Euripidis uita Guilielmo Xylandro Augustano autore.
Guilelmus Xylander

Présentation du paratexte

list Bibliographie :
  • Micha Lazarus, ‘Tragedy at Wittenberg: Sophocles in Reformation Europe’, Renaissance Quarterly, 73 (2020), 33–77 .
  • Michael Lurje, ‘Misreading Sophocles: Or Why Does the History of Interpretation Matter?’, Antike Und Abendland, 52 (2006), 1–15
  • Michael Lurje, ‘Facing up to Tragedy: Toward an Intellectual History of Sophocles in Europe from Camerarius to Nietzsche’, in A Companion to Sophocles (Blackwell Publishing Ltd., 2012), pp. 440–61.
Traduction : Sarah GAUCHER

Euripidis uita Guilielmo Xylandro Augustano autore.

Vie d’Euripide par Guilelmus Xylander d'Augsburg.

Euripides patrem habuit Mnesarchum, siue Mnesarchidem cauponem ; matrem Cleitonem, quam olera uendidisse e Theopompo Gellius refert.1

Euripide eut pour père l’aubergiste Mnésarque ou Mnésarchide et pour mère Cleito, dont Aulu-Gelle dit, en se fondant sur Théopompe, qu’elle était une marchande de légumes.

Philochorum Suidas autorem citat, qui eam cumprimis nobilem fuisse perhibuerit.2

Suidas convoque l’auteur Philochore qui a en premier permis de la faire connaître.

Natus est in Salamina insula ante Athenas sita, ea ipsa qua nauali proelio uictus est a Graecis Xerxes, Olympiade LXXV anno ab Vrbe condita CCLXXIII.

Il naquit sur l’île de Salamine, située devant Athènes, celle-là même où Xerxès fut vaincu par les Grecs dans un combat naval, l’année de la soixante-quinzième Olympiade, deux-cent-soixante-treize ans après la fondation de Rome.

Patri eius Chaldaei praedixerunt, fore ut is puer, cum adoleuisset, in certaminibus uictor coronaretur.

Les Chaldéens prédirent à son père que cet enfant, alors qu’il aurait grandi, serait couronné dans les concours.

Itaque ad hoc a patre institutus, ut esset athleta, Athenis Eleusinio et Theseo certaminibus coronas meruit.

C’est pourquoi, formé par son père à l’athlétisme, il remporta à Athènes des couronnes pour des concours aux Eleusinia et aux Thesea.

Pictorem quoque fuisse in otio tradunt, et tabulas ab eo pictas Megaris aliquando conspectas fuisse.

On raconte qu’il s’est également adonné à la peinture et que des tableaux qu’il avait peints se voyaient jadis à Mégare.

Inde ad liberalia studia cum se contulisset, Prodicum sophistam, et Socratem, Anaxagoramque Clazomenium, philosophos audiit.

Ensuite, alors qu’il s’était dirigé vers les études libérales, il entendit le sophiste Prodicos, et les philosophes Socrate et Anaxagore de Clazomènes.

Quid profecerit, quantumque et ingenio et doctrina et ui dicendi ualuerit, non uideo quorsum attineat referre : nam ex scriptis eius facile intelligi id a non pinguis ingenii hominibus potest.

Ses progrès et la valeur de son esprit, de son savoir et de la force de son discours, je ne vois pas pourquoi il serait nécessaire de le rappeler : en effet, ceux qui n’ont pas l’esprit trop lourdaud peuvent facilement le tirer de ses écrits.

Ceterum Anaxagoram ut uidit ob quasdam nouas opiniones prolatas in discrime uitae peruenisse, missam fecit philosophiae professionem, animumque ad scribendas Tragoedias appulit, annos natus duodeuiginti3, ut Gellius refert : certasse eo in genere primum anno aetatis uigesimo et quinto scribitur.

Du reste, lorsqu’il vit qu’Anaxagore avait mis sa vie en péril pour avoir présenté des opinions nouvelles, il renonça à la profession de philosophe et se mit en tête d’écrire des tragédies à dix-huit ans, comme le rapporte Aulu-Gelle : on écrit qu’il a concouru pour la première fois dans ce genre à vingt-cinq ans.

De numero dramatum, quae conscripserit, non satis constat, sicut neque de uictoriis.

Le nombre des pièces qu’il a écrites n’est pas bien établi, pas plus que ses victoires.

Dramata alii septuagintaquinque, alii nonaginta duo, in quibus fuerint octo Satyrica, numerant : Suidas (siue hoc a se, siue ab alio quodam, ut pleraque alia, notatum auctore scripserit) superesse septuagintaseptem4 ait.

Certains dénombrent soixante-quinze pièces, d’autres quatre-vingt-douze, parmi lesquelles huit drames satyriques : Suidas (soit qu’il ait écrit cela de lui-même, soit qu’il l’ait emprunté, comme beaucoup d’autres choses, à un autre auteur) dit que le nombre dépasse soixante-dix-sept.

Hodie extant octodecim.

Aujourd’hui, il en reste dix-huit.

Vicisse illi decies et quinquies affirmant, alii quinquies modo, ita quidem, ut postremam mortuus Euripidis e fratre nepotis opera uictoriam sit consecutus.

Certains affirment qu’il a remporté quinze victoires, d’autres seulement cinq, bien qu’après sa mort, il ait obtenu une dernière victoire grâce à Euripide, le petit-fils de son frère.

Moribus usum fuisse austeris et a risu atque confabulatione abhorrentibus multi tradidere eoque nomine etiam ab Aristophane exagitatur itemque mulierum maximum fuisse osorem.5

Beaucoup ont rapporté qu’il avait des mœurs austères et détestait le rire et les discussions, qu’Aristophane le critique à ce titre et que, de même, il était plein de haine envers les femmes.

Cui quidem rei argumento esse possunt tam crebrae atque acerbae muliebris sexus, apud eum passim extantes etiamnum, infectationes, etsi haud scio an, priuata offensa domesticoque incommodo impulsus, inde in omnes feminas ita inuectus fuerit.

En effet ses attaques si fréquentes et si acerbes à l’encontre du sexe féminin, qui demeurent aujourd’hui encore partout dans son œuvre, peuvent donner matière à cette assertion, bien que j’ignore s’il a attaqué toutes les femmes, parce qu’il y avait été poussé par une offense privée et un problème domestique.

Nam cum prius uxorem habuisset Melitto, indeque ea repudiata Choerilam Mnesilochi filiam duxisset, ex qua ei nati sunt tres filii, Mnesarchides negotiator, Mnesilochus histrio, et Euripides rhetoricae studiosus, hanc in adulterio cum Cephisophonte fabularum actore deprehendit.

Car, alors qu’il avait eu d’abord comme épouse Melitto et qu’ensuite, après l’avoir répudiée, il avait épousé la fille de Mnésiloque, Choerilé, de qui il eut trois fils, le marchand Mnésarchide, l’histrion Mnésiloque et le rhéteur Euripide, il la surprit en plein adultère avec l’acteur Céphisophon.

Sunt qui priorem hanc ei uxorem fuisse, ac posteriorem eum parum pudicam expertum autument.

Il y a des hommes qui pensent qu’elle fut sa première épouse et qu’il fit l’expérience d’une seconde épouse peu chaste.

Vt ut res habet, de illo inter auctores conuenit, labe hac et dedecore domestico affectum, praesertim cum a Comicis exagitaretur, relictis Athenis ad Archelaum Macedoniae regem commigrasse, ibique reliquum uitae summo in honore habitum exegisse.

Quoi qu’il en soit, les auteurs conviennent à son propos que, blessé par cette souillure et ce déshonneur domestique et surtout par les moqueries des comiques, il quitta Athènes et émigra chez le roi de Macédoine Archélaos, et qu’il passa là-bas le restant de ses jours dans la plus grande considération.

Mortuus est in Macedonia agens, annos circirer septuaginta quinque natus, siquidem uerum est, quod fertur, Olympiade nonagesimatertia eum uita excessisse.

Il mourut en Macédoine, âgé d’environ soixante-quinze ans, si du moins il est vrai que, comme on le dit, sa vie s’étendit au-delà de la quatre-vingt treizième Olympiade.

De morte etiam eius non conuenit inter scriptores.

Les auteurs ne s’accordent pas non plus sur sa mort.

Qui a canibus discerptum narrant, ne hi quidem consentiunt, cum alii in luco quodam meditantem a canibus regis Archelai forte tum uenatum exeuntis dilaniatum, alii Lysimachum regis famulum decem minis ab Aridaeo Macedone et Crateua Thessalo poetis Euripidis aemulis corrumptum, ei a cena redeunti, regios, quos ipse alebat, canes immisisse6 dicant.

Ceux qui disent qu’il fut mis en pièces par des chiens ne sont pas non plus d’accord entre eux puisque les uns disent que, méditant dans un bois, il fut déchiqueté par les chiens du roi Archélaos qui y venait d’aventure chasser, les autres que Lysimaque, l’esclave du roi, que le macédonien Aridaeus et le thessalien Cratevas avaient corrompu contre dix mines, lâcha sur lui, alors qu’il revenait de son repas, les chiens royaux qu’il nourrissait.

Sunt qui non a canibus, sed a mulieribus laceratum perhibeant, cum noctu ad Archelai amasium Crateuam aut (ut alii ferunt) uxorem Nicodici Arethusii commearet7.

Il y a des auteurs qui l’ont imaginé mis en pièces non par des chiens mais par des femmes, alors qu’il allait voir de nuit l’amant d’Archélaos, Cratevas ou (aux dires d’autres) la femme de Nicodicos d’Aréthuse.

Sepultus est in Macedonia, ossaque eius Pellam a rege translata ferunt.

Il fut enterré en Macédoine et on dit que ses ossements furent ramenés à Pella par le roi.

Sepulchrum uero eius summo in honore apud Macedones fuisse, Gellius narrat, qui gloriae loco de eo praedicarent : Euripides, semper monimentum erit tuum.8

Mais Aulu-Gelle raconte que les Macédoniens honoraient à tel point son tombeau qu’ils s’écriaient à toute occasion : « Euripide, ce monument sera toujours tien ».

Idem refert Macedones Atheniensium legatis petentibus ut ossa Euripidis ipsis in patriam referenda darentur, constanter id summo cum consensu denegasse.

Le même auteur rapport que les Macédoniens, alors que des légats athéniens demandaient que les ossements d’Euripide leur soient rendus pour les ramener dans sa patrie, ne cessèrent de le leur refuser unanimement.

Sane magnum Atheniensibus omnibus luctum nuntius de morte eius uiri attulit.

Il est vrai que la nouvelle de sa mort plongea tous les Athéniens dans un deuil immense.

Et Sophocles ipse pullam induit uestem, ac sine coronis actores in scenam introduxit.

Et Sophocle lui-même revêtit un vêtement noir et introduisit les acteurs sur scène sans couronne.

Philemon autem Comicus, quanto desiderio Euripidis teneretur, his uersibus declarauit :

Quant au comique Philémon, il a montré dans les vers que voici combien il regrettait d’Euripide :

Si uerum id esset, a quibusdam ut traditum est, Sensum relinqui mortuis, suspendio Finire uitam uellem protinus meam, Meum uidere gestiens Euripidem 9

« S’il était vrai, comme certains nous l’ont rapporté, que l’esprit des défunts demeure après la mort, je voudrais aussitôt mourir par pendaison, parce que j’aurais le plaisir de voir mon cher Euripide ».

Honoratius ei tumulus positus est ab Atheniensibus, eique inscripti a Thucydide historico aut Timotheo carminum scriptore, hi uersus :

Les Athéniens, avec de plus grands égards, lui élevèrent un tertre et l’historien Thucydide ou le poète Timothée y firent inscrire les vers que voici :

Graecia tota quidem est monumentum Euripidis ; ossa Qua uitam eripuit, terra tenet Macedum. Patria, Graecia Graecia Athenae ; plurima, Musis Perpetuo dulcem, laus comitatur eum. 10

« La Grèce tout entière est le tombeau d’Euripide ; la terre de Macédoine, où il perdit la vie, conserve ses ossements. Mais sa patrie, c’est la Grèce, la Grèce, c’est Athènes : une immense louange l’accompagne, lui qui a toujours été agréables aux Muses. »

Extant et alia satis uenusta in hunc poetam elogia, quae Latine a nobis conuersa subiiciemus, etsi scimus hac praesertim in re nos Graecorum uenustate inferiores.

Il reste aussi d’autres éloges de ce poète suffisamment charmants, que nous plaçons ci-dessous et traduisons en latin, même si nous savons que, surtout en cette matière, nous sommes inférieurs au charme des Grecs.

Ionis

Du poète Ion

Perpetuae thalamis, Euripides, abdite noctis, O salue nigris Pieriae in specubus. Infra terram audi, decus immortale paratum Est tibi Maenio gratia parque seni. 11

« Je te salue, Euripide, toi qui possèdes un tombeau éternel dans les grottes de Piérie ; bien que tu sois sous terre, sois assuré que tu seras l’objet d’une gloire éternelle, égale aux grâces éternelles d’Homère. »

In eundem :

Pour le même :

Etsi te miseranda, Euripides, abstulerit mors, et tua membra feri diripuere canes, Dulcisona o scenae philomela, decus patriaeque Qui Sophiae tragicas miscueras Charites : At sub Pelleo tegeris tumulo, hic uti semper Pieridum cultor sis prope Pierides. 12

« Même si une mort affreuse t’a emporté, Euripide et que les chiens ont mis en pièce tes membres, toi mélodieux rossignol de la scène, gloire de ta patrie, toi qui avais mêlé les grâces tragiques à la sagesse, tu es enseveli sous le sol de Pella, afin que, serviteur des Piérides, tu demeures près d’elles. »

In eundem :

Pour le même :

Non equidem bustum hoc Euripidis est monimentum :Sed fama uatis noscitur iste locus. 13

« Ce buste n’est pas le tombeau d’Euripide, mais c’est la gloire du poète qui fait connaître ce monument ».

In eundem :

Pour le même :

Monimentum habes, Euripides, Achaiam Omnem : quid ergo uoce cassus crederis, Vocalis omni qui manebis tempore ? 14

« Toute la Grèce est ton tombeau, Euripide : pourquoi donc te croit-on muet, toi qui chanteras toujours ? »


1. Gell., Noct. 15.20.1.
2. Suid., Lexicon E 3695.
3. Gell., Noct. 15.20.
4. Suid., Lexicon E 3695.
5. Gell., Noct. 15.20.
6. Suid., Lexicon E 3695.17.
7. Suid., Lexicon E 3695.23.
8. Gell., Noct. 15.20.10.
9. Philem., Fragm. 40a Meineke.. Εἰ ταῖς ἀληθείαισιν οἱ τεθνηκότες / αἴσθησιν εἶχον, ἄνδρες, ὥς φασίν τινες,/ ἀπηγξάμην ἂν ὥστ’ ἰδεῖν Εὐριπίδην.
10. Anth. Gr. 7.45.. Traduction en assez mauvais distiques du poème prêté à Thucydide : Μνᾶμα μὲν Ἑλλὰς ἅπασ’ Εὐριπίδου, ὀστέα δ’ ἴσχει / γῆ Μακεδών, ᾗπερ δέξατο τέρμα βίου./ πατρὶς δ’ Ἑλλάδος Ἑλλάς, Ἀθῆναι· πλεῖστα δὲ Μούσαις / τέρψας ἐκ πολλῶν καὶ τὸν ἔπαινον ἔχει.
11. Anth. Gr. 7.43.. Traduction d’Ion : Χαῖρε μελαμπετάλοις, Εὐριπίδη, ἐν γυάλοισι/ Πιερίας τὸν ἀεὶ νυκτὸς ἔχων θάλαμον·/ ἴσθι δ’ ὑπὸ χθονὸς ὤν, ὅτι σοι κλέος ἄφθιτον ἔσται/ ἴσθι δ’ ὑπὸ χθονὸς ὤν, ὅτι σοι κλέος ἄφθιτον ἔσται / aἶσον Ὁμηρείαις ἀενάοις χάρισιν.
12. Anth. Gr. 7.44.. Traduction du poème : Εἰ καὶ δακρυόεις, Εὐριπίδη, εἷλέ σε πότμος, / καί σε λυκορραῖσται δεῖπνον ἔθεντο κύνες, / τὸν σκηνῇ μελίγηρυν ἀηδόνα, κόσμον Ἀθηνῶν, / τὸν σοφίῃ Μουσέων μιξάμενον χάριτα, / ἀλλ’ ἔμολες Πελλαῖον ὑπ’ ἠρίον, ὡς ἂν ὁ λάτρις / Πιερίδων ναίῃς ἀγχόθι Πιερίδων.
13. Anth. Gr. 7.46.. Traduction du poème : Οὐ σὸν μνῆμα τόδ’ ἔστ’, Εὐριπίδη, ἀλλὰ σὺ τοῦδε·/ τῇ σῇ γὰρ δόξῃ μνῆμα τόδ’ ἀμπέχεται.
14. Anth. Gr. 7.47. Traduction du poème : Ἅπασ’ Ἀχαιὶς μνῆμα σόν γ’, Εὐριπίδη·/ οὔκουν ἄφωνος, ἀλλὰ καὶ λαλητέος.