Présentation du paratexte
Praefatio Gaspari Stiblini in Herculem Furentem.
Préface de Gaspar Stiblinus sur Hercule Furieux.
Hercules furens nulla superiorum fabularum inferior est, siue ipsam scriptionis oeconomiam, siue argumenti et grauitatem et uarietatem, siue denique spectes funestas et atroces rerum conuersiones, quales sibi proprie uindicant Tragoediae.
Hercule Furieux n’est inférieur à aucune des pièces antérieures, que l’on regarde la composition de l’écriture ou la gravité et la variété de l’argument ou enfin les funestes et atroces revers de fortune que les tragédies revendiquent comme leur étant propres.
Quid enim afflicto sene cum Herculis deserta familiola ad aras sedente et turpem mortem ob oculos cernente miserabilius, qui non ita pridem filio totius orbis uictore superbus erat?
Y a-t-il plus pitoyable que le vieillard affligé, assis avec une poignée de domestiques abandonnés d’Hercule et qui voit sous ses yeux se préparer une mort abominable, lui qui il n’y a pas si longtemps s’enorgueillissait de voir son fils triompher de la terre entière ?
Sed quam subita quamque insperata haec mutatio !
Mais quel revers soudain et inattendu !
In articulo ipso mortis uersante Amphitryone cum suis, adest saluus Hercules : caeditur Lycus, qui ad mactandum desolatas Herculis reliquias toto ferebatur impetu ; quodque tanto studio in alios parabat, id in ipsius caput recidit.
Alors qu’Amphitryon était à l’article de la mort avec les siens, arrive Hercule sain et sauf : Lycus est tué, lui que tout son élan portait à immoler les lamentables restes de la famille d’Hercule ; ce qu’il préparait avec une telle ardeur pour d’autres est retombée sur sa propre tête.
At haec liberatio Heraclidarum, quam subita et atroci clade commutator !
Mais cette délivrance des Héraclides, en quel massacre soudain et atroce se change-t-elle !
Mittit enim Iuno ad dementandum Herculem Furias.
Car Junon envoie les Furies pour rendre Hercule fou.
Ergo qui modo suis ἀλεξίκακος καὶ σωτήριος appellabatur iam fit Ate ac pestis funesta.
Et donc lui qu’on nommait « repousseur de maux et sauveur »1 des siens devient leur Fatalité2 et leur fléau funeste.
Actus enim furore misere suos liberos cum coniuge occidit.
Poussé en effet par la folie, il tue misérablement ses enfants et son épouse.
Quo spectaculo quid calamitosius aut immanius fingi queat ?
Peut-on imaginer spectacle plus épouvantable ou plus atroce ?
Nihil itaque iam Herculi praeter laqueum uel rei uel spei uel animi supererat.
C’est pourquoi, hormis une corde pour se pendre, Hercule n’avait plus rien, plus aucun espoir, plus de souffle vital.
Sed poeta, ne παρὰ τὸ πρέπον uirum tot uictoriis inclitum induceret se ipsum strangulantem ac uitae casibus turpiter succumbentem, caute praeuidit.
Mais le poète a soigneusement évité de mettre sur scène à contre-emploi3 un héros illustré par tant de victoires en le montrant s’étranglant lui-même et mourant honteusement sous les coups hasardeux de la vie.
Facit enim ut subito adsit Theseus, qui afflictissimum et iam de morte sibi consciscenda cogitantem amicum consoletur ac confirmet a turpique proposito reuocet.
Car il fait venir soudain Thésée face à cet ami affligé et qui pense à se donner la mort, pour le consoler, le ragaillardir et le détourner de son projet avilissant.
Hanc fabulam Seneca Latine expressit elegantissime, ita ut certasse de palma cum nostro Euripide uideatur.
Cette pièce a été mise en latin par Sénèque avec tant d’élégance qu’il semble avoir rivalisé avec notre Euripide pour la palme.
De argumenti ratione nihil mutauit, personas easdem seruauit: uariauit tamen nonnihil oeconomiam, idque summo ingenio ac summa arte.
Sur le fond de l’argument il n’a rien changé, a gardé les mêmes personnages mais a un peu modifié la disposition , et ce avec beaucoup de talent et de technique.
Porro Herculis exemplo, qui ueluti perpetua quadam laborum catena illigatus immensas per omnem uitam aerumnas exantlauit nec aliud inde praemii consecutus est quam odia, inuidiam, calumnias et poenam, adumbrat poeta mortalium ingratitudinem summam erga bene de se meritos uiros; praeterea uirtutis uiam, quae aspera, difficilis et ardua4 (ut Hesiodus canit) multorum odiis et inuidiae est obnoxia.
En outre par l’exemple d’Hercule, qui lié par une sorte de chaîne perpétuelle de travaux, a passé toute sa vie à surmonter des épreuves et n’en a retiré comme récompense que la haine, la jalousie, les calomnies et la peine, le poète esquisse l’extrême ingratitude des hommes à l’égard des héros qui ont bien mérité d’eux, et aussi que la voie de la vertu, qui est âpre, difficile et ardue (comme le chante Hésiode) est généralement exposée à la haine et à la jalousie.
Ita Alcibiades, Themistocles, Solon, Lycurgus, Theseus, pro ingentibus beneficiis in suas ciuitates, iniurias, probra, exilia rettulerunt.
Ainsi Alcibiade, Thémistocle, Solon, Lycurgue, Thésée, pour tout le bien qu’ils ont fait à leur patrie, ont récolté injustice, insultes, exil.
Quin etiam euidenti imagine describit calamitates et infelicitatem tyrannorum, qui non aequitate et iustitia imperium administrant, sed libidine et crudelitate ciuium animos abs se alienant odiumque publicum sibi contrahunt.
Bien plus, avec une image parlante, il décrit les calamités et les malheurs des tyrans, qui, au lieu de gouverner avec équité et justice, le font avec perversion et cruauté en s’aliénant la bonne volonté de leurs sujets et en s’attirant la haine publique.
Hinc fingit, extincto Lyco ab Hercule, ciues laetantes, tripudiantes quod uiderent ducem suum sublatum esse e medio, cuius interitum alioqui si bonus fuisset, non solum acerbe et familiariter tulissent, sed etiam uindicassent armis.
D’où ce qu’il imagine après l’élimination de Lycus par Hercule : des citoyens heureux, qui dansent parce qu’ils voient que leur chef a quitté ce monde ; mais sa mort, si par ailleurs il avait été un homme de bien, non seulement ils en auraient ressenti une amertume intime mais ils l’auraient vengée par les armes.
Addit autem causam, quae homines ad
saeuitiam et insolentiam plerumque subuehat: nempe χρυσὸν καὶ εὐτυχίαν
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τὸν πότμον εἶναι παλίῤῥουν
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Mais il ajoute une cause qui explique que les hommes se laissent aller à la cruauté et l’excès, c’est que, quand ils ne réfléchissent pas, « l’or et le bonheur », comme le dit notre poète, « est un destin qui coule dans les deux sens », c’est-à-dire que le destin reflue et glisse et que rien, à cause de lui, ne reste sans un état permanent.
Tam res est inuisa tyrannis.
Tant la tyrannie est détestable !
Nam Aristotele teste, homo animal est τῇ φύσει ἐλεύθερον καὶ μισοῦν τὸ δοῦλον7.
Car, aux dires d’Aristote, l’homme est un animal « libre par nature et qui déteste l’esclavage ».
In Theseo boni amici exemplum est illustrissimum, qui tanto studio, fide et constantia afflicto Herculi adest.
Avec Thésée, on a l’exemple le plus célèbre du bon ami qui, avec tout son cœur, sa loyauté et sa constance, prête secours au pitoyable Hercule.
Insani autem Herculis miserabile spectaculum ad moderationem et modestiam uocat eos qui rerum suarum successu elati ita res suas constabilitas arbitrantur ut eae non possint mutari.
Le spectacle lamentable de la folie d’Hercule incite à la modération et à la modestie ceux qui, enflés du succès de leurs affaires, croient qu’elle sont stabilisées au point d’être immuables.
Quid enim illustrius, quid inuictius Hercule? Quis umquam tot uictoriis claruit ?
Voit-on plus illustre, plus invincible qu’Hercule ? Qui a jamais brillé de tant de triomphes ?
At ille in hoc dramate parricida, furiosus, abiectissimus, lacrimans, fractus inducitur: ita ut etiam decrepiti senis consolatione opus habeat, quem prius non hydrae, non leones, Cerberi, Caci, Geryones terruerant.
Pourtant c’est lui qu’on voit sur scène dans ce drame en parricide, fou, humilié, en pleurs, brisé, au point d’avoir besoin de la consolation d’un vieux décrépit, lui à qui ni les hydres, les lions, les Cerbère, les Cacus, les Géryon n’avaient fait peur.
Isti ergo Hercules, terrores orbis ac uictoriosa capita, huius nostri Herculis exemplo σωφρονεῖν merito discere debent.
Donc ces Hercule, terreur de la terre et têtes victorieuses, devraient légitimement apprendre de l’exemple de cet Hercule, le nôtre, à « être sages »8.
Argumentum Actus primi.
Argument de l’Acte 1.
In prologo, sub persona Amphitryonis parasceue est ad futuras turbas et processionem epitaseon.
Dans le prologue, sous le personnage d’Amphitryon, il y a la préparation pour les futures perturbations et l’avancée des épitases.
Is enim cum Megara et Herculis liberis ad aram Iouis Agoraei miserabiliter omniumque rerum indigus sedens queritur de Lyci crudelitate in se et omnem Herculis progeniem, quam iste funditus delere conabatur.
Car Amphitryon, avec Mégara et les enfants d’Hercule, assis devant l’autel de Zeus Agoraïos, lamentablement dépourvu de tout, se plaint de la cruauté de Lycus contre lui et toute la descendance d’Hercule, qu’il avait l’intention d’éradiquer complètement.
2 Megara9 exposita uiolentia et iniuriis Lyci abiectaque cum pueris socerum appellat de effugio et uitando praesente periculo, quam senex consolatur iubetque bono esse animo: fortunam enim lubricam esse nec in eodem semper persistere statu.
2 Mégara, exposée à la violence et aux insultes de Lycus et humiliée avec ses enfants, interpelle son beau-père sur les moyens de fuir et d’éviter le présent péril ; le vieillard la rassure, lui conseille de garder courage, dit que la fortune est changeante et ne se maintient pas toujours dans le même état.
3 Chorus senum Thebanorum audita morte Herculis querulus commiserescit afflictas fortunas Herculearum reliquiarum.
3 Le chœur des vieillards thébains, à l’annonce de la mort d’Hercule, sur un ton plaintif déplore le sort affligé de ce qui reste d’Hercule.
4 Secunda huius Actus pars hic incipit, quae tota consumitur contionibus: quarum prima est Lyci, tyrannica, crudelis et cum uituperatione Herculis coniuncta ; secunda Amphitryonis, qua magna libertate nomen et famam Herculis defendit: ipsumque Lycum dehortatur a necandis liberis Herculis. ; inuehitur quoque in ipsam ciuitatem ut ingratam et beneficiorum Herculis immemorem, quae scilicet neglectui habeat Herculis tam praeclare meriti herois liberos.
4 Commence alors la seconde moitié de l’acte, qui consiste tout entière en discours : d’abord celui de Lycus, tyrannique, cruel, complété d’une invective contre Hercule ; ensuite celui d’Amphitryon, où, avec une grande franchise, il défend le nom et la réputation d’Hercule et il tente de dissuader Lycus de tuer les enfants d’Hercule ; il s’en prend aussi à la cité elle-même, ingrate et oublieuse des bienfaits d’Hercule, qui tient dans le mépris les enfants d’Hercule, ce héros qui leur a fait tant de bien.
Nihil autem proficit quominus saeuus tyrannus innocentes crudeliter extinguere paret.
Or elle ne fait rien pour empêcher un tyran cruel d’éliminer dans le sang des innocents.
Vnde Chorus senum offensus tam manifesta impietate negat se laturum tyrannidem peregrini latronis.
Alors le chœur de vieillards, offensé d’une impiété si nette, affirme qu’il ne tolérera pas la tyrannie d’un brigand d’étranger.
Postremo Megara ad mortem fortiter oppetendam multis argumentis senem hortatur quandoquidem ea omnino euitari non possit.
Enfin Mégara exhorte le vieillard à affronter la mort avec courage, dès lors qu’on ne peut du tout l’éviter.
Vix ergo summis precibus liberis sepultura et ornatu in funere sollemni a tyranno impetratis intro se recipiunt ut ad mortem se expeditos faciant.
C’est donc après avoir avec peine, à force de prières, obtenu du tyran une sépulture et le décorum de funérailles solennelles pour ses enfants, qu’ils rentrent tous pour se préparer à la mort.
5 Chorus commemorandis Herculis rebus gestis occupatur.
5 Le chœur s’occupe à commémorer la geste d’Hercule.
Argumentum Acti secundi.
Argument de l’Acte 2.
Megara cum liberis et Amphitryone egrediens foras ac iam funereo cultu expedita ad caedem repetit querelas iustoque dolori liberius indulget, omni uidelicet spe quam olim de successu et flore liberorum conceperat excussa.
Mégara sort avec ses enfants et Amphitryon et, prête à mourir suivant le culte funèbre, elle répète ses plaintes, s’attendrit avec franchise sur sa juste douleur de voir disparaître tout l’espoir qu’elle avait autrefois conçu pour le succès futur et l’apogée de ses enfants.
Ac tandem absentis Herculis opem implorat, ut cui nusquam ulla auxilii spes affulgeret.
Enfin, elle implore le secours d’Hercule absent, comme quelqu’un qui n’a aucune chance d’avoir nulle part une lueur d’espoir.
Senex uero ad Iouem uocem intendit.
Quant au vieillard, il s’adresse à Jupiter.
Senes Thebani autem egregia sententia monent ut praecisa omni longioris uitae spe id aeui quod datur suauiter et laeti transigamus, cum uideamus res humanas tam fallaces ac lubricas esse.
Les vieillards Thébains, eux, dans une maxime remarquable , conseillent, quand est retranché tout espoir d’une vie plus longue, de passer ce qui reste à vivre dans la douceur et dans la joie, puisque nous voyons les affaires humaines si trompeuses et changeantes.
2 Hercules praeter spem et subito ab inferis reuersus suos pullatos uidet omnemque rem ex iis resciscit, nempe iniurias et uim Lyci, Thebanorum autem ingratitudinem et perfidiam.
2 Hercule, contre toute attente et soudainement revenu des enfers, voit sa famille en deuil, apprend d’eux toute l’affaire, donc les injustices et la violence de Lycus et l’ingratitude et la perfidie des Thébains.
Vnde grauiter commotus et Lycum et reliquos memorabili clade se ulturum dicit.
Alors, très choqué, il déclare qu’il se vengera de Lycus et des autres dans un massacre mémorable.
Cuius impetum et festinationem moderatur prudentissimus pater, monens eum ne temere se in periculum praecipitet, sed tuto ac caute agat et lente (iuxta prouerbium) festinet10.
Son père, très avisé, tempère son ardeur et sa hâte et lui recommande de ne pas foncer à l’aveugle dans le danger mais d’agir avec prudence et précaution et de se hâter lentement (comme dit le proverbe).
Cuius consilio libens paret Hercules et intro se recipit, captaturus occasionem interimendi Lyci.
Hercule obéit volontiers à son conseil, se retire à l’intérieur pour saisir une occasion de supprimer Lycus.
3. Chorus commune senum ἦθος exprimit, qui ut plurimum solent incusare senectam et beatam dicere iuuentam; deos etiam culpat, qui nulla nota bonos a malis secreuerint, sed utrisque ex aequo breuia uiuendi spatia concesserint.
3 Le chœur exprime un éthos commun des vieillards qui, comme ils le font si souvent d’habitude, accusent la vieillesse et déclarent heureuse la jeunesse ; il incrimine aussi les dieux qui n’ont pas démarqué ni séparé les bons des mauvais mais ont concédé aux uns comme aux autres un court laps de temps de vie.
Deinde Herculis uictoriam, inoptatos reditus se hymnis prosecuturum dicit.
Puis ils disent qu’ils vont accompagner d’hymnes la victoire d’Hercule et son retour inopiné.
Argumentum Actus tertii.
Argument de l’Acte 3.
Lycus tracturus ad necem Megaram cum liberis, ignoransque intus Herculem esse, incidit inopinato in medios gladios ac ipsam perniciem trucidaturque ab Hercule, insultante et plaudente Choro.
Lycus, venu mener à la mort Mégara et ses enfants sans savoir qu’Hercule est à l’intérieur, tombe sans s’y attendre sur une embuscade et sur la mort même et se fait égorger par Hercule, sous les insultes et les applaudissements du chœur.
2 Chorus praeter gratulationem et eulogium Herculeae uirtutis et incolumitatis, nihil habet.
2 Le chœur n’est que remerciements et éloges du courage et de la vie sauve d’Hercule.
Inuitat enim non solum ciues Thebanos, sed ipsas quoque nymphas et Musas, ad laetitiam ac cantus propter oppressum tyrannum collaudatque Iouem, ut cuius concubitu cum Alcmena sit uictoriosus ille Hercules editus.
Car il invite non seulement les Thébains mais les nymphes mêmes et les Muses à manifester leur joie en chantant sur la mort du tyran et félicite Jupiter d’avoir couché avec Alcmène pour procréer cet Hercule triomphant.
3 Haec secunda huius Actus pars repente mutatis rebus funesta continet.
3 La seconde moitié de l’acte, par un soudain revirement, contient du malheur.
Furiae enim, collega Iride, in Herculem se armant quem mente spoliant ut per insaniam liberos cum coniuge occidat sicque Iunonis odio litet.
Car les Furies, aidées par Iris, s’arment contre Hercule qu’elles dépouillent de sa santé mentale pour que, devenu fou, il trucide ses enfants et sa femme et apaise ainsi la haine de Junon par ce sacrifice.
4 Chorus lamentis prosequitur Herculis calamitatem, qui iam furiatus ad necem suorum tendebat, quem modo ut felicem hymnis celebrarat : τοιάδε τίς ἐστι πάντων μεταβολή.
4 Le chœur accompagne de lamentations ce malheur d’Hercule qui, déjà en proie à la folie, allait tuer les siens, lui que tout à l’heure on avait dans des hymnes célébré comme heureux : « tel est le renversement de tout »11.
Argumentum Actus quarti.
Argument de l’Acte 4.
Nuntius Choro exponit Herculis taeterrima parricidia quae in uxore et liberis per furorem commiserat post Lyci caedem.
Un messager raconte au chœur l’épouvantable parricide qu’Hercule a commis dans sa folie contre sa femme et ses enfants après la mort de Lycus.
Nam ne quid tot defuncto laboribus et periculis in hac uita sincerum ac liquidum esset, in carissimam coniugem quoque et dulcissima pignora saeuire eum coegit aeternum Iunonis odium.
Car, alors qu’Hercule avait tant fait par ses travaux et ses aventures, pour que rien, dans cette vie, ne lui soit franc et évident, il fut contraint de sévir contre sa chère épouse et ses tendres enfants par la haine définitive de Junon.
2 Chorus et Amphitryon facinoris inauditi immanitate attoniti plorant ac gemunt.
2 Le chœur et Amphitryon, frappés de stupeur devant l’atrocité de ce crime inouï, pleurent et gémissent.
Hercule iam in somnum prolapso, quodque summis malis fieri solet, prae dolore stupent.
Et alors qu’Hercule a sombré dans le sommeil, chose qui arrive d’ordinaire dans les pires malheurs, plus encore qu’ils ne souffrent, ils sont éberlués.
3 Hercules excitus somno ac priori menti redditus quidnam fiat miratur: cum et tela sparsim iacere et se uinculis implicatum uideret, uix ergo seipsum capit.
3 Hercule se réveille, recouvre sa santé mentale et se demande ce qui se passe ; mais quand il voit que des traits jonchent le sol, qu’il est pris dans des liens, il a du mal à se rendre à l’évidence.
Tandem coram aspicit et caesos liberos et uxorem harumque rerum patratorem se ex Amphitryone esse cognoscit, unde querelam acerbissimam orditur inutilisque facti subit paenitentia, quae necem spontaneam ac laqueos suadet, ut se infamiae et foeditati secuturae uitae eriperet.
Enfin il aperçoit sous ses yeux ses enfants et sa femme massacrés, il apprend d’Amphitryon qu’il est lui-même l’auteur de ce massacre ; alors il entame une plainte très amère, il est saisi du regret d’un acte vain qui le pousse au suicide et à la pendaison pour échapper à l’infamie et à la honte de la suite de sa vie.
Thesei praeterea conspectum pro more male consciorum fugit.
En outre, il fuit la vue de Thésée comme ceux qui ont mauvaise conscience.
Argumentum Actus quinti.
Argument de l’Acte 5.
Theseus Atheniensium dux, Herculis comes indiuiduus, cum in periculo amicum uersari audiuisset, cum exercitu Thebas uenit atque ibi miserandam caedem aspicit.
Thésée, roi d’Athènes, ami inséparable d’Hercule, ayant entendu parler du péril où était son ami, est arrivé à Thèbes avec son armée et là constate le pitoyable massacre.
Herculem uero obstupidum et de nece sibi consciscenda cogitantem conspectusque hominum propter consceleratam conscientiam fugitantem uix tandem permouet ut aperto uultu se aspiceret.
Hercule est frappé de stupeur, songe au suicide, fuit le regard des hommes à cause de son sentiment de culpabilité, Thésée arrive à peine à obtenir de lui qu’il le regarde les yeux dans les yeux.
2 Hercules uitae suae miserias, quas partim fatis et numinis odio, partim ueteri generis sui scelerationi et Atae acceptas refert, exponit cum querela de sequentis uitae infamia, ignominia, et turpitudine.
2 Hercule raconte ses malheurs, qu’il rapporte tantôt au destin et à la haine de la déesse, tantôt à une ancienne faute de sa race et à Atè et se plaint de devoir vivre la suite de sa vie dans la honte, l’ignominie, le scandale.
Ex quibus omnibus concludit nihil amplius reliquum esse nisi ut quam ocissime ex hac uita discedat, addens clausulae loco amaram turpiter inuidae Iunonis suggillationem.
De tout cela, il conclut qu’il n’a pas d’autre issue que de quitter cette vie au plus vite, ajoutant, en guise de conclusion, l’amer outrage de la scandaleuse haine de Junon.
Contra Theseus consolatoria oratione iacentem et penitus consternatum Herculem erigere ac subleuare conatur, inuitans eum liberaliter in regni consortium.
Au contraire Thésée entreprend, dans un discours de consolation, de relever et remettre debout un Hercule abattu et complètement effondré, l’invitant généreusement à partager son trône.
3 Hercules animum recipit utcumque ac deosculata suorum cadauera patri sepelienda mandat et post multam querelam ac amaras lacrimas cum Theseo proficiscitur, commendans seni afflictam ac parricidio funestatam domum.
3 Hercule se ressaisit comme il peut et, après avoir embrassé les cadavres des siens, demande à son père de les enterrer et, après une longue plainte et des larmes amères, il part avec Thésée, confiant au vieillard cette maison affligée et souillée d’un parricide.