Présentation du paratexte
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Distilo Nuala , Il manoscritto Pr. Gr. 2888 e l'Editio Princeps dell'Elettra di Euripide di Piero Vettori, pubPlace,XXIII , date.
PETRUS VICTORIUS NICOLAO ARDINGHELLO CARDINALI SAL.
Piero Vettori salue le Cardinal Nicolas Ardinghellus.
Viget adhuc in me Ardinghelle amplissime studium illud, quo superioribus annis ualde flagraui: bonos auctores adiuuandi: nec cesso, quum per occupationes licet aliquid operae, diligentiaeque huic etiam parti literarum dicare.
Je suis, très honorable Ardinghellus, toujours animé de ce zèle, dont j’ai ardemment brûlé par le passé, qui consistait à alimenter les bons auteurs, et je n’ai de cesse, quand mes occupations m’en laissent le loisir, de consacrer des efforts et du soin à cette même partie de la littérature.
Qui mei labores aliquando foras prodibunt, et aliquid utilitatis, ut spero, studiosis bonarum artium adportabunt. Nunc quum in manus meas uenerit Euripidis Electra, quae adhuc in tenebris latuit, ac situ paene, carieque confecta erat, uisum mihi est illam ad te mittere, quem, quamuis multis magnisque negotiis distentum esse sciam, tamen toto animo literarum studia, et ingenuas artes amare cognoui.
Ce labeur qui est le mien sera un jour rendu public et sera utile, je l’espère, aux études des belles lettres. En réalité, lorsque l’Electre d’Euripide, qui jusqu’alors gisait dans les ténèbres, est parvenue entre mes mains, détériorée, attaquée par la moisissure, dans un état de décrépitude avancée, j’ai jugé bon de te l’envoyer : tu es, j’en ai conscience, occupé par maintes affaires importantes, mais je sais que tu aimes de tout ton cœur l’étude des lettres et des arts libéraux.
Arbitror nam hoc munusculum tibi, et ob poematis excellentiam, et ob auctoris nobilitatem non parum gratum fore. Tu uero quum ipse diligenter legeris, si tibi uidebitur, aliis etiam legendam, ac formis quoque excudendam dabis. Quod quia te cunctis in rebus publicorum commodorum stodiosum cognoui, omnino puto esse facturum.
Ce petit présent, je pense, tant pour l’excellence de sa composition que pour la noblesse de son auteur, te sera fort agréable. Et, quand tu l’auras lu attentivement, si tu le juges opportun, tu pourras le donner à lire à d’autres, et le faire imprimer. Et, parce que je sais que tu es attaché à tout ce qui est de l’ordre du bien public, je pense que tu le feras.
E tenebris autem illam primum eruerunt ingeniosi, eruditique adolescentes, ciues nostri, Bartholomeus Barbadorus, ac Hieronymus Meus, quum uetera huius poetae exemplaria, ut iam editas Tragoedias multis mendis scatentes cum illis conferrent, undique conquirerent, ac sedulo illa pertractarent, statimque ad me attulerunt, quo duce illi in studiis literarum usi sunt. Ipse postea accurate lectam, et non paucis locis purgatam (praecipue autem personae perturbatae erant) quae a te quoque legeretur, dignam esse existimaui.
Bartolomeo Barbadori et Girolamo Mei, jeunes gens instruits et intelligents l’ont d’abord tirée des ténèbres, alors qu’ils cherchaient de tous côtés de vieux exemplaires de ce poète, pour les comparer aux tragédies déjà publiées, qui regorgeaient d’erreurs à corriger, et examinaient scrupuleusement ces vieux exemplaires, et ils me l’ont apportée immédiatement : c’est moi qu’ils ont eu comme guide dans l’étude des lettres. Après l’avoir lue attentivement en personne, et l’avoir corrigée en maints endroits (les personnages, surtout, avaient été inversés), j’ai estimé qu’elle était digne que tu la lises également.
Quin autem illa Euripidis sit dubitari non posse arbitror, praeterquam enim quod inter medias eius poetae fabulas in uetustissimo codice interiecta est, testimonio antiquorum scriptorum id liquido confirmatur, qui inde exempla saepe sumunt. Stilus quoque id, et elegantia Sermonis manifesto declarant. Vnde autem hoc boni, quicquid est, manauerit, significare etiam tibi, aliisque non inutile existimaui, ne et illis sui laboris merces eriperetur, et ut quotidie magis, magisque ad laudem ea degustata, excitarentur.
Qu’elle ait été écrite par Euripide, je pense que c’est indubitable : outre le fait qu’elle ait été entreposée au milieu de pièces de ce poète dans un très vieux manuscrit, cela est confirmé avec certitude par le témoignage d’auteurs anciens, qui puisent souvent leurs exemples de cette pièce. Le style et l’élégance de la langue en sont aussi des preuves indiscutables. D’où proviennent ces qualités, quelles qu’elles soient, j’ai pensé qu’il n’était pas inutile de te le faire savoir même à toi, et aux autres, afin que la récompense de leur labeur ne leur soit pas arrachée, et que le goût de cette récompense les incite toujours plus chaque jour à chercher la gloire.
Nam quod tibi eam mittendam statui, non dici potest quantopere illi gauisi sint : sunt enim mirum in modum amplitudinis, dignitatisque tuae amatores, et incredibiles animi tui dotes (ut debent) admirantur. Quod quum sua sponte faciant (cui enim cognita non est eruditio, probitas, humanitas, admirabilis quaedam naturae tuae comitas, qua omnium animos, eorum etiam, qui te semel uiderunt, tibi concilias ?), faciunt etiam hortatu meo, ac crebra tuarum illarum praeclarissimarum uirtutum praedicatione.
En effet, il est impossible de te dire la joie qu’ils ont éprouvée à l’idée que je décide qu’il fallait t’envoyer le texte. Ton prestige, ta dignité leur plaisent énormément, et ils admirent (comme il se doit) les incroyables qualités de ton esprit. Quoiqu’ils agissent ainsi de leur propre initiative – qui, en effet, ignore ton érudition, ta loyauté, ta culture, cette sorte de douceur admirable de ta nature, grâce à laquelle tu gagnes le cœur de tous ceux, le leur compris, qui t’ont rencontré une seule fois ? –, je les y exhorte également, de même que les y poussent les fréquents éloges que l’on fait de ces vertus très remarquables qui sont les tiennes.
Ipse sane, quum semper te dilexerim, nunc uero tantis bonorum gradibus merito auctum, colam, ac nonnulla, quae non omnino uacua consilio mihi fuisse uidentur, aliquando fecerim, nihil unquam mihi sapientius fecisse uideor, et in quo mihi magis placeam, quam quod mature ingenii tui dignitatem perspexi, et exorientes laudes tuas quantum potui, celebraui, demumque te mihi unum praecipue semper obseruandum esse duxi.
Moi-même, alors que je t’ai toujours apprécié, et que je t’honore, à présent que te voilà promu à de telles dignités et alors que j’ai réalisé certaines choses qui ne me semblent pas vides de sens, je n’ai jamais rien fait qui me paraisse avoir été plus sage, et qui m’ait procuré plus de satisfaction, que d’avoir contemplé assez tôt la grandeur de ton génie, et d’avoir célébré autant que faire se peut ta gloire naissante, et enfin de t’avoir surtout accordé mon respect.
Sed nimis prouectus sum, quum tamen paruam partem tuarum uirtutum attigerim, amor autem idem ille, et ingens admiratio tui me ultra quam nunc oportebat abripuit, atque asportauit. Vale, et me ama. Florentiae, Pridie Calendarum Martis, 1545
Mais je me suis laissé emporter trop loin, même si je n’ai évoqué qu’une mince part de tes qualités ; mais c’est mon amour pour toi, qui demeure inchangé, et mon admiration pour toi qui m’ont enlevé et transporté plus loin que nécessaire. Adieu, et conserve-moi ton amitié. Florence, veille des Calendes de Mars 1545