Gaspari Stiblini Praefatio In Euripidis Troadas
Gasparus Stiblinus

Présentation du paratexte

Bibliographie :
Traduction : Sarah GAUCHER

Gaspari Stiblini Praefatio In Euripidis Troadas

Préface de Gaspar Stiblinus aux Troyennes d’Euripide.

Capta tandem post decennalem obsidionem Troia Graeci omne genus crudelitatis in uictos exercuerunt.

Une fois Troie finalement prise après un siège de dix ans, les Grecs exercèrent tous types de cruauté à l’égard des vaincus.

Priamum enim regem ad ipsas aras trucidarunt, Cassandram Phoebo sacram uirginem stuprarunt, Polyxenam regiam puellam ad monumentum Achillis mactauerunt, omnia confuderunt, diripuerunt, uastarunt, caedibus funestarunt.

En effet, ils tuèrent d’abord le roi Priam au pied des autels ; ils souillèrent Cassandre, vierge consacrée à Phébus ; ils sacrifièrent la princesse Polyxène au pied du tombeau d’Achille ; ils mirent tout à sac ; pillèrent tout ; dévastèrent tout ; flétrirent tout par des massacres.

Postremo mulieres quae tantae cladi supererant diuiserunt sorte, quarum aliae alios sortitae dominos ad naues protrahuntur ut paulo post aueherentur ex adamata sed tum misera patria in peregrinum orbem.

Enfin, les femmes qui avaient survécu à un si grand massacre, ils se les répartirent ; après que le sort les a attribuées à différents maîtres, chacune est entraînée vers son navire pour être ensuite emmenée de sa patrie chérie mais désormais pitoyable dans une terre étrangère.

Interea Neptunus tactus miserabili ruentis Troiae spectaculo cum Minerua, cuius animum uitium Cassandrae oblatum a Graecis alienarat, de perdendis Graecis consilium capit.

Pendant ce temps Neptune, touché par le misérable spectacle de la ruine de Troie, prend la décision d’anéantir les Grecs avec l’aide de Minerve, que les Grecs se sont aliénée à la suite du viol à Cassandre.

Hecaba uero cum ceteris Troianis feminis plangit luctuosum occasum regni Troiani, ut quae iam uiris, opibus, dignitate, patria, cuius lamentabiles ruinas ante oculos aspiciebant, spoliatae nihil praeter miseram seruitutem sibi restare uiderent.

Quant à Hécube, elle pleure avec le reste des Troyennes la chute douloureuse du royaume troyen, si bien que les femmes, déjà privées de leurs époux, de leurs biens, de leur dignité, de leur patrie dont elles distinguaient sous leurs yeux les ruines lamentables, voyaient qu’il ne leur restait rien d’autre qu’une misérable servitude.

Talthybius autem quem quaeque dominum sortita sit significat.

Talthybius fait savoir à quel maître chacune a été attribuée.

Cassandra furit indignissimis afflicta malis et sibi uindictae occasionem in Agamemnone datum iri gloriatur ; multa praeterea et diuersa Graecorum duces mala manere tum in ipso reditu tum domi uaticinatur.

Cassandre s’emporte, affligée qu’elle est par des maux si révoltants, et se fait joie d’avoir une occasion de se venger d’Agamemnon ; elle prédit en outre que nombre de malheurs divers attendent les chefs grecs tantôt sur le chemin du retour tantôt chez eux.

Rapitur et Astyanax ad necem, qui solus poterat solacio esse in tantis malis miserae matri Andromachae.

Et Astyanax est saisi pour être mis à mort, lui qui seul, au milieu de si grands malheurs, aurait pu être une consolation pour sa misérable mère Andromaque.

Vnde lamenta, luctus et querelae super infinitis malis quibus et Troia et Troiani demersi iacebant in finem usque fabulae adducuntur.

De là naissent et perdurent jusqu’à la fin de la pièce des lamentations, des plaintes et des gémissements sur les maux infinis qui ont écrasé et abattu à la fois Troie et les Troyens.

Diris item Helena ut tantarum cladium auctor deuouetur ; eam Menelaus Argos, istic occidendam, transportari imperat.

Hélène, en tant que responsable d’une si grande hécatombe, est promise aux Furies ; Ménélas ordonne qu’elle soit emmenée à Argos pour y être tuée.

Deplorantur etiam extincti ac occisi Troes nec ante scena luctu resonare desinit quam deflagrante iam ac ueluti exspirante Troia una omnes ad naues ire compelluntur uti ex Asia quaeque cum suo domino, aliae alio, ad sempiternam seruitutem aueherentur.

Les femmes pleurent également les Troyens morts et massacrés et la scène ne cesse de retentir de leur plainte avant que, Troie brûlant désormais et pour ainsi dire expirant, toutes ensemble ne soient poussées à se rendre aux navires afin que leurs maîtres respectifs les emmènent de l’Asie vers une servitude éternelle.

Quid autem hoc dramate poeta uoluerit nemini obscurum esse potest: quum sit hic cernere euidentem imaginem captae, direptae, incensae urbis et infinitorum malorum quae huiusmodi calamitosa belli fortuna secum trahit.

Or, ce que le poète a voulu signifier à travers cette pièce ne peut échapper à personne, puisqu’il faut voir ici l’image évidente d’une ville prise, pillée, incendiée et des maux infinis que traîne dans son sillage le funeste destin de la guerre.

Nec quemquam arbitror tam ferreo animo esse quem non tam lamentabiles uiduarum uirginumque captiuarum, quae omnia suorum sanguine fluere uidebant, querelae commoueant.

Et je pense que personne n’a l’esprit si inflexible que ne l’émouvraient pas les plaintes si lamentables des veuves et des vierges captives voyant tout sombrer avec le sang des leurs.

Voluit igitur poeta hac fabula qua afflictissima captae Troiae fortuna ob oculos ponitur saeculi sui homines ab insana bellandi rabie ad pacem, ab armis ad uitam pacatam et ciuilem traducere.

À travers cette pièce où est donné à voir le sort de Troie prise, le poète a donc voulu faire passer les hommes de son temps de la folle rage de la guerre à la paix, des armes à une vie pacifiée et tranquille.

Saepe enim fit ut spes nimiae et efferati animi mentem hominis impediant quo minus possit perspicere quantis cladibus nonnumquam bella leui de causa suscepta humanas res implicent.

Car il arrive souvent que des espoirs excessifs et des pensées sauvages empêchent l’esprit des hommes de pouvoir saisir la quantité de massacres dont les guerres entreprises à la légère enveloppent parfois les affaires humaines.

Clarissimo ergo hoc exemplo monarchae et principes debent admoneri ne temere de oppido aliquo aut uico uel aliam minutulam ob causam bellum inferant aut aliorum arma priuata quapiam cupiditate in se excitent, unde postea et se et fortunas suas afflictas sero et frustra doleant.

Cet exemple si illustre doit donc avertir les monarques et les rois de ne pas entreprendre à la légère une guerre pour une place force, un quartier ou quelque autre minuscule raison ou de ne pas exciter les armes d’autres peuples par quelque désir de leur nuire, d’où ils pourraient ensuite déplorer, trop tardivement et en vain, leur sort et le destin qui les a abattus.

Gesserunt Graeci multos annos bellum pro impudica muliercula insanissimum, quo tandem Troia euersa est ; Graeci autem uictores aut in reditu ipso perierunt aut domi perniciem repererunt, ut notus hic uersus in illos quadret: κλαίει ὁ νικηθεὶς ὁ δέ νικήσας ἀπόλωλεν 1 .

C’est pour une simple femme dissolue que les Grecs ont mené de nombreuses années durant une guerre tout à fait insensée, où Troie a finalement été anéantie ; quant aux Grecs vainqueurs, ils ont ou péri sur le chemin du retour ou couru à la ruine chez eux, si bien que ce vers bien connu s’applique à eux : « Le vaincu pleure, le vainqueur périt ».

Quamquam uero plura eiusdem farinae exempla ex omni genere scriptorum huc adferri possent et praesentis argumenti ratio postulet nonnullam de bello et pace commentatiunculam, tamen quum elegantissimus sermo Desiderii Erasmi Roterodami, in adagium, Dulce bellum inexpertis 2 , extet et notum sit ab eodem explicatum adagium, Spartam nactus es , hanc orna 3 , haec de scopo huius fabulae dixisse sufficiat.

Or, bien que plusieurs exemples du même genre puisse être tirés de tous types d’écrits et que la forme du présent argument réclame quelque petit commentaire sur la guerre et la paix, cependant, puisque demeure le très élégant commentaire d’Érasme de Rotterdam sur l’adage « La guerre est douce pour ceux qui ne l’ont pas faite » et que le même a expliqué le célèbre adage « tu as obtenu Sparte, embellis-la », il suffirait d’avoir de l’avoir cité pour expliquer l’objet de cette pièce.

Quod si tamen ueri rerum expensores esse uolumus, non ex remota antiquitate talia exempla nobis repetenda erunt, nec necesse habebimus Troiae excidio, cuius memoria iam paene exoleuerit, ab immanibus bellorum studiis deterrere nostros homines, quum haec ipsa tempora tam cruentis et impiis bellis funestata passim deplorare soleamus.

Et si cependant nous voulons véritablement explorer cette question, il ne faudra pas chercher des exemples de ce genre dans l’Antiquité reculée et nous ne jugerons pas nécessaire de détourner nos contemporains de ce monstrueux zèle guerrier en leur rappelant la ruine de Troie, dont le souvenir s’est presque désormais fané, puisque nous avons l’habitude de déplorer partout que des guerres sanglantes et impies flétrissent notre époque.

Et si umquam apud ethnicos crudele aut nefarium habitum est homines ab hominibus cladibus affici, crudelissimum certe ac immane uel potius diabolicum Christianos a Christianis, quos Christus ipse pacis auctor et perpetuus concordiae mutuaeque caritatis professor sui sacratissimi corporis communione unitos ac conglutinatos esse uoluit, fortunis euerti, sedibus pelli, spoliari, diripi, occidi.

Et si les païens ont un jour trouvé cruel et impie que des hommes subissent des malheurs causés par d’autres hommes, il est certainement tout à fait cruel et monstrueux ou plutôt diabolique que des Chrétiens soit dépossédés de leur fortune, soient chassés de leurs maisons, soient spoliés, dépouillés, tués par des Chrétiens, eux que le Christ lui-même, source de paix et professeur éternel de la concorde et de la charité mutuelle a voulu unir et associer par la communion de son corps si sacré.

At eiusmodi iam Martis spectacula oculis usurpamus ut illae priscorum hominum clades prae nostra rabie, qua in mutuam perniciem deuoti nitimur, ludus iocusque fuisse uideri possint.

Mais nous donnons désormais à voir les spectacles de ce genre de guerre pour que les illustres désastres des Anciens puissent ressembler à un jeu et à une plaisanterie en comparaison de la fureur qui nous anime, nous qui nous nous vouons à causer notre ruine mutuelle.

Cumque passim uideamus quos domo scelerata bella expulerunt nudos, exules, orbos, famelicos oberrantes, urbes excisas, ciues trucidatos, fumantes uicos, exustas arces, uastatas totas regiones, caedibus ac sanguine ciuili undantes campos, uirgines stupratas, leges oppressas, disciplinam morum extinctam, aequitatem cum omni honestate sepultam, religionem prostratam, denique naufragium quoddam miserabile omnis felicitatis ac totum pelagus malorum, tamen nihil caecos furore homines tantae labantis Imperii calamitates mouent quo minus strenue ciuilibus dissensionibus dent operam.

Et bien que partout nous voyions ceux que des guerres scélérates ont expulsés de chez eux errer nus, exilés, dépouillés, faméliques ; des villes être rasées, leurs citoyens être massacrés ; des quartiers partir en fumée ; des citadelles en feu ; des régions tout entières être dévastées ; des champs être abreuvés par le sang des citoyens ; des vierges être souillées ; les lois être étouffées ; la discipline des mœurs s’éteindre, l’équité et toute honnêteté être enterrées ; la religion prostrée ; enfin le naufrage misérable de tout bonheur et la mer tout entière des maux, les si grands malheurs de la déchéance de l’empire n’émeuvent en rien les hommes qu’aveugle la fureur et ne les empêchent pas de mettre leur soin et leur activité à faire régner la discorde civile.

Ea siquidem peruicacia eaque animorum obstinatio est ut regum, principum, magistratuum mandata, edicta, consulta contemnere non uereantur, hinc summa confusio et ueluti chaos quoddam rempublicam olim armis, uiris, opibus, consiliis florentem occupat et obscurat.

Puisque cet acharnement et cette obstination sont tels qu’on ne craint plus de mépriser les ordres, les édits, les décrets des rois, des princes et des magistrats, il en découle que la plus grande confusion et une sorte de chaos occupent et obscurcissent un État jadis florissant en armes, en hommes, en ressources, en projets.

Quippe sic factionibus et intestinis discordiis debilitata ac dilapsa est ut iam plane ueluti exanimis et fracta iaceat ludibrium externis nationibus ac populis.

De fait, il a été affaibli et mis en pièces par des factions et des discordes intestines si bien que désormais il gît complètement, comme sans vie et anéanti, sujet de plaisanterie pour les nations et les peuples étrangers.

Quare nisi incluti illi Austriae heroes labentem hunc rerum statum sua inuicta uirtute sustinere perseuerarent, uererer ne fieret olim ut cum Phrygibus ac miseris istis Troadibus (quas in praesenti Dramate spoliatas omni dignitate, occisis uiris, fractis opibus, direptis thesauris, ardente Troia, deformato Asiae regno olim florentissimo, externus hostis ad naues perpetuo seruas futuras rapiebat) sero saperemus ac tum demum cum iam actum esset hostilisque gladius ceruicibus nostris immineret inciperemus uelle concordes esse ac nimis sero et frustra bella ciuilia detestaremur.

C’est pourquoi, si les illustres héros de l’Autriche ne continuaient pas de contenir ce glissement par leur courage invincible, je craindrais que nous ne nous reconnaissions que trop tard dans les Phrygiens et dans ces misérables Troyennes (qui, dans la présente pièce, privées de toute dignité, de leurs maris assassinés, de leurs biens anéantis, de leur fortune arrachée, de Troie en flammes, du trône d’Asie jadis si florissant défiguré, étaient menées aux navires par un ennemi étranger pour être éternellement esclaves), et que finalement, alors que la partie serait déjà jouée et que, le glaive de l’ennemi menaçant nos cous, nous commencions à vouloir nous unir et abhorrions trop tard et en vain les guerres civiles.

Sed ne uidear querelam potius quam Praefationem scribere, argumentum nunc actus primi exponemus.

Mais pour ne pas sembler écrire une lamentation plutôt qu’une préface, exposons à présent l’argument du premier acte.

Argumentum actus primi.

Argument de l’acte 1.

Neptunus in Prologo Troiani regni et urbis luctuosum occasum miseratur aitque se cedere coactum potentioribus deabus, Iunoni et Palladi, quibus Phrygum res ob iudicium Paridis inuisae fuerant ; quarum huius arte factum sit ut Epeius equum ligneum fabricarit, qui plenus armatis uiris in urbem receptus pepererit plane πανολεθρίαν Ilio et omnium ornamentorum eius regni.

Dans le prologue, Neptune déplore la chute douloureuse du royaume troyen et de la ville et dit qu’il s’en va, forcé par des déesses plus puissantes, Junon et Pallas, à qui le jugement de Pâris avait rendu odieuses les actions des Phrygiens ; que, grâce au savoir-faire de la seconde, il est advenu qu’Épéus a fabriqué le cheval de bois qui, une fois reçu dans la ville rempli d’hommes en armes, a engendré la destruction absolue d’Ilion et de tous les ors de son royaume.

Vnde iam miserae Iliades aliae alios dominos, excisa sua quondam florentissima ciuitate, sortiantur.

De là, les Troyennes misérables sont désormais attribuées à différents maîtres, après la chute de leur cité jadis si florissante.

2. Minerua alloquitur Neptunum oratque ut in affligendis Graecis sibi mutuam praestet operam, certum enim esse insigni eos clade afficere propter stuprum Cassandrae, id quod facile impetrat a deo Graecis infensissimo.

2. Minerve s’adresse à Neptune et le prie de l’aider à tourmenter les Grecs : en effet, dit-elle, elle est bien décidée à leur faire subir une souffrance remarquable à cause de la souillure infligée à Cassandre. Et elle obtient facilement l’aide d’un dieu si hostile aux Grecs.

3. Hecaba miserabiliter ante tentoria iacens una cum ceteris mulieribus lamentabilem fortunam suam, occasum sui regni, uiri, ac omnium liberorum, iam in perpetuam seruitutem tradenda, deplorat.

3. Hécube, gisant misérablement devant les tentes avec le reste des femmes, déplore son destin lamentable, la chute de son royaume, de son mari et de tous ses enfants, de devoir désormais être conduite vers une servitude perpétuelle.

Actus secundi argumentum.

Argument de l’acte 2.

Praeco adest ut Hecabam ad Vlyssem, Cassandram ad Agamemnonem, et alias ad alios dominos, more sollemni deducat et addicat idque iussu procerum Graecorum.

Se présente un héraut pour mener et attribuer, selon l’usage, Hécube à Ulysse, Cassandre à Agamemnon et chacune à son maître respectif sur ordre des chefs grecs.

Quare Hecaba redintegrat lamenta seque suosque et patriam extinctam misere deplorans.

C’est pourquoi Hécube recommence ses lamentations, déplorant misérablement son sort, celui des siens et de sa patrie déchue.

2. Cassandra e tentorio furore lymphata prosilit taedasque praetendens hymenaeum canit, ceu nuptura mox generoso sponso, aliasque Troadas ad idem faciendum hortatur.

2. Cassandre, folle de fureur, jaillit de la tente ; portant devant elle des torches, elle chante un épithalame, comme si elle s’apprêtait à épouser bientôt un généreux époux, et exhorte les autres Troyennes à faire de même.

Ita magnitudo doloris ipsam obruerat ut (quod laetis rebus fieri solet) nuptiale carmen caneret.

Elle était écrasée par le poids de la douleur de sorte qu’elle chantait un chant nuptial (ce qui a l’habitude d’arriver dans d’heureuses circonstances).

Deinde paulatim se recipiens ait ob id gratulandum esse quod stuprum suum non Agamemnoni solum et Aiaci sed omnibus Graecis pestem sit allaturum.

Ensuite, reprenant peu à peu ses esprits, elle dit qu’il faut la féliciter de ce que sa souillure va causer la ruine non seulement d’Agamemnon et d’Ajax mais aussi de tous les Grecs.

Nihil autem afflictos aeque solatur quam hostium clades et uindicta.

Or, rien ne console davantage les hommes affligés que la ruine et la punition de leurs ennemis.

Denique cladem Graecorum commemorat, quam atrocem et insignem decennali bello acceperint ostenditque tolerabiliorem Phrygum conditionem fuisse quam Graecorum per totum belli tempus ut uerum sit prouerbum Flet uictor, uicti interierunt 4 .

Enfin, elle rappelle le massacre atroce et insigne qu’ont enduré les Grecs durant les dix années de guerre et montre que la condition des Phrygiens est plus supportable que celle des Grecs toute la guerre durant, selon que le proverbe « le vainqueur pleure, les vaincus ont péri » est vrai.

Admiscet etiam consolationem dum dicit Troianos hoc demum bello inclarescere, qui alioqui obscuri in otio latuissent.

Elle y mêle également un sujet de consolation en disant que les Troyens se sont finalement illustrés dans cette guerre, quand la paix aurait pu les faire demeurer inconnus.

3. Eadem Cassandra Vlyssi in reditu immensos labores infinitaque pericula adeunda esse uaticinatur.

3. La même Cassandre prédit à Ulysse qu’il devra affronter sur le chemin du retour des peines immenses et des dangers infinis.

Praedicit quoque Agamemnoni exitium.

Elle prédit aussi sa mort à Agamemnon.

4. Hecaba praesentem fortunam calamitosam, abiectam, tristem, cum praeterita uita florente, felici, omnique beatitudine plena committit, ut dolorem augeret et epitasis incrementum sumeret.

4. Hécube compare son destin présent, malheureux, abject et triste, à sa vie passée, florissante, heureuse et pleine de bonheurs, afin d’augmenter la douleur et de développer l'épitase.

5. Chorus naenia Ilii excidium prosequitur quod fatalis ille equus intra moenia receptus urbi florentissimae pepererit.

5. Le chœur accompagne d’un chant funèbre la destruction de Troie qu’a engendrée ce funeste cheval, une fois reçu à l’intérieur des remparts d’une ville si florissante.

Argumentum actus tertii.

Argument de l’acte 3.

Andromache cum socru Hecaba lamentatur praesentem rerum mutationem ac excidium Troiae simulque serio nuntiat, quod prius Talthybius recte dixerat, Polyxenam ad Achillis sepulchrum caesam esse.

Andromaque, accompagnée de sa belle-mère Hécube, déplore le présent revers de sa fortune et la destruction de Troie et en même temps annonce avec sérieux ce que Talthybius avait déjà dit, à savoir que Polyxène a été tuée au pied du tombeau d’Achille.

Quod cum impotentius ferret Hecaba, ipsam consolatioria oratione confirmat, ostendens iam defunctam multo feliciorem esse uiuis quos adhuc tot tantaeque maneant miseriae.

Et alors qu’Hécube ne peut le Polyxène désormais morte est bien plus heureuse que les vivants qu’attendent encore tant de si grandes misères.

Hecaba, ueluti succumbens tantae moli calamitatum, uicta, cedit necessitati monetque Andromachen ut moribus Neoptolemi, cui sorte obuenerat, accommodare se potius uelit quam contumacia et odio inuisiorem domino se reddere, fieri etiam posse ut filius Astyanax educatus hac occasione olim instauret regnum Troianum.

Hécube, comme succombant au si grand poids des malheurs, vaincue, se résout à la fatalité et conseille à Andromaque de bien vouloir s’accommoder aux mœurs de Néoptolème, à qui le sort l’a attribuée, plutôt que de se rendre plus odieuse à son maître par son obstination et sa haine ; elle lui dit également qu’il se pourrait que son fils Astyanax, une fois grand, ait un jour l’opportunité de rétablir le royaume troyen.

2. Haec dum loquuntur, aduenit praeco nuntians eundem puerum ex decreto procerum Graeciae de alta turre praecipitandum esse hortaturque Andromachen ut necessitati parere et praesentem fortunam aequo animo ferre uelit.

2. Tandis qu’elles ont cette discussion, arrive un héraut qui annonce que, sur ordre des princes grecs, il a fallu précipiter ce même enfant du haut d’une tour et il exhorte Andromaque à bien vouloir se résoudre à la fatalité et à supporter le présent malheur d’une âme égale.

Vnde et hac spe frustrata Andromache nouam orditur querelam admodum pathetice super filio, unico in tantis malis solacio, qui iamiam e manibus et complexu ad necem crudelissimam abripiendus erat.

De là, frustrée de cet espoir également, Andromaque commence une nouvelle plainte tout à fait pathétique sur son fils, unique consolation au milieu de tant de malheurs, qu’il avait déjà fallu arracher de ses mains et de son étreinte pour le mener à une mort tout à fait cruelle.

3. Chorus priorem naeniam continuat, commemorans uastationem Troiae quae sub Laomedonte patre Priami fuerat.

3. Le chœur continue le précédent chant funèbre, rappelant l’anéantissement de Troie qui avait eu lieu sous Laomédon, le père de Priam.

Addit etiam nihil Troiae profuisse quo minus iaceat Ganymedem et alios item deos quorum fauore et opera ad tantas opes ac dignitatem tantam regnum Priami euectum sit.

Il ajoute aussi que Ganymède et les autres dieux qui, par leurs faveurs et leur aide, avaient élevé le royaume de Priam à de si grandes richesses et à une si grande dignité n’ont apporté aucune aide à Troie pour empêcher sa destruction.

Argumentum actus quarti.

Argument de l’acte 4.

Menelaus in scenam progreditur et ut Helenam captiuam famuli ad naues deducant imperat, quo eam Argos reuersus digno afficeret supplicio idque hortatu totius exercitus.

Ménélas entre en scène et ordonne que les esclaves conduisent aux navires Hélène captive afin que, revenu à Argos, il lui fasse subir la punition qui convient ; l’armée tout entière l’y encourage.

2. Hecaba confirmat in proposito Menelaum ; contra Helena supplicat seque purgare cupit.

2. Hécube appuie Ménélas dans son projet ; Hélène, au contraire, le supplie et désire se disculper.

Vnde permissu Menelai ad disceptationem ueniunt ac duabus elegantissimis orationibus inter se confligunt pulchrumque fori typum exhibent.

De là, avec la permission de Ménélas, elles s’engagent dans un débat et, au travers de deux discours très élégants, se mesurent l’une à l’autre et donnent à voir un bel ersatz de tribunal.

Menelaus tamen nihil mouetur quo minus eam Argis extinguere cogitaret, urgente interim strenue Hecaba ut propositum consilium persequeretur.

Cependant rien n’émeut Ménélas et ne freine sa résolution de la tuer pour les Argiens, tandis qu’Hécube le presse vivement de réaliser le dessein qu’il a exposé.

3. Chorus threnum orditur ad Iouem, conquerens omnia ornamenta tam diuina quam humana Troiae excidio sublata esse.

3. Le chœur commence un thrène à Jupiter et se plaint que tous les ors tant divins qu’humains aient été emportés par la chute de Troie.

Hecaba autem conscensura nauem miseratur et se et suorum maestas lacrimas, ac morte praesentibus malis eripi cupit pestemque Helenae ut tantarum cladium auctori imprecatur.

Quant à Hécube, alors qu’elle s’apprête à monter sur le navire, elle déplore à la fois son sort et les larmes pitoyables des siens, désire que la mort l’emporte à cause des maux présents, et souhaite le malheur d’Hélène, responsable de si grandes épreuves.

Argumentum actus quinti.

Argument de l’acte 5.

Quintus actus finem et summam Troiani excidii continet, id est, incendium urbis et diuisionem praedae.

Le cinquième acte contient la fin et le paroxysme de la destruction de Troie, c’est-à-dire l’incendie de la ville et le partage du butin.

Primo Talthybius extinctum Astyanacta sepeliendum rogatu Andromaches iam abeuntis Hecabae commendat.

D’abord Talthybius, à la demande d’Andromaque, commande à Hécube, déjà sur le départ, d’enterrer le défunt Astyanax.

2. Hecaba acerbissimo planctu exanimem nepotulum, in quo solo spes instaurandae Troiae fuerat, gremio complexa deplorat ac Graecis amarulente uel crudelitatem, uel potius timiditatem ferocitate tectam exprobrat.

2. Hécube, dans une plainte très douloureuse, pleure son petit-fils sans vie, le seul en qui se trouvait l’espoir de rétablir Troie ; elle le prend contre elle et elle reproche très durement aux Grecs leur cruauté ou plutôt la couardise qu’ils cachent sous leur sauvagerie.

3. Talthybius manipulorum ducibus praecipit ut urbem quemadmodum iussi sint incendant.

3. Talthybius commande aux chefs des manipules d’incendier la ville ainsi qu’on le leur a ordonné.

Vnde extremis lamentis ueluti parentatione quadam ruentis Troiae, quae lumen totius Asiae fuerat, Hecaba et Chorus iam nauibus imponendae funguntur.

De là, Hécube et le chœur, qui doivent désormais prendre place sur les navires, s’acquittent d’ultimes larmes, comme pour célébrer la mort de Troie, qui avait été la lumière de l’Asie tout entière, en train de s’effondrer.


1. Erasme, Adagia 1524, .
2. Erasme, Adagia 3001, .
3. Erasme, Adagia 1401, .
4. Erasme, Adagia 1524, .