De Veteri Comoedia eiusque partibus
Nicodemus Frischlinus

Présentation du paratexte

L’édition publiée par Nicodemus Frischlin en 1586 diffère à bien des égards des précédentes mais aussi des suivantes. Il ne s’agit pas d’une édition complète, mais pas non plus d’une édition séparée de telle comédie, puisque Frischlin a sélectionné cinq comédies – le Ploutos, les Cavaliers, les Nuées, les Grenouilles, les Acharniens – qu’il a traduites « imitatione Plauti atque Terentii ». Il fait précéder son texte d’un abondant matériau paratextuel, qui se refuse à la démarche compilatoire de ses prédécesseurs : ainsi, il ne reproduira pas les témoignages anciens sur les origines de la comédie, ses inventeurs, la différence entre comédie et tragédie car « tout le monde le sait, à moins d’être inculte et débutant » (§1). Les textes visés sont ceux qui apparaissaient dans la princeps – notamment le traité de Platonios Περὶ διαφορᾶς κωμῳδιῶν et les différents traités anonymes intitulés Περὶ κωμῳδίας qui le suivent. Il se concentrera donc sur les parties de la comédie ancienne, par opposition avec la comédie nouvelle, dans une forme de sunkrisis qui tente d’établir des correspondances : s’il n’y a pas de Chœur dans la Nouvelle, sa fonction d’éloge du poète est conservée et transférée au Prologue (§10). Pour le reste, Frischlin s’efforce de faire correspondre les parties de la comédie latine à celle de la comédie ancienne et avoue combien cela est difficile : « aussi m’a-t-il été très difficile de découper les comédies d’Aristophane en actes, à la latine ». Il s’appuie pour cela comme pour ce qui précède sur les travaux récents de Jules César Scaliger, et notamment sur le livre III de sa Poétique. Ainsi, Frischlin, tout en se refusant à reprendre le matériau antique, dit les limites qu’il y a à vouloir plaquer sur la comédie ancienne le modèle de la comédie latine telle qu’on la comprend alors.

Bibliographie :
  • Thomas Baier « Nicodemus Frischlin als Aristophanes-Übersetzer » editor Dramatische Wäldchen. Festschrift für Eckard Lefèvre zum 65. Geburtstag pubPlace publisher date
  • Patrick Lucky Hadley Athens in Rome, Rome in Germany. Nicodemus Frischlin and the Rehabilitation of Aristophanes in the 16th Century pubPlace publisher date
  • David PriceThe Political Dramaturgy of Nicodemus Frischlin : Essays on Humanist Drama in GermanypubPlace publisher, date
Traduction : Christian NICOLAS

De Veteri comoedia eiusque partibus

L’Ancienne comédie et ses parties

Quae alii scriptores de origine comoediae ac in primis de eius inuentoribus, itemque de discrimine inter comoediam et Tragoediam, memoriae tradiderunt, ea hoc loco superuacuanea esse duco, neque ex aliorum libris repetenda, cum nulli hominum sint ignota nisi litterarum rudi atque imperito.

Ce que d’autres auteurs ont rappelé sur les origines de la comédie et particulièrement de ses inventeurs, ou encore la différence entre comédie et tragédie, je juge que c’est superflu ici et qu’il n’y a pas lieu d’aller le prendre dans d’autres ouvrages, puisque tout le monde le sait, à moins d’être inculte et débutant.

Fuisse autem aliam ueterem comoediam, qualis Aristophanica est, aliam Nouam, qualis Plautina et Terentiana, id in confesso est apud omnes.

Qu’il y ait une Comédie Ancienne, illustrée par Aristophane, et une Nouvelle, illustrée par Plaute et Térence, la chose est évidente pour tous.

Atque ambae multis inter se differunt modis, uidelicet tempore, materia, phrasi, metro et partibus, earumque dispositione.

Et toutes deux diffèrent sur de nombreux critères : époque, matière, style, mètre et parties, et leur disposition.

Tempore quidem, quod uetus comoedia maxime uiguit temporibus belli Peloponnesiaci et paulo ante, cum Theopompus, Pherecrates, Crates, Eupolis, Cratinus, Aristophanes et alii suas exhibuerunt populo comoedias.

Pour l’époque, en ce que la Comédie Ancienne a fleuri au temps de la guerre du Péloponnèse et un peu avant, quand Théopompe, Phérécrate, Cratès, Eupolis, Cratinos, Aristophane et d’autres ont montré leurs comédies au public.1

Noua uiguit posteris temporibus, quibus Menander, Posidippus, Diphilus, Apollodorus et similes scriptitarunt, quos apud Latinos imitati sunt Plautus et Terentius ; materia uero discrepant quod uetus comoedia res ueras et gestas, uerasque personas in theatrum producit, Noua autem personas fingit, sed in speciem ueras et ad uitae humanae similitudinem ac speculum, in quo homines uitam moresque suos contemplentur.

La Nouvelle, elle, a fleuri plus tard, quand ont écrit Ménandre, Posidippe, Diphile, Apollodore et d’autres, que, chez les Latins, Plaute et Térence ont imités ; pour la matière, en ce que la Comédie Ancienne montre sur scène des faits réels et de vraies personnes, alors que la Nouvelle invente des personnages mais comme une espèce de vraies gens, une image et un miroir de la vie humaine où les hommes peuvent voir leur vie et leur propre caractère.

Differunt et phrasi.

Elles diffèrent aussi dans les tournures.

Nam uetus comoedia dictionem habet grandiorem et paulo minus aequabilem, Noua puriorem, aequabiliorem et elegantiorem, non apud Graecos tantum sed etiam apud Latinos.

Car la Comédie Ancienne a un style plus grand et un peu moins homogène, la Nouvelle plus pur, plus homogène et plus élégant, non seulement chez les Grecs mais aussi chez les Latins.

Praeterea aliae sunt partes ueteris comoediae, nempe Actus et Chorus, aliae Nouae, Argumentum, Prologus et Actus.

En outre, les parties sont différentes : dans l’Ancienne, l’Acte, le Chœur ; dans la Nouvelle, l’Argument, le Prologue et l’Acte.

Nam argumentum res noua est, noua item res et prologus est, sicut ex collatione Aristophanis cum Plauto apparet.

Car l’argument est une nouveauté, nouveauté aussi que le prologue, comme on le voit de la comparaison entre Aristophane et Plaute.

Chorum noua comoedia prorsus amisit, sed quae de persona poetae in ueteri comoedia agebat Chorus, ea deinde Prologus praestabat in Noua.

La Nouvelle Comédie a tout à fait abandonné le chœur mais ce que le chœur faisait dans l’Ancienne pour valoriser la personne du poète, c’est ensuite le Prologue qui s’en chargeait dans la Nouvelle.

Dispositione etiam et numero actuum differunt.

Elles diffèrent aussi par la disposition et le nombre des actes.

Noua enim ultra quintum actum non producebatur2, at Vetus plures uidetur actus habuisse.

La Nouvelle ne s’étirait jamais au-delà du cinquième acte alors que l’Ancienne semble en avoir eu davantage.

Ideoque difficillime mihi fuit Aristophanicas comoedias, Latinorum more, in actus distinguere.

Aussi m’a-t-il été très difficile de découper les comédies d’Aristophane en actes, à la latine.

Qua in re, si quibus non satisfacio, ab illis admoneri et doceri cupio.

Si sur ce point j’ai failli selon certains, je veux bien entendre leurs conseils et leçons.

Duas autem partes antiquae comoediae quas dixi, Actum et Chorum, exemplo Caesaris Scaligeri sic partiri libet ut actus contineat in se speciarias partes : Protasin, Epitasin, Catastasin et Catastrophen, nisi quis actus scaenicos et has partes comoediae, dispositione magis quam materia discrepare uelit.

Quant aux deux parties que j’ai dites de l’Ancienne, l’Acte et le Chœur, sur l’exemple de J. C. Scaliger j’ai voulu les diviser de manière que l’Acte contînt les sous-parties que sont la protase, l’épitase, la catastase et la catastrophe3, à moins que l’on veuille discuter pour savoir s’il s’agit davantage de disposition que de matière.

Et quoniam hae singulae partes pro subiectae materiae uarietate aut contrahi aut extendi solent, ideo plures quam quatuor et fere quinque actus habet quaelibet comoedia.

Et comme chacune de ces sous-parties tend à se contracter ou à se dilater selon la diversité de la matière traitée, alors il peut y avoir plus de quatre ou cinq actes dans n’importe quelle comédie.

Nam interdum longior est protasis, interdum epitasis longior, nonnumquam res plures in catastasin, saepius in catastrophen incidunt, ita ut harum una duos actus nonnumquam compleat.

Car parfois la protase est plus longue, parfois l’épitase, parfois il y a plus d’incidents pour la catastase, plus souvent pour la catastrophe, en sorte que l’une de ces parties peut parfois remplir à elle seule deux actes.

Protasis est in qua proponuntur et suscipiuntur consilia rei gerendae.

La protase est l’endroit où sont exposés et pris en charges les projets de l’action.

Epitasis in quo4 sunt consiliorum progressus et turbae negotiorum crescunt.

L’épitase est l’endroit où l’avancée des projets et les embarras de l’intrigue croissent.

Catastasis est uigor ac status fabulae in quo res miscetur in ea fortunae tempestate in quam subducta est. 5

La catastase est le moment de développement et d’état de la fable où l’action est contrariée par les revers de fortune vers lesquels elle a été conduite.

Ibi plerumque mirabiles incidunt controuersiae et disputationes de suscepto negotio.

C’est là qu’on a souvent d’étonnantes controverses et disputes sur l’affaire en cours.

Nam peculiare hoc habet Aristophanes ut in catastasi negotii summam in dubium uocet.

Car Aristophane a ceci de particulier que dans la catastase il installe le doute sur l’ensemble de l’intrigue.

Catastrophe inopinatum consiliorum et rerum gestarum euentum continet, siue is laetus sit, siue tristis, siue utrumque.

La catastrophe contient l’issue inattendue des projets et actions, qu’elle soit heureuse, malheureuse ou les deux.

Haec pars apud Aristophanem aut simplex est aut multiplex.

Cette partie, chez Aristophane, est soit simple soit multiple6.

Simplicem uoco catastrophen ubi non admiscentur nouae personae quae prius in theatrum non uenerint sed exitus tantum illorum acta manet qui in scaenam fuerant producti, ut in Ranis, Equitibus, Acharnensibus et alibi.

J’appelle catastrophe simple celle où l’on n’ajoute pas de nouveaux personnages, qui ne sont pas déjà venus sur scène, mais où l’on attend seulement la fin des actions de ceux qu’on avait déjà vus sur la scène, comme dans Les Grenouilles, Les Cavaliers, Les Acharniens et ailleurs.

Multiplicem uero quando idem euentus aliquibus bono, aliquibus malo cedit et uarii utriusque generis homines introducuntur, quorum aliqui eodem exitu rerum praeteritarum laetantur, aliqui contristantur, ut in Pluto, ubi uisus oculati Pluti nocet sycophantis et lasciuientibus uetulis atque idem prodest iustis et probis ; nocet tamen etiam cultui religionis et impedit studium uirtutis.

J’appelle catastrophe multiple celle où une même issue est pour les uns un bonheur, pour d’autres un malheur et où plusieurs des deux sortes sont introduits, dont les uns se réjouissent de cette fin des épisodes passés, les autres s’en attristent, comme dans Ploutus où Ploutus, ayant recouvré la vue, nuit aux sycophantes et aux vieilles libidineuses et fait le bonheur des justes et des honnêtes ; il nuit cependant aussi au culte religieux et empêche la recherche de la vertu.

Atque huiusmodi catastrophae sunt in Nubibus, Auibus, Pace et aliis.

Et on trouve de cette sorte de catastrophe dans Les Nuées, Les Oiseaux La Paix et d’autres.

Protasis et catastasis uersibus ut plurimum constant senariis iambicis, epitasis et catastasis, partim iisdem, partim septenariis trochaicis, saepe etiam octonariis iambicis, plerumque catastasis Aristophaniis anapaesticis.

Protase et catastase sont le plus souvent écrites en sénaires iambiques, épitase et catastase ainsi aussi ou encore en septénaires trochaïques ou souvent même en octonaires iambiques, la catastase très souvent en anapestes aristophaniens.

Chorus altera pars ueteris comoediae, inter actum et actum, sex habet partes speciarias, Commation, Parabasin, Oden seu Strophen, Epir<r>hema, Antoden seu Antistrophen, et Antepirrhema.

Le chœur, l’autre partie de la Comédie Ancienne, entre un acte et un autre, a six sous-parties spécifiques : le commation, la parabase, l’ode (ou strophe), l’épirrhème, l’antode (ou antistrophe) et l’antépirrhème.

In commatio chorus aut aliquam e personis alloquitur aut abeuntes e proscaenio histriones felici acclamatione prosequitur.

Dans le commation, le chœur s’adresse à un des personnages ou accompagne les acteurs qui sortent sous les acclamations.

Subditur parabasis, hoc est transitio chori, in qua mouetur chorus e loco ubi prius erat et ad populum conuersus dicit aliquid de se, de suis studiis, de furtis ineptiisque aliorum poetarum.

Suit la parabase, c’est-à-dire le passage du chœur, où le chœur bouge de là où il était et, tourné vers le public, lui dit quelque chose de lui, de son travail, du plagiat ou autres sottises des autres poètes.

In huius locum successit apud Latinos comicos prologus.

A sa place, les comiques latins ont utilisé le prologue.

Haec parabasis non semper uno carminis genere constat sed plerumque trochaicis septenariis aut anapaesticis.

Cette parabase n’est pas toujours faite d’un seul type de vers mais souvent de septénaires trochaïques ou anapestiques.

Parabasin sequitur ode, quae interdum canitur cum conuersione, id est cum strophe, interdum sine motu, idque quocumque genere uersiculorum, quales apud Melicos poetas metimur, aliquando tetrametris anapaesticis.

Après la parabase, vient l’ode, qui parfois se chante en se tournant, donc avec strophè (« tour »), parfois sans mouvement, et ce en n’importe quel genre de vers courts, comme ceux que nous scandons chez les poètes méliques, parfois en tétramètres anapestiques.

In hac plerumque chorus precationem ad aliquem deum deamque instituit aut eiusdem laudes peragit.

Dans l’ode souvent le chœur adresse une prière à un dieu ou déesse ou chante ses louanges.

Finita strophe, ad spectatores sese denuo conuertit chorus ibique de rebus ad uitam communem pertinentibus et de moribus hominum agit, aut noui aliquid profitetur, idque trochaicis aut anapaesticis longioribus aut etiam dactylicis.

Après la strophe, le chœur se tourne à nouveau vers le public et parle de la vie ordinaire et des mœurs humaines ou profère quelque chose de nouveau, et ce en trochées, ou anapestes plus longs ou même en dactyles.

Hoc uocatur epirrhema, quasi additamentum chori.

C’est ce qu’on appelle l’épirrhème, comme un supplément de chœur.

Latine etiam dici posset diuerbium.

En latin on pourrait l’appeler un diverbium.

In eo taxantur aut singuli ciues nequam aut mores deprauati uniuersae ciuitatis.

Dans l’épirrhème sont mis à l’amende individuellement de mauvais citoyens ou les mœurs dépravées de la cité tout entière.

Post epirrhema relegunt uestigia strophes, motu contrario totidem uersiculis atque numeris, quot qualesue fuerint in strophe.

Après l’épirrhème, ils redonnent des bouts de la strophe en sens contraire, en autant de vers et de cadences que dans la strophe.

Quare appellatur antistrophe a motu, antode a cantu, cantui respondente.

D’où son nom d’antistrophe, d’après le mouvement, ou d’antode, d’après le chant qui répond au chant.

Qua expleta, consistunt, ut respondeant epirrhemati, tum quietis similitudine, tum numeris.

Quand elle est finie, ils s’arrêtent pour répondre à l’épirrhème, tantôt par la même absence de mouvement, tantôt par la cadence.

Hoc antepirrhema uocatur, in quo chorus itidem, ut antea, uel aliquos uel uniuersos ciues nequam et sceleratos uellicat.

On l’appelle antépirrhème, endroit où le chœur, comme auparavant, interpelle individuellement ou collectivement tous les mauvais citoyens et les scélérats.

Atque his sex partibus integer et totus completur chorus, qui fere post transactam protasin et partem aliquam epitaseos introducitur.

Et avec ces six parties, on a le chœur complet et dans sa totalité, qui entre en scène juste après la protase et le début de l’épitase.

Alii sunt chori qui fere post reliquos actus interponi solent, multo breuiores. Nam alioquin ultra modum temporis extenderetur actio.

Il y a d’autres chœurs qui s’insèrent à chaque fin d’acte, mais beaucoup plus courts, sans quoi l’action se dilaterait outre mesure.

Horum quinque aut sex enumerat genera Iulius Scaliger, libro tertio de re poetica, capitulo septimo nonagesimo.7

Ces cinq ou six types, Scaliger les énumère dans sa Poétique, livre 3, chapitre 97

Nonnumquam, ait, introducta chori strophe, pauculis uersibus, postea interponunt personam cum prolixa oratione, post quam, strophe<n> respondet chorus per antistrophen.

« Parfois, dit-il, une fois introduite la strophe du chœur, en quelques vers, ils mettent là un personnage qui dit une longue tirade, après laquelle le chœur répond à la strophe par une antistrophe.

Quarto alterum systema, priori respondens.

Quatrièmement, un second système qui répond au premier.

Habere ergo uidetur systema naturam epodes lyricorum.

Le système semble avoir la nature de l’épode des Lyriques.

Sed hic eundem esse ne putes ἐπῳδὸν et ἐπῳδήν. Nam quemadmodum alibi dictum est, προῳδὴ erat ex aliquot uersibus longis magna ex parte, deinde strophae, tertio loco μεσῳδή, respondens τῇ προῳδῇ ; quarto antistrophe, respondens strophae ; postremo ἐπῳδή, par duabus odis superioribus.

Mais qu’on n’aille pas croire que epôdos et epôdè sont la même chose : car comme on l’a dit ailleurs, il y avait une proôdè de quelques longs vers le plus souvent, puis des strophes, en troisième une mesôdè en réponse à la proôdè ; en quatrième lieu l’antistrophe, en réponse à la strophe ; enfin l’epôdè, égale aux deux odes précédentes.

Ἐπῳδὴν 0 tamen et ἐπῳδὸν dictam lego, sicut et προῳδὴν et προῳδόν, sed eam tantum cui non responderet alia ode, neque in medio neque in fine.

Mais, comme je l’ai lu, on appelle l’epôdè epôdos, comme la proôdè est appelée proôdos, mais seulement celle à qui ne viendrait pas répondre une autre ode, ni au milieu ni à la fin.

Huic subdebatur strophe cum antistrophe atque his in fine loco, epodi, systema.

Lui succédait une strophe avec antistrophe et, en guise de fin, un système d’épode.

Aliquando strophe ex uersiculis aliquot, quibus subduntur longi uersiculi, post quos antistrophe per omnia par.

Parfois la strophe est de quelques petits vers, auxquels on ajoute de longs vers, après lesquels une antistrophe en tout point semblable.

Est etiam modus longe alius longeque diuersus.

C’est un type tout autre et très différent.

Ponunt enim chori melos in quo loquitur de re ipsa et personis ; deinde strophas alias, supra alias, uel sine systemate uel systemate interposito.

Car ils mettent un chant du chœur où l’on parle de l’affaire même ou des personnages ; puis strophes sur strophes, soit sans système, soit avec un système intercalé.

Quin etiam post strophen statim προσῳδή. 8

Bien plus, après la strophe, tout de suite une prosôdè ».

Hactenus Scaliger.

Scaliger, fin de citation.

De mimis seu histrionibus, uide eiusdem capitulum decimum libri primi.9

Sur les mimes ou histrions, voir son chapitre 10 du livre I.

De diuersis in choro carminum generibus diligenter admonet Graecus scholiastes et nostra aetate Mycillus.

Sur les divers genres de chants dans le chœur, il y a des indications précises chez le scholiaste grec10 et, à notre époque, chez Mycillus11.

Nos etiam suo loco quaedam adiciemus.

Nous-même, nous ajouterons quelques mots le moment voulu.

Differt autem chorus ab actu, duabus potissimum rebus, numero personarum et gestu, seu motu, siue actione.

Le chœur diffère de l’acte sur deux points surtout : le nombre de personnages et le geste (déplacement ou action).

Nam ultra quatuor personas nunquam aut raro in scaena decet progredi ad idem colloquium12, sicut Horatius praecipit, quanquam ad nouam, non ad ueterem comoediam respexit Horatius.

Car on ne doit jamais (ou rarement) voir plus de quatre personnages présents sur scène pour une même conversation, selon le précepte d’Horace, même si c’est à la Comédie Nouvelle et non à l’Ancienne qu’Horace a pensé.

At chorus quatuor et uiginti personis constat, quae simul omnes loquuntur et simul omnes modulantur et tripudiant.

Mais le chœur est fait de vingt-quatre personnages, qui parlent à l'unisson et chantent et dansent tous ensemble.

Deinde simplicior est actio histrionis seu mimi quam chori.

Ensuite la gestuelle de l’acteur est plus simple que celle du chœur.

Nam chorus in scaena relictus, non ore tantum agit sed etiam pedibus.

Car le chœur, qui reste sur la scène, ne joue pas seulement avec la bouche mais aussi avec les pieds.

Nam ad tibiae sonum canit et tripudiat ita ut pes ori ac tibiae respondeat.

Car il chante et danse au son de la flûte en faisant que ses pieds répondent à sa bouche et à la flûte.

De hoc saltationis genere, item de modis ac tibiis, uide Scaligerum libro primo, capitulo duodeuicesimo, undeuicesimo et uicesimo.13

Sur ce genre de danse, et les modes musicaux et les fûtes, voir Scaliger, I, 18-20.

Plura apud eundem de choris Comicis, libro septimo, capitulo secundo.14

On trouvera davantage sur les chœurs comiques chez lui toujours, en VII, 2.

Vestigium aliquod huius choricae saltationis uidentur hodie repraesentare chori nostrarum uirginum, quos in uicis triuiis, per aestatem, sub uesperas agunt.

Une trace de ces danses chorales semble aujourd’hui pouvoir être vue dans nos chœurs de jeunes filles, qui se donnent dans les villages, aux carrefours, en été, le soir.

De modis et eorum differentiis, consulendus erit Plutarchus, in libello de arte Musica15 et Boethius in libro de eadem arte16, et Glareanus in dodecachordo17.

Sur leurs modes et leur typologie, il faut consulter Plutarque dans son traité sur la musique, Boèce, dans son livre sur la musique et Glareanus dans Le Dodécacorde.


1. Frischlin situe la comédie ancienne dans le temps (Guerre du Péloponnèse).
2. Hor., P. 189-190. La formulation, avec un ordinal au lieu d’un cardinal, n’est pas sans rappeler le très célèbre précepte d’Horace : Neue minor neu sit quinto productior actu / fabula, quae posci uult et spectanda reposci.
3. Comprendre un acte pour la protase, un pour l’épitase, un pour la catastase et un pour la catastrophe, le tout précédé du prologue, ce qui aboutit au fatidique nombre de cinq actes. Il s’agit là du classement scaligérien que beaucoup de doctes de l’âge classique vont adopter.
4. Sic pour qua.
5. Scaliger, Poétique 1.9 p. 33. La définition de la catastase provient directement de Scaliger. Ce terme est inventé par Scaliger et ne figure pas dans Evanthius, De Comoedia. Ce court traité fragmentaire est connu parce qu’il a été véhiculé comme une préface générale au commentaire de Térence par Donat. Voir l’édition commentée de F. Cupaiuolo, EVANZIO De fabula, Loffredo, Naples, 1979 et l’édition électronique, qui édite également Evanthius. Le triptyque protase, épitase, catastrophe s’y trouve. Scaliger, a ajouté artificiellement le prologue, partie de quantité qui ne relève pas de la même typologie que les trois autres notions, et, donc, la catastase, de façon à obtenir cinq catégories censées recouper la quinquepartition en actes.
6. Sur ces notions qui relèvent de la composition, leur histoire, l’amalgame entre le système aristotélicien nouement-dénouement et le système Donat-Evanthius protase-épitase-catastrophe, on lira avec profit la thèse (dact., disponible en ligne sur le site de Lyon 2) de Catherine Ailloud-Nicolas, « Le dénouement dans les pièces en un acte de Marivaux. Analyse dramaturgique », notamment la première partie et les annexes ; la thèse (dat., disponible en ligne sur le site de la Sorbonne) d’Enrica Zanin « Fins tragiques. Poétique et éthique du dénouement dans la tragédie pré-moderne en Italie, France et Espagne », Paris 4, 2010, particulièrement le chapitre II Catastrophe, p. 107-159 et E. Zanin, « les commentaires modernes de la Poétique d’Aristote », Etudes littéraires, 43-2, 2012, 55-83.
7. Scaliger, Poétique 3.96, p. 341-343.. Il était temps de rendre à Jules-César ce qui est à Jules-César (Scaliger), car tout ce qui précède, particulièrement la question du chœur et de la métrique, sans être un emprunt au mot près (encore qu’il y en ait beaucoup), est tout de même très largement inspiré de ce chapitre de Scaliger, enfin cité. Par ailleurs le plagiat est un peu excusé par la reconnaissance de dette qui intervient dans le dernier segment de ce paratexte, qui s’apparente à une bibliographie thématique, où la part de Scaliger est importante.
8. Scaliger, Poétique 3.96, p. 342. Ce passage très technique est donné chez Scaliger. Frischlin le cite scrupuleusement, à quelques réserves insignifiantes près, à l’exception notable d’un oubli qui fait qu’on ne comprend pas pourquoi « quatrièmement » il y a un second système. C’est que Frischlin a omis de recopier ceci chez Scaliger : per antistrophen. Interdum canit Strophe cum uersiculis, postquam consistit. Quare systema uocatur. Tertio loco dant Antistrophen ; Quarto etc. Il manque chez Frischlin notamment l’étymologie scaligérienne de systema, mis en rapport avec consistit (« il s’arrête »), verbe qui décalque le sens interne du substantif grec.
9. Scaliger, Poétique 1.10, p. 38.
10. Le scholiaste d’Aristophane, à lire dans l’édition Wilson, Prolegomena de Comoedia. Scholia in Aristophanem, source sur TLG en ligne. Le scholiaste donne en effet à chaque entrée du chœur des indications colométriques et prosodiques très techniques. Par exemple ad Ach. 204a 12 : κορωνίς· εἰσέρχεται γὰρ ὁ χορὸς διώκων τὸν Ἀμφίθεον. καὶ ἔστι μεταβολικὸν τὸ μέλος, ἐκ δύο δυάδων μονοστροφικῶν· ὧν ἡ μὲν πρώτη ιδʹ κώλων ἔχει τὰς περιόδους, ὧν δʹ μὲν ἐν ἐκθέσει τροχαϊκοὶ καταληκτικοὶ τετράμετροι, εἶτα ἐν εἰσθέσει κῶλα γʹ παιωνικὰ δίρρυθμα.
11. Jacob Micyllus, Jacob Molsheim (1503-1558) est un humaniste et poète allemand de langue latine. Professeur de grec dans plusieurs villes, notamment à Heidelberg où il a fini sa vie. L’ouvrage auquel Frischlin fait probablement référence est son édition d’Euripide.
12. Hor., P. 192.
13. Scaliger, Poétique 1.18 Saltatio, p. 58 ; I, 19 : Modi et tibiae, p. 67 ; I, 20 : Tibiae, p. 70.
14. Scaliger, Poétique 7.7, De choro Veteris Comoediae, p. 835.
15. Ps.-Plut., Mus. 1-37. Ed. K. Ziegler, Plutarchi moralia, vol. 6.3 (3e éd.)., Leipzig: Teubner, 1966 : 1-37.
16. Boet., Mus.. Traité en cinq livres, rédigé vers 510, dans le cadre de son programme de production de manuels des études quadriviales. Cf. par exemple B. Bakhouche, « Musique et philosophie : le De Institutione musica de Boèce dans la tradition encyclopédique latine », BAGB 1997-3, 210-232.
17. Hendricus Loriti Glareanus, Dodécacorde. Heinrich Loris / Hendricus Loriti Glareanus (du canton de Glaris) est un humaniste suisse né probablement le 1482-1563). Musicien et théoricien de la musique. Son Dodekachordon (publié en 1547) est une œuvre qui dresse l’histoire de la musique depuis Boèce.