Présentation du paratexte
Praefatio Gaspari Stiblini in Heraclidas
Préface de Gaspar Stiblinus aux Héraclides.
Haec Heraclidarum, id est de Herculis liberis profugis fabula, quod ad oeconomiam et consilium poetae attinet, cum Supplicibus colludere uidetur, quas supra diximus pertinere ad laudem Atheniensis reipublicae.
Cette pièce des Héraclides, c'est-à-dire des enfants d'Hercule en fuite, semble, pour ce qui est de la disposition et du projet du poète, s'accorder avec les Suppliantes, qui, comme nous l'avons dit plus haut, tendent à l'éloge de la république athénienne.
Sicut enim istic Theseus fortissimus Atheniensum princeps supplicantibus Argiuis matribus caesos ante Thebas armis sepulturae asseruit, ita hic Demophon Thesei filius, non minore pietate quam uirtute, afflictas et tota Graecia profligatas Herculis reliquias fortissime defendit Eurystheumque in exitium Heraclidarum natum cum omnibus fundit fugatque copiis.
En effet, de même que dans cette dernière pièces Thésée, le plus brave chef des Athéniens, répondant à la supplique des mères argiennes, assura par la force des armes la sépulture de ceux qui avaient été tués devant Thèbes, de même dans celle-ci Démophon, fils de Thésée, avec non moins de piété que de vertu, défend très courageusement les rejetons d'Hercule lorsqu'ils sont persécutés et chassés à travers toute la Grèce, et il renverse et met en fuite Eurysthée, né pour la destruction des Héraclides, avec toute son armée.
Insigne hoc est eulogium Atheniensis ciuitatis, cuius amplissima laus est defendere supplices, miseros et oppressos aduersus uim tueri, iustitiam absque omni respectu propugnare, malos persequi, pietatem colere, denique Rempublicam saluam ac florentem sine omni tyrannidis uel seruitii metu continere.
Il s'agit là d'un remarquable éloge de la cité athénienne, dont la plus grande source de louanges était son habitude de défendre les suppliants, de protéger les malheureux et les opprimés contre la violence, de lutter pour la justice sans aucune hésitation, de punir les méchants, de cultiver la piété et, enfin, de maintenir la République sauve et florissante sans craindre aucun tyran ni aucune servitude.
Sunt enim istae plane Heroicae uirtutes in ducibus aut ciuitatum gubernatoribus, citra omnem uel commodi spem uel incommodi metum apertam uim ab immerentibus propulsare aut dignos auxilio libere defendere ac tueri, etiamsi nulla obligatio officiorum aut cognatio generis aut foedus amicitiae intercesserit.
Ce sont là en effet des vertus manifestement héroïques chez les chefs ou les gouverneurs des États, que de repousser, en dépit de tout espoir d'avantage ou de toute crainte d’embarras, la violence ouverte des innocents, ou de défendre et de soutenir librement ceux qui sont dignes d'être aidés, même s'il n'existe entre eux aucune obligation de service, aucun lien de sang ou aucun traité d'amitié.
Porro Eurystheus, cuius minae et fastus paulo ante intolerabiles erant, nunc autem captus et uinctus in manusque uetulae traditus ut eius arbitrio mactaretur, et Herculis liberi iam uictores et praeter spem in libertatem asserti, quibus modo nullus locus per totam Graeciam satis tutus erat aduersus uim Eurysthei insignia dant documenta inconstantiae ac imbecillitatis humanae felicitatis.
De plus, Eurysthée, dont les menaces et l'arrogance étaient intolérables peu de temps auparavant, est maintenant capturé, enchaîné et remis entre les mains d'une petite vieille femme afin qu'il soit abattu par sa décision, et les enfants d'Hercule sont maintenant les vainqueurs et libérés au-delà de toute espérance, eux pour qui, juste avant, il n'y avait aucun endroit dans toute la Grèce assez préservé de la puissance d'Eurysthée ; ces personnages donnent une preuve remarquable de l'inconstance et de la faiblesse du bonheur humain.
De qua praeclara illa ex Valerio Maximo uerba huc adscribam : Caduca nimirum (inquit) et fragilia puerilibusque
consentanea crepundiis sunt ista, quae uires atque opes humanae uocantur. Affluunt
subito, repente dilabuntur, nullo in loco, nulla in persona, stabilibus nixa
radicibus, consistunt, sed incertissimo flatu fortunae huc atque illuc acta, quos
in sublime extulerunt, improuiso recursu destitutos, in profundo cladium
miserabiliter immergunt. Itaque neque debent existimari neque dici bona, quae
inflictorum malorum amaritudinem desiderio sui duplicant.
1
J'ajouterai ici les célèbres paroles de Valère Maxime : « Fugaces en effet (dit-il), fragiles et adaptées aux hochets enfantins, ces choses qu'on appelle forces et puissances humaines. Tout à coup, elles coulent en abondance, puis elles se tarissent à l'improviste ; en aucun lieu, avec aucune personne, reposant sur des racines stables, elles ne se maintiennent fermement, mais sont plutôt poussées çà et là par le souffle très incertain de la fortune : ceux qu'elles portaient en haut, abandonnés dans un revers inattendu, elles les plongent misérablement dans les profondeurs du désastre. Aussi ne doit-on ni les juger ni les appeler des biens, ces choses qui doublent l'amertume des maux infligés par le sentiment de la perte ».
Hactenus ille.
Fin de citation.
Insigni ergo hoc exemplo poeta eos quibus animos ac spiritus addunt uel opes uel honores ad modestiam et moderationem animi uocat, cum istas res quas tanti faciunt tam subito eripi ac alio transferri uideant.
Aussi, par cet exemple remarquable, le Poète appelle-t-il à la modestie et à la modération d'esprit ceux à qui la richesse ou l'honneur ajoute l'orgueil et la fierté, lorsqu'ils constatent que ces biens qu'ils estiment tant peuvent être si soudainement arrachés et transférés à un autre.
In Macaria pulcherrimum uiraginis exemplum adumbratur, quae suae ipsius saluti fratrum uitam ac ciuitatis Atticae incolumitatem anteposuit ac ingenti animo ultro se mactandam obtulit.
Dans Macaria, il dépeint un très bel exemple d'héroïne, qui a placé la vie de ses frères et la sécurité de la cité attique avant son propre bien-être et qui, avec un grand courage, s'est volontairement offerte au massacre.
Praeterea in Eurystheo ignaui sed superbi ac caelum armis territantis effigiem uidere licet, qui prouocatus ad certamen singulare cum Hyllo recusauit congredi.
En outre, il est possible de voir en Eurysthée l'image d'un homme lâche mais fier et menaçant le ciel de ses armes, qui, défié en combat singulier avec Hyllos, a refusé de le combattre.
Tandem autem in proelio ab Iolao captus ac ad Alcmenam perductus mulierculae fit ludibrio, Rex non ita pridem Argiuorum, qui Herculi quoque negotia exhibuerat, fortissimo ignauissimus.
Mais enfin, capturé au combat par Iolas et conduit à Alcmène, il devient un objet de moquerie pour cette petite femme lui qui, il n'y a pas si longtemps, était roi des Argiens, qui avait causé des difficultés même à Hercule, le plus lâche au plus brave.
Argumentum actus primi.
Argument de l’acte 1.
Prologus sub persona Iolai aperit argumentum Fabulae, quod est persecutio liberorum defuncti Herculis, quos Eurystheus odio Iunonis iniquae tota profligabat Graecia, ne quid Herculeae stirpis reliquum maneret.
Le prologue sous le masque de Iolas révèle la trame de la pièce, qui est la poursuite des enfants du défunt Hercule, qu'Eurysthée persécutait dans toute la Grèce à cause de la haine de l'hostile Junon, de peur qu'il ne reste un vestige de la race herculéenne.
2. Copreus praeco Eurysthei, uix tolerandae ferociae, etiam ab aris deorum per uim supplicem Iolaum cum Herculea prole abstrahere conatur.
2. Coprée, un héraut d'Eurysthée, d'une sauvagerie à peine tolérable, tente d'arracher par la force, même aux autels des dieux, le suppliant Iolas ainsi que la progéniture d'Hercule.
Cui rei Chorus senum Atheniensium interuenit ferocientemque distinet donec audito tumultu Demophon ipse dux causas utriusque partis audiat.
Le chœur des vieillards athéniens interrompt cet acte et retient l'homme enragé jusqu'à ce que, ayant entendu l'agitation, Démophon, le chef, entende les arguments de chaque partie.
3. Contentio Coprei et Iolai apud iudicem Demophontem, quorum ille contendit sibi iure licere agere in Herculis liberos quae iussus fuerat ab Eurystheo.
3. S’ouvre une lutte de Coprée et d’Iolas devant Démophon, leur juge, où le premier soutient qu'il est légalement autorisé à agir contre les enfants d'Hercule de la manière dont il avait été ordonné par Eurysthée.
Hic contra defendit se confutatque argumenta aduersarii.
Le second, au contraire, se défend et réfute les arguments de son adversaire.
Vincit autem Iolaus : discedit praeco, superbe Atheniensibus bellum comminans.
Iolas, cependant, l'emporte : le héraut s'en va en menaçant avec arrogance les Athéniens de la guerre.
4. Iolaus magna gratulatione Demophonti et ciuitati Atheniensium de se et filiis gratitudinem pro tanto conseruationis beneficio pollicetur.
4. Iolas, avec une immense reconnaissance, promet à Démophon et à la cité des Athéniens, en son nom et au nom des enfants, leur gratitude en échange d’une si grande faveur de protection.
Quae autem ad bellum administrandum pertinent, expediturus abit Demophon.
Démophon, cependant, s'en va pour préparer ce qui concerne la gestion de la guerre.
5. Chorus Copreo et Eurystheo iratus longe alium belli euentum ominatur quam ipsi sibi magnifice promitterent.
5. Le chœur, irrité contre Coprée et Eurysthée, présage une issue de la guerre bien différente de celle que ces derniers se promettent avec arrogance.
Argumentum actus secundi.
Argument de l’acte 2.
Demophon cognitis uatum responsis Iolao refert non procul abesse Eurystheum, sibi uero omnia quae necessaria ad bellum sint expedita esse.
Démophon, après avoir pris connaissance des réponses des devins, rapporte à Iolas qu'Eurysthée n'est pas loin, mais que lui-même a préparé tout ce qui est nécessaire à la guerre.
Deinde uirginem ad uictimam posci oraculis quae generoso sit patre nata, se autem neque suos neque alterius immolaturum liberos.
Puis il lui dit que l'oracle exige comme victime une vierge née d'un père noble, mais que lui, cependant, ne sacrifiera ni ses propres enfants ni ceux d'un autre.
Quare ipsum debere dispicere quomodo citra damnum et ciuitatis et suum Herculeis liberis consulat.
C'est pourquoi, dit-il, Iolas devrait réfléchir à la façon dont il pourrait subvenir aux besoins des enfants d'Hercule sans causer de préjudice à la ville ou à lui-même.
2. Iolaus repente commutatis rebus deplorat et se et suos, quos modo in portum nauigare putabat.
2. Iolas, face au changement inattendu de la situation, désespère de lui-même et de sa famille, dont il pensait naguère qu’elle atteignait un port sûr.
Sic lubricae spes mortalium sunt.
Si fragiles sont les espoirs des mortels.
Deinde se ipsum Eurystheo offerri cupit ut tantum salui maneant parui filioli Herculis.
Il souhaite alors être lui-même offert à Eurysthée, afin que les fils d'Hercule, encore tout petits, puissent au moins demeurer en sécurité.
3. Generosissima uirgo Macaria ac plane Herculei sanguinis uirago, cum audiret mortem nobilis puellae morari uictoriam, ultro se offert uictimam pro salute fratrum et ciuitatis contenditque mortem honestam praestabiliorem esse uita contempta et probrosa.
3. Macaria, une très noble jeune fille et héroïne tout à fait de sang herculéen, lorsqu'elle entend que la mort d'une fille de haute naissance retarde la victoire, s'offre volontairement comme victime pour le salut de ses frères et de la ville et elle soutient qu'une mort honorable est plus distinguée qu'une vie méprisable et honteuse.
Ac ibi demum epitasis procedit affectuumque δεινότης, dum eam Iolaus reuocare studet a proposito, ut scilicet prius sortiretur cum reliquis sororibus : ipsa autem libere uitam suam impendere fratribus et Athenis statuit.
Et c'est à ce moment précis que l’épitase progresse, ainsi que la force des émotions, lorsque Iolas s'efforce de la faire revenir sur son projet afin qu'elle puisse d'abord tirer au sort ses sœurs restantes : elle décide cependant de sacrifier librement sa propre vie pour ses frères et Athènes.
Quibus ualere cum sene iussis, eis et studium sapientiae et pietatem ac gratitudinem erga suos manes commendat.
Après avoir fait ses adieux à ses frères et sœurs en même temps qu'au vieillard, elle leur recommande à la fois de rechercher la sagesse et la piété et la reconnaissance envers ses Mânes.
4. Chorus memorabilem primum sententiam effert siue de fato, siue de uarietate fortunae, quae duo inscrutabili ratione sursum deorsumque in morem euripi aestuariis uicibus res humanas iactent.
4. Le chœur fait d'abord une réflexion mémorable sur le destin ou la variété de la fortune, qui tous deux, par un raisonnement impénétrable, font monter et descendre les affaires humaines dans des roulement de flots semblables à ceux d'un détroit.
Deinde consolatur senem, ut moderatius ferat gloriosam mortem Macariae, quam dii sic prouiderint.
Puis il console le vieillard, afin qu'il puisse supporter avec plus de mesure la mort glorieuse de Macaria, disant que les dieux l’ont ainsi prévue.
Argumentum actus tertii.
Argument de l’acte 3.
Famulus nuntii uices agens Alcmenae et Iolao refert Hyllum cum numerosis copiis adesse ac iam acies instructas aperto campo ad pugnam procedere.
Un serviteur jouant le rôle de messager rapporte à Alcmène et à Iolas qu'Hyllos est arrivé avec de nombreuses troupes et que les lignes de bataille, mise en place en plein champ, avancent maintenant vers le combat.
2. Qua re cognita, senex miro studio ad proelium ipse contendit in effetoque corpore uim suscitat ira, frustra ipsum dehortante famulo pugnaeque inutilem dicente.
2. Ayant appris cela, le vieillard, avec un zèle étonnant, s'efforce d'aller au combat et la colère réveille les forces de son corps épuisé, tandis que le serviteur essaie en vain de le dissuader et le dit inutile au combat.
Non autem absque ratione hoc senis, ita operose in proelium se adornantis, spectaculum hic insertum est : ne otiosa scena esset donec ueniat nuntius qui euentum pugnae narret.
Ce n'est cependant pas sans raison que ce spectacle du vieillard, s'équipant si laborieusement pour le combat, est inséré ici : c’est pour que la scène ne manque d’action jusqu'à l'arrivée du messager qui raconte le résultat de la bataille.
3. Chorus Iouem ac Mineruam inuocat ut a parte Atheniensium, quorum causa iustior sit quia supplices defendant, stent dextrique pugnaturis aspirent.
3. Le chœur invoque Jupiter et Minerve pour qu'ils se rangent du côté des Athéniens, dont la cause est plus juste puisqu'ils défendent les suppliants, et qu'ils favorisent ceux qui vont combattre.
Argumentum actus quarti.
Argument de l’acte 4.
Actus quartus nuntii narratione quae est de uictoria Atheniensium et capto ab Iolao Eurystheo consumitur.
Le quatrième acte est occupé par le récit du messager sur la victoire des Athéniens et la capture d'Eurysthée par Iolas.
Quo nuntio mirifice gaudet Alcmena sibique ac Herculis liberis gratulatur de reliquae uitae libertate.
À cette nouvelle, Alcmène se réjouit grandement et félicite les enfants d'Hercule et elle-même de la liberté de leur vie future.
2. Chorus ad laetitiam agitandum ex re bene gesta suscitatur.
2. Le chœur se lève pour exprimer la joie née de cette victoire.
Docetque Eurysthei exemplum semper Deum aduersari insolentibus ac superbis : contra, modestos quique moderata animis concipiant iuuare ac extollere.
Et l'exemple d'Eurysthée enseigne que Dieu s’élève toujours contre les hommes démesurés et orgueilleux : en revanche, il aide et élève les hommes modestes et ceux qui conçoivent dans leur âme des intentions modérées.
Deinde Herculem in deorum consortium ascitum esse manifestis argumentis liquere.
Ensuite, disent-ils, le fait qu'Hercule ait été admis dans la société des dieux est mis en évidence par des arguments clairs.
Argumentum actus quinti.
Argument de l’acte 5.
Nuntius adducit in scenam ad Alcmenam uinctum Eurystheum, cui anus amare insultat ac acerbissime exprobrat iniurias quibus ille tum ipsum Herculem, tum eius liberos affecerat.
Le messager conduit à Alcmène sur la scène Eurysthée dans les fers, que la vieille femme insulte amèrement et accuse très sévèrement des torts qu'il avait infligés autrefois à Hercule lui-même et maintenant à ses enfants.
Mortem denique diram dignamque meritis minatur.
Elle le menace enfin d'une mort affreuse, digne de ses offenses.
2. Chorus dehortatur Alcmenam a caede Eurysthei, idque ex more ciuitatis, quo non solebant Athenienses captos in proelio necare.
2. Le chœur dissuade Alcmène de tuer Eurysthée, et cela à cause de la coutume de la cité, selon laquelle les Athéniens n'avaient pas l'habitude de tuer ceux qui étaient capturés dans les combats.
3. Eurystheus nullam spem uitae esse reliquam uidens minatur se etiam mortuum ut urbi Atheniensium salutarem sic Herculeae stirpi perniciosum fore.
3. Eurysthée, voyant qu'il n'y a plus d'espoir de vie, menace que, même mort, il sera à la fois source de sécurité pour la cité des Athéniens et destructeur pour la race herculéenne.
Talia iactantem Alcmena duci iubet.
Comme il se vante ainsi, Alcmène ordonne qu'on le conduise dehors.