Typographus Lectori Beniuolo S.
Ioannes Maire

Présentation du paratexte

Cette édition complète du poète comique, dotée d’une traduction latine, appartient déjà au XVIIe s. L’imprimeur Jean Maire présente dans cette adresse au lecteur les principes qui ont régi son travail et mentionne scrupuleusement les noms des savants dont les commentaires et traductions ont été repris et corrigés. On notera le souci croissant de l’attribution – par exemple pour les corrections apportées aux traductions, qui sont imprimées entre crochets, l’attention, nouvelle, portée à l’accentuation du texte grec. Pour ce qui est de la division du texte, Maire oscille entre la tradition humaniste, héritée de Donat, qui consiste à imposer au texte grec la division en actes et scènes, et le souci affirmé depuis Portus (1607) de privilégier la division et la terminologie grecques, en notant les strophes-antistrophes, odes-antodes, epirhèmes ainsi que la parabase, adoptant ainsi un double système. La métrique est explicitée, mais pour le seul Ploutos : là aussi, il s’agit d’un recul par rapport à l’édition de Portus.

En ce début du XVIIe s., l’heure n’est plus à éditer ni à traduire le poète comique : ce que cette édition apporte véritablement de nouveau, outre les corrections de Scaliger, c’est l’index des proverbes élaboré par Codde. L’étape suivante, dans l’histoire de la transmission d’Aristophane, consistera à éditer les fragments, qui sont ici omis : ils font en effet l’objet de l’édition de Canter et du même Codde, qu’imprime également Jean Maire dans un autre volume de cette même année 1625. (Guillaume Canter, Aristophanis fragmenta a Gulielmo Cantero, jam pridem collecta ; Cum praefatione Viri Cl. Andreae Schotti : recognita vero purimum & non parva accessione locupletata, A Gulielmo Coodaeo, Leyde, Jean Maire, 1625.)

Bibliographie :
  • Ronald Breugelmans, Fac et spera. Joannes Maire, publisher, printer and bookseller in Leiden 1603-1657. A bibliography of his publications. Houten, Hes & De Graaf, 2003.
Traduction : Sarah GAUCHER

Typographus Lectori Beniuolo S.

Le typographe au lecteur bienveillant.

In Aristophanis minuscula hac editione secutus sum Graecum textum a nobilissimo uiro Odoardo Biseto emendatum, qui anno 1607 prodiit, Latino carmine expressus a Nicodemo Frischlino, in Comoediis Pluto, Nubibus, Ranis, Equitibus et Acharnensibus ; a Quinto Septimio Florente Christiano, in Vespis, Pace et Lysistrata : soluta uero oratione ab Andrea Diuo, in Auibus, Concionatricibus, et Cerealia celebrantibus.

Dans cette minuscule édition d’Aristophane, j’ai suivi le texte grec établi par le très noble Édouard Biset, qui est paru en 1607 traduit en vers latins par Nicodème Frischlin, pour les comédies du Ploutos, des Nuées, des Grenouilles, des Cavaliers et des Acharniens ; par Florent Chrestien pour les Guêpes, la Paix et Lysistrata ; mais en prose par Andreas Divus pour les Oiseaux, l’Assemblée des femmes et les Thesmophories.

Optassem quidem doctiorum aliquem, ei rei idoneum, uniuersa huius Comici Dramata ad uerbum Latine uertenda suscepisse, idque in rudiorum gratiam quum ii qui Graece docti sunt, ne exactissimas quidem interpretationes, seu prorsas seu uersas, lectione dignentur atque adeo omnes fateantur, leporem ac genium cuiuscunque demum auctoris (nedum Aristophanis) in propria lingua consistere nec in alienam ulla ratione posse transfundi.

J’aurais certes souhaité qu’un savant capable de le faire se chargeât de traduire en prose latine l’intégralité des pièces de ce comique, et cela pour le bien des moins instruits puisque ceux qui savent le grec jugent indignes de leur lecture même les traductions les plus précises, qu’elles soient en prose ou en vers, et que tous reconnaissent que le charme et le génie de n’importe quel auteur, et à plus forte raison d’Aristophane, résident dans sa langue d’origine et qu’ils ne peuvent être reproduits en aucune manière dans une langue étrangère.

Verumtamen quum hoc commodo destituamur, illos quos habebamus interpretes, mendis, quae plurimis locis subrepserant, liberauimus ; interdum, ubi obscurior uersio uidebatur (praesertim in iis Comoediis quas Andreas Diuus transtulit), eam uerbo uno aut altero, his notis [ ] incluso, iuuare conati sumus.

Cependant puisque cet avantage nous fait défaut, nous avons libéré les traducteurs que nous possédions des taches qu’ils avaient glissées en de très nombreux passages ; les quelques fois où la traduction semblait trop obscure (surtout dans les comédies qu’a traduites Andreas Divus), nous avons essayé de l’éclaircir grâce à un mot ou deux que nous avons insérés entre ces signes […].

Graecus etiam contextus ut quam emendatissimus prodiret, curauimus: in accentibus tamen inconstantiam, quae ueterum saepe Grammaticorum aut patrocinio aut exemplo tuta est euitare interdum non potuimus.

Nous nous sommes également occupé du texte grec afin qu’il paraisse le plus propre possible : pour ce qui est des accents cependant, nous n’avons pu quelquefois éviter une inconstance souvent confimée par la garantie ou l’exemple des grammairiens anciens.

Personas saepe male notatas suis locis restituimus ; actus ac scenas in una aut altera Comoedia distinximus ; in reliquis autem, quoties noui interlocutores in orchestram prodirent, adnotauimus Strophas, Antistrophas, Odas, Antodas, Systemata, et epirrhemata, aut Parabases, et similia Comicae artis antiqua uocabula, oportune indicauimus: obiter tamen et quasi in margine; ne Actuum seu Actionum potius aut Personarum discrimina turbarentur.

Nous avons remis à leur place les noms des personnages qui avaient souvent été mal notés ; nous avons distingué les actes et les scènes dans une ou deux comédies ; dans les autres, chaque fois que de nouveaux interlocuteurs s’avançaient vers l’orchestre, nous avons noté les strophes, les antistrophes, les odes, les antodes, les systèmes et les epirrhemata, ou nous avons indiqué à bon escient les parabases et ce genre de termes anciens de l’art comique, mais en passant et comme en marge pour ne pas perturber les distinctions entre les actes ou plutôt les actions ou entre les personnages.

Versuum genera in sola Pluto expressimus, in reliquis Comoediis negleximus, ne moles uoluminis enchiridii modum superaret ; eadem etiam de causa Argumenta prolixiora omisimus ; singulisque Comoediis duntaxat quaedam ceu Breuiaria praefiximus.

Nous avons fait voir le genre de vers employé dans le seul Ploutos, mais l’avons laissé de côté dans le reste des comédies pour que le poids du volume n’excède pas le poids d’un livre pouvant être transporté ; c’est pour cette même raison que nous n’avons pas non plus développé plus amplement les arguments et que nous n’avons mis en tête de chaque comédie qu’une sorte de sommaire.

Postremo totum contextum cum duobus huius auctoris exemplaribus, manu Illustris memoriae Iosephi Iusti Scaligeri emendatis (quorum copiam nobis fecit clarissimus doctissimusque Gerardus Vossius) contulimus ; eiusque emendationes seu Coniecturas calci huius Operis subiunximus, una cum aliis seu Variantibus Lectionibus seu Correctionibus, quas excerpsimus e Commentariis aut Scholiis Nobilissimi Odoardi Biseti, Clarissimi Florentis Christiani, aliisque doctorum uirorum suo loco memoratis lucubrationibus, concinnata ex eis tamquam breuicula quadam Notarum Farragine.

Enfin, nous avons comparé le texte tout entier à deux éditions de cet auteur corrigées de la main de Joseph Juste Scaliger dont la mémoire est illustre (exemplaires qu’avait mis à notre disposition le très illustre et très savant Gerardus Vossius ) ; et ses corrections ou ses conjectures, nous les avons ajoutées au bas des pages de cet ouvrage, en même temps que d’autres variantes ou corrections que nous avons tirées des commentaires ou des scholies du très noble Édouard Biset, du très illustre Florent Chrétien, d’autres travaux fameux des savants, après avoir cuisiné, à partir de leurs œuvres, une brève macédoine de notes.

Cui, praetermissis consulto Fragmentis aliorum huius Comici Dramatum quae integra non extant, insigniorum aliquot Paroemiarum aut uerborum Prouerbialium Index additus est a clarissimo doctissimoque Wilhelmo Coddaeo.

Et à cela nous avons ajouté un index de quelques proverbes ou mots proverbiaux par le très célèbre et très savant Wilhelm van der Codde, tandis que nous avons à dessein omis les fragments des autres pièces de ce comique qui ne nous sont pas parvenues dans leur intégralité.

Breuiter, satisfecisse nos sperantes iis qui unica manu comprehensum circumferre auent quicquid Graecanicae Comadiae hodie integrum extat, praememorati Florentis Christiani uerbis finem faciemus, Lectorem obsecrati, ut messoris operam boni consulat neque uitio uertat, si plurimum spicum in hac messe reliquerit: in quo legendo plus fortasse laudis reportabit spicilegorum ὀπισθοϐάτης, quam ipsius messoris improbus labor.

En bref, espérant avoir donné satisfaction à ceux qui désirent qu’une main unique se saisisse de tout ce qui demeure aujourd’hui de la comédie grecque, nous terminerons avec les mots de Florent Chrétien, dont nous avons déjà parlé, priant le lecteur qu’il réserve un bon accueil à l’œuvre d’un moissonneur et ne lui fasse pas crime d’avoir laissé dans cette moisson de très nombreux épis : dans cette lecture, l’interminable labeur des glaneurs rapportera peut-être plus de louange que le labeur ingrat du moissonneur lui-même.

Vale. 1624.

Adieu. 1624.