nouvelle.

Id quod exemplis confirmare possem, si iudicio doctorum diffiderem.

Je pourrais le prouver par l’exemple si je ne me fiais au jugement des spécialistes.

Quod autem tertio loco ex hac altera reprehensione infert Plutarchus, propter sermonis istam inaequalitatem, ne decorum quidem in personis obseruatum ab Aristophane, id perinde uerum est, ut illud alterum fuit quod de sermonis dissimilitudine obiecit.

Quant à ce qu’infère Plutarque au troisième exemple de cette deuxième série de reproches, à savoir que, à cause de ce disparate de la langue, Aristophane n’observe pas les convenances dans les personnages, c’est aussi vrai que la première objection sur l’hétérogénéité de la langue.

Regi uult Plutarchus affingi fastum et superbiam, oratori uim dicendi, mulieri simplicitatem, homini otioso sermonem pedestrem seu humilem, negotioso et mercatori arrogantem et insolentem atque haec omnia ab Aristophane neglecta esse dicit.41

Plutarque veut qu’à un roi on attribue noblesse et orgueil, à l’orateur de la force, à la femme la simplicité, à un inactif le prosaïque, au négociant et au marchand l’arrogance et l’insolence et il dit qu’Aristophane ne fait rien de tout cela.

Primum, pro Aristophane respondeo, non omnibus regibus attingendum in Comoedia fastum, cum multi sint mansueti, clementes, sed illis tantum qui tales sunt.

Premièrement, je réponds pour Aristophane que ce n’est pas à tous les rois que conviennent en comédie la noblesse et l’orgueil, vu que beaucoup sont humains, cléments, mais seulement à ceux qui se montrent ainsi.

Neque uero ὀγκώδης oratio regem Comicum per omnia decet sed Tantum tragicum, cur reges proprie at Tragoediam, non ad Comoediam pertineant. Deinde simplicitatem in mulierum orationibus recte neglexit Aristophanes, cum feminae sua natura non sint simplices sed duplices, callidae et uersutissimae.

Et on ne peut pas dire que le roi de comédie doit avoir partout un langage noble et seulement tragique, vu que les rois appartiennent au genre tragique, non au comique ! Ensuite, pour la simplicité du langage féminin, Aristophane a bien fait de ne pas en tenir compte, vu que les femmes ne sont par nature pas simples mais duplices, rusées et très malicieuses.

Quod uero in contionatricibus orationes rhetoricas attribuit feminis, sicut etiam in Thesmophoriazusis et Lysistrata, id sua quadam ratione facit, transmutatis feminis in uiros et adhibitis in scaena iustis cautelis, ut iure non possit ob hanc rem obiurgari.

Pour ce qui est qu’il attribue à des femmes qui débattent un discours rhétorique, comme dans Les Thesmophories et Lysistrata, il le fait avec ses raisons, après avoir transformé les femmes en hommes et fait pour la scène les adaptations légitimes, en sorte qu’on ne peut rien lui reprocher à ce sujet.

Nam ubi proposuit ex feminis facere uiros et imperium ciuium transferre ad mulieres, tanquam hae multo sapientiores essent illis, ibi ex necessitate ipsis etiam uiriles orationes affingit.

Car là où il a choisi de transformer les femmes en hommes et de transférer le pouvoir aux femmes, en tant qu’elles seraient beaucoup plus sages qu’eux, il a bien fallu qu’il leur affecte un discours viril.

Quam autem difficile hoc sit in femina consequi, ipsemet satis in fabulae actione declarat ?

Que ce soit difficile d’obtenir cela chez une femme, lui-même le dit ouvertement dans le déroulement de l’action.

Vbi uero Aristophanes oratori uim dicendi adimit ? an, cum Niciam et Demosthenem seruos facit Cleonis et quidem iniuste ab eo tractatos et mussitantes ? At hoc ipsum scaenae Aristophanis inseruiebat, ut ostenderet oratoribus et prudentibus in republica uiris dicendi uim, tyrannide Cleonis, non autem Comoedia sua, interclusam atque praereptam esse.

Mais où Aristophane rogne-t-il à un orateur la puissance de la parole ? Peut-être quand il fait de Nicias et Démosthène des esclaves de Cléon, mal traités et qui grommellent ? Mais justement c’est au service de la scène d’Aristophane, pour montrer que la puissance rhétorique des orateurs et des hommes intelligents, sous la tyrannie de Cléon - et non pas du fait de son style comique -, se voit interdite et confisquée.

Alias cuicumque dicendi partes in fabula tribuit, eum oratorie et artificiosissime dicentem facit.

Ailleurs dans la pièce il donne à chacun des répliques et les fait parler de façon oratoire et technique.

Quod exemplis mihi demonstrare in procliui esset, si prolixitatem istam lectori non ingratam fore iudicarem.

Il me serait facile de le démontrer avec des exemples, mais je craindrais d’être trop long et de fatiguer mon lecteur.

Praeterea in mercatore et negotioso homine requirit Plutarchus ut ei affingatur insolentia et arrogantia sermonis, plebeio autem attribuatur humilis oratio.

En outre, chez le marchand et négociant, Plutarque demande qu’on lui affecte le style insolent et arrogant et à l’homme du peuple le discours humble.

Hoc quidem uerum est, sed tantum pro re nata uerum.

Cela est vrai, mais seulement dans l’absolu.

Cur enim Megarensis mercator aut Boeotius arroganter et superbe loquatur, qui miserrima fortuna premitur ?

Car pourquoi le marchand de Mégare ou le Béotien parleraient-ils de façon arrogante et orgueilleuse, lui qui est accablé de malheur ?

Quid ? an mercator, cui omnibus Atheniensium emporiis et portubus interdictum, in scaena Attica sese magnifice et superbe ostentet, ubi secum periculo capitis uersari intelligit ?

Quoi ? Est-ce qu’un marchand à qui sont interdits tous les marchés et ports d’Athènes, irait sur une scène attique se montrer insolent et orgueilleux, alors qu’il comprend qu’il risque sa tête ?

Omitto alia quae pro Aristophane contra Plutarchi criminationes fortasse non impertinenter afferri in medium possent.

Je passe des arguments qui pourraient sans doute être pertinents dans le plaidoyer pour Aristophane contre les accusations de Plutarque.

Vnum tamen silentio haudquaquam praetereundum iudico, quod Aristophanem ab hac calumnia uel solum uendicat.

Mais il y en a un que je juge important de ne pas passer sous silence et qui disculpe à lui tout seul Aristophane.

Nam in oratione decora et cuique personae apta, adeo sollicitus et curiosus fuit ut cum barbaros in Comoedia homines introduceret, ceu satrapas Persicos, Triballos et Scythas, Atticae linguae nitorem, quo in primis pollere diximus Aristophanem, illis attribuere nefas duxerit.

C’est que, dans un style convenable et adapté à chaque personnage, il s’est employé et ingénié, quand il met sur scène des barbares, comme les satrapes perses, des Triballes, des Scythes, à leur interdire l’éclat de la langue attique, dont on a dit qu’Aristophane était le plus grand représentant.

Quare illos aut patrio sermone loquentes aut Graecorum sermonem corrumpentes et barbare pronuntiantes introducit, sicut hoc uidere est in Acharnensibus, Vespis, Auibus, Thesmophoriazusis et aliis in locis.

Donc il les fait parler leur langue maternelle ou un sabir grec corrompu et prononcé à la barbare, comme on peut le voir dans Les Acharniens, Les Guêpes, Les Oiseaux, Les Thesmophories et ailleurs.

Venio ad quartam reprehensionem, in qua finem Comoediae ab Aristophane fuisse impetratum negat, cum neque plebis imperitae, neque uirorum prudentum applausu sint comprobatae.

J’en viens au quatrième reproche, où il affirme qu’Aristophane n’a pas atteint le but de la Comédie, puisque ni le bas peuple ignorant ni les connaisseurs ne lui ont donné la faveur de leurs applaudissements.

Nebulas Aeliano, aliisque doctis displicere non miror sed propter aliam causam displicere scio, non eam quae a Plutarcho affertur.

Que Les Nuées aient déplu à Élien et à d’autres savants, aucune surprise ; mais si elles ont déplu, c’est pour une autre raison que celle qu’allègue Plutarque.

Nam et uerba et phrasis et artificium in ea probari debet ac potest, argumentum probari a nemine potest, cum nemo prudens sit qui Aristophanem in eo modum uindictae excessisse neget, quod, cum a Socrate contemptus esset, et Euripidi posthabitus, fictis criminibus innocentem Socratem in odium populi Atheniensis perducere uoluit, impulsu praesertim Anyti et Meliti adductus.42

Car les mots, les tournures, la technique doivent et peuvent être appréciés, mais l’argument, non, car aucun connaisseur ne niera qu’ici Aristophane, dans ses attaques, a dépassé la mesure, en voulant, en raison du mépris où le tenait Socrate et de la primauté accordée à Euripide, forger de toutes pièces des accusations contre un Socrate innocent et le faire détester des Athéniens, à l’instigation principalement d’Anytos et Mélitos.

Nolim tamen ipsum propterea ab Aeliano et aliis Socratici nominis admiratoribus prorsus abici ac nullius pretii poetam e scholis Graeciae exterminari.

Mais je ne voudrais pas que pour cette raison Élien et d’autres admirateurs du nom de Socrate le rabaissent trop et l’expulsent, comme un poète sans valeur, du programme des écoles de Grèce.

Potuit in hoc male fecisse Aristophanes, at in Cleone, Brasida, Lamacho, Pericle et aliis reprehendendis potuit bene fecisse.

Peut-être Aristophane a-t-il mal agi avec Socrate, mais avec Cléon, Brasidas, Lamachos, Périclès et d’autres, qu’il a fustigés, peut-être a-t-il bien agi.

Quantum uero fauoris et applausus a plebe reportarit, ei rei corona oleagina, qua donatus fuit, argumento est ut interim de praeclara nominis fama, quam poematis suis emeruit, nil dicam.43

En tout cas, pour ce qui est du succès et des applaudissements auprès du public populaire, la couronne d’olivier qu’il a reçue me dispense de dire aussi qu’il a eu le droit d’avoir son nom, devenu si célèbre, mis en tête avant le titre de la pièce.

Quanti etiam hunc poetam ipse Plato, Aristoteles, Cicero, Horatius et illius imitator Plautus fecerit, ex supra dictis est euidens.

L’estime dans laquelle l’ont tenu Platon, Aristote, Cicéron, Horace, et Plaute, qui l’a imité, est évidente de ce qui précède.

Cur igitur uni Plutarcho maiorem habeamus fidem quam multis aliis longe doctioribus.

Alors pourquoi faire confiance au seul Plutarque plus qu’à une foule d’autres beaucoup plus savants ?

Quinta occurrit reprehensio, quod sales Aristophanii plus mordeant quam Menandri, cum sint acerbiores et acriores.44

Au tour du cinquième reproche : les plaisanteries d’Aristophane seraient plus mordantes que celles de Ménandre, son sel plus acide et piquant.

Equidem non infitior rem ita esse ut ille dicit.

Certes, je ne nie pas qu’il en aille ainsi.

Sed ita ferebat Comoediae Veteris consuetudo ut (quemadmodum supra est dictum) omnia argumenta essent salsa, festiua, mordacia, maledica nec quicquam diceretur a quoquam quod non ad perniciem alicuius commodaretur.

Mais c’était l’usage de la Comédie Ancienne qui voulait (on l’a dit ci-dessus) que tous les arguments fussent salés, drôles, mordants, injurieux et que personne ne dît rien qui ne fût propre à nuire à quelqu’un.

Primus autem Aristophanes in ultimis comoediis hanc cauillandi profusam libertatem et oris amaritiem, Cocalo scripto, emendauit et Nouae Comoediae uiam Menandro aperuit.

Or c’est Aristophane le premier, dans ses dernières comédies, qui corrigea cette liberté de caricature sans frein et de sarcasme du langage, en écrivant Cocalos, et ouvrit la voie à la Nouvelle Comédie et à Ménandre.

Quare non tam Aristophanis dicacitati quam temporum illorum consuetudini adscribendum est, quod Plutarchus in ipso reprehendit.

Aussi n’est-ce pas tant à la méchanceté d’Aristophane qu’aux usages de son temps qu’il faut assigner les reproches que lui fait Plutarque.

Quid quod sales iidem omnibus non placent ?

Quoi de plus normal que les plaisanteries ne plaisent pas à tout le monde ?

Nam quae philosophis iucunda et faceta atque urbana uidentur, ea plebeiis superciliosa et nasuta sunt et plerumque pro specie contemptus arripiuntur. Quae plebi grata et iocularia sunt, ea doctis uiris et ad grauitatem compositis, scurrilia uidentur.

Car ce que les philosophes trouvent agréable, drôle, spirituel, les gens du peuple le trouvent pédant et puant et le rejettent le plus souvent comme une forme de mépris ; au contraire, ce que le public populaire trouve plaisant et amusant, les savants et tenants du sérieux le trouvent bouffon.

Quare, ut ipsemet Plutarchus fatetur, difficillimum est utriusque fauorem consequi aut utrique se accommodare.

Aussi, selon l’aveu même de Plutarque, il est très difficile de conquérir les faveurs des deux sortes de public et de s’accommoder des deux.

Restat ultima cauillatio qua uituperat Plutarchus Aristophanem, quod callidos fecerit malitiosos, rusticos fatuos, iocos scurriles, qui non risum sed irrisionem mereantur, denique amatores impudicos.45

Reste le dernier reproche de Plutarque contre Aristophane : il aurait rendu les malins méchants, les paysans stupides, les plaisanteries bouffonnes, pour faire naître non le rire mais la dérision, enfin les amoureux obscènes.

Ad hanc cauillationem respondeo pro Aristophane quod in hominum uita et animis duplex est calliditas, una ciuilis et tecta, quae prudentiae speciem induit, altera malitiosa et aperta ; duplex item rusticitas, quaedam simplex et stulta, nihil habens in se urbani, de qua Aristoteles disputat quarto libro ad Nicomachum, capitulo octauo46, quaedam satis cauta et prouida, sed non semper.

Je réponds à ce reproche à la place d’Aristophane. Dans la vie et l’âme des hommes, la ruse a deux aspects : une polie et à mots couverts, qui prend la forme de la sagesse, une autre méchante et directe ; double également est le caractère paysan : l’un est franc et stupide, sans rien en lui d’urbain (à ce sujet, voir Aristote, Éthique à Nicomaque, 4.8), l’autre plutôt prudent et prévoyant, mais pas toujours.

Eodem modo iocos et amores hominum distinguere liceat : alii enim sunt liberales et hilares, alii scurriles et impudici.

De même il faut subdiviser les plaisanteries et les amours : car il y en a qui sont bien élevées et gaies, d’autres bouffonnes et salaces.

Prout ergo sunt personae quarum mores repraesentare et exagitare uolumus, pro eo etiam calliditatem, rusticitatem, iocos et amores illis affingimus.

Selon la qualité des personnages dont on représente et anime le caractère, nous leur affectons la ruse, la rusticité, les plaisanteries et les amours appropriées.

Erant Athenienses reuera non ciuiliter illis temporibus, sed malitiose callidi et fraudulenti, ut Alcibiades et Cleo et plurimi inter ciues sycophantae.

Les Athéniens de l’époque, en réalité, étaient rusés et tricheurs de la mauvaise façon, comme Alcibiade et Cléon et de nombreux autres citoyens délateurs.

Erant in tota Attica homines fatui qui Lamacho, imperito et malo homini, se suamque salutem concredebant.

Il y avait dans toute l’Attique des imbéciles qui confiaient à Lamachos, un homme inexpérimenté et mauvais, eux-mêmes et leur salut.

Cur igitur Aristophanes, qui ueras, non fictas (sicut Menander) personas in scaenam producebat, alios illis et probiores mores affinxisset quam reuera eis inerant ?

Alors pourquoi Aristophane, qui (au contraire de Ménandre) mettait sur scène des personnages réels et non pas fictifs, aurait-il dû leur inventer un caractère différent et meilleur que le leur propre ?

Nequaquam igitur suum poema scripsit Aristophanes ut turpia et libidinosa intemperantibus, maledica et acerba timidis atque malignis hominibus proponeret eosque (sicut Plutarchus innuit) rebus istis oblectaret et risum exsolueret47.

Il est donc tout à fait faux de dire qu’Aristophane a écrit ses vers pour proposer des saletés et des cochonneries aux obsédés sexuels, des injures et des sarcasmes aux peureux et aux méchants et (aux dires de Plutarque) qu’il les a appâtés avec ça et suscité leurs éclats de rire.

Sed uoluit poeta, ut populus Atheniensis sua suorumque magistratuum turpitudine in scaena tanquam in speculo conspecta malum reipublicae statum emendaret et ad meliorem frugem ac saniora consilia animum reuocaret.

Mais ce que voulait le poète, c’est que le peuple athénien, voyant ses vices et ceux de ses dirigeants sur scène comme dans un miroir, il en vînt à amender un mauvais type d’état et remît son esprit dans le sens d’une amélioration et d’un meilleur jugement.

Etsi enim non deerant qui hoc ipsum aut orationibus splendidissimis aut Tragoediis grauissimis docerent et suaderent, tamen istorum audiendorum ueluti insuauium, ita ut fit, iamdudum erat Athenienses pertaesum.

Et même si cet objectif était poursuivi par de nombreux citoyens, dans des leçons ou des discours persuasifs, les Athéniens, comme cela arrive, étaient depuis longtemps fatigués de les entendre et les trouvaient sans agrément.

Quare Comico risu Aristophanes populum excitandum esse putauit, ut sua uitia probe agnosceret eaque postmodum diligenter uitaret.

Aussi Aristophane pensa-t-il devoir susciter chez les public ce rire comique, pour qu’il prît pleine conscience de ses travers puis s’appliquât à les éviter.

Atque haec pro Aristophanis defensione dicta sufficiant, ne nodum in scirpo quaesiuisse et in re facili modum excessisse uideamur.

Et cessons là cet exposé pour la défense d’Aristophane pour ne pas paraître chercher une aiguille dans une meule de foin et verser dans la facilité outre mesure.


1. Plut., M. 854E sq.. Allusion au traité ΠΕΡΙ ΤΗΣ ΗΡΟΔΟΤΟΥ ΚΑΚΟΗΘΕΙΑΣ, De Herodoti malignitate.
2. Plut., Alex. 7.9. ἀληθῶς γὰρ ἡ περὶ τὰ φυσικὰ πραγματεία, πρὸς διδασκαλίαν καὶ μάθησιν οὐδὲν ἔχουσα χρήσιμον, ὑπόδειγμα τοῖς πεπαιδευμένοις ἀπ’ ἀρχῆς γέγραπται. Petite variante chez Frischlin, avec ἡ μετὰ τὰ φυσικὰ au lieu de ἡ περὶ τὰ φυσικὰ.
3. En grec dans le texte, avec l’adverbe ἁπλῶς.
4. Plut., M. 840B.
5. Notons que Frischlin n’utilise pas, dans sa traduction ici, les mêmes adjectifs ni dans le même ordre que dans la traduction proprement dite qu’il donnait du passage dans le paratexte précédent. Ici, illiberale, scenae accommadatum et sordidum, là tumidum et scaenae accommodatum atque illiberale. Le seul segment stabilisé est scaenae accommodatum, « adapté à la scène », dont il tire argument juste après.
6. Plin., Nat. 36.44. Menander, diligentissimus luxuriae interpres…
7. Cœlius Rhodiginus (1469-1525), né et mort à Rovigo (d’où son nom de R(h)odiginus), de son vrai nom Lodovico Ricchieri, est un humaniste italien. Professeur, souvent accusé de désinvolture par ses autorités de tutelle, ce qui explique qu’il ait souvent changé de poste, il eut notamment la chaire de grec à Milan, sous la protection de François 1er. Il eut pour élèves, parmi d’autres, Jules-César Scaliger. Il publia des Lectiones Antiquae, maintes fois rééditées au seizième siècle. C’est à cet ouvrage que Frischlin fait référence un peu plus bas.
8. Difficile de trouver à quoi Frischlin fait allusion. Rien de tel par exemple dans les Adages d’Erasme, source inévitable en matière de parémiologie.
9. Sen., Vita b. 27.2. tota illa comicorum poetarum manus in me uenenatos sales suos effudit, « toute la troupe des Comiques a jeté sur moi ses plaisanteries vénéneuses ».
10. Ar., Eccl. 1154-1157. σμικρὸν δ’ ὑποθέσθαι τοῖς κριταῖσι βούλομαι· / τοῖς σοφοῖς μὲν τῶν σοφῶν μεμνημένοις κρίνειν ἐμέ, / τοῖς γελῶσι δ’ ἡδέως διὰ τὸ γελᾶν κρίνειν ἐμέ, « je veux faire une petite suggestion aux juges : que les sages me jugent en se souvenant de ce qu’il y a de sage, que les rieurs de bon cœur me jugent sur ce qu’ils ont ri ». Pour une fois, Frischlin n’a pas traduit le grec en latin.
11. Alciat, Parergon iuris 8.22.
12. Ds., Bibliothèque historique 20.41. ἐν ᾧ μυθεύουσι γεγονέναι βασίλισσαν Λάμιαν τῷ κάλλει διαφέρουσαν· διὰ δὲ τὴν τῆς ψυχῆς ἀγριότητα διατετυπῶσθαί φασι τὴν ὄψιν αὐτῆς τὸν μετὰ ταῦτα χρόνον θηριώδη. Τῶν γὰρ γινομένων αὐτῇ παίδων ἁπάντων τελευτώντων βαρυθυμοῦσαν ἐπὶ τῷ πάθει καὶ φθονοῦσαν ταῖς τῶν ἄλλων γυναικῶν εὐτεκνίαις κελεύειν ἐκ τῶν ἀγκαλῶν ἐξαρπάζεσθαι τὰ βρέφη καὶ παραχρῆμα ἀποκτέννειν.
13. Philstr., Vie d'Apollonius 4.25.50 sq.. ἡ χρηστὴ νύμφη μία τῶν ἐμπουσῶν ἐστιν, ἃς λαμίας τε καὶ μορμολυκίας οἱ πολλοὶ ἡγοῦνται. ἐρῶσι δ’ αὗται καὶ ἀφροδισίων μέν, σαρκῶν δὲ μάλιστα ἀνθρωπείων ἐρῶσι καὶ παλεύουσι τοῖς ἀφροδισίοις, οὓς ἂν ἐθέλωσι δαίσασθαι.
14. Ar., Eq. 437.
15. Ar., Eq. 454-456. Frischlin n’a pas le même texte que les modernes. Voir notre note à la section 2 de la Vie, paratexte précédent. Comprendre selon son texte « il vit du ventre et des tripes et des membres ».
16. Ar., Frag. 618. ὑπὸ τοῦ γέλωτος εἰς Γέλαν ἀφίξομαι.
17. Ar., Frag. 593. τί δέ σοι δράσω, κακόδαιμον, ἀμφορεὺς / ἐξοστρακισθείς ;
18. Ar., Th. 453-456. Quelques variantes insignifiantes chez Frischlin par rapport au texte standard : νῦν οὖν ἁπάσαισιν παραινῶ καὶ λέγω / τοῦτον κολάσαι τὸν ἄνδρα πολλῶν οὕνεκα·/ ἄγρια γὰρ ἡμᾶς, ὦ γυναῖκες, δρᾷ κακά /ἅτ’ ἐν ἀγρίοισι τοῖς λαχάνοις αὐτὸς τραφείς.
19. Gell., Noct. 15.20. Cette notice des Nuits Attiques est consacrée à la vie d’Euripide. Les quatre vers en question sont cités pour marquer la misogynie d’Euripide. Dans les éditions modernes, le texte grec est sans doute rectifié par rapport à celui qu’a lu Frischlin, car il est identique.
20. Gell., Noct. 15.10.1. Euripidi poetae matrem Theopompus agrestia olera uendentem uictum quaesisse dicit.
21. Ar., Th. 387. Le mot n’est pas dans les Thesmophories. On trouve en revanche le mot λαχανοπωλήτρια (Εὐριπίδου τοῦ τῆς λαχανοπωλητρίας, « Euripide, le fils de la marchande de quatre-saisons »).
22. Ter., Ad. 414-418.. Nil praetermitto : consuefacio : denique /inspicere tamquam in speculum in uitas omnium / iubeo atque ex aliis sumere exemplum sibi. /'hoc facito'. SY. Recte sane. DE. 'Hoc fugito'. SY. Callide. / DE. 'Hoc laudist'. SY. Istaec res est. DE. 'Hoc uitio datur'.
23. Ter., Ad. 424-429. conseruis ad eundem istunc praecipio modum :/ 'hoc salsumst, hoc adustumst, hoc lautumst parum : / illud recte: iterum sic memento'. sedulo / moneo, quae possum pro mea sapientia : / postremo tamquam in speculum in patinas, Demea, / inspicere iubeo et moneo quid facto usus sit.
24. Ar., Ach. 1109. τὸ λοφεῖον ἐξένεγκε τῶν τριῶν λόφων.
25. Ar., Ach. 1110. κἀμοὶ λεκάνιον τῶν λαγῴων δὸς κρεῶν.
26. Ar., Ach. 1111. ἀλλ’ ἦ τριχόβρωτες τοὺς λόφους που κατέφαγον ; Chez Frischlin, μου au lieu de που.>
27. Ar., Ach. 1111. ἀλλ’ ἦ πρὸ δείπνου τὴν μίμαρκυν κατέδομαι;
28. Ar., Ach. 1124-1125.
29. Thrason est le soldat fanfaron de L’Eunuque.
30. Pl., Mil. 3-6. Nam ego hanc machaeram mihi consolari uolo, / Ne lamentetur neue animum despondeat, / Quia se iam pridem f[i]eriat[t]am gestitem, / Quae misera gestit [et] fratrem facere ex hostibus. Frischlin : fartum au lieu de fratrem.
31. Pl., Mil. 9-10. Tam bellatorem Mars <se> haud ausit dicere / Neque aequiperare suas uirtutes ad tuas..
32. Scaliger, Poétique 3.93.
33. Eschl., Frag. 174 Radt.
34. La source de Scaliger est dans la scholie d’Ar., Ach. 883, qui cite ce fragment eschyléen de la tragédie perdue Le Jugement des armes : Schol. ad Aristoph. Acharn. 883 : ‘πρέσβειρα πεντήκοντα Κωπάιδων / κορᾶν, ˈ ἔκβαθι τῷδε ...’] ὁ στίχος ἀπὸ δράματος Αἰσχύλου Ὅπλων κρίσεως οὕτως ἐπιγεγραμμένου, ἐν ὧι ἐπικαλεῖται τὰς Νηρεΐδας τις ἐξελθούσας κρῖναι, πρὸς τὴν Θέτιν λέγων·‘δέσποινα πεντήκοντα Νηρήιδων κορᾶν’.
35. Le texte de Frischlin, avec χορόν au lieu de κοράν, ne forme pas une unité de sens. Le texte consensuel du fragment d’Eschyle se comprend « Maîtresse des cinquante filles Néréides ». Notons que Scaliger avait χοροῦ, d’où « maîtresse du chœur des cinquante Néréides », très plausible aussi.
36. Ar., Ach. 883. πρέσβειρα πεντήκοντα Κωπᾴδων κορᾶν.
37. Plut., M. 853C. ἔνεστι μὲν οὖν ἐν τῇ κατασκευῇ τῶν ὀνομάτων αὐτῷ τὸ τραγικὸν τὸ κωμικὸν τὸ σοβαρὸν τὸ πεζόν, ἀσάφεια, κοινότης, ὄγκος καὶ δίαρμα, σπερμολογία καὶ φλυαρία ναυτιώδης. La parenthèse est un ajout de Frischlin, façon note de bas de page.
38. Plut., M. 853E. πολλῶν δὲ γεγονότων εὐδοκίμων τεχνιτῶν, οὔθ’ ὑπόδημα δημιουργὸς οὔτε προσωπεῖον σκευοποιὸς οὔτε τις ἱμάτιον ἅμα ταὐτὸν ἀνδρὶ καὶ (10) γυναικὶ καὶ μειρακίῳ καὶ γέροντι καὶ οἰκότριβι (F) πρέπον ἐποίησεν· ἀλλὰ Μένανδρος οὕτως ἔμιξε τὴν λέξιν, ὥστε πάσῃ καὶ φύσει καὶ διαθέσει καὶ ἡλικίᾳ σύμμετρον εἶναι
39. Hor., P. 117.
40. Deux personnages des Nuées.
41. Plut., M. 853D. ἡ λέξις οὐδὲ τὸ πρέπον ἑκάστῃ καὶ οἰκεῖον ἀποδίδωσιν· οἷον λέγω βασιλεῖ τὸν ὄγκον ῥήτορι τὴν δεινότητα γυναικὶ τὸ ἁπλοῦν ἰδιώτῃ τὸ πεζὸν δίδωσιν· ἀγοραίῳ τὸ φορτικόν· ἀλλ’ ὥσπερ ἀπὸ κλήρου (5) ἀπονέμει τοῖς προσώποις τὰ προστυχόντα τῶν ὀνομάτων, καὶ οὐκ ἂν διαγνοίης εἴθ’ υἱός ἐστιν εἴτε πατὴρ εἴτ’ ἄγροικος εἴτε θεὸς εἴτε γραῦς εἴθ’ ἥρως ὁ διαλεγόμενος.
42. El., V.H. 2.13. Allusion à un passage d’Elien déjà exploité dans la Vie que Frischlin a composée dans un paratexte précédent : Ἀριστοφάνην τὸν τῆς κωμῳδίας ποιητήν, βωμολόχον ἄνδρα καὶ γελοῖον ὄντα καὶ εἶναι σπεύδοντα, ἀναπείθουσι κωμῳδῆσαι τὸν Σωκράτη, ταῦτα δήπου τὰ περιφερόμενα, ὡς ἦν ἀδολέσχης, λέγων τε αὖ καὶ τὸν ἥττω λόγον ἀπέφαινε κρείττονα, καὶ ἐσῆγε ξένους δαίμονας, καὶ οὐκ ᾐδεῖτο θεοὺς οὐδ’ ἐτίμα, τὰ δὲ αὐτὰ ταῦτα καὶ τοὺς προσιόντας αὐτῷ ἐδίδασκέ τε καὶ εἰδέναι ἀνέπειθεν.
43. El., V.H. 2.13. καὶ ἐκρότουν τὸν ποιητὴν ὡς οὔ ποτε ἄλλοτε, καὶ ἐβόων νικᾶν, καὶ προσέταττον τοῖς κριταῖς ἄνωθεν Ἀριστοφάνην ἀλλὰ μὴ ἄλλον γράφειν.
44. Plut., M. 854C. μόναι αἱ Μενάνδρου κωμῳδίαι ἀφθόνων ἁλῶν καὶ ἱλαρῶν μετέχουσιν, ὥσπερ ἐξ ἐκείνης γεγονότων τῆς θαλάττης, ἐξ ἧς Ἀφροδίτη γέγονεν. οἱ δ’ Ἀριστοφάνους ἅλες πικροὶ καὶ τραχεῖς ὄντες ἑλκωτικὴν δριμύτητα (10) καὶ δηκτικὴν ἔχουσι.
45. Plut., M. 854D. τὸ γὰρ πανοῦργον οὐ πολιτικὸν ἀλλὰ κακόηθες, καὶ τὸ ἄγροικον οὐκ ἀφελὲς ἀλλ’ ἠλίθιον, καὶ τὸ γελοῖον οὐ παιγνιῶδες ἀλλὰ καταγέλαστον, καὶ τὸ ἐρωτικὸν οὐχ ἱλαρὸν ἀλλ’ ἀκόλαστον.
46. Arstt., Nic. 1127b et suiv.. On n’y trouve rien en particulier sur la paysannerie (à laquelle semblait se rattacher la remarque de Frischlin) mais sur les différentes sortes de comique, le bouffon, le sarcastique, le spirituel, etc. ainsi que des remarques différentielles sur l’Ancienne et la Nouvelle Comédies.
47. Plut., M. 854D. οὐδενὶ γὰρ ὁ ἄνθρωπος ἔοικε μετρίῳ τὴν ποίησιν γεγραφέναι, ἀλλὰ τὰ μὲν αἰσχρὰ καὶ ἀσελγῆ τοῖς ἀκολάστοις, τὰ βλάσφημα δὲ καὶ πικρὰ τοῖς βασκάνοις καὶ κακοήθεσιν.”