Gaspari Stiblini In Electram Euripidis Praefatio et Scholia
Gasparus Stiblinus

Présentation du paratexte

Bibliographie :
Traduction : Sarah GAUCHER

Gaspari Stiblini in Electram Euripidis Praefatio et Scholia

Préface et scholie de Gaspar Stiblinus à Électre d’Euripide.

Non temere Critici dubitarunt an haec fabula Euripidis γνησία esset : tametsi enim oratio omnino eius auctoris germana esse uideri possit, tamen praeter oeconomiam, quae aliquando frigidior est ac minus cohaeret, alia quoque in hac scriptione notantur ab eruditionis censoribus.

Ce n'est pas sans raison que les critiques ont douté que cette pièce soit une œuvre authentique d'Euripide : car si la langue peut être considérée comme tout à fait typique de cet auteur, néanmoins, au-delà de l'arrangement, qui est parfois plus faible et moins uni, les censeurs de l'érudition philologique blâment aussi d'autres éléments dans cette composition.

Quamquam nihil uetat quominus idem hic Euripidi, summo alioqui poetae ingenio, accidisse putemus, quod magnis uiris accidere solet, ut ipsis non numquam in serio opere somnus obrepat.

Certesn rien ne nous interdit de croire qu'il est arrivé ici à Euripide, par ailleurs poète du plus haut talent, ce qui a coutume d'arriver aux grands hommes, à savoir que le sommeil prend parfois par surprise ceux qui sont engagés dans un travail sérieux.

Potest etiam fieri ut ab aliquo aemulo Euripidis sit composita.

Il est également possible qu'il ait été composé par quelqu'un en imitation d'Euripide.

Nos rem in medio relinquimus, nec lectori quicquam praeiudicamus.

Nous, nous laissons ce sujet en suspens, et nous ne jugeons rien d'avance pour le lecteur.

Porro tragoediae nihil aliud sunt quam imagines quaedam humanarum cladium quibus subinde respublica et regna affliguntur, Deo hoc pacto ulciscente insignibus exemplis atrocia scelera.

Du reste, les tragédies ne sont pas autre chose que certaines représentations des désastres humains dont sont périodiquement affligés l’État et les royaumes, lorsque Dieu punit ainsi par des exemples remarquables des crimes horribles.

Quare et praesenti spectaculo poeta calamitosissimae Pelopidarum familiae ostendit quam horribilibus poenis Deus puniat detestabilia flagitia, parricidium et adulterium, quantumque malorum saepe unum aliquod sceleratum facinus parturiat ac secum trahat.

Ainsi, avec le spectacle actuel de la misérable famille de Pélops, le poète montre combien sont horribles les châtiments que Dieu inflige aux crimes abominables, au parricide et à l'adultère, et quelle masse de maux un seul acte criminel entraîne souvent et traîne avec lui.

ὅταν γὰρ οὐ καλὴ κρηπίς ἐστι τοῦ γένους 1 (ut uerbis Euripidis utar) saepe unius sceleris uindicta perpetuis cladibus in omnem posteritatem usque propagatur : καὶ φόνος φόνῳ ἐξαμείβων δι’ αἵματος οὐ λείπει δόμους 2 , ut idem Euripides ait.

En effet, « lorsque les fondations d'une famille ne sont pas bonnes » (si je puis reprendre les mots d'Euripide), il arrive souvent que la vengeance d'un crime se prolonge continuellement dans toutes les générations successives avec des désastres constants : « et les meurtres qui se succèdent au milieu des effusions de sang ne quittent pas la maison », comme le dit le même Euripide.

Primum enim Tantalus ob prodita mysteria apud inferos siti ac fame in mediis aquis torquetur.

En effet, Tantale est d’abord tourmenté aux enfers par la faim et la soif au milieu des eaux à cause des secrets qu’il a révélés.

Et Pelops caede Myrtili domum funestauit.

Puis Pélops souille sa maison du meurtre de Myrtilus.

Mox Atreus et Thyestes pari calamitate infelices errant : alter enim adulterio, alter parricidio familiam suam incestauit.

Bientôt Atrée et Thyeste sont touché d’un malheur égal : car l'un souille sa propre famille par l'adultère, l'autre par le parricide.

Hinc Agamemnon et Menelaus, quorum fata quoque lacrimosa.

Après cela il y eut Agamemnon et Ménélas, dont les destins furent également dignes de larmes.

Aegisthus se impiauit caede Agamemnonis.

Égisthe s’éclabousse par le meurtre d'Agamemnon.

De Orestis calamitate haec praesens tragoedia est.

La présente tragédie concerne le malheur d'Oreste.

Atque haec omnia spectant et faciunt ad diuinam prouidentiam, qua Deus res humanas, contra Epicurum sine literis, sineque arte in omnes insultantem, inspicit ac procurat, atrocia scelera tragicis suppliciis uindicans, innocentes autem et indigne oppressos praesenti ope saepe eripiens.

Et tous ces événements regardent et s'accordent avec la providence divine, par laquelle Dieu regarde et prend soin des affaires humaines (à l'inverse de ce que dit Épicure, qui sans éducation et sans habileté insulte tout le monde), vengeant des crimes horribles par des châtiments tragiques, arrachant souvent au danger, cependant, les innocents et ceux qui sont injustement opprimés par un secours immédiat.

Hac de re copiose Plato ἐν τῷ β. πολιτειῶν et in Phaedone aliisque pluribus in locis.

Sur ce sujet, Platon écrit longuement dans le deuxième livre de la République, et dans le Phédon, et dans beaucoup d'autres endroits.

Versatur haec fabula ex magna parte in genere deliberatiuo, nisi quod duae orationes contrariae Clytaemnestrae et Electrae sint in genere iudiciali.

Cette pièce verse en grande partie dans le genre délibératif, sauf les deux discours opposés de Clytemnestre et d'Électre qui versent dans le genre judiciaire.

Habet praeterea locos communes, et sententias grauissimas non paucas, quas in scholiis indicabimus.

En outre, elle comporte des lieux communs et nombre de maximes très sérieuses, que nous indiquerons dans les scholies.

Argumentum actus primi.

Argument de l’acte 1.

Prologus colonus Mycenaeus primum lamentabilem Agamemnonis necem et undique afflictam Pelopidarum domum, deinde Clytaemnestrae et Aegisthi crudelem impietatem spectatoribus commemorat : unde occasio et ratio omnis praesentis argumenti pendet.

Le prologue, un paysan mycénien raconte d'abord au public le meurtre lamentable d'Agamemnon et la profonde affliction de la maison de Pélops, puis l'impiété cruelle de Clytemnestre et d’Égisthe : de là dépendent toute la cause et la logique du présent argument.

2 Electra sub crepusculum aquam haustura sidera testatur se indignissime regia domo eiectam a matre simulque colonum, cui tradita erat, reuocantem se ab illo labore, ut uerum amicum in aduersis commendat.

2 Électre, en allant puiser de l'eau sous le crépuscule, prend à témoin les étoiles du fait qu'elle a été injustement chassée de sa maison royale par sa mère, et en même temps elle recommande le fermier, à qui elle a été confiée, qui essaie de la rappeler à ce travail, comme un véritable ami dans l'adversité.

Interea Orestes cum Pylade, perpetuo laborum et aerumnarum socio, Argis appropinquat, quaesiturus sororem et patris caedem ulturus.

Pendant ce temps, Oreste s'approche d'Argos avec Pylade, perpétuel compagnon de ses labeurs et de ses épreuves, avec l’intention de rechercher sa sœur et de venger la mort de son père.

3 Electra, regia quidem, sed calamitosissima puella, deplorat miserabilem patris necem, fratrisque Orestis, qui solus in tantis malis solacio esse posset, praesentiam optat, ut postea desideratior et expectatior eiusdem aduentus appareat.

3 Électre, princesse certes mais femme affligée, se lamente sur le meurtre misérable de son père, et elle souhaite la présence de son frère Oreste, qui seul pourrait être un réconfort dans de si grands maux, de telle sorte que plus tard son arrivée paraisse davantage souhaitée et attendue.

Inseruiunt illa parasceuae sequentium actuum.

Ces éléments servent à la préparation des actes qui suivront.

Argumentum actus secundi.

Argument de l’acte 2.

Continet hic actus congressum Orestis et Electrae, quo multae causae cumulantur ad iustam ultionem caedis paternae.

Cet acte contient les retrouvailles d'Oreste et d'Électre, où s'accumulent de nombreuses raisons pour venger justement le meurtre de leur père.

Exaggeratur enim Aegisthi et Clytaemnestrae impietas et crudelitas, caedis Agamemnonis indignitas, Electrae uero et Orestis fortuna afflictissima.

En effet, l'impiété et la cruauté d’Égisthe et de Clytemnestre, l'indignité de la mort d'Agamemnon, et aussi la fortune la plus misérable d'Électre et d'Oreste sont amplifiées.

Quibus omnibus uindicandi sceleris cupiditas magis ac magis utrisque accenditur.

Tous ces éléments allument de plus en plus en chacun d'eux le désir de venger le crime.

Commendatur praeterea in hoc actu coloni, hominis rustici et simplicis, integritas ac fides in Electram et hospitalitas in aduenas nauaque in procuranda re domestica industria.

En outre, dans cet acte, on loue l'intégrité et la fidélité du fermier, un homme rustique et simple, envers Électre ainsi que son hospitalité envers les étrangers, et son effort diligent dans la gestion des affaires domestiques.

2. Apostrophe Chori in expeditionem Graecorum in Asiam, qua ueluti a thesi ad hypothesin in laudem Achillis digreditur, cuius arma Homerico exemplo celebrat.

2. Apostrophe du Chœur sur l'expédition des Grecs en Asie, dans laquelle il fait une digression, comme s'il passait d'un sujet général à un sujet particulier, pour faire l'éloge d'Achille, dont il honore les armes selon l'exemple homérique.

Quare Clytaemnestrae parricidium exaggeratur ac detestabilius fit, ut quae tantorum heroum qualis Achillis fuerit imperatorem Agamemnonem per dolum cum adultero occiderit.

Le meurtre de Clytemnestre est ici amplifié et rendu plus abominable, puisqu'elle a tué Agamemnon, chef d'hommes héroïques comme l'était Achille, par la tromperie en compagnie de son amant.

Argumentum actus tertii.

Argument de l’acte 3.

Antiquus alumnus domus Tantali, sed (quod fit funestantibus omnia tyrannis) nunc eiectus, adfert quaedam munera pastoralia Oresti rogatu Electrae ac cum his flauae comae pilos ab Agamemnonis sepulchro, cui obiter inferias tulerat : unde Orestem forte clam iusta parenti fecisse ex capilli similitudine senex suspicabatur.

Un ancien fils adoptif de la maison de Tantale, mais (ce qui arrive quand les tyrans souillent tout) maintenant chassé, apporte à Oreste, à la demande d'Électre, des cadeaux de berger et, avec ceux-ci, des mèches de cheveux blonds provenant du tombeau d'Agamemnon, auquel il avait fait en chemin des sacrifices en l'honneur des morts : de là, d'après la ressemblance de ses cheveux, le vieil homme soupçonne qu'Oreste a secrètement offert les rites dus à son père.

2. Agnoscit senex Orestem ex cicatrice iuxta palpebras, quae illi olim puero ex uulnere dum cum sorore hinnulum persequeretur accepto coaluerat, unde sequitur mutua salutatio et complexus Electrae et Orestis.

2. Le vieil homme reconnaît Oreste à la cicatrice proche de sa paupière, qui s'est formée quand, enfant, il avait reçu une blessure alors qu'il poursuivait un jeune fauve avec sa sœur, d’où suivent la salutation mutuelle et l'étreinte d'Électre et d'Oreste.

3. Orestes cum sene consilia communicat de uindicanda nece patris, qua in re mira Orestis et Electrae parandarum insidiarum solertia animique circumspectio est obseruanda.

3. Oreste fait part au vieillard de ses intentions concernant la vengeance de la mort de son père, plan dans lequel il convient d’observer la remarquable sagacité d'Oreste et d'Électre dans la préparation d'un complot trompeur et leur prudence d'esprit.

Post consultationem Orestes Ioue Iunone Tellure matre et patris occisi manibus in auxilium euocatis ad facinus accingitur.

Après cette délibération, Oreste se prépare à son crime, après avoir évoqué comme aide Jupiter, Junon, la Terre mère et l'esprit de son père assassiné.

4. Chorus habet perpetuam narrationem de celebri illo agno aurei uelleris et incestu Thyestis, causis multarum calamitatum domus Pelopeiae cum insigni acclamatione ista horribilia exempla ideo nobis proponi ut diis obtemperantes pie et sancte uitam instituamus ne in similes clades incidamus.

4. Le Chœur fait un récit continu sur ce célèbre agneau à la toison d'or et sur l'inceste de Thyeste, causes de nombreux désastres de la maison de Pélops, en s’exclamant que ces horribles exemples sont placés devant nous pour que, obéissant aux dieux, nous arrangions notre vie avec piété et révérence, de peur de tomber dans de semblables désastres.

Argumentum actus quarti.

Argument de l’acte 4.

Narratio prolixa est de sublato per insidias Aegistho, in qua obiter ritus sacrificandi apud priscos describitur.

Il y a une longue narration sur la mort d’Égisthe grâce au complot, où est décrit en passant le rite sacrificiel des anciens.

Hinc gratulatio et tripudium Chori ac Electrae.

À partir de là, ont lieu les félicitations et les danses du chœur et d'Électre.

Solent enim mortes tyrannorum homines plausu et laetitia prosequi.

En effet, les hommes ont l'habitude de faire suivre la mort des tyrans par des applaudissements et de la joie.

Sequitur mox oratio Electrae ad Orestem inuectiua per effictionem, in qua loci communes de uiolata semel pudicitia de inauspicatis connubiis de opibus scelere partis.

Vient ensuite le discours d'Électre adressé à Oreste, une invective par le biais d'une représentation graphique du personnage, où on trouve des lieux communs sur la vertu violée, les mariages malheureux et la richesse acquise par le crime.

2. Deliberat Orestes et Electra de interficienda quoque matre.

2. Oreste et Électre délibèrent pour savoir s'il faut tuer aussi leur mère.

Qua in re inuictum animum uiraginis uidere licet, quo mire Orestem ad impium facinus excitat, quem potius pro mulieris storgis mitigare et incitatum moderari debebat.

On peut voir là l'esprit invaincu de la jeune fille guerrière, par lequel elle incite étonnamment Oreste au crime impie, alors qu'elle aurait dû plutôt l'adoucir conformément aux sentiments affectueux d'une femme et le retenir s'il était poussé à l'action.

3. Clytaemnestra in scenam producitur multo apparatu et barbaris mancipiis superba ad excitandam maiorem spectatorum inuidiam.

3. Clytemnestre est conduite sur la scène, se glorifiant de sa parure somptueuse et de ses esclaves barbares, afin d'exciter une plus grande désapprobation de la part des spectateurs.

Odiosum quippe erat illam tali pompa incedere occiso nefarie marito et exulantibus miseris liberis.

Il était certainement odieux qu'elle procède à une telle démonstration alors que son mari avait été tué de façon impie et que ses enfants, misérables, avaient été exilés.

Hinc sequuntur duae orationes iudiciales, quarum altera suum factum defendit Clytaemnestra, altera ab Electra defensio confutatur.

Suivent deux discours judiciaires, dans l'un desquels Clytemnestre défend sa propre action, dans l'autre sa défense est réfutée par Électre.

4. Chorus deplorat funestam familiam Pelopidarum cruentaque illa facinora detestatur.

4. Le chœur se lamente sur la malheureuse famille des Pélopides et dénonce ces crimes sanglants.

Argumentum actus quinti.

Argument de l’acte 5.

Orestes et Electra peracta caede in grauissimos cruciatus incidunt, ducti paenitentia tanti sceleris.

Oreste et Électre, une fois le massacre accompli, tombent dans les plus grands tourments, guidés par la pénitence d'un si grand crime.

Solent enim atrocia scelera horribiles conscientiae morsus sequi.

En effet, les terribles morsures de la conscience ont l'habitude de suivre les actes hideux.

2. Castor et Pollux dii ex improuiso (ut prouerbio dicitur) apparentes omnia componunt et placant.

2. Les dieux Castor et Pollux, apparaissant à l'improviste (comme le dit le proverbe), arrangent et apaisent tout.

3. Vltima salutatio et flebilis separatio Orestis ac Electrae.

3. On trouve l'adieu final et la séparation en larmes d'Oreste et d'Électre.


1. Eur., H. F. 1261-1262.
2. Eur., Or. 816-818.