Duo sunt praecipui…
[Mélanchthon]

Présentation du paratexte

Ce paratexte ne comporte ni titre ni auteur. Il est très probable qu’il s’agisse d’un paratexte composé par Mélanchthon, car cette édition imprimée est une édition des traductions latines de Mélanchthon (excepté pour l’Hécube qui est traduite pas Xylander). Xylander explique avoir récupéré par l’intermédiaire d’Oporin les traductions de Mélanchthon, et il est possible que ce court paratexte ait figuré en tête de ces documents, mais qu’il ne s’agisse pas à proprement parler d’un paratexte qui ait été à l’origine pensé pour être une préface à l’édition. Peut-être qu’il s’agit plutôt de notes de cours, puisque Mélanchthon avait donné cours sur les Phéniciennes en 1537.

Bibliographie :
  • Micha Lazarus, ‘Tragedy at Wittenberg: Sophocles in Reformation Europe’, Renaissance Quarterly, 73 (2020), 33–77 .
  • Michael Lurje, ‘Misreading Sophocles: Or Why Does the History of Interpretation Matter?’, Antike Und Abendland, 52 (2006), 1–15
  • Michael Lurje, ‘Facing up to Tragedy: Toward an Intellectual History of Sophocles in Europe from Camerarius to Nietzsche’, in A Companion to Sophocles (Blackwell Publishing Ltd., 2012), pp. 440–61.
Traduction : Alexia DEDIEU

Duo sunt praecipui apud Graecos Tragoediae scriptores, Sophocles et Euripides, quibus Aristophanes palmam tribuit.

Les grecs ont deux auteurs principaux de tragédie, Sophocle et Euripide : c’est à eux qu’Aristophane attribue la palme.

Sed uulgo Sophocles iudicatur grandior, aliquanto magis rhetoricus est Euripides, et plus habet ornamentorum.

On considère habituellement que Sophocle est plus grand, parfois Euripide est plus rhétorique et utilise davantage de figures littéraires.

Adeo charus fuit Graecis, ut Siculi multos captiuos dimiserint, propterea quod aliquas Euripidis tragoedias ab ipsis didicerant, quae tum recentes erant in Graecia.1

Il fut si cher aux Grecs que les Siciliens libérèrent de nombreux captifs, parce qu’ils avait appris d’eux certaines tragédies d’Euripide qui étaient alors nouvelles en Grèce.

Eodem enim tempore uixerunt et Euripides et Sophocles, qui unus etiam fuit ex istis quibus commissa erat cura exercitus aduersus Siculos.

En effet, Euripide et Sophocle vécurent à la même époque : ce dernier fut l’un de ceux auxquels on avait confié le gestion d’une armée contre les Siciliens.

Porro Phoenissae nomen habet a mulieribus quae chorum constituunt.

En outre, Les Phéniciennes tire leur nom des femmes qui constituent le chœur.

Cum enim tragoedia sit imago uitae aulicae seu politicae, habet etiam personas regias, principes et tyrannos, partim bonos, partim malos ; item ministros, per quos res geruntur ; et chorum, qui populum significat.

Puisque la tragédie est une image de la vie de cour ou politique, elle contient également des personnages royaux, des princes et des tyrans, parfois bons, parfois mauvais et aussi des domestiques, qui gèrent les affaires, et un chœur, qui représente le peuple.

Hic nihil admodum agit, nisi quod imperio principum hinc inde rapitur, recte facta laudat, de iniuriis conqueritur, etc…

Il ne parle de rien d’autre que de ce qui est arraché de part et d’autre à l’empire des princes, il vante les actions justes, déplore les injustices, etc…

Hic igitur chorum constituit ex Phoenissis mulieribus, quia Tyro capta, missae erant istae, ut donarentur Apollini pro parta uictoria ad Thebanos tanquam cognatos.

C’est pourquoi ici Euripide compose le chœur de Phéniciennes, parce qu’après la prise de Tyr, celles-ci avaient été envoyées pour être offertes à Apollon en échange d’une victoire des Thébains, pour ainsi dire leurs frères de sang.

Nam Thebani a Phoenissis orti erant.

En effet, les Thébains descendaient des Phéniciens.

Et quidem Cadmum inde appellatum existimant, quia קרם Orientem significat.

Et en tout cas on pense que c’est de là que Cadmus tire son nom, carקרם 2 signifie Orient.


1. Plut., Nic. 29.
2. Prononcer qedem