Présentation du paratexte
Praefatio in Orestem per Gasparum Stiblinum.
Préface d’Oreste, par Gaspar Stiblin.
In praecedenti fabula sapientissimus poeta fortunae inconstantiam uariasque rerum humanarum uices insigni Hecubae exemplo delineauit: id quod fere passim agit tagoedia.
Dans la pièce précédente, ce poète très sage a exposé les aléas de la fortune et les différents revirements des affaires humaines avec l'exemple remarquable d'Hécube : comme c’est le cas presque partout dans la tragédie.
Hoc uero Orestis in insaniam uersi spectaculo conscientiae male pacatae cruciatus adumbrat, qui miseros assidue excarnificant etiamsi nullos facinorum suorum conscios habeant.
Mais à travers ce spectacle d'Oreste cheminant vers la folie, le poète représente les tortures d'une conscience sans repos, qui tourmentent continuellement les misérables, même s'ils n'ont pas de témoins pour leurs crimes.
In qua re diuinus numinis zelus et honestatis turpitudinisque natura consideranda est.
Dans cette affaire, il faut considérer la jalousie extraordinaire de la divinité et la nature de la vertu et de la bassesse.
Quid enim formidabilius illo esse possit qui etiam in nepotes et pronepotes persequitur scelera nullumque nefas impunitum dimittit?
Car quoi de plus terrifiant que cet être qui punit les crimes jusque dans les générations des petits-fils et des arrière-petits-fils et qui ne laisse aucune faute impunie ?
Quemadmodum eiusdem benignitas boni aequique seruantes in tutela sua fouet conseruatque.
Ainsi la bonté du même protège et préserve sous sa protection ceux qui se conforment à ce qui est bon et juste…
Ea uero est honestatis natura ac uis ut mirabiles sui amores excitet in animis hominum incredibilique et arcano quodam gaudio suos cultores perfundat alacresque impetus animo ad praeclaras res capessendas tacito ingignat.
Quant à la nature et la puissance de la vertu, elles sont telles qu'elle peut faire naître un amour admirable à son égard dans l'esprit des hommes, et insuffler à ceux qui la cultivent une joie incroyable et secrète, et engendrer silencieusement dans l'esprit un vif désir d'entreprendre des actions glorieuses.
Turpitudo autem fuco perlita quadam momentaneae delectatiunculae specie insidiatur et imponit incautis, sed post se magnos dolores et aculeos relinquit in mentibus hominum.
La bassesse, quant à elle, fardée d’un éclat trompeur, se tient en embuscade sous l'apparence d'un petit plaisir momentané et abuse l'insouciant, mais ensuite elle laisse derrière elle une grande peine et des malheurs dans l'esprit des hommes.
Itaque uolup erat Oresti impio affectui indulgere et patris iniustam necem a matre reposcere suoque furori materna caede litare; sed eadem res longe acerbissima fieri coepit ubi foedi turpitudinem facti propius cognouit.
Il était donc agréable à Oreste de céder à une passion impie, de demander des comptes à sa mère vis-à-vis de la mort injuste de son père, et d'apaiser sa propre folie par le massacre de sa mère : mais ce même acte commença à devenir de loin le plus amer lorsqu'il reconnut de plus près le déshonneur de cet immonde forfait.
Hanc de sceleratorum poena opinionem prisci sapientiae praesides rudibus uulgi animis inculcare per horrenda exempla obnixe studuerunt ut metu supplicii a malefactis deterrerent mortales et praemii spe ad uirtutis officia excitarent.
Les anciens gardiens de la sagesse se sont efforcés d'imprimer cette croyance sur le châtiment des malfaiteurs dans les esprits ignorants de la foule par des exemples terrifiants, afin que la crainte du châtiment dissuade les mortels de commettre de mauvaises actions et que l'espoir d'une récompense les incite aux devoirs de la vertu.
Crassae enim uulgi mentes non poterant subtiles philosophorum de honestate ac uirtutibus disputationes καὶ λεπτολογίας capere.
En effet, les esprits grossiers de la foule n'étaient pas capables de saisir les fines réflexions et les arguments subtils des philosophes sur l’honnêteté et les vertus.
Penetrant durissimorum quoque hominum animos tam euidentes rerum horribilium imagines.
Des représentations aussi visibles de choses horribles pénètrent même l'esprit des hommes les plus durs.
Primo ergo in hac fabula (ut iam dixi) spectemus hominis sibi male conscii effigiem.
En premier lieu, donc, dans cette pièce (comme je l'ai déjà dit), considérons la figure d'un homme à la conscience coupable.
Parricidium commiserat Orestes ut ulcisceretur caedem Agamemnonis patris, qui insidiis uxoris circumuentus occiderat: patri ergo pietatis officium exhibere uolens materno cruore impiatus est.
Oreste avait commis un matricide pour venger le massacre de son père Agamemnon, qui, piégé par les ruses de sa femme, avait été assassiné : c'est pourquoi, voulant s’acquitter envers son père du devoir de piété filiale, il a été rendu impur par le sang de sa mère.
Sic enim fere nobiscum agitur ut falsum honestatis uelamen audaciae praetexamus falsisque persuasionibus perspicaci iustitiae et aequitatis rationi tenebras offundamus.
Car c'est ainsi qu'il en va généralement de nous : nous couvrons l'audace d'un faux manteau de vertu, et par de fausses persuasions, nous répandons des ombres sur un sens aigu de la justice et de l'équité.
Itaque sperabat Orestes hoc suae causae in primis patrocinaturum quod matrem iugulando patris mortem ultus esset.
Oreste espérait donc que le fait d’avoir assassiné sa mère pour venger la mort de son père en premier lieu, plaiderait en sa faveur.
Sed patrata iam caede illa ueri cognoscendi scintilla nondum penitus extincta in media scelerati hominis caligine emicuit.
Mais une fois ce massacre perpétré, l'étincelle qui fait connaître la vérité, qui n’était pas complétement éteinte, s'est allumée au milieu du brouillard qui entourait le scélérat.
Sanguineis enim Furiarum terriculamentis perculsus impietatem suam agnoscit nimisque sero facti paenitens mente capitur.
En effet, frappé de plein fouet par les terreurs sanglantes des Furies, il reconnaît son impiété, et regrettant trop tard son crime, il est saisi de démence.
Quo in loco οὐκ ἀφιλοσόφως poeta insaniam describit, assignans illi oculos inuersos aciesque intortas, spumam oris, foedum totius corporis aspectum, membrorum languorem.
Le poète décrit ici sa folie avec philosophie, lui attribuant des yeux tournés vers l'intérieur, une vision déformée, avec l’écume aux lèves, un aspect répugnant de tout son corps et une faiblesse de ses membres.
Nam tam arcte corpus et anima connexa sunt ut utrumque ab alterius passionibus afficiatur.
Car le corps et l'esprit sont si étroitement liés que chacun est influencé par les passions de l'autre.
Sic in Oreste sera paenitentia et desperatio ad corporis usque labefactionem progressa est.
Ainsi, dans le cas d'Oreste, le regret tardif et le désespoir ont progressé jusqu'au relâchement de son corps.
Consequitur autem tum melancholiam tum desperationem amentia.
La conséquence naturelle de la mélancolie et du désespoir est la folie.
In primis igitur operae pretium est subinde inspicere sapientissimas istas exemplorum imagines e quibus uitae rationes petemus, effigiemque humanarum rerum, affectuum, uirtutis, fortunae, animis imprimamus cogitemusque quam grauiter Deus in malefactores animaduertat, quam funesti semper immanium affectuum exitus existant, qui cruciatus, qui ex diuina offensa mucrones conscientiam uulnerent.
Il est donc particulièrement utile d'examiner souvent ces très sages représentations d'exemples où nous chercherons une méthode de vie : imprimons dans nos âmes l'image des actions humaines, des émotions, de la vertu et de la fortune ; considérons avec quelle sévérité Dieu punit les malfaiteurs, quelles lamentables conclusions se dégagent toujours des passions monstrueuses, quels tourments et quelles épées blessent la conscience à la suite du déplaisir divin.
Nec impunitatem ex latebra speremus, sed
Peregrini philosophi dictum, quod est apud Aulum Gellium, sequamur : Sapientem scilicet uirum non peccaturum etiamsi eum peccasse dii atque
homines ignoraturi forent.
1
N'espérons du secret l'impunité ; suivons plutôt la maxime du philosophe Peregrinus, que l'on trouve dans les écrits d’Aulu-Gelle, à savoir : « le sage ne s'apprête pas à pécher, même si les dieux et les hommes peuvent ignorer qu'il a péché. »
Non enim ille Philosophus poenae aut infamiae metu non esse peccandum censebat, sed iusti honestique studio et amore.
Car ce philosophe n'imaginait pas que l'on ne devait pas pécher par crainte du châtiment et de l'infamie, mais par dévotion et amour de la justice et de la vertu.
Ceterum quid Poeta Furiarum Orestem
uerberantium inuolucro texerit plenissime ex Marco Tullio
Cicerone percipi potest, cuius uerba in Oratione pro Roscio Amerino scripta haec sunt: Nolite enim putare, quemadmodum in fabulis saepenumero uidetis, eos qui
aliquid impie scelerateque commiserint agitari et perterreri Furiarum taedis
ardentibus.
2
En outre, le sens que le poète a caché sous le couvert des Furies torturant Oreste peut être compris de la manière la plus complète par Cicéron, dont les mots, écrits dans Discours pour Roscius Amerinus, sont les suivants : « Ne pensez pas que, comme vous le voyez en de nombreuses occasions dans les pièces de théâtre, ceux qui ont commis quelque chose d'impie et de méchant sont poussés et effrayés par les torches brûlantes des Furies. »
Sua quemque fraus, suus terror maxime uexat, suum quemque scelus agitat amentiaque afficit, suae malae cogitationes conscientiaeque animi terrent.
C'est précisément son propre délire et sa propre terreur qui le harcèlent, son propre crime le pousse et l'afflige de folie, ses mauvaises pensées et les sentiments de sa conscience le terrifient.
Hae sunt impiis assiduae domesticae Furiae, quae dies noctesque parentum poenas a consceleratissimis filiis repetant, etc.
Les impies ont chez eux des Furies tenaces, qui jour et nuit vengent les parents sur les fils les plus dépravés, etc.
Praeterea in Oreste et Pylade sincerae et singularis amicitiae exemplum proponitur.
En outre, un exemple d'une amitié sincère et unique entre Oreste et Pylade est donné à voir.
Apparent enim ueri amici in periculis afflictisque rebus, nulloque fortunae impetu franguntur.
Car ils se montrent de vrais amis dans le danger et les difficultés, et aucune attaque de la fortune ne les sépare.
Sed fidem operamque etiamsi fractus illabatur orbis expromptam praebent: imo si opus foret, uitae iactura amici saluti consulerent.
Au contraire, ils font preuve d'une loyauté et d’un soutien à toute épreuve, même si le monde brisé tombe en ruine : par tous les moyens, s'il le fallait, ils assureraient la survie de leur ami au prix de leur vie.
Qualibus etiam opes, honores, imperia
postponenda sunt, sicuti Poeta ipse dicit:
3
Même la richesse, les honneurs et les empires doivent être considérés comme moins importants en comparaison de tels amis, comme le dit le poète lui-même : "Il n'y a rien de plus grand qu'un ami sûr, pas la richesse, pas le pouvoir royal".
Vt ergo igne aurum probamus, ita in aduersis amici fides explorari solet.
Par conséquent, de même que l'on teste l'or par le feu, la loyauté d'un ami est généralement mise à l'épreuve dans l'adversité.
Pylades rebus iam desperatis quam fidum animum declarat, dum non opes, non aurum, quod usitatum est, pollicetur, sed uitam pro amici incolumitate impendere uel cum amico ad manes simul ire gestit.
Quelle fermeté d'esprit révèle Pylade quand la situation est déjà désespérée, quand il ne promet pas à son ami de l'aide ou de l'argent, ce qui est normal mais qu’il aspire plutôt à sacrifier sa vie pour la sécurité de son ami ou à aller avec lui aux enfers.
Contra uero in Menelao fucati amici effigiem adumbrat, qui prementibus malis Orestem iuuare recusat tali sub praetextu: Non esse facultatem liberandi ipsum e periculo propter insanos populi motus multitudinisque promiscuae tumorem, cui obsistere uiribus destitutum non sit satis tutum.
En revanche, dans Ménélas, il dessine la figure d'un faux ami, qui, lorsque les douleurs oppriment Oreste, refuse de lui venir en aide sous le prétexte suivant : il n'y a pas de moyen facile de le mettre à l'abri du danger, à cause des folles agitations du peuple et du bouillonnement de la foule aveugle, à laquelle il n’est pas sans danger de s'opposer quand on manque de forces d'appoint.
At spe fraterni imperii potiundi accensus Orestem deserebat.
Mais excité par l'espoir de conquérir le royaume de son frère, Ménélas abandonnait Oreste.
Vt hinc intelligamus saepe ruptis naturae uinculis fratrem a fratre dissilire amicitiaeque religionem ius ipsum pietatemque nimia dominandi libidine uiolari: qua nihil est exitiosius tranquillo reipublicae statui.
Ainsi nous pouvons percevoir que lorsque les liens de la nature sont rompus, souvent le frère se sépare du frère, et que la sainteté de l'amitié, la justice même, et la piété sont violées l’ambition excessive du pouvoir : rien n'est plus mortel que cela pour la tranquillité d'un Etat.
Nos ergo hoc illustre et uerae et fictae amicitiae exemplum ob oculos ponentes circumspecti et cauti simus in amicis et deligendis et colendis, ut ne antea (sicut monet Isocrates) in amicitiam quempiam recipiamus quam exploratum sit cuiusque ingenium.4
Nous mettons donc sous les yeux cet exemple clair d'une amitié vraie et d'une feinte amitié et soyons prudents et attentifs en choisissant et cultivant ses amitiés, afin de ne pas accorder notre amitié à quelqu’un avant (comme le prévient Isocrate) d'avoir vérifié le caractère de chacun.
Memorata amicorum paria sunt haec ferme: Achilles et Patroclus, Euryalus et Nisus, Aeneas et Achates, Theseus et Pirithous, Pythias et Damon, Dauid et Ionathas, etc.
Voici les paires d'amis habituellement mentionnées : Achille et Patrocle, Euryale et Nisus, Énée et Achate, Thésée et Pirithous, Pythias et Damon, David et Jonathan, etc.
Nec minus commendo orationes contrarias Tyndarei et Orestis, quae foro paratae, concitatae, solidae, sententiis et locis rhetoricis refertae, inter se fortiter collidunt.
Je ne recommande pas moins les discours opposés de Tyndare et d'Oreste, qui, préparés pour le forum, rapides, fermes, pleins de maximes et de figures rhétoriques, s’opposent violemment.
Illud etiam in narratione nuntii, cuius personam Phryx quidam agit, minime praetereundum, quod a poeta inducitur uir quidam Argiuus, disertus quidem, sed insignitae improbitatis, surrexisse populumque in eam sententiam illecebrosa oratione pertraxisse ut Orestem damnarent.
Ce point du rapport du messager, dont le rôle est joué par un certain Phrygien, n'est pas non plus à négliger : le poète a introduit un homme grec qui était certes éloquent, mais d'une malhonnêteté extraordinaire, qui s'est levé et avec un discours séducteur a conduit le peuple vers le jugement de condamnation d'Oreste.
Ex qua re intelligendum nihil pestilentius esse quam tantam in malo uiro facundiam: qui cum de rebus peruerse sentiat nihil etiam sani loquitur.
D'après cet épisode, nous devons comprendre que rien n'est plus désastreux qu'une grande éloquence chez un homme mauvais, qui, puisqu’il a de mauvaises intentions, ne dit rien de sensé.
Cuius generis tenebrionum ubique maxima turba etiam hodie inundat.
Aujourd'hui encore, une foule de filous de cette sorte abonde partout.
Principatum in rebuspublicis obtinent, magna confidentia nec minore fauore et plausu populi de maximis rebus temere declamitant, uberesque quaestus inde occipiunt.
Ils occupent la première place dans les affaires publiques, ils plaident inconsidérément sur les préoccupations majeures avec une grande confiance et non moins d'appréciation et d'applaudissements de la part du peuple, et ils en retirent de riches profits.
Rursus in altero uiro qui Orestis partes tuebatur imaginemur longe fructuosiores esse rebus mortalium uiros infacundos, integros tamen et prudentes, quam insidiosa et fucata eloquentia praeditos.
Figurons-nous encore, dans le cas du second homme qui défendait le parti d'Oreste, que des hommes inélégants, mais droits et sensés, sont bien plus bénéfiques pour les affaires des hommes que ceux qui sont doués d'une éloquence insidieuse et artificielle.
Eiusmodi tamen plerumque parui fiunt apud uulgus, cui semper potior adulatio et fucus est quam integritas ac ueritas.
Néanmoins, dans la plupart des cas, peu de personnes de ce type sont présentes parmi les gens du peuple, pour qui la flatterie et la tromperie sont toujours préférables à l'intégrité et à la vérité.
Denique spectemus ingenia et affectus desperatorum hominum in Oreste et Electra, qui non contenti caede matris Helenae quoque et Hermiones necem moliebantur.
Observons enfin les natures et les passions des désespérés dans Oreste et Électre, qui, non contents d'avoir massacré leur mère, ont tenté de tuer aussi Hélène et Hermione.
Semel enim laesa conscientia laxatoque animo aliquo insigni scelere fit ut in quoduis nefas praecipites ruamus peccataque peccatis accumulemus.
En effet, une fois que la conscience a été blessée et l'esprit déchaîné par quelque crime notable, il arrive que l'on se précipite dans n'importe quel crime et que l'on accumule péchés sur péchés.
Proinde consultissimum fuerit principiis obstare nascentique morbo medicam ferre opem, hoc est, immoderatos affectus temperare, cupiditatibus frena imponere easque rationi oboedientes facere, ne semel uiolata mente postea a nullo flagitio abhorreamus.
Par conséquent, la ligne de conduite la plus prudente aurait été de couper le mal à la racine et d'apporter une aide curative à la maladie à son origine, c'est-à-dire, de réguler les émotions immodérées, de contrôler les désirs et de les soumettre à la raison, de peur qu'une fois notre esprit souillé par le crime, nous ne reculions ensuite devant aucune honte.
Haec de scopo fabulae praesentis, quamuis adhuc permulta huc eiusdem paene farinae adferri possent.
Voilà à peu près le but de la présente pièce, encore qu'on pourrait y ajouter beaucoup d’éléments du même genre.
Sed quis singula in auctore tam luculento, uberi, sublimi, poeta et Graeco persequi queat?
Mais qui pourrait poursuivre chaque détail d'un auteur si brillant, si riche, si sublime, poète et grec ?
Hic prologus continet duo: primum, querelam de Pelopidarum familiae perpetua calamitate: secundum, argumentum et occasionem totius fabulae.
Ce prologue contient deux éléments : d'abord, un discours déplorant les désastres sans fin de la famille des Pélopides ; ensuite, l’argument et le point de départ de toute la pièce.
Actus primus haec habet. Helena Electrae et Oresti miserrime affectis condolet, et ab Electra propter adulterium quod uniuersae Graeciae exitio fuit clanculum mordetur; mittitque Hermionem ad ferendum inferias Clytaemnestrae.
Le premier acte contient les éléments suivants. Hélène exprime sa sympathie pour Électre et Oreste, qui sont atrocement affectés et elle est indirectement critiquée par Électre à cause de l'adultère qui a été une source de ruine pour toute la Grèce, et elle envoie Hermione porter des offrandes funéraires à Clytemnestre.
2. Electrae sollicitudo et studium circa Orestem ne somno excutiatur strepitu Chori.
2. Anxiété d'Électre et inquiétude qu'Oreste ne soit réveillé par le tumulte du Chœur.
3. Orestes somno excitus tractatur officiose ab Electra: in qua mire describitur aegrotantium fastidium impatientia καὶ ἦθος.
3.Oreste, une fois tiré de son sommeil, est traité avec beaucoup d'attention par Électre : dans ce passage, il y a une merveilleuse description du comportement et du caractère capricieux et agité des malades.
Eadem rogatur a fratre ut se quieti det, quo possit durare in labore.
Électre est priée par son frère de prendre un peu de repos afin de pouvoir persévérer dans son labeur.
Quod tamen recusat: mauult enim mori cum illo quam a latere illius discedere.
Elle refuse néanmoins, car elle préfère mourir avec lui plutôt que de s'éloigner de lui.
4. Chorus ad Eumenides uertitur orationem ut paulum remittat de furore Orestis.
4. Le Chœur s'adresse aux Euménides, leur demandant de laisser la folie d'Oreste s'apaiser un peu.
Deinde ad sequentem scenam occasionem praestruit.
Puis il prépare l’occasion pour la scène suivante.
5. Menelaus Troia reuersus offendit omnia luctu funestata ideoque maeret; Orestes ipsum ut patruum implorat ut sibi in periculo praesto sit.
5. Ménélas, de retour de Troie, se trouve tout troublé par le chagrin et s'en lamente. Oreste le supplie, en tant qu'oncle, de le soutenir dans le danger.
3Intelligendum autem est Orestem in hoc actu deformem distortum ac horridum in proscenium productum esse ac spectatorum oculis praeberi.
Il faut cependant comprendre que dans cet acte, Oreste est amené sur la scène et est donné à voir aux spectateurs comme disgracieux, difforme et horrible.
IN ACTVM SECVNDVM Annotationes; cuius
principium ποῦ ποῦ θυγατρὸς τῆς ἐμῆς ἴδω πόσιν ;
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Annotations sur le deuxième acte, dont le début est "Où, où vais-je voir le mari de ma fille ?".
Haec continentur in actu secundo.
Le deuxième acte contient ces éléments.
1. Tyndarei et Orestis orationes iudiciales et aduersariae.
1. Tyndareus et Oreste prononcent des discours judiciaires et opposés.
2. Supplex oratio Orestis ad Menelaum, ut scilicet memor beneficiorum paternorum nunc in summa angustia sibi opem ferat.
2. Oreste prononce un discours de supplication à l'intention de Ménélas, plaidant, notamment, qu'étant conscient des faveurs de son père, il l’aiderait maintenant dans un moment de grande détresse.
Deinde eiusdem conuicia postquam se frustrari uidet.
Puis ses insultes quand il se voit déçu dans son attente.
3. Colloquium Pyladis, qui primum aduenerat, et Orestis, intimorum amicorum, in quo consultant qua uia tandem sit ex manifesto periculo euadendum.
3. La discussion de Pylade, qui vient d'arriver, et d'Oreste, amis intimes, lors de laquelle ils délibèrent sur la manière dont ils doivent échapper à un danger évident.
Postremo cum Oreste se purgaturo in contionem prodit.
Enfin, il se rend à l'assemblée avec Oreste, qui a l'intention de se justifier.
4. Chorus, qui querelam Pelopidarum calamitatis et in primis Orestis habet.
4. Le Chœur, qui offre un chant plaintif sur le désastre de la maison de Pélops et surtout d'Oreste.
IN ACTVM TERTIVM.
Sur le troisième acte.
In actu tertio haec sunt.
Ces événements se déroulent au troisième acte.
Electra e scena egreditur cum iam Orestes et Pylades ad contionem processissent.
Électre sort de scène, alors qu'Oreste et Pylade se sont déjà rendus à l'assemblée.
Et dum quaerit causas absentiae Orestis, interuenit nuntius ipso statim uultu prodens tristes rumores.
Alors qu'elle demande les raisons de l'absence d'Oreste, un messager l'interrompt, révélant immédiatement la triste nouvelle par son expression même.
2. Narrat nuntius euentum iudicii, quomodo et quid actum sit de Oreste.
2. Le messager raconte le résultat du jugement, de quelle manière et ce qui a été décidé sur le sort d'Oreste.
Ea expositio siue διήγησις artificiosam diuersarum personarum et disparis uulgi studii descriptionem continet.
Cette narration ou diégèse comprend une description habile des différentes personnes et des différentes inclinations de la foule.
3. Electra cognito iudicii euentu in acerbissimos luctus soluitur, fatalem generis sui miseriam deplorans.
3. Électre, ayant appris l’issue du procès, se tourne sans retenue vers l'expression du chagrin le plus amer, déplorant la fatale destinée de son clan.
IN ACTVM QVARTVM.
Sur le quatrième acte.
Electra a contione redeuntem Orestem amaro luctu excipit, ut quae iam cognorat ex nuntio euentum iudicii: hinc extremi fratris et sororis complexus mutuaque oscula.
Quand Oreste revient de l'assemblée, Électre le reçoit avec un chagrin amer, car elle avait déjà appris par le messager l’issue du procès : suivent les dernières étreintes du frère et de la sœur et des baisers mutuels.
2. Pylades Orestem properantem ad ferrum retinet admonens ut prius aliquo modo Menelaum ulciscatur quam moriatur, suumque ad hanc rem pollicetur et consilium et operam, necnon et mori pro ipso uel saltem una cum ipso certat.
2. Alors qu'Oreste se précipite vers l'épée, Pylade le retient, en lui suggérant de punir Ménélas avant de mourir : il promet ses propres conseils et son aide à cette fin, et il s'efforce de mourir à la place d'Oreste, ou du moins avec lui.
Docet autem Helenam esse mactandam, id quod factu sit perfacile, cum neminem praeter aliquot ignauos Phrygas circa se habens intus secura literas et tabulas quasdam resignet.
De plus, il suggère qu'Hélène doit être tuée, ce qui est un acte très facile, car elle n'a personne autour d'elle à part quelques lâches Phrygiens et celle-ci, insouciante, ouvre des lettres et des tablettes à l'intérieur de la maison.
Praeterea id factum fore utrique gloriosum si eam interfecerint quae tot funerum auctor extiterit.
De plus, le meurtre d’Hélène fera leur gloire à tous les deux, s'ils tuent la femme qui a été la cause de tant de morts.
Amplectitur hoc consilium lubens Orestes consentitque in facinus a Pylade destinatum.
Oreste adhère volontiers à ce plan, et accepte le crime conçu par Pylade.
3. Electra aliud quoque consilium in medium profert, uidelicet ut Hermionem a monumento Clytemnestrae reuertentem deprehendant et pro obside adseruent, docetque id commode fieri posse.
3. Electre propose en outre un autre plan dans la discussion, à savoir de se saisir d’Hermione au moment où elle revient de la tombe de Clytemnestre et de la garder comme otage : elle montre que cela peut être fait sans mal.
4. Probant haec consilia, accingunt sese ad facinus, expediunt enses: inuocant manes Agamemnonis ac numen Iouis, primi generis Pelopidarum auctoris.
4. Ils approuvent ces plans, ils se préparent au crime, ils préparent les épées : ils invoquent le fantôme d'Agamemnon et la divinité de Jupiter, le premier protecteur de la maison de Pélops.
Electra ante uestibulum iubetur obseruare, ne quis subito rei interueniat; ipsi interea se in penetralia ad Helenam recipiunt.
Auparavant, ils ordonnent à Electre de surveiller le vestibule, de crainte que quelqu’un n’interrompe l’exécution du plan ; pendant ce temps, ils s’engagent à l’intérieur, pour qu’un homme du roi ne survienne pas ; pendant ce temps, eux se retirent à l'intérieur du palais pour chercher Hélène.
5. Electra chori mulieribus singulis suas assignat stationes ubi obseruent ne quis inopinato aedibus appropinquet dum Helenae caedes perficitur.
5. Électre assigne à chaque femme du Chœur un poste pur veiller à ce que personne n'approche inopinément pendant qu'ils exécutent le meurtre d'Hélène.
6. Hermione per dolum comprehenditur dum nihil mali metuens ingreditur domum Helenae pro damnatis supplicatura.
6. Ils s'emparent d'Hermione par la ruse, tandis que, sans crainte d’un danger, elle entre dans la maison avec l'intention de supplier Hélène en faveur des condamnés.
IN ACTUM QUINTUM.
Sur le cinquième acte.
In hoc Actu summa est epitasis rerumque turbae atrocius incrudescunt.
L’épitase est à son paroxysme dans cet acte, et la confusion des événements devient plus atroce.
Nam Phryx quidam, qui cum Helena Troia aduenerat, uix e periculo elapsus miserabilem inchoat querelam, Choroque rem omnem quam prius ex clamore tantum coniectarant planam facit, quae quidem intus gesta erat.
Car un Phrygien, arrivé de Troie avec Hélène, ayant à peine échappé au danger, entame une lamentation misérable : et il fait comprendre au Chœur tout ce qu'ils avaient deviné auparavant par les cris, c'est-à-dire ce qui s'était passé en réalité à l'intérieur.
In qua narratione mira rerum et personarum effictio uarietasque affectuum animaduertenda est.
Il faut remarquer l'étonnante représentation des événements et des personnages et la variété des émotions dans ce récit.
2. Orestes audito eiulatu Phrygis, unde factum prodi poterat, foras prosilit illique extrema minitando fidem ac iusiurandum ut taceat extorquet; hinc rursus intro se recipit.
2. Oreste, entendant les grands cris du Phrygien qui auraient pu trahir son acte, s'élance au-dehors, et en menaçant de mort le Phrygien, lui arrache la promesse et le serment de se taire : ensuite il rentre de nouveau à l'intérieur.
3. Interea Menelaus a quodam ex suis
huius tragoediae certior factus amens accurrit erepturus saltem Hermionem imminenti
caedi; uerum ingressu in aedes prohibitus inter sacrum et saxum
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3. Pendant ce temps, Ménélas, informé de cette tragédie par un de ses hommes, accourt frénétiquement, pour arracher Hermione à une mort imminente ; mais on l'empêche d'entrer dans la maison, et il se retrouve ainsi entre le sanctuaire sacré et le rocher.
Nam illi ea proponitur ab Oreste conditio ut aut se populi sententiis liberet aut filiae necem ac incendium regii palatii aspiciat.
Car c'est le choix qui lui est proposé par Oreste, soit qu'il libère Oreste du jugement du peuple, soit qu'il assiste à la mort de sa fille et à l'incendie de son palais royal.
Impetum autem in ostia facturo minitantur reuulsis ex parietibus saxis.
Mais lorsque Ménélas s'apprête à attaquer les portes, on le menace avec des pierres arrachées au mur.
Ibi dum in acie nouaculae (quod dicimus) summoque in articulo res uersatur, ex improuiso Apollo adest omnemque rem componit dirosque ausus Orestis inhibet.
À ce moment-là, alors que l'affaire est sur le fil du rasoir (comme on dit) et que la crise est à son apogée, Apollon apparaît à l'improviste, arrange tout, et freine les terribles audaces d'Oreste.
Hinc laetum et plane comicum fabula sortitur exitum.
Ensuite, pièce trouve sa fin heureuse et tout à fait proche d'une comédie.