Gaspari Stiblini In Hecabam Euripidis Praefatio
Gasparus Stiblinus

Présentation du paratexte

Bibliographie :
Traduction : Sarah GAUCHERThéophane TREDEZ

Gaspari Stiblini in Hecabam Euripidis Praefatio.

Préface à l’Hécube d’Euripide par Gasparus Stiblinus.

Haec fabula propter argumenti tum uarietatem, tum plus quam tragicam atrocitatem, iure principem locum tenet: habet enim Hecabam captiuam, Polyxenam mactatam, Polydorum crudeliter interfectum, Polymestorem exoculatum, liberosque eius misere laniatos atque occisos.

Cette pièce, tant à cause de la diversité de son sujet que pour son atrocité plus que tragique, occupe à juste titre la première place : en effet, elle contient la captivité d’Hécube, la mise à mort de Polyxène, la mort cruelle de Polydorus, l’aveuglement de Polymestor, et la mise en pièces et le meurtre misérable de ses enfants.

In qua poeta primum lachrimosa illa Troianae gentis excidii deploratione, humanarum rerum inconstantiam ac imbecillitatem delineare uidetur, seruilisque uitae miserias et incommoda ob oculos ponere.

Et dans cette pièce, le poète, par cette lamentation déchirante sur la chute de la race des Troyens, semble dessiner l'inconstance et la faiblesse des affaires humaines, et mettre les misères et les malheurs d'une vie de servitude devant nos yeux.

Hecaba enim beatissimi quondam Priami coniunx Asiaeque regina, e summo dignitatis, opum ac potentiae fastigio in profundum miseriarum deturbata : e rebus florentissimis ad calamitosam fortunam deiecta, quem non commoueret, quae praeter alias innumeras infelicis seruitutis molestias, filiam, unicum aerumnarum solacium imbecillaeque aetatis baculum, e conspectu, e manibus ac complexu abripi ad caedem uidet ?

En effet, Hécube, jadis épouse du très fortuné Priam et reine d'Asie, issue du plus haut rang de prestige, est précipitée du faîte de la dignité, de la richesse et de la puissance dans un abîme de misères : elle qui fut déchue d'une situation si heureuse pour un sort malheureux, qui ne saurait-elle émouvoir, elle qui, outre d’autres innombrables peines de sa malheureuse condition d'esclave, voit sa fille, unique consolation dans ses épreuves et unique soutien de son faible âge, arrachée à sa vue, à ses mains et à son étreinte vers la mort ?

An non haec subita atroxque rerum commutatio ?

N'est-ce pas un abrupt et affreux changement de circonstances ?

Quae nuper regina salutabatur, quam satrapae opulentissimi obsequiis captabant, cui incedenti uniuersi coetus uenerabundi assurgebant, cuius imperium terra marique latissime patebat, ad quam unam omnes respiciebant, cui filii domi militiaeque clarissimi erant, filiae in pulcherrimam regiorum connubiorum spem nutriebantur, hanc Graeci uiduam, amicis et liberis orbam, Troia humi fumante, in externum abducunt orbem et, reginae titulo adsuetam, seruam appellant.

Elle qui naguère était saluée comme reine, elle dont les satrapes les plus riches cherchaient les complaisances, elle sur le passage de qui toutes les assemblées se dressaient, pleines de respect, elle dont l'empire s'étendait très largement sur la terre et la mer, elle seule à qui tous accordaient leur attention, elle dont les fils étaient les plus illustres tant chez eux qu’à la guerre, dont les filles avaient été nourries dans l’espoir des plus belles alliances royales, cette femme, veuve, privée de ses amis et de ses enfants, alors que Troie fumait à terre, les Grecs l'emmènent dans une contrée étrangère et, elle qui était habituée au titre de reine, ils l'appellent esclave.

Hi tam saeui fortunae ludi, flebilesque rerum uices, successu nimio elatos admonere debent, ut sese ad modestiam reuocent nec propter opes et imperia animos attollant, cum eiusmodi res caecae fortunae arbitrio relictae, subito eripiantur, et ad alios transeant, nec ullo in loco fixae maneant.

Ces jeux si cruels du sort, et ces déplorables changements de circonstances, doivent avertir ceux qui sont gonflés d’un trop grand succès, de sorte qu'il se rappellent eux-mêmes à la modération, et qu'ils n’élèvent pas leur prétention à cause de la richesse et du pouvoir, puisque ce genre de bienfaits, laissés à l'arbitraire de la fortune aveugle, leur sont soudain arrachés, passent à d’autres, et ne restent fixés en aucun lieu.

Vtilis admodum est harum imaginum contemplatio diligens et crebra, in quibus fortunae leuitatem non obscure cernere licet : quae quo tenerius blanditur, eo tristius inuidet.

Est tout à fait utile la contemplation attentive et répétée de ces images, dans lesquelles il est possible de saisir clairement l’inconstance de la fortune : plus elle entoure de sa tendresse, plus son revers est funeste.

Hanc omnia inuertentem uim, quam nos diuinae prouidentiae tribuimus, ueteres non temere in rebus humanis dominari crediderunt.

Cette force qui renverse tout, que nous attribuons à la divine providence, les anciens crurent rarement la dominer dans les affaires humaines.

Deus enim, cui gratissima est modestia, et remissi animi puritas, fere hoc agit, ut sublimia caputque tollentia sternat, humilia autem erigat.

En effet, Dieu, à qui sont si chères la modération et la pureté d’un esprit calme, vise d’ordinaire à abattre ce qui est haut et lève la tête, tandis qu’il redresse ce qui est bas.

Sed nunc ad Polydorum se referat oratio, qui Troia periclitante, cum magna auri ui in Thraciam ad Polymestorem Priami hospitem missus est, ea spe, ut si Troia in Graecorum potestatem ueniret pecunia satis grandi Priami genus et regnum instaurari posset.

Mais dès lors laissons la parole se rapporter à Polydore, qui, lorsque Troie était en péril, fut envoyé, avec une grande quantité d’or, chez Polymestor, hôte de Priam en Thrace, dans cet espoir que, si Troie venait à tomber aux mains des Grecs, la race et le royaume de Priam pourraient être restaurés par cette assez grande fortune.

At fractis Phrygum opibus Graecisque rerum potitis, Polymestor auri depositi apud se cupiditate inflammatus, Polydorum ferro conscissum abiecit, ut aurum possideret.

Mais comme les richesses des Phrygiens étaient anéanties et que les Grecs s’étaient rendus maîtres de la situation, Polymestor, enflammé de désir de l’or qui lui avait été confié, met en pièces Polydore de son épée et l’abandonna pour s’emparer de l’or.

Quod illustrissimum exemplum nos ab insana illa habendi inexplebilitate deterret, quae semper immanium cladium causa extitit, atque ad impia bella excitauit mortales ; imo ad quoduis facinus suscipiendum impellit, contemptisque naturae legibus summa beneficia crudeli latrocinio compensat.

Et cet exemple très illustre nous détourne de cette folle insatiabilité de la possession, qui est toujours apparue comme la cause de malheurs immenses et a poussé les mortels vers des guerres impies ; encore mieux, elle incite à tous les crimes et compense, au mépris des lois de la nature, les plus hauts bénéfices par des méfaits cruels.

Ceterum licet dii nonnunquam tardius ad puniendum procedant, laneosque pedes (iuxta prouerbium) habeant 1 , tamen raro antecedentem deseruit pede poena claudo, sumuntque de malefactis aliquando supplicium.

Mais bien que les dieux tardent parfois à punir et qu’ils aient des pieds de laine (comme dit le proverbe), rarement le châtiment, malgré son pied boiteux, abandonne-t-il un homme qui le précède et ils le soumettent un jour au supplice pour ses mauvaises actions.

Vnde nec caedes illa Polydori inulta, quamuis caute egisse uideretur, mansit.

De ce fait ce meurtre de Polydore ne demeura pas impuni, bien qu’il semblât avoir été fait avec précaution.

Nam eius cadauer, casu ab ancilla repertum, Polymestorem patratae caedis conuicit ; qui sine mora erutis oculis amissisque liberis dignas facti poenas luit.

En effet, son cadavre, découvert par accident par une servante, prouva que Polymestor était responsable du meurtre accompli ; et lui, sans délai, subit des châtiments dignes de son crime : il se fit arracher les yeux et perdit ses enfants.

Quo loco poeta obiter monere uidetur, esse mentem quandam aeternam, rerum gubernatricem, quae horrendis suppliciis atrocia scelera uindicet, honeste autem factorum munifica sit praemiatrix.

Également, dans cet épisode, le poète semble avertir au passage qu’il existe une sorte d’esprit éternel, gouverneur du monde, qui venge les crimes atroces par de terribles supplices, mais qui récompense généreusement la noblesse des actes.

Porro Vlysses popularis et insidiosae facundiae typum exhibet, quae magis fauorem multitudinis eblandiri et ab omnibus inire gratiam conatur, quam quid iustum, quid Reipublicae salutare sit, disserere.

En outre, Ulysse apparaît comme aimé du peuple et comme l’image de l’éloquence insidieuse, qui essaie d’obtenir la faveur de la foule par des flatteries et d’entrer dans les bonnes grâces de tous, plus qu’elle n’essaie de disserter sur ce qui est juste, ce qui est utile à l’État.

Polyxena uero mactata in honorem et memoriam uiri strenui deque uniuerso exercitu optime meriti docet, ut ciuitates praestantium uirorum memoriam ceu sacrosanctam colant, ut et alii praemiorum spe accensi, ad claritatem aspirent.

Mais la mise à mort de Polyxène pour l’honneur et le souvenir d’un homme déterminé qui a rendu les meilleurs services à l’armée tout entière démontre que les cités célèbrent la mémoire des hommes remarquables comme si elle était sacrée, de sorte que d’autres, enflammés par l’espoir des récompenses, aspirent également à briller.

Ad interitum respublicae uergunt, in quibus bene meritis nulla gratia refertur, praesertim iis qui pro patria occubuere, quibus solis Lycurgus statuas fieri permisit2.

Les États, où aucune gratitude n’est montrée à ceux qui ont rendu de bons services, surtout ceux qui sont morts pour leur patrie, auxquels seuls Lycurgue a permis d’obtenir des statues, tendent vers la ruine.

Promptitudo autem et alacritas moriendi in eadem puella indicium est generosae indolis magnique animi, quae uiraginem illam nobilem in hoc acerbissimo fortunae casu sustinet nec malis succumbere sinit.

La promptitude et le zèle à mourir que manifeste cette jeune fille est la preuve d’un naturel noble et d’une grandeur d’âme, qui soutient cette noble héroïne dans cet accident si amer de la fortune, et lui permet de ne pas succomber sous les malheurs.

Ita ubique uirtus intaminatis fulget honoribus, ac seruitutem mauult morte excutere quam cum probro aerumnosam exigere uitam.

Ainsi partout où les honneurs sont exempts de souillure la vertu brille et préfère se débarrasser de la servitude par la mort que mener dans la honte une vie de tourments.

Maturum et callidum consilium Hecabae super ulciscendo Polymestore, quo non praecipitat uindictam, nec ira ablata in ipsum uiolenter ruit, (quod haud caruisset periculo) sed praemeditate reque cum Agamemnone communicata, ipsum aggreditur iubet nos in arduis rebus esse tardos, circumspectos, cautos : praecipitantia enim in omni negotio periculosa est, tuta uero mora.

Le dessein mûri et habile d’Hécube pour se venger de Polymestor, où elle ne précipite pas la vengeance ni ne se rue violemment dans un accès de colère, (ce qui n’aurait pas été sans danger) mais où, après avoir préparé son plan et s’être concertée avec Agamemnon, elle attaque l’ennemi lui-même, nous invite à être lents, circonspects et prudents dans des situations difficiles : car dans toute entreprise, la précipitation est dangereuse, mais le délai est sûr.

Quae adhuc plura huius farinae huc adferri poterant, ea suis locis breuiter in Annotationibus admonebo.

Et un plus grand nombre encore d’éléments sur cette nature pourrait être ajouté ici, que je signalerai brièvement à leur place dans les annotations.

Argumentum actus primi.

Argument du premier acte.

Polydori umbrae misera querela de excidio Troiano, de suo lamentabili fato, de Hecabae calamitosa fortuna, quae conspectura erat geminum liberorum funus uno die.

Il y a la misérable lamentation du spectre de Polydore sur la ruine de Troie, sur son déplorable sort, sur la fortune malheureuse d’Hécube qui allait contempler, en un jour, la mort de deux enfants.

2. Hecaba expergefecta, dirisque insomniis ac nocturnis spectris territa, praesagit cladem liberorum ; deprecansque a suis triste omen, terriculamenta sibi a Cassandra interpretari quaerit.

2. Hécube, s’étant réveillée et épouvantée par de sinistres rêves et des apparitions nocturnes, pressent le malheur de ses enfants ; et, cherchant à écarter des siens le funeste présage, elle demande à Cassandre de lui interpréter les terribles visions.

3. Chorus perturbatus ad Hecabam uenit, nuntians Polyxenam Graecorum sententiis uictimae destinatam idque potissimum Vlyssis, hominis popularis et gratiosi, suasu ; monetque, ut supplicatum eat Agamemnoni, si forte rem in melius uertat.

3. Le Chœur, bouleversé, vient annoncer à Hécube que par sentence des Grecs Polyxène est destinée au sacrifice, et cela en premier lieu sur le conseil d’Ulysse, homme qui avait l’amour et la faveur du peuple ; et il l’engage à aller supplier Agamemnon, dans l’espoir que par hasard il puisse changer la situation pour le mieux.

4. Hecaba attonita tristissimo nuntio in luctus et lamenta soluitur, nec Polyxenam celat de decreto exercitus : quam adeo non exanimat ea res, ut non suam, sed matris uicem potius deploret, quae se amissa omnino orba sit futura.

4. Hécube, stupéfaite par la si funeste nouvelle, s’effondre dans le chagrin et les lamentations, et elle ne cache pas à Polyxène la décision de l’armée : mais cette nouvelle ne l’ébranle pas, si bien qu’elle déplore non pas son propre sort, mais plutôt celui de sa mère, qui, après sa mort, se trouverait entièrement esseulée.

Argumentum actus secundi.

Argument du deuxième acte.

Venit Vlysses ad Hecabam, auctoritate exercitus Polyxenam ad caedem abducturus.

Ulysse vient trouver Hécube pour emmener Polyxène vers sa mort sur ordre de l’armée.

Hecaba neque iustum, neque fas, neque etiam decorum aut necessarium esse, immerentem puellam mactare crudeliter, graui oratione ostendere conatur admonens interim Vlyssem beneficiorum et clementiae quam olim in Troia apud se expertus sit, quibus ut nunc respondeat, ipsa aequitas postulet.

Hécube tente de montrer par un véhément discours qu’il n’est permis ni par les lois humaines ni par les lois divines, ni même convenable ou nécessaire, de sacrifier cruellement une jeune fille innocente, rappelant dans le même temps à Ulysse les faveurs et la bonté dont il avait fait jadis de sa part l’expérience à Troie et auxquels l’équité elle-même exigerait qu’il réponde à présent.

2. Vlysses contra decere ait, nempe insigni impendio benemeritos uiros post funera ornandos esse, quod horum neglectus saepe damno soleat esse Rebuspublicis.

2. Ulysse dit de son côté qu’il est convenable, bien sûr, que les hommes qui l’ont bien mérité soient honorés à grands frais après leur mort, parce que la négligence de ces considérations a souvent coutume de nuire aux États.

3. Hecaba desperans Vlyssem exorari aut flecti posse, filiam, ut supplex ad genua accidat Vlyssi, monet, quod se ita indignum haec iudicat, ut ultro nece calamitosum seruitutis iugum excutere cupiat : tantum abest, ut se turpiter abiiciat, aut demittat seruiliter.

3. Hécube, perdant espoir qu’Ulysse pût être fléchi ou ému, conseille à sa fille de tomber en suppliante aux genoux d’Ulysse : ce que celle-ci juge être si indigne d'elle qu’elle désire d’elle-même arracher le joug de sa misérable servitude par la mort ; tant s’en faut, qu’elle se jette honteusement à terre, ou s’abaisse à être une esclave.

Committit autem incommoda et pudorem secuturae uitae, cum anteacta uita, quae plena splendore et dignitate fuerit.

Elle compare aussi les malheurs et la honte de la vie qui allait suivre, avec la vie qu’elle avait menée, qui était pleine de splendeur et de dignité.

4. Hecaba desperata filiae salute, tantum hoc impetrare contendit, ut simul liceat mori cum filia.

4. Hécube, ayant perdu l’espoir du salut de sa fille, s’efforça seulement d’obtenir qu'il lui soit permis de mourir en même temps que sa fille.

Negante id Vlysse, Polyxena extremos complexus paulo post moritura carissimae matri dat, ac triste uale dicit ; in qua re mira uis exprimitur ἐμπαθείας καὶ ἠθοποιΐας.

Après qu’Ulysse le lui refuse, Polyxène, qui allait mourir peu après, donne ses dernières étreintes à sa mère tant aimée, et dit un triste adieu ; dans cette scène est exprimée une puissance extraordinaire d’empatheia et d’èthopoia.

Tam ardet affectibus unicae filiae et grandaeuae matris acerba diuulsio.

Si fort brûle d’affections l’amère séparation d’une fille unique et sa mère d’un âge avancé.

5. Ducitur filia : plorat Hecaba, et prae dolore collabitur.

5. La fille est emmenée : Hécube se met à pleurer, et de douleur s’effondre.

Chorus incertam futurae uitae seruilis conditionem, qua scilicet in terra, aut qua ratione sit obeunda, tristis secum agitat.

Le Chœur énonce tristement l’incertaine vie future dans une condition d’esclave et dans quelle terre et de quelle manière elle doit être vécue.

Actus tertii argumentum.

Argument du troisième acte.

Actus tertius historiam de immolata Polyxena continet, in qua eius magnus animus puellarisque uerecundia in primis commendatur.

Le troisième acte contient l'histoire du sacrifice de Polyxène, dans laquelle on fait particulièrement valoir son grand courage et sa pudeur de jeune fille.

Miro autem artificio per totam narrationem affectus sparguntur.

Les passions en outre parsèment l’entièreté du récit avec une habileté admirable.

2. Hecabae lamentabilis querela, de amissa filia, patria, regno, in qua mira expressio imbecillitatis rerum humanarum et fortunae inconstantiae, cuius non poterat euidentior imago adumbrari, quam in hac sic misere affecta, quae olim totius Asiae imperatrix salutabatur.

2. Suit la lamentation plaintive d’Hécube qui a perdu sa fille, sa patrie et son royaume, où est remarquablement exprimée la faiblesse de la vie humaine et l’inconstance de la fortune, dont le portrait ne pourrait être plus clairement esquissé qu’avec cette femme si misérablement affectée, elle qui autrefois était saluée comme la maîtresse de l’Asie tout entière.

3. Excidium regni Troiani iam olim in fatis fuisse ; sic tamen peractum bellum esse, ut non minus lugeant Graeci quam barbari, Chorus canit.

3. Le Chœur chante que la destruction du royaume troyen était déjà depuis longtemps prédestinée ; que pourtant la guerre fut menée de telle manière que les Grecs ne la déplorent pas moins que les barbares.

In actum quartum argumentum.

Argument du quatrième acte.

Ancilla ab Hecaba missa, ut e mari aquam abluendae Polyxenae adferret, reperit trucidati Polydori cadauer, in litus eiectum.

Une servante qu’Hécube avait envoyée ramener de l'eau de la mer pour laver Polyxène, découvre le cadavre égorgé de Polydore échoué sur le rivage.

Hac immanitate rei attonita, propere se ac turbulento ore ad Hecabam proripit, corpusque filii lacerum ueste contectum ostendit.

La servante, frappée par la barbarie du spectacle, se précipite chez Hécube à la hâte, parlant confusément, et lui montre le corps mutilé de son fils, couvert d’un vêtement.

Quod ut agnouit, nouam calamitatem acerbissimo animo fert.

Et ce corps, lorsqu’elle l’a reconnu, apporte un nouveau malheur à son cœur si amer.

2. Agamemnon, quod negligeretur Polyxena, uenit accersitum Hecabam.

2. Agamemnon, parce que le corps de Polyxène était négligé, vient mander Hécube.

Cui exponit ipsa crudelem filii necem rogatque sibi ut auxilio esse uelit in uindicando Polymestore caedis auctore, et consilium super ea simul cum rege communicat.

Elle lui révèle la cruelle mort de son fils et elle lui demande qu’il veuille bien l’aider à se venger de Polymestor, auteur du meurtre, et en même temps partage avec le roi son plan à ce propos.

3. Chorus Ilium omni ornatu ac dignitate spoliatum alloquitur, eiusque occasum miserabilem deplorat, quo ipsae matronae expulsae, uiduae omni felicita re ac fortunis exutae, in peregrinam abducantur terram.

3. Le chœur s’adresse à Ilion, spoliée de ses ors et de dignité, et déplore sa misérable ruine puisque à cause de cela les femmes elles-mêmes, chassées, privées de tout bonheur et dépouillées de toute fortune, sont emmenées dans une terre étrangère.

Deinde Paridis et Helenae funesta connubia, quae toti Phrygiae exitio fuerint, detestatur.

Ensuite, il maudit la funeste union de Pâris et d’Hélène, qui causa la perte de toute la Phrygie.

Actus quinti argumentum.

Argument du cinquième acte.

Hecaba, dissimulato animo, amice Polymestori colloquitur, sermones fingens de quibusdam thesauris apud Ilium defossis, quos gratos fore auaro tyranno bene norat ; ac hoc pacto illum intra tecta ad secretius quoddam (ut credebat) colloquium inuitat.

Hécube, dissimulant ses intentions, s’entretient avec Polymestor d’un ton amical, fabulant sur de prétendus trésors enfouis près d’Ilion, dont elle savait bien qu’ils seraient agréables à un avide souverain ; et de cette manière elle l’invite à l’intérieur de sa tente pour un entretien secret (comme il le croyait).

2. Ingressus Polymestor, turba mulierum obruitur, oculis priuatur, liberi in conspectu ipsius misere trucidantur ; unde querelas et iras acerbissimas nequicquam miscet.

2. Après qu’il fut entré, Polymestor se fait assaillir par une foule de femmes, se fait arracher les yeux ; ses enfants sont misérablement trucidés devant lui ; de là, il mêle en vain lamentations et colères très amères.

3. Agamemnon audito clamore accurrit, simulans se harum rerum ignarum ; perceptisque et accusatione et defensione, pro Hecaba pronuntiat.

3. Entendant les cris, Agamemnon accourt, feignant d’être ignorant de cet événement ; et après avoir entendu les discours d’accusation et de défense, il se prononce en faveur d’Hécube.

Polymestor autem, desperata alia uindicta, conuiciis et maledictis Hecabam primum, deinde et Agamemnonem impetit.

Mais Polymestor, ayant perdu l’espoir d’une autre vengeance, accuse d’abord Hécube en injures et en outrages, puis Agamemnon de même.

Atque ita finis fabulae imponitur.

Et c’est ainsi qu’est posé le terme de la pièce.


1. Erasme, Adagia 982, . L'expression se trouve en premier lieu dans Macr., Sat. 1.8.5.
2. Plut., Lyc. 27.2.