PROLOGVS
Florens Christianus

Présentation du paratexte

Ce prologue est en sénaires iambiques.

Traduction : Malika BASTIN-HAMMOU

PROLOGVS.

Prologue.

Saluere multum iubeo lectores meos quos autumo esse nunc uicem spectantium. Nam qui uidere non potest, nullus legat Nec aduoco istos Quindecim uicesimos Vrbis lutosae arguta mendicabula In ligno ocellos qui gerunt exemptiles, Et scipioni obnoxii obnixe duci Per templa currunt, per uias, per compita.

« Je salue abondamment mes lecteurs que j’affirme être à présent à la place de mes spectateurs. De fait, personne ne lit, qui ne peut voir, et je ne fais pas venir les quinze-vingts, mendiants expressifs de la ville boueuse Qui portent de petits yeux amovibles en bois et qui, soumis à un bâton comme chef avec effort Vont à travers les temples, les rues, les carrefours.

Satisne salue Pace si aduenio bona ?

Est-ce que « porte-toi bien » suffit, si j’arrive en bonne paix ?

Adsum daturus Pacem, et ad uos adfero. Quos sibilos, quas audio minas hui Pacem refellit et repellit plera plebs, Quamuis ferorum moenerum Martis rudis.

Je suis présent pour donner La Paix, et je vous l’apporte. Quels sifflets, quelles menaces j’entends, houla ! La foule en grand nombre réfute et repousse la paix quoiqu’elle soit ignorante des farouches travaux de Mars.

Tum magna verba funditat, mox uerbera Secura, donec Annibal pulsauerit Portas, nec unquam (quod de Athenis Demades Dixisse fertur) Pacem amatum ibit, nisi In ueste pulla; attrita damnis maximis. 1

Alors elle répand de grands mots, bientôt des coups, en sécurité, jusqu’à ce qu’Annibal ait frappé aux portes, et jamais (ce que paraît-il Démade a dit au sujet d’Athènes) elle n’ira aimer la Paix, si ce n’est en manteau noir, usé par de très grands préjudices.

Abimus ergo? an praestat ut diludia Poscam et facessam? Nolo cerritum uelut Me saxeo imbre uolgus incessat fremens, Aut fistula pastori ut Misumenon Traducat: Ecce, Christianum non decet Optare Pacem, clamitant: mortem oppetat Pacis petitor: scilicet CHRISTVS tulit Sirempse legem, non enim Pacem dare Venit, sed arma. Ponite iras et metum O contumaces, nempe pacatis uolo Vobis benignisque utier. Velut Laco Athenienses esse fortes fassus est, Sed in tabella: Pace sic tantum licet Picta fruisci, quamque nolint Pictones.

Donc, je m’en vais ? Ou bien il vaut mieux que je réclame et mette en œuvre une trêve ? Je ne veux pas que la foule écumante s’attaque à moi comme à un forcené en me jetant une pluie de pierres ou que le son de la flûte me ramène au berger comme un mal-aimé. Mais les voilà qui crient qu’un Chrestien ne doit pas souhaiter la Paix ; que qui demande la Paix, mérite la mort. Sans doute Christ a apporté une loi absolument semblable, en effet il n’est pas venu Donner la Paix, mais les armes. Laissez votre colère et votre haine, vous les obstinés, je vous vous fréquenter paisibles et bienveillants. De même qu’un Lacédémonien a reconnu que les Athéniens sont courageux, mais en peinture, de même on peut jouir d’une Paix sur papier et que les Aquitains ne veulent pas.

Ergo in poesi siue pictura modo Aucti eritis isto Pacis infortunio. Pacem reapse quam putatis in malis Dare nec potis sim, siue possim, non duim.

Donc c’est en poésie, ou en peinture seulement, que vous aurez été dotés de ce désagrément de la Paix. En réalité, la Paix à laquelle vous pensez dans le malheur, je ne pourrais pas la donner et si je pouvais je ne la donnerais pas.

Qui seruat inuitum, quasi occidit facit: Quod si in duello sit salus, ô Pax uale.

Qui sauve quelqu’un malgré lui le tue pour ainsi dire. Donc si le salut est dans la guerre, alors adieu, Paix !

Non sum poeta Pacis, at uersor magis. Quid rursus ora auertitis? Non fecimus Vorsuram, ut isti bella qui crepant nimis.

Je ne suis pas l’auteur de la Paix, mais plutôt le traducteur. Pourquoi en revanche détournez-vous le visage ? Nous n’avons pas fait une traduction, comme ceux qui font trop retentir les guerres.

Irena Aristophani uetus Comoedia est, FLORENS recentat atque uortit barbare2: Hoc est Latine quantum et ut potuit, neque Vanos latratus assis istorum facit, Qui docta in hisce uellicant conamina, Nostrate lingua postulantes scribere, Vt ne quod ipsis non adest et nesciunt Nobis sit, etsi non abest quod tantum habent.

La Paix d’Aristophane est une Comédie ancienne, Florent la répète et la traduit en langue barbare : c’est-à-dire en latin, autant qu’il a pu, et il ne fait pas grand cas des vains aboiements de ceux qui dénigrent les efforts savants, en demandant qu’on écrive en français, pour que ce qu’ils n’ont pas eux-mêmes et ignorent ne soit pas à nous seuls, même si on y trouve aussi ce qu’ils ont en abondance.

Vorsura uobis si placebit, plaudite, Vel, si uetustum nil sapit, iam claudite, Non acta non exacta certe fabula est.

Si la traduction vous a plu, applaudissez, ou bien, si rien de ce qui est ancien ne vous plaît, fermez maintenant. En vérité, la pièce n’a pas été jouée et n’a pas été sifflée.

Nec ciccum ut illa stet cadatue, interduim. Placet hoc, in ipsis casibus laus publica est, Tantum est, ualete; Nolui hoc nescire uos.

Et je n’en donnerais pas un zeste pour qu’elle marche ou qu’elle échoue. C’est décidé, dans ce cas la louange est publique, ça suffit, adieu ; Je n’ai pas voulu que vous ignoriez cela. »


1. Erasme, Adagia 28, Demades, auctore Plutarcho, dicere solebat, Athenienses nunquam decernere pacem, nisi pullis uestibus indutos, innuens eos bellandi cupidiores, quam sat esset, nec nisi clade suorum admonitos de pace cogitare, « Démade, cité par Plutarque, disait souvent que les Athéniens ne votaient jamais la paix qu’en manteau de deuil, signifiant par là qu’ils étaient belliqueux au-delà du raisonnable et ne songeaient à la paix qu’avertis par la défaite ».
2. Pl., As. 9.