Présentation du paratexte
Vera nobilitate praestanti, reuerendo Domino Iulio Commerstadio Praeposito Misnensi D. S. colendissimo M. Matthaeus Heuslerus Salutem dat.
Au révérend Julius Commerstadius, empreint d’une vraie noblesse, très honorable prévôt de Meissen, Matthieu Heusler donne le bonjour.
Diu multumque ueritus sum, eximie Iuli, si quid mearum explicationum ederem in publicum, ne id in multorum reprehensionem incurreret, quod sint nostro saeculo delicata plerorumque et exquisite culta ingenia, neque facile ferant, nisi studio atque arte quadam singulari elaborata.
J’ai longtemps eu la grande crainte, remarquable Julius, au cas où j’en vienne à publier un peu de mes commentaires, qu’ils encourent de nombreux reproches, parce que notre époque compte beaucoup d’esprits délicats et pleins d’une culture exquise, qui ne supportent pas facilement ce qui n’est pas réalisé avec un soin et un art particuliers.
Sed impulit tamen me, magna erga studiosos beneuolentia, ut hunc metum deposuerim, atque persuaserim mihi, non posse quenque hoc meum studium, honeste saltem, reprehendere, cum id a me spectetur, ut consulam egenis, et praeceptore destitutis, aut alioqui aetate ita prouectis, ut his initiis linguae Graecae operam sub praeceptoribus dare uel non uacet, uel pudeat.
Mais l’impulsion m’est tout de même venue de la grande bienveillance qu’on a pour les savants, en sorte que j’ai renoncé à cette crainte et me suis persuadé que l’on ne pouvait, du moins honnêtement, me reprocher ce travail alors que mon but est d’agir pour les pauvres, privés d’un professeur, ou encore pour des gens trop âgés que le temps ou la honte empêche de consacrer de l’énergie à l’initiation au grec avec un professeur.
Sunt enim plurimi, ut ingenio acuti, atque ad bonas artes natura propensi, ita, quod ad sumptus in praeceptores faciendos attinet, egeni qui uelint nolint coguntur hanc linguam deserere.
Car ils sont nombreux ceux qui à la fois sont intelligents et poussés naturellement à s’instruire mais, pour ce qui est du prix à consacrer à des leçons, trop pauvres et obligés, malgré eux, d’abandonner le grec.
Quod si uero huiusmodi ratione adiuuentur, spes non dubia est, quin et in his literis perseueraturi sint, et magnos in illis progressus facturi, atque olim rei publicae Christianae multum profuturi.
Mais pour peu qu’on les aide de cette façon, on peut entretenir l’espoir réaliste qu’ils persévèreront dans l’étude, qu’ils y feront de grands progrès et, un jour, se rendront fort utiles à la chrétienté.
Id conicimus ex non paucis, qui eamdem ob causam de harum literarum studio non sine magno dolore decedere, coacti fuerunt.
J’en fais le pari sur l’exemple de ceux qui, nombreux, pour ce motif, ont été contraints de renoncer avec d’infinis regrets à cette culture littéraire.
Sunt multi, qui ad gradus altiores conscenderunt, et careant tamen huius linguae cognitione.
Beaucoup sont arrivés à des grades assez élevés sans avoir néanmoins acquis la connaissance du grec.
Sunt alii, qui hanc aetatem iam egressi sint, cuius est horum initiorum studium.
D’autres encore ont dépassé l’âge d’en apprendre les rudiments.
Hi omnes labore hoc nostro iuuabuntur atque hoc commentario, ceu muto praeceptore, uti poterunt.
Tous ces gens bénéficieront de notre travail et pourront utiliser ce commentaire comme un professeur muet.
Fuerunt uero mihi hac in re etiam hortatores primum aliquot discipuli mei, qui de mea disciplina egressi, dignitatem altiorem coeperunt, petieruntque ut hac opera liceret ipsis mearum explicationum participes fieri.
Mais j’ai eu dans cette entreprise comme premiers promoteurs plusieurs de mes élèves qui, ayant quitté mon cours et commencé une belle carrière, m’ont demandé, avec le même but que moi, la permission de participer à mes annotations.
Deinde uir eximius D. Georgius Celerus, sacrarum literarum Doctor, proximo anno in Christo defunctus.
Ensuite, M. Georgius Celerus, homme remarquable, docteur en théologie, mort dans le Christ l’année dernière.
Cuius censura et iudicium equidem, nunquam parui feci, quod in Dresdensis ludi literarii administratione olim per aliquot annos plurimum mihi profuerit.
Son opinion, son jugement ont toujours beaucoup compté pour moi, parce que, dans l’administration de la faculté des lettres de Dresde, naguère, pendant plusieurs années il m’a rendu d’éminents services.
Qui initio id effecerunt, ut similia his scholia in Odysseam Homeri conscripserim, publicaturus etiam ea, si non et maximos sumptus requirerent, et editionis alea, praesertim prima, dubia esset.
Leur action a d’abord eu pour effet que j’ai consigné des scholies comparables à celles-ci sur L’Odyssée d’Homère, que j’aurais même publiées si elles n’exigeaient d’importants frais et que les risques d’une édition, surtout la première, n’étaient réels.
Ne tamen illorum uoluntati prorsus refragarer, et aduersarer cohortationi, conscripsi has explicationes in primam tragoediam Euripidis, cui nomen est Hecuba quae et mediocri sumptu egere, et minus periculum habere, uisae sunt.
Néanmoins, pour ne pas paraître trop rétif à leur demande et hostile à leurs encouragements, j’ai consigné mes notes à la première tragédie d’Euripide, intitulée Hécube, qui m’ont paru ne pas réclamer trop de dépenses et ne pas être trop risquées.
Quarum tamen editionem, etiamnum distulissem, nisi approbauisset eam Ioachim Camerarius, uir ut ceterarum artium, ita huius literaturae peritissimus.
Mais cette édition, j’aurais continué à la différer si elle n’avait été approuvée par Joachim Camerarius, un homme expert dans tous les arts et surtout en littérature grecque.
Et poteram sane, ut idem in epistola sua ait, quicquid id est, uel temporis, uel operae, quod his dedi, in rei Medicae, aliarumque partium Philosophiae studium maiore et fama et emolumento meo ponere (nam multis annis illi incubui et erant mihi ad hoc non contemnenda adiumenta, de quibus nunc dicendum non est).
Et j’aurais même tout à fait pu, comme il le dit lui-même dans son épître, dépenser ce que j’ai consacré de temps et d’énergie à ces notes à une étude de médecine ou d’une autre partie de la philosophie plus rémunératrice en gloire et en argent (car pendant de longues années c’est ce que j’ai fait, et j’y avais un don non négligeable ; mais ce n’est pas le moment d’en parler).
Sed placuit mihi semper haec humaniorum literarum ratio, licet lucrosa non sit, et hoc etiam tempore perplacet, non ob id modo, quod plurimos posse iuuare, sed etiam quod ipsi Deo, ad quem nobis referenda sunt omnia, gratissima esse uideatur.
Mais j’ai toujours eu du goût pour la discipline des sciences humaines, bien qu’elle rapporte peu, et aujourd’hui encore elle me séduit, non pas seulement parce qu’elle semble pouvoir bénéficier au plus grand nombre, mais aussi parce que Dieu même, à qui nous devons tout rapporter, la trouve fort agréable.
Extant quidem tum in hanc, tum in aliquot alias huius poetae tragoedias Graeca scholia, sentient tamen, ut spero, in his nostris plus aliquanto lucis, quam in illis, Graecae linguae studiosi.
Il existe certes, sur Hécube comme sur d’autres tragédies de ce poète, des scholies grecques ; mais, j’espère, les hellénistes trouveront dans les nôtres un peu plus de lumières que dans celles-là.
Nam uidentur Graeci commentatores doctis tantum scripsisse, quos uno atque altero uerbo admonendos esse existimauerunt, quoties obscuritatis aliquid obiceretur et fere paraphrasi sola sententiam eamdem reddidisse, atque exposuisse historias reconditiores, et a suo etiam saeculo remotiores.
Car on dirait que les commentateurs grecs ont écrit seulement pour des savants, qu’ils ont estimé devoir instruire en un ou deux mots, dès que quelque passage obscur se présentait, qu’ils ont fait une simple paraphrase de la même phrase et qu’ils ont résumé des histoires compliquées inconnues même de leur époque.
Quae ad argumenti quidem ordinem atque inuentionis seriem intelligendam multum momenti habent, ad uerborum tamen uim atque proprietatem percipiendam non ita conferunt, quam sciebant sui saeculi hominibus perspectam esse.
Tout cela compte beaucoup pour comprendre l’ordre de l’argument et la suite de l’invention, mais pour percevoir le sens et la particularité des termes, cela a moins d’importance, puisqu’eux-mêmes savaient que les gens de leur époque les comprenaient.
Nobis, ad huius generis scriptores recte intelligendos, multis praeterea rebus aliis opus est, quas in his explicationibus diligenter, sed paucis tamen, persecuti sumus, ne commentarius in nimiam magnitudinem cresceret.
Mais nous, pour bien comprendre les écrivains de ce genre, nous avons besoin aussi de bien autre chose et c’est ce que, dans mes notes j’ai tâché de proposer, mais en petit nombre, pour éviter que ce commentaire ne prenne une dimension excessive.
Sententias enim et carmina numeris suis distinximus, ut citius inueniri possit, si quid quaeratur.
Car nous avons numéroté les vers, pour qu’on puisse trouver plus vite ce qu’on cherche.
Subiecimusque initio Graecos uersus, deinde translationem Latinam.
Et nous avons mis au début les vers grecs puis leur traduction latine en dessous.
Et retinuimus fere ueterem, quae Dorothei Camilli nomine circumfertur, nisi quod uerborum ordinem non raro mutauerimus (nam uerbum uerbo, quodque suo loco, opponere noluimus, ut oratio, hyperbatis multis sublatis, planior esset, atque intellectu facilior) et non paucas sententias clarius reddidimus, uerborum etymon secuti.
Et nous avons gardé celle, déjà ancienne, qui circule sous le nom de Dorotheus Camillus1, hormis que nous avons assez souvent changé son ordre des mots (car nous n’avons pas voulu une traduction mot à mot, chacun à sa place, pour que la phrase, par la suppression de nombreuses hyperbates, fût plus claire et plus facile à comprendre) et plusieurs expressions ont été éclaircies par l’étymologie.
Postea addidimus explicationem singularum uocum, quae illa indigere sunt uisae.
Puis nous avons ajouté une notice lexicologique sous tous les mots qui semblaient le nécessiter.
In qua id fecimus, ut uel a prima origine eas eruerimus, uel certe unde satis esse putauimus, ad uerborum significationem perspicue cognoscendam.
Pour ce faire, nous avons entrepris de révéler leur origine première ou du moins celle que nous avons jugée suffisante pour connaître exactement le sens des mots.
Schemata et tropos ostendimus, amplificationes et argumentorum locos aperuimus, protulimusque argumentationes.
Nous avons signalé les figures et les tropes, révélé les amplifications et les lieux de l’argumentation et mis en avant les arguments.
Sicubi physicum quippiam, aut ethicum occultauit Poeta, siue id pictura, siue allusione, siue aliis modis fecisse uisus est, de eo quam potuimus paucissimis diximus, secuti potissimum Platonem, Aristotelem, Galenum et huius notae aliquot scriptores.
Quand une référence cryptée de physique ou de morale est faite par le poète, que ce soit par le biais d’une image, par allusion ou un autre moyen, apparemment, nous l’avons signalée le plus brièvement possible, en suivant principalement Platon, Aristote, Galien et quelques auteurs de cet acabit.
Nam in hoc poeta nihil otiosum esse sensimus, si quis modo expendat singula.
Car il n’y rien de gratuit chez ce poète, à notre avis, pour peu qu’on pèse chaque détail.
Depingit miro ingenii acumine atque ob oculos ponit, affectus hominum omnis generis, regum, principum, nobilium, uirginum, feminarum, matronarum, adolescentum et seruorum, idque nunc in secundis, mox in aduersis rebus.
Il peint avec une incroyable acuité et met sous nos yeux les caractères des hommes de toute sorte, rois, princes, nobles, jeunes filles, femmes, épouses, jeunes gens et esclaves, et ce, tantôt dans le succès, tantôt dans le malheur.
Spectauitque quid quemque ubique deceat.
Il a respecté les convenances de chaque caractère en toute occasion.
Quae ratio ad mores humanos formandos, componendosque multum confert.
Cette façon de faire sert beaucoup à forger et à composer le caractère des hommes.
Nam quod philosophi uerbis praecipiunt, id effingunt poetae personarum uel facta, uel affectus describentes.
Car ce que les philosophes prescrivent par des mots, les poètes le réalisent en décrivant les actions et les passions de leurs personnages.
In qua re praeclarus est Euripides, ne quid nunc de aliis dicam.
Et dans ce domaine, Euripide excelle, pour ne rien dire du reste.
Non enim ea modo praestitisse animaduertitur, quae huius generis, et eximiae prudentiae atque summi ingenii propria esse ducuntur, sed interdum plane etiam disseruit ex intima philosophiae quasi penu depromptas res atque sententias, uulgo nequaquam usitatas atque notas.
Car on remarque que sa supériorité n’est pas seulement dans ce qui passe pour être le propre de ce genre, une remarquable intelligence et un talent suprême, mais parfois même c’est au cœur de la philosophie qu’il va chercher ses actions et ses phrases, entièrement inédites et inconnues du vulgaire.
Id quod et apud indoctos inuidiae illi fuit, apud alios admirationi et laudi tantae, ut non dubitarint quidam, Scenicum Philosophum2 hunc nominare.
Ce qui lui a valu la jalousie des incultes lui a mérité chez les autres tant d’admiration et de louanges que certains n’ont pas hésité à l’appeler le philosophe de la scène.
Cicero
certe, ut scimus, scribens Tironi, said
3
Cicéron du moins, nous le savons, dans une lettre à Tiron, écrit que chaque vers d’Euripide est pour lui comme un témoignage particulier.
Demisimus uero nos etiam ad nominum atque uerborum, casus, personas, tempora et modos, linguarumque uariationes, ut iis quoque prodesse possint hae explicationes, qui declinationum et coniugationum rationes atque formulas uel mediocriter didicere.
Nous avons même été jusqu’à indiquer, pour les noms et verbes, les cas, personnes, temps, modes et les variantes dialectales, pour que ces annotations puissent servir aussi à ceux qui ont appris même médiocrement les types et les tableaux de déclinaisons et de conjugaisons.
Sumusque hoc libentius hanc formam secuti, quod eam olim in uiris doctissimis, dum has literas Lipsiae docerent, uidimus.
Et nous avons d’autant plus volontiers adopté ce format que nous l’avons vu pratiquer naguère chez les plus savants, quand ils étudiaient les lettres à Leipzig.
Primum in Petro Mosellano, quem praematura mors bonis literis abripuit.
D’abord chez Petrus Mosellanus, qu’une mort prématurée a arrachée aux belles lettres.
Deinde in Iacobo Ceratino, qui quantus in literis fuerit, satis in epistolis suis D. Erasmus declarauit4.
Puis chez Jacobus Ceratinus, dont l’importance dans la critique a été suffisamment établie par la correspondance d’Érasme.
Multum mihi tum arrisit haec ratio, quamuis in his literis adhuc rudi.
Cette méthode m’a alors souri, même quand j’étais débutant en grec.
Nam non longe ultra declinationum et coniugationum cognitionem tum progressus eram, quas didiceram a uiro, et eruditione, et pietate ornatissimo, Valentino Trotschendorfio, primo in his literis praeceptore meo.
Car je n’avais guère dépassé la connaissance des déclinaisons et conjugaisons, que j’avais apprises auprès d’un homme brillant de culture et de piété, Valentin Trotschendorf5, mon premier professeur de grec.
De qua re facio ex meipso coniecturam, fore ut et aliis haec ratio explicandi non omnino displiceat.
Je tire de cette expérience l’hypothèse que d’autres aussi goûteront beaucoup cette méthode d’explication.
Si qui uero eam sequuti fuerint, facile intelligent, quam conferat ipsa ad quosuis scriptores recte atque cum usu non exiguo excutiendos.
Quand ils l’auront suivie, ils comprendront facilement ce qu’elle apporte à l’éclairage précis et qui ne soit pas à courte vue de n’importe quel auteur.
Pertingent enim hac uia, ex uocum origine, siue simplices, siue compositae, siue aliunde ductae fuerint, siue innouatae, siue ex rei imitatione factae, ad ueram ipsarum significationem.
Car ils toucheront de cette manière, par l’origine des mots, qu’ils soient simples, composés ou dérivés, néologismes ou formés par imitation, à leur signification authentique.
Perspicient metaphoras, synecdochas, metonymias, antonomasias, ut ne recenseam onomatopoeias, metalepses et tropos reliquos, qui nescio an possint uia alia certius peruideri.
Ils examineront des métaphores, des synecdoques, des métonymies, des antonomases, pour ne pas parler des onomatopées, métalepses et des autres tropes, qui ne sont peut-être pas perceptibles d’une façon plus claire.
Videbunt allusiones, deprehendent ueterum dogmata, et multa his similia in iis utique auctoribus qui scripta sua huius generis rationibus excoluerunt.
Ils verront les allusions, appréhenderont les opinions des anciens et beaucoup d’autres informations comparables qu’on trouve chez les auteurs qui ont embelli leurs œuvres de procédés de ce type.
Quid enim uestiges in eorum chartis, qui haec uel non tenuerunt, uel non adhibuerunt ?
Car que rechercher dans les textes de ceux qui n’ont pas connu ou pas appliqué ces procédés ?
Homerus certe, et Euripides, ut de aliis quibusdam, qui in nostras manus uenerunt, nequid dicam, eximie in his omnibus eruditi fuerunt.
Homère, bien sûr, et Euripide, pour ne rien dire de quelques autres que nous avons maniés, ont été particulièrement remarquables dans tous ces ornements.
Et poemata sua huiusmodi ceu luminibus illustrauerunt.
Et ils ont illuminé leurs poèmes de ces sortes de lumières.
Ac de Homero quidem, quem constat omnis eruditionis et liberalis doctrinae esse fontem, nunc neque dicendum est, neque omnino breuiter dici potest.
Et sur Homère, qui est reconnu comme la source de toute érudition et de tout savoir cultivé, ce n’est pas le lieu de parler et on ne peut rien en dire de bref.
Quod si secundum hunc Euripidi primas tribuam ad usum, cultumque bonarum artium, et studiorum humanitatis, illiusque scripta omnibus ingenii luminibus resplendere dicam, non uereor, nequis meum iudicium, uera sententia, condemnare possit.
Mais si derrière lui je donne la primauté à Euripide pour l’usage et la pratique de la culture et des sciences humaines et si j’affirme que ses pièces brillent de tous les éclats de l’esprit, je ne crains pas qu’on vienne, à dire vrai, condamner mon jugement.
Sed lucent tamen haec lumina iis tandem, qui aut ipsi hac uia illa penetrant, uel ab iis erudiuntur, qui ceu digito norunt ea ostendere.
Toutefois, ces éclats étincèlent finalement pour ceux qui, d’eux-mêmes, connaissent la route pour y pénétrer ou suivent les cours de ceux qui savent les montrer pour ainsi dire du doigt.
In qua re habes, Iuli, uera nobilitate exornate, artificem D. Georgium Fabricium, uirum doctissimum, quem quasi in os ut laudem, neque me decet, et ipse certe non uult.
Pour ce faire, tu as, Julius, homme empreint d’une vraie noblesse, un orfèvre en la personne de Georgius Fabricius, homme très savant qu’il ne me sied pas de louer presque en face à face, chose que lui-même, bien sûr ne voudrait pas.
Satis eum laudabit tota posteritas.
La postérité se chargera suffisamment de sa louange.
Qui licet tibi, haec omnia indies ob oculos ponat, atque digito, ut dicitur, ostendat, non potui tamen ego committere, ut non praeberem, in te colendo, aliquam saltem significationem memoris et grati animi, erga magnificum uirum parentem tuum (qui eruditione, industria et prudentia hanc nobilitatem tibi atque posteris suis peperit) ob sua olim in me collata beneficia, quibus mei studii rationes post Martinum Titium, in philosophia praeceptorem meum, praecipue promouit.
Bien que Fabricius te mette tout cela chaque jour sous les yeux et te le montre du doigt, comme on dit, je n’ai pas pu me résoudre à ne pas moi aussi t’offrir, en t’honorant, au moins un témoignage de mon souvenir et de ma gratitude à l’égard de cet homme magnifique qu’est ton père6 (qui par son érudition, son énergie et sa prudence a engendré chez toi et tous les siens cette noblesse), pour les bienfaits qu’il m’a naguère prodigués, quand il a notamment, après Martinus Titius, mon professeur de philosophie, encouragé le cours de mes études.
Quapropter tibi Reuerende et Clarissime Iuli, dedico has lucubrationes, primum in edendo fetum meum, optoque ut et illi, dum in studiosorum manibus fouetur, Ἰούλοι feliciter proueniant, gratiamque et fauorem ita concilient, ut tu hac aetate, qua iam flores, παρὰ τοῖς ἰούλοις γενείων τε καὶ πάσης ἀρετῆς ἰούλιος appellaris, et magnam obtines apud omnes gratiam.
C’est pourquoi c’est à toi, révérend et très illustre Julius, que je dédie ces fruits de mes veilles, ma première production éditée, et je souhaite que, pendant que les mains des étudiants le réchauffent, des chatons7 lui poussent et lui concilient crédit et faveur, de même que toi, à l’âge des fleurs, tires ton nom Julius de l’inflorescence qui couvre ton menton et toute ta vertu et reçois de chacun une grande estime.
Te uero precor ut hunc commentarium meum benigne suscipias, tuoque auspicio libenter publicari patiaris.
Je te prie de recevoir mon commentaire avec bienveillance et d’accepter volontiers de le voir publier sous ta recommandation.
Quod si quid commodi ex eo perceperint Graecae linguae studiosi, id tibi, et Magnifico Viro parenti tuo acceptum ferent, quibus hoc opere memorem et gratum animum studiose significare uolui.
Et si les hellénistes en retirent quelque bénéfice, ils diront que toi et ton noble père l’avez bien accepté, vous à qui, par cet ouvrage, j’ai voulu signifier de façon studieuse mon souvenir et ma gratitude.
Vale, et me fauore tuo complectere.
Adieu et entoure-moi de ta faveur.
Lipsiae Kalendis Decembris Anno M.D.L.IIII.
Leipzig, 1er décembre 1554.