Argumentum in Plutum
Nicodemus Frischlinus

Présentation du paratexte

Traduction latine de cinq comédies d’Aristophane.

Bibliographie :
  • Thomas Baier« Nicodemus Frischlin als Aristophanes-Übersetzer »editorDramatische Wäldchen. Festschrift für Eckard Lefèvre zum 65. GeburtstagpubPlacepublisherdate
  • Patrick Lucky Hadley Athens in Rome, Rome in Germany. Nicodemus Frischlin and the Rehabilitation of Aristophanes in the 16th Century pubPlace publisher date
  • David PriceThe Political Dramaturgy of Nicodemus Frischlin : Essays on Humanist Drama in GermanypubPlace publisher, date
Traduction : Christian NICOLAS

Argumentum in Plutum

Argument du Plutus

Auaritiam, taeterrimam generis humani luem ac pestem rerumpublicarum, fere omnium poetarum scriptis exagitatam, praesenti Comoedia reprehensurus Aristophanes et uerum diuitiarum usum hominibus commonstraturus, Chremylum pauperem quemdam, sed bonum et iustum, introducit, qui, accepto Apollinis Delphici (eum enim de uita filii recte instituenda consulueratà oraculo ut quel primum sibi haberet obuium, illius uestigia studiose sequeretur, incidit in quemdam caecum et sibi ignotum et, sicut oraculo fuerat monitus, diligenter eum sequitur.

La cupidité, pire fléau du genre humain et maladie des sociétés, fustigée par les écrits de presque tous les poètes, Aristophane, dans cette comédie, pour la blâmer et démontrer le bon usage des richesses, met en scène un certain Chrémyle, homme pauvre mais honnête et juste, qui, après un oracle d’Apollon de Delphes (car il l’avait consulté pour savoir comment bien éduquer son fils), reçoit l’instruction, de suivre pas à pas avec application le premier qu’il rencontrerait ; là il tombe sur un aveugle inconnu de lui et, comme demandé par l’oracle, il le suit diligemment.

Chremyli caecum hominem susequentis praeposterum morem seruus Cario admiratus, herum obiurgat.

Alors que Chrémyle suit l’aveugle, son esclave Carion s’étonne de cette étrange manière et houspille son patron.

Sed mox diuino oraculo cognito, una cum ipso Plutum adit et qui sit fateri cogit.

Mais dès qu’il apprend l’oracle divin, il rejoint lui aussi Plutus et l’oblige à dire qui il est.

Eorum ille uocibus adductus et qui sit et quare caecutiat pulchre exponit, simul qualem se erga pauperes esset gesturus si uisum reciperet, facete commemorat.

Poussé par leurs demandes, il explique joliment qui il est et pourquoi il ne voit rien et aussi il signale de façon amusante ce qu’il ferait à l’égard des pauvres s’il recouvrait la vue.

Qua Pluti uoluntate perspecta, Chremylus consilium init de uisu illi restituendo, commonstrata illius potentia, qua deos omnes ipsumque adeo Iouem Plutus exsuperet.

Une fois connues les intentions de Plutus, Chrémyle décide de lui faire recouvrer la vue, une fois qu’il a montré sa puissance, qui fait de Plutus le plus fort de dieux, Jupiter compris.

His uerbis Deo persuadet ut caecitatem suam pelli et medicamentis sanari se patiatur.

Là il persuade le dieu d’accepter de mettre fin à sa cécité et de se soigner avec des médicaments.

Paulo post Cario ad senes agricolas ex agro aduocandos dimittitur, ut et illi diuitiarum ac Pluti fiant participes et e dura uita in meliorem perducantur.

Peu après Carion est envoyé à la campagne pour en ramener des paysans, pour qu’eux aussi puissent partager les richesses de Plutus et passent d’une vie dure à une vie meilleure.

Eo rus abeunte, Chremylus Plutum ad se domum perducit ut, rebus omnibus illic adornatis, deinceps in fanum Aesculapii deducatur.

Pendant qu’il part pour la campagne, Chrémyle amène Plutus chez lui pour tout bien préparer et le conduire ensuite au temple d’Esculape.

Qui ubi domum ignotam intrat, Chremylum perfacete orat ne aut sordidorum more in terram defodiatur aut prodigiorum ritu meretricibus et aleatoribus prostituatur.

Lui, en entrant dans cette maison inconnue, supplie comiquement Chrémyle de ne pas l’enterrer, comme un trésor d’avare, ni de le prostituer dans une maison de passe ou de jeu, comme font les prodigues.

Chremylus mediocrem se ac liberalem fore promittit.

Chrémyle promet la juste mesure et la générosité.

Interim e rure cum senibus agricolis reuertitur Cario iisque futurae uitae statum commemorat et heri consilium ac Pluti conditionem recitat.

Entre temps, Carion revient de la campagne avec de vieux paysans, leur évoque leur vie future et rappelle le projet de son patron et les conditions de Plutus.

Rustici ludibrio se haberi arbitrati, seruo Carioni omnis generis mala ingerunt.

Les paysans, croyant qu’on se moque d’eux, insultent l’esclave Carion de toutes les manières.

Tandem rei ueritate cognita, uitam sibi uoluptariam, ut fert agrestium hominum consuetudo, ex opibus pollicentur et mutuis sese scommatis et iocis excipiunt.

Ils finissent par apprendre la vérité et se promettent, comme c’est l’usage dans le monde paysan, une vie de plaisir née de l’argent et s’invectivent joyeusement.

Mox Chremylo obuianti et salutanti, iidem agricolae omnem operam in Pluti caecitate arcenda promittunt.

Puis, à Chrémyle qui vient à eux pour les saluer, ils promettent de mettre tout leur zèle à soigner Plutus de sa cécité.

Accedit et Blepsidemus, qui repentina Chremyli opulentia alibi cognita, hominem conuenit et furti insimulat.

Arrive aussi Blepsidème, qui, ayant appris la soudaine opulence de Chrémyle, vient voir le bonhomme et l’accuse de vol.

Oritur quaedam inter senes turba, quae tamen mox iterum sedatur.

S’ensuit une dispute entre les deux vieillards, qui finit par se dissiper.

Nam Chremyli felicitate, qui Plutum se domi habere affirmabat, et consilio eiusdem, de uisu illi reddendo, probe perspecto, suam quoque in ea re operam Blepsidemus pollicetur.

Car, devant le bonheur de Chrémyle, qui lui a dit qu’il gardait chez lui Plutus, et devant son idée de lui rendre la vue, Blepsidème promet lui aussi toute son aide dans l’affaire.

Quibus ita confabulantibus, interuenit Penia (hoc est Paupertas) et grauiter cum senibus expostulat, quod Plutum uisui restituere paupertatemque e Graecia eicere constituissent et quidem, nullo eiusdem merito, cum Paupertas maiora bona hominibus quam Plutus per suas diuitias largiatur.

Pendant qu’ils dégoisent ainsi, arrive Pénia (c’est-à-dire la pauvreté), qui vient porter gravement auprès des vieillards réclamation : ils ont décidé de rendre la vue à Plutus et d’expulser de Grèce la pauvreté, et ce, sans qu’elle l’ait mérité, vu que la pauvreté dispense aux hommes des biens plus grands que Plutus avec ses richesses.

Senibus hoc pernegantibus, accedit chorus et utroque admonet ut suam quisque sententiam dicat et eam rationibus probet.

Les vieillards contestent, le chœur entre et veut entendre les avis des deux parties et leurs arguments.

In eo congressu disputatur utrimque acriter, hinc paupertate sua monstrante commoda, illinc senibus diuitiarum fructus et utilitates extollentibus.

Dans cette scène, on débat vivement de deux côtés ; la pauvreté montre ses avantages, les vieillards développent les bienfaits et profits des richesses.

Sed clamore magis, ita ut fit, quam rationibus uicta paupertas, exulatum abit.

Mais la clameur, plutôt que (comme souvent) les arguments, fait perdre la pauvreté, qui est condamnée à l’exil.

Senes propositum suum exsequuntur et Plutum in fanum Aesculapii sub noctem deducunt.

Les vieillards suivent leur idée et amènent Plutus au temple d’Esculape à la nuit.

Reuertitur paulo post e templo seruus Cario et primum agricolas in choro exspectantes, laeto nuntio de Pluti uisu reparato exhilarat.

Peu après, l’esclave Carion revient du temple et fait d’abord plaisir aux paysans, qui attendent dans le chœur, en leur donnant la bonne nouvelle de la guérison de Plutus.

Eorum applausu domo excita, uxor Chremyli celeriter procurrit et Carionem de rebus in templo gestis interrogat.

Ils applaudissent et cela fait accourir la femme de Chrémyle et interroge Carion sur ce qui s’est passé dans le temple.

Ibi uaria ille quae in fano acciderant recitat, simul caerimonias, quibus Plutus uisum receperit, alius uero quidam Neoclides caecior factus sit, multis salibus et iocis admistis, herae suae commemorat.

Il raconte les différents épisodes qui s’y sont passés, la cérémonie, qui a permis à Plutus de recouvrer la vue mais à un certain Néoclidès de devenir encore plus aveugle, en ajoutant beaucoup de plaisanteries et de jeux, il raconte tout à sa maîtresse.

Aduenit mox ipse Plutus cum sene Chremylo et iubare Solis salutato, omnibus iustis suam deinceps opem auxiliumque offert.

Puis arrive Plutus avec le vieux Chrémyle et, après un salut à la lumière du soleil, il offre son secours et assistance à tous les justes.

Eumdem Chremyli uxor, consueto ritu quo noui serui excipi solebant, domum intrantem excipit ac laeto animo complectitur.

La femme de Chrémyle l’accueille comme on accueille les nouveaux esclaves : dès qu’il entre, elle l’embrasse dans la joie.

Domo egressus Cario heri sui affluentiam et copiae cornu, quod in aedibus uis repente enatum fuit, admodum facete praedicat.

Sortant de chez son maître, Carion évoque avec gaieté la pléthore et la corne d’abondance qui a soudain poussé dans sa maison.

In eum Dicaeus, uir Iustus, trita cum tunica et calceis, incidit, dona ista gratiarum loco oblaturus Pluto iam oculato eo quod beneficio illius esset ditatus.

Lui tombe dessus Dicaeus, l’Homme Juste, avec sa tunique usée et ses pauvres chaussures, pour les donner en cadeaux de remerciement à Plutus (qui voit à nouveau), au motif que par ses bienfaits il est enrichi.

Vtriusque colloquio interuenit, cum teste quodam, perfidus et nequam Sycophanta, qui de sua miseria ac fame conqueritur, quandoquidem oculatus Plutus malos iam non respiciat, sed a seruo Carione et Dicaeo irridetur ac, quibus dignus erat, modis afficitur tandem etiam uestibus suis exuitur et attritis lacernis induitur desertusque a suo, quem adducebat, teste, miserrime multatur.

Dans leur conversation vient s’immiscer, avec un témoin, un perfide vaurien de sycophante, qui se plaint de sa misère et de la faim, du fait que Plutus, depuis qu’il voit, n’a aucun égard pour les méchants ; mais l’esclave Carion et Dicaeus se moquent de lui et il reçoit les manières qu’il mérite et finit par se faire dépouiller de ses habits, affubler d’un manteau déchiré et, abandonné du témoin qu’il avait amené, il se fait misérablement punir.

Interim accedit ad ostium Chremyli quaedam anus decrepita, Pluto et ipsa irata.

Arrive entre temps à la porte de Chrémyle une vieille décrépite, en colère elle aussi contre Plutus.

Nam priusquam ille uidisset, ipsa cuidam adolescenti placuerat, qui caeco pecuniae amore adductus, diuitem istam amauerat uetulam ; nunc autem, apertis Pluti oculis, ipsa anus agnita a suo deserebatur marito iuuene.

Car, avant qu’il retrouve la vision, elle-même plaisait à un jeune homme qui, aveuglé par l’amour de l’argent, avait aimé cette riche vieille ; mais pour l’heure, depuis que Plutus avait ouvert les yeux, reconnue pour ce qu’elle était, la vieille était abandonnée par son jeune amant.

Itaque Iustum orat ut Plutum ad aequitatem redigat, quo sibi pro datis beneficiis ab adolescente digna referatur gratia.

Donc elle supplie le Juste de forcer Plutus à un traitement égalitaire, pour qu’elle puisse rentrer en grâce auprès du jeune homme en lui donnant des cadeaux.

Mox ipse adest iuuenis, qui conspecta amica, senectutem et canos et rugas illius admiratur, ut qui caecus antea, ista non uiderit.

Puis arrive le jeune homme qui, voyant sa maîtresse, s’étonne de son âge, de ses cheveux blancs de ses rides, comme si, aveugle jusque-là, il ne les avait pas vus.

Mirifice illic, tam a sene quam a iuuene, misera anus exagitatur.

Là, la malheureuse vieille se fait étonnamment malmener par le vieillard et le jeune homme.

Ad extremum, uir Iustus adolescentem exhortatur ne eam deserat et cum uinum ebiberit, etiam faeces combibat.

Finalement, le Juste exhorte le jeune homme à ne pas l’abandonner et, puisqu’il a bu le vin, de finir maintenant la lie.

Dum haec illic geruntur, aduenit Mercurius et Carionem e domo seuocat ac se desertum et famelicum esse conqueritur, quando omnibus iustis et pietatis cultoribus ditatis (erant enim antea pauperes), iam nemo sit, qui liba aut sacra sibi pro diuitiis offerat.

Sur ces entrefaites, arrive Mercure, qui détourne Carion de la maison et se plaint d’être abandonné et affamé, vu que, tous les justes et les pratiquants s’étant enrichis (ils étaient pauvres auparavant), plus personne désormais ne lui offre de libations ni de sacrifices pour devenir riche.

Simul Carionem orat ut hospitio Mercurium dignetur ipsumque in domum suscipiat.

En même temps, il prie Carion de l'accueillir et de le recevoir chez lui.

Ille initio negat sed cum Mercurius se ad omnia, etiam infima officia, descensurum promitteret, tandem recipitur et pecudum intestina abluere iubetur.

Au début il refuse mais comme Mercure promet qu’il est prêt à tout accepter, même les petits boulots, il est finalement admis et reçoit l’ordre de nettoyer des tripes de mouton.

Postremus adest Iouis sacerdos, qui et ipse de fame sua conqueritur, quod nemo iam sacrificet nec templum ingrediatur nisi alui exonerandae gratia.

Enfin entre le prêtre de Jupiter, qui lui aussi se plaint de la faim, que personne ne vient plus sacrifier chez lui ni n’entre dans son temple, sauf pour faire ses besoins.

Huius uicem miseratus, Cario Plutum e domo euocat et in locum Iouis Olympii, ubi publicum erat ciuitatis aerarium, reponit, simul anni1 bonam spem se reditu amatoris facit et cum ea tempum Iouis ingreditur.

Pris de pitié pour lui, Carion appelle Plutus dehors et le place dans le temple de Jupiter Olympien, où se trouvait le trésor public, et en même temps donne bon espoir à la vieille sur le retour du jeune amant et avec elle entre au temple de Jupiter.

Quos abeuntes omnis chorus cum cantu prosequitur.

Ils s’en vont et le chœur les suit en chantant.


1. Sic pour anui.