Présentation du paratexte
Cette préface a pour vocation d’expliquer les raisons qui ont poussé Xylander a faire imprimer une seconde édition des tragédies complètes d’Euripide. Traduction latine partiellement reprise à l’édition de 1558, et partiellement attribuée à Philippe Mélanchthon.
Bibliographie :-
Micha Lazarus , « Tragedy at Wittenberg: Sophocles in Reformation Europe », Renaissance Quarterly,73 (date)p. 33-77 -
Michael Lurje , « Misreading Sophocles: Or Why Does the History of Interpretation Matter? », Antike Und Abendland,52 (date)p. 1-15
Ad candidum lectorem Xylandri praefatio, editionis huius rationem ostendens.
Au lecteur bienveillant, Préface de Xylander qui fait voir la raison de cette édition.
Quadriennium iam fere elapsum est ab eo tempore, qui Philippeam Euripidis tragoediarum translationem Basileae ita adornaui, ut cum aliqua, et quidem meo arbitrio non paenitenda utilitate studiosorum ederetur.
Presque déjà quatre ans se sont écoulés depuis l’époque où j’ai embelli la traduction philippéenne des tragédies d’Euripide à Bâle, si bien qu’elle paraissait, je pense, d’une utilité certaine et irréprochable aux étudiants.
Qua de re cum dictum sit utcumque satis ea epistola, qua eam editionem amplissimo uiro D. Ioanni Baptistae Heinzellio, Cos. Augustano dedicauimus: plura hic non addam.
Mais puisque j’en ai suffisamment parlé dans l’épître dédicatoire de cette édition adressée au très généreux seigneur Johann Baptist Hainzell, bourgmestre de Ausburg, je n’ajouterai ici rien de plus.
Animuero cum typographus diuenditis exemplaribus nouam editionem moliretur, mecumque ea de re communicaret ; tametsi eram uarie occupatus, malui tamen honestum eius conatum, bonumque publicum etiam meo cum incommode dispedioque adiuuare, quam suspicionem proditi officii de me excitare.
De fait, alors que, une fois ces exemplaires vendus, l’imprimeur entreprenait une nouvelle édition et qu’il me faisait part de ce projet, j’ai préféré, même si j’étais occupé par divers travaux, aider son honnête entreprise et également le bien public à mon détriment que d’éveiller les soupçons concernant mon implication dans cette publication.
Itaque operam quam potui in hoc dedi, ut non denuo tantum typis describeretur Philippeus Euripides, sed et correctior auctiorque in lucem prodiret.
C’est pourquoi je me suis appliqué autant que j’ai pu, afin que cet Euripide philippéen ne soit pas simplement réimprimé une nouvelle fois , mais pour qu’il paraisse dans une version corrigée et améliorée.
Primum enim interea Hecubam Latine ex ore D. Philippi Melanthonis exceptam nactus Oporinus noster, mihi (quod in reliquis factum ostendi tragoediis) praebuit castigandam et concinnandam.
D’abord donc, dans l’intervalle, notre cher Oporin, tombant sur l’Hécube, dans une traduction latine de Philippe Mélanchthon, me la confia à corriger et mettre en forme.
Feci hoc non illibenter: et qui ante opus ne esset ἀκέφαλον, Hecubam de meo praeposueram, nunc Philippeam uobis mea sublata exhibeo, ut (quantum eius fieri potuit) una oratio ubique, unus sit stylus.
Je l’ai fait bien volontiers, et, alors que j’avais auparavant, afin que l’ouvrage ne soit pas acéphale, mis en tête l’Hécube traduite par mes soins, je fais à présent paraître pour vous la version philippéenne, et retire la mienne, afin que, autant que faire se peut, la matière soit partout identique, de même que le style.
Nam meam quidem perire facile fero.
Je supporte en effet facilement la perte de la mienne.
Iphigeniam quoque Tauricam, Ionem, et Herculem Furentem, priori editione incuria eorum quibus Basileam eas perferendi partes mandaramus, interceptas, ita ut aliunde corrogari tantisper debuerint : integras nunc damus, optimaque fide a nobis emendatas.
Nous donnons également à présent dans leur intégralité et fidèlement corrigées par nos soins Iphigénie en Tauride, Ion et Hercule furieux, dont une édition antérieure avait été interceptée à cause de la négligence des hommes que nous avions chargés de les porter à Bâle, si bien que ces pièces ont dû, pendant tout ce temps, être prises ailleurs.
Ac ne quod Euripideum, quod quidem ad nos perlatum esset, drama hic desideraretur, Stiblinianam interpretationem Electrae in fine addi curauimus. Constat enim Electram eam esse Euripidis genuinam; et ita constet, ut mirer esse, qui nescio quibus coniecturis inducti de eo dubitare malint, quam iis, quae doctissimus homo Petrus Victorius, cum eam proferret in lucem, perhibuit, acquiescere.
Et afin qu’aucun drame euripidéen, du moins qui nous soit parvenu, ne manque ici, nous avons pris soin d’ajouter à la fin la traduction de Stiblinius d’Electre. Il est évident qu’Electre est une œuvre authentique d’Euripide ; cela est si évident que je m’étonne qu’il y en ait qui, poussés par je ne sais quelles hypothèses, préfèrent en douter, plutôt que de se ranger aux arguments du très savant Piero Vettori, qui l’a fait imprimer.
Praesertim cum et quae ex ea in Lysandro Plutarchus refert1, hic extent, et ad verbum reperiantur, quae non ita pauca, ut dubitandi locum relinquant, λόγῳ πῶς ? citat Stobaeus2.
Et surtout s’y trouvent aussi les citations auxquelles Plutarque se réfère dans le Lysandre, qui en sont extraites, et sont rapportées mot à mot ; et Stobée les cite, dans l’esprit du moins, en assez grand nombre pour qu’il n’y ait pas lieu de douter.
Vitam quoque Euripidis a me olim conscriptam diligenter amplificaui, id quod gratum esse debet Phileuripideis.
J’ai aussi augmenté attentivement la vie d’Euripide que j’avais jadis écrite, ce qui doit être agréable aux amoureux d’Euripide.
Quin et indicem comportaui earum tragoediarum, quas ut ab Euripide scriptas a fide dignis autoribus nominari memineram : cum quidem nomina tantum, et frustula earum aliqua ad nos uetustas et incuria maiorum, iniuriaeque temporum transmiserint.
Bien plus, j’ai établi une liste de ces tragédies dont je me souvenais qu’elles étaient attribuées à Euripide par des auteurs dignes de foi, alors que l’antiquité, la négligence des Anciens et l’injure du temps nous en a seulement transmis les noms et des fragments.
Ei catalogo addet alia, qui inueniet.
Si quelqu’un en trouve d’autres, il les ajoutera à ce catalogue.
Nos enim obiter modo hoc egimus.
Car nous, nous avons mené cette entreprise chemin faisant.
Haec (si recte iudico) neque contemnenda est addita ad superiorem editionem accessio: et quam grato utique animo et optima mente excipient ii quos sua ingenuitas docet ex alienis laboribus sua capere quo decet modo commoda.
Ces ajouts faits à l’édition antérieure ne doivent (si je ne m’abuse) pas être méprisés et ceux à qui leur noblesse enseigne à prendre dans les travaux d’autrui les bonnes choses de la manière qui convient les accueilleront avec bienveillance et bonté.
Neque enim operae pretium existimo iis respondere hoc loco, qui pro pueris et rudioribus institutas huiusmodi optimorum scriptorum uersiones uel contemnunt, uel criminantur etiam.
En effet, je n’ai pas pensé qu’il était utile de prendre soin de répondre ici à ceux qui considèrent avec mépris les traductions des meilleurs auteurs établies de cette façon comme des entreprises enfantines et assez grossières ou même les calomnient.
Satius esse puto, hoc in genere fidem iis adhibere qui suo emolumento experti testant, praesertim his qui uiua docentis uoce destituuntur, huiusmodi opellam mirifice prodesse.
Je pense qu’il est plus à propos, dans ce genre de choses, d’avoir confiance en ceux qui, faisant l’expérience des bienfaits de ce genre de petit travail, attestent de son utilité pour ceux que la parole de l’enseignant a abandonnés.
Non nego, multo splendidius atque accuratius Euripidem potuisse in Latinum sermonem transcribi, quam hac nostra editione, adeoque omnium quas ego uiderim, sit factum, imo etiam hortor, adeoque obtestor eos, quibus hoc eruditionis et ocii suppeditat, ut Euripidem ita ciuitate Romana donent, ne quid Graecum porro in eo, extra sermonis natiui incomparabilem uenustatem atque maiestatem, desideretur.
Je ne nie pas qu’Euripide aurait pu être rendu en latin bien plus joliment et plus précisément que notre édition ne l’a fait, ainsi que toutes celles que j’ai vues moi-même ; bien au contraire j’exhorte, je conjure ceux qui disposent d’assez d’érudition et d’oisiveté à si bien donner à Euripide la citoyenneté romaine qu’on n’y regrette nulle part l’absence du grec, en dehors de la douceur et de la majesté incomparables de la langue maternelle du poète.
Hoc qui praestabit, is summo sibi omnes bonarum literarum studiosos beneficio, maxime omnium eos, qui Graece non audiunt, deuinxerint.
Celui qui atteindra ce but aura lié à lui par une immense reconnaissance tous ceux qui étudient les belles lettres, en particulier ceux qui n’entendent pas le grec.
Remque perenni dignam laude atque gloria confecerit.
Et il aura achevé une entreprise digne de louange et de gloire éternelles.
Verum idem interim D. Philippi consilium (ad quod nos rationes nostras hic accommodare necesse habuimus) non damnauerit : qui ita interpretari dignatus est diuinum poetam, ut ad ipsa quoque uocabula consideranda atque cognoscenda quasi manu lectorem in Graecae linguae exercitatione tirocinium aliquod depositurum deduceret.
Mais pour l’instant le même projet du seigneur Philippe (auquel nous avons jugé nécessaire d’ajuster ici notre méthode), il ne le condamnera pas ; car lui a jugé digne de traduire ce divin poète de telle sorte qu’il mène pour ainsi dire par la main le lecteur qui s’apprête à renoncer aux premiers entraînements dans la langue grecque à observer et connaître les mots.
Qui uero iam rudium putant rationem non esse habendam : iis cogitandum mando, uellentne eo tempore, quo ipsi erudiri primum coeperunt, eundem iis, per quos profecerunt, fuisse animum.
Quant à ceux qui pensent que l’exercice sous la férule est négligeable, je leur recommande de se demander s’ils voudraient, au moment où eux-mêmes terminent leur instruction, que les hommes grâce auxquels ils ont fait des progrès aient eu ce même état d’esprit.
Et uero ut nunc sunt res, ut studia, ut industria : haud scio an fideles praeceptores uel inprimis hoc suis agere debeant lucubrationibus, ut rudioribus aut praeceptorum ope destitutis quocumque modo ad eruditionem aspirandi uiam patefaciant.
Et en vérité, dans l’état où sont maintenant les choses, les études et le travail, je ne sais si les fidèles précepteurs doivent engager en premier lieu cette entreprise par leurs travaux afin d’ouvrir par tous les moyens possibles la voie de l’aspiration à l’érudition aux ignorants ou à ceux que le soin des précepteurs a abandonnés.
Sed haec hic satis.
Mais c’est assez.