Gulielmi Canteri in Euripidem Prolegomena
Gulielmus Canterus

Présentation du paratexte

Bibliographie :
  • Andrea Tessier, ‘Iter Responsionis. Le Dedicatorie e Le Prefazioni Ai Tragici Di Tournebus e Canter’, 2019, 143.
  • Manuciana Tergestina et Veronensia, ed. by Francesco Donadi and others, Graeca tergestina. Studi e testi di filologia greca, 4 (Trieste: EUT, Edizioni Università di Trieste, 2015).
Traduction : Christian NICOLAS

Gulielmi Canteri in Euripidem Prolegomena

Prolégomènes à Euripide de Guilelmus Canterus.

Quoniam duo quaedam sunt a nobis in hoc poeta praestita, studiose lector, cuius utrunque sit generis, quantique momenti, breuiter explicandum abritror.

Puisque deux traitements différents ont été appliqués à ce poète, lecteur averti, je pense qu'il est opportun d'expliquer brièvement de quel genre ils sont tous les deux et quelle est leur importance.

Primum igitur mendis infinitis tum leuioribus tum grauioribus scatentem poetam sic emaculauimus, ut paucos in tota re literaria scriptores repertum iri, quibus tantundem remedii sit adhibitum, putem.

Tout d'abord, donc, nous avons corrigé chez ce poète (chez qui elles pullulaient) une infinité d'erreurs, légères ou graves, si bien que, dans toute la littérature, on trouvera très peu d'auteurs, je pense, à qui un traitement aussi radical a été appliqué.

Id porro totum fere nostro deberi ingeniolo, multaeque et attentae Euripidis lectioni non difficulter fatebor.

En outre, je n'ai aucune difficulté à dire que cela est presque entièrement dû à notre faible talent et à une lecture répétée et attentive d'Euripide.

Veruntamen aliquantum nos adiuuerunt et quae Henricus Stephanus nuper ex antiquis codicibus in huius poetae partem posteriorem contulit, quaeque ante annos aliquot Ioannes Brodaeus in eamdem annotarat.

Et cependant, nous avons reçu l’aide de ce qu'Henri Estienne a récemment collationné sur la deuxième partie de ce poète, à partir de manuscrits anciens, et des annotations publiées il y a quelques années par Jean Brodeau.

Quanquam uterque quod pace tantorum uirorum dixerim, non raro poetam, quem corrigere uult, corrumpit idque ea fere de causa, quod carminum rationem habeat incognitam.

Cependant tous deux (sans vouloir offenser ces hommes considérables) finissent souvent par corrompre le poète qu'ils veulent corriger, principalement parce qu'ils ignorent la règle de la scansion.

Huius enim notitia saepe nos ad locos aliquot emendandos, et lacunas etiam deprehendendas, quae adhuc fefellerant, quasi manuduxit.

C'est en fait précisément cette connaissance qui nous a conduit pour ainsi dire par la main à modifier de nombreux passages et également à découvrir certaines lacunes qui étaient jusqu’à présent passées inaperçues.

Secundo igitur loco, quod hactenus pro difficillimo ac propemodum desperatum fuit habitum, praestitimus, ut carminum rationem in hoc scriptore densissimis tenebris inuolutam, clarissima luce donaremus.

Deuxièmement, donc, nous avons réussi, ce qui avait jusqu'à présent été considéré comme extrêmement difficile et presque sans espoir, à gratifier d’une lumière éclatante la scansion des vers dans ce poète, laquelle était enveloppée dans les plus totales ténèbres.

Quae res cum per se praeclara potest haberi, tum ad poetam recte intelligendum et menda tollenda mirum quantum conducit.

Et ce succès peut être considéré en lui-même comme très brillant en même temps qu’admirable par l'aide qu'il peut apporter à la compréhension correcte du poète et à la correction de ses défauts.

Hoc porro quoque nobis fere deberi, non iniuria quis dixerit.

En outre, on ne se tromperait pas en disant que cela aussi nous est en grande partie dû.

Nam quae in duas primas Euripidis tragoedias, et partem tertiae sunt a grammaticis de metris conscripta, nec plena semper sunt, nec uera remque per se satis obscuram saepe obscuriorem reddunt.

En effet, ce que les grammairiens ont écrit sur les mètres des deux premières tragédies d'Euripide et d'une partie de la troisième n'est pas toujours exhaustif ni vrai et vient souvent rendre encore plus obscur un sujet déjà obscur en lui-même.

Quod idem etiam Sophocli usu uenisse uideo, multoque magis Aeschylo primo : ideoque in his etiam duobus ueram carminum rationem olim, si uidebitur, proponemus.

Et cette même compétence s'est révélée fructueuse pour Sophocle, mais avant tout et bien plus encore chez Eschyle : nous proposerons donc la scansion correcte des vers de ces deux poètes également, si bon nous en semble.

Maximum uero contulit adiumentum Hephaestio grammaticus, qui tribus chartis1, ut est in prouerbio, poematum species carminumque genera recensuit.

 En effet, le grammairien Héphestion nous a été ici d'un grand secours, lui qui, en trois pages, comme le dit le proverbe, a traité des différentes sortes de compositions poétiques et des genres de vers.

Eum quia nos fere secuti sumus, quid ab illo hac de re praescriptum fuerit, quomodoque nos ad poetam nostrum haec applicuerimus, referemus.

Comme nous l'avons suivi presque partout, nous allons exposer ses préceptes et comment nous avons appliqué ces règles à notre poète.

Hanc igitur tradit poematum diuisionem Hephaestio.

Voici donc la répartition des poèmes que nous propose Héphestion2.

Poemata, inquit, alia sunt Κατὰ στίχον, alia systematica, alia mixta, alia communia 3.

 Les poèmes sont, dit-il, kata stichon, « systématiques », « mixtes », ou « communs ».

Κατὰ στίχον dicuntur, quae uno eodemque constant carminis genere, ut Ilias, ut Odyssea nec tantum carminis, sed etiam coli, uel commatis4 .

Sont appelés kata stichon ceux qui sont composés avec une seule et même sorte de vers, comme l'Iliade, comme l'Odyssée, et non seulement des vers, mais aussi des colons ou des commas5.

Vt enim uersus dicitur, qui tres uel quatuor syzigias habet, ita colum duas tantum habet, easque non plenas comma.

En effet, de même qu'on appelle « vers » ce qui a trois ou quatre syzygies, de même on appelle colons ceux qui n'en ont que deux, et commas ceux qui en ont deux, mais incomplets.

Systematica dicuntur, quae uario carminum genere in unum congesta constant6 .

 Les « systématiques » sont des compositions qui consistent en des vers de différents types assemblés en une même pièce.

Est enim systema duorum uel plurium carminis generum congeries, siue sint ea dissimilia, ut fere semper, siue etiam similia, ut sunt Ausonii disticha, quae hactenus Catoni uulgus asscripsit.

 En effet, le « système » est un ensemble complexe de deux ou plusieurs types de vers, qu'ils soient dissemblables, comme c'est presque toujours le cas, ou même similaires, comme le sont les Distiques d'Ausonius, jusqu'ici communément attribués à Caton.

Mixta dicuntur, quae partim κατὰ στίχον sunt, partim systematica 7.

 Sont « mixtes » les poèmes qui sont en partie kata stichon et en partie « systématiques ».

Huius generis tragoediae sunt, in quibus iambi poesim κατὰ στίχον efficiunt, reliqua systematicam.

La tragédie est de ce type, où les iambes représentent la poésie kata stichon et les vers restants la poésie « systématique ».

Communia denique dicuntur, quae et κατὰ στίχον, et systematica sunt.

 Enfin, sont appelés « communs » les poèmes qui sont à la fois kata stichon et « systématiques ».

Huius generis, quae modo nominaui, sunt Catonis disticha.

De ce type sont les Distiques de Caton mentionnés plus haut.

Nam et eodem carminis genere sunt omnia, et bina cernuntur singula 8.

En effet, ceux-ci à la fois sont tous faits du même genre de vers et chaque unité est composée de deux vers9.

Systematica porro sex generum sunt.

 Les « systématiques » sont alors de six sortes.

Vel enim κατὰ σχέσιν sunt, uel ἀπολελυμένα, uel μετρικὰ ἄτακτα, uel e similibus, uel mixta systematica, uel communia systematica.10

Ils sont en effet kata skhesin, ou apolelumena, ou metrika atakta, ou « composés de vers similaires », ou « systématiques mixtes » ou « systématiques communs ».

Κατὰ σχέσιν dicuntur, quae inter se respondent11 atque haec rursum sex generum sunt.

Les compositions sont dites kata skhesin si elles se répondent les unes aux autres, et celles-ci sont à leur tour de six sortes.

Vel enim monostrophica sunt, uel epodica, uel κατὰ περικοπὴν ἀνομοιομερῆ, uel antithetica, uel mixta κατὰ σχέσιν, uel communia κατὰ σχέσιν.12

Elles sont en effet « monostrophiques », ou « épodiques », ou kata perikopèn anomoiomerê, ou « antithétiques », ou « mixtes kata skhesin » ou « kata skhesin communes ».

Monostrophica sunt, quae una stropha constant13, qualia sunt Anacreontis et Alcaei carmina.

 Les « monostrophiques » sont ceux qui se composent d'une seule strophe, comme les psaumes d'Anacréon et d'Alcée.

Epodica sunt, quae similibus systematibus dissimile adiunctum habent.

 Les « épodiques » sont ceux qui ajoutent un système dissemblable à des systèmes similaires.

Id si in fine ponatur, uocantur epodica, generis nomine, si in principio, proodica, si in medio, mesodica14.

Si ce dernier est placé à la fin, ils sont appelés « épodiques », du nom du genre, s’il est au début, « proodiques », s’il est au milieu « mésodiques ».

Et Epodica quidem sunt fere Pindarica omnia, ternario numero constantia15.

 Et en effet, presque toutes les compositions de Pindare consistent en une triade strophique.

Veruntamen nihil prohibet etiam quinario et septenario uti (nam quinarii exemplum est in Hecuba chorus Σὺ μὲν ὦ πατρὶς Ἰλιάς 16  ; septenarii in Aeschyli Agamemnone chorus, Διὸς πλαγὰν ἔχουσ᾽ εἰπεῖν 17 ).

Cependant rien n'empêche l'utilisation d'une pentade ou d'une heptade (le chœur d'Hécube est un exemple de pentade : Σὺ μὲν ὦ πατρὶς Ἰλιάς ; chœur d'Agamemnon d'Eschyle d'heptade : Διὸς πλαγὰν ἔχουσ᾽ εἰπεῖν) ;

Proodica uero nondum ulla reperi, nec uera mesodica.

Je n'ai pas encore trouvé d'exemples de compositions proodiques ou authentiquement mésodiques.

Κατὰ περικοπὴν ἀνομοιομερῆ sunt, quae post uariorum systematum congeriem siue pericopam, aliam priori per totum respondentem subiunctam habent, sic ut in alterutra quidem congerie sint inter se systemata dissimilia, uerum utraque similibus constent partibus18.

 Les kata perikopèn anomoimerê sont ceux qui, après un ensemble de systèmes divers ou une péricope, en présentent successivement un autre totalement conforme au précédent, de telle sorte que dans l'un ou dans l'autre ensemble les systèmes sont dissemblables, mais qu'ils sont tous deux constitués de parties semblables.

Talia sunt in Oreste Μυκηνίδες ὦ φίλαι 19 .

Telle est, dans Oreste, la péricope Μυκηνίδες ὦ φίλαι.

Ponitur enim prior congeries primae strophae, primi systematis, secundae strophae, secundi systematis, tertiae strophae, tertii systematis, quod in Euripide tamen desideratur.

 En effet, est présenté ici un premier ensemble composé de la première strophe, du premier système, de la deuxième strophe, du deuxième système, de la troisième strophe et du troisième système (qui, cependant, manque chez Euripide).

Sequitur posterior congeries antistrophae primae, antisystematis primi, antistrophae secundae, antisystematis secundi, antistrophae tertiae, antisystematis tertii.

 Suit ensuite le deuxième ensemble, composé de la première antistrophe, du premier antisystème, de la deuxième antistrophe, du deuxième antisystème, de la troisième antistrophe et du troisième antisystème.

Veruntamen hic ordo nonnunquam confunditur.

Cet ordre, cependant, est parfois perturbé.

Ceterum huius generis in Euripide multa sunt, in Sophocle permulta, nulla in Aeschylo.

Il y a de nombreux exemples de ce genre chez Euripide, de très nombreux exemples chez Sophocle, aucun chez Eschyle.

Antithetica sunt, quae in uario carminis genere, primum ultimo, secundum paenultimo, ac reliquum similiter inter se respondens habent.

 Les « antithétiques » sont les compositions qui, dans différents genres de vers, présentent la correspondance du premier vers avec le dernier, du second avec l'avant-dernier et ainsi de suite pour les autres.

Cuius generis est Ouum Simmiae20.

 L'Œuf de Simmias est un exemple de ce genre21.

Mixta κατὰ σχέσιν sunt, quae partim Epodica sunt, uerbi gratia, partim Monostrophica22.

Les « mixtes kata skhesin » sont des compositions qui sont par exemple en partie épodiques, et en partie monostrophiques.

Communia κατὰ σχέσιν sunt, quae hoc quidem modo disposita, uerbi gratia, sunt epodica, illo uero monostrophica23.

 Les « kata skhesin communes » sont les compositions qui, disposées d'une certaine manière, sont par exemple épodiques et d'une autre monostrophiques.

Nunc ad alteram speciem ut ueniamus, ἀπολελυμένα dicuntur, quae certum carminis genus nullum habent.

Maintenant, pour en venir à une autre espèce, on appelle apolelumena les compositions qui n'ont pas un type de vers défini.

Ea rursum uel ἄστροφα sunt, uel ἀνομοιόστροφα, uel ἄτμητα24.

Elles peuvent être à leur tour astropha, ou anomoiostropha, ou atmeta.

Ἄστροφα sunt, quae tam paucos uersus habent, ut stropham complere non posse uideantur25.

Les astropha sont celles qui se composent de si peu de vers qu'elles ne semblent pas pouvoir former une strophe complète.

Ἀνομοιόστροφα sunt, quae aliquibus interiectis interrumpuntur.

Les anomoiostropha sont celles qui sont interrompues par l'insertion de quelque élément.

Ea si duo sunt, uocantur ἑτερόστροφα, si plura, ἀλλοιόστροφα26.

Si elles sont au nombre de deux, on les appelle heterostropha, si elles sont plus de deux, alloiostropha.

Huius generis illa sunt in Hecuba, Ἄπιστ᾽ ἄπιστα, καινὰ καινὰ δέρκομαι 27 .

Les vers d'Hécube ἄπιστ᾽ ἄπιστα, καινὰ δέρκομαι sont de ce type.

In his enim strophae quinque inter se dissimiles, interiectis systematibus, cernuntur.

On discerne en effet dans ces vers cinq strophes dissemblables les unes des autres avec insertion des systèmes.

Quod quidem carminis genus solus de tragicis usurpat Euripides.

C'est cependant un genre de composition que seul Euripide utilise parmi les tragiques.

Ἄτμητα sunt, quae ut secari posse uidentur, ita nullum secandi dant ex se signum28.

Les atmeta sont les poèmes qui, même s'ils peuvent apparemment être divisés, n'offrent aucune indication de leur subdivision.

Tertiam speciem constituunt μετρικὰ ἄτακτα, quae nullam habent inter se similitudinem, qualis fertur Homeri Margites fuisse29, poema perlepidum.

Une troisième espèce est celle des metrika atakta, qui n'ont aucune homogénéité entre eux, comme l'aurait été le Margitès d'Homère, un poème très agréable.

Tales in Euripide sunt chori duo, alter sub finem Iphigeniae Tauricae Εὔπαις ὁ Λατοῦς γόνος 30 , alter primus Herculis furentis31.

Tels sont deux chœurs chez Euripide, le premier vers la fin d'Iphigénie en Tauride, εὔπαις ὁ Λατοῦς γόνος, l'autre le premier choral d'Hercule Furieux.

Male enim his chorus in Oedipo Coloneo Sophoclis Ὅστις τοῦ πλέονος μέρους 32 et chorus in Phoenissis Euripidis Τύριον οἶδμα λιποῦσ᾽ ἔβαν 33 a grammaticis annumerantur, cum uterque sit nobis epodicus.

Mais le chœur de l'Œdipe à Colone ὅστις τοῦ πλέονος μέρους et celui des Phéniciennes d'Euripide Τύριον οἶδμα λιποῦσ᾽ ἔβαν, c’est à tort que les grammairiens les comptent parmi eux, puisque tous deux sont à notre avis épodiques.

Quarto loco sunt e similibus dicta, quae pedum quidem sunt eorundem, certum autem numerum non habent34, quales Anapaesti sunt.

En quatrième lieu viennent les compositions dites « composées de vers similaires », qui sont certes constituées des mêmes pieds, mais qui n'ont pas un nombre défini, comme les vers anapestiques.

Ea quoque uel Ἀπεριόριστα sunt , uel Κατὰ περιορισμοὺς ἀνίσους35.

Elles aussi peuvent être aperiorista ou kata periorismous anisous.

Et illa quidem sunt, quae ad finem usque sunt inter se similia : haec autem, quibus aliquid nonnunquam breuius interiicitur.

Et puis il y a les poèmes qui sont semblables les uns aux autres jusqu'à la fin : cependant, parfois, quelque passage assez bref est inséré.

Horum exemplum illustre praebet Hecubae initium, quo loco ad Chorum illa uerba facit36.

Le début d'Hécube, où le personnage s'adresse au chœur est un exemple célèbre de ces compositions.

Sequuntur mixta systematica, quae partim κατὰ σχέσιν sunt, uerbi gratia, partim e similibus.

Suivent les poèmes « systématiques mixtes », qui sont en partie kata skhesin et en partie « composés de vers similaires » par exemple.

Vltima recensentur communia systematica, quae hoc quidem modo disposita, uerbi gratia, sunt e similibus, illo autem κατὰ σχέσιν.

Enfin, on recense les « communs systématiques », qui sont par exemple disposés d'une certaine manière « à partir de vers similaires », et d'une autre manière kata skhesin.

Atque haec fere sunt, quae de poematum et carminum generibus Hephaestio tradidit, obscure quidem ab illo praescripta, uerum a nobis exemplis illustrata.

Et ce sont, plus ou moins, les notions qu'Héphestion a transmises sur les genres de poèmes et de vers, certes obscurément exposées mais que nous avons clarifiées par des exemples.

Iam ut haec ad tragicos et Euripidem nostrum applicemus, multas partes in paucas contrahemus et quae superflua sunt, nec in usum cadunt, resecabimus.

Mais pour les appliquer aux tragédiens et à notre Euripide, nous allons les résumer et éliminer ceux qui sont superflus et inutiles.

Omnia igitur tragicorum systemata constant uersibus uel similibus, uel dissimilibus, uel similiter dissimilibus.

Ainsi, tous les systèmes des tragiques sont constitués de vers semblables, ou dissemblables, ou semblablement dissemblables.

Similes uersus uoco iambos, et anapaestos, quos e similibus appellat Hephaestio ; sub quibus etiam trochaicos et hexametros licet comprehendere.

J'appelle « vers similaires » les vers iambiques et les anapestiques - qu'Héphestion appelle « composés de vers similaires » - et cette catégorie peut comprendre également les vers trochaïques et les hexamètres.

Dissimiles uersus constituunt uel μονοστροφικὰ, uel ἀνομοιόστροφα.

Les « vers dissemblables » constituent des monostrophika ou des anomoistropha.

Μονοστροφικὰ uoco, quae Hephaestio μετρικὰ ἄτακτα dixit.

J'appelle monostrophika ce qu'Héphestion a appelé metrika atakta.

Ea si breuiora sunt, συστήματα nude uocantur.

Si elles sont un peu courtes, on les appelle simplement « systèmes ».

Ἀνομοιόστροφα eodem ab illo donantur nomine.

Les anomoistropha, il les nomme de la même manière.

Similiter dissimiles denique uel ἀντιστροφικὰ constituunt, uel ἐπῳδικὰ, uel περικόμματα.

 Enfin, les « pareillement dissemblables » sont des antistrophika, des epodika ou des perikommata.

Ἀντιστροφικὰ uoco, cum strophis antistrophae respondent.

J'utilise le nom d’antistrophika dans le cas où les antistrophes répondent aux strophes.

Ἐπῳδικὰ sunt apud Hephaestionem eodem nomine.

Les epodika sont appelés ainsi également par Héphestion.

Περικόμματα uoco, quae ille κατὰ περικοπὴν ἀνομοιομερῆ dixit.

J'appelle perikommata ceux qu'il a appelés kata perikopèn anamoiomerê.

His igitur septem generibus omnia comprehendi posse, quae ad carminum rationem in tragicis explicandam pertinent, existimo.

Dans ces sept genres, je pense que peut être inclus tout ce qui se rapporte à l'explication des vers tragiques.

Neque nos aliis utemur in Euripide toto nominibus, uerum singulis uersuum speciebus suum praefigemus indicem, ac uel ἰαμβοὺς, uel ἀναπαιστοὺς, uel μονοστροφικὰ, uel ἀνομοιόστροφα, uel ἀντιστροφικὰ, uel ἐπῳδικὰ, uel περικόμματα uocabimus.

Nous n'utiliserons pas non plus d’autres appellations dans l’ensemble de l’œuvre Euripide, mais nous donnerons une brève indication des différents types de vers, et nous les appellerons iambes ou anapestes ou monostrophika ou anonmoiostropha ou antistrophika ou epodika ou perikommata.

Poteram huc etiam adiicere signa, quae uocant grammatici, paragraphos, coronidas, ac similia.

J'aurais pu aussi ajouter ces signes que les grammairiens appellent paragraphes, coronis, et des signes de ce genre.

Verum haec quoniam ad poetas intelligendos perparum faciunt, et, quae nunc sunt a nobis praestita, satis hoc tempore fore putamus, curiosius illa perscrutari non ducimus operae pretium.

Mais puisqu’ils n'aident guère à la compréhension des poètes, et que nous croyons que ce que nous avons proposé suffira pour le moment, nous n'avons pas cru bon de les considérer avec plus d’attention.


1. Catul., Ep. 1.6. omne aeuum tribus explicare chartis, « dérouler l’histoire du monde en trois volumes ». Ici, chartae est plutôt à prendre au sens de page, car le traité d’Héphestion est très court et compte une douzaine de pages dans l’édition Teubner.
2. Le petit traité de métrique qui suit est très directement inspiré d’Héphestion, remanié dans le plan et entrecoupé de remarques et d’illustrations personnelles ad hoc. Nous citons les références parallèles d’après l’édition de M. Consbruch, Hephaestionis enchiridion cum commentariis veteribus, Leipzig: Teubner, 1906: 58-62 (Introductio) et 62-73 (De poematis).
3. Heph., Poem. 58.13. Τῶν ποιημάτων τὰ μέν ἐστι κατὰ στίχον, τὰ δὲ συστηματικά, τὰ δὲ μικτά, τὰ δὲ κοινά.
4. Heph., Poem. 58.13. Κατὰ στίχον μὲν ὅσα ὑπὸ τοῦ αὐτοῦ μέτρου καταμετρεῖται, ὡς τὰ Ὁμήρου καὶ τῶν ἐποποιῶν ἔπη· καταχρηστικῶς δὲ κἂν ὑπὸ κώλου ἢ κόμματος.
5. Comprendre (c’est plus clair chez Héphestion) que la notion de kata stichon s’applique aussi, abusivement (καταχρηστικῶς), au côlon et au comma. Abusivement parce que stichos signifie vers.
6. Heph., Poem. 59.3. Συστηματικὰ δὲ ὅσα ὑπὸ πλειόνων μέτρων εἰς ἓν σῶμα παραληφθέντων καταμετρεῖται ἢ συμπληροῦται.
7. Heph., Poem. 59.5. Μικτὰ δὲ ὅσα μέρος μέν τι ἔχει ὑπὸ στίχου καταμετρούμενον, μέρος δὲ συστηματικόν.
8. Heph., Poem. 59.7. Κοινὰ δὲ ὅσα ὑπὸ συστήματος μὲν καταμετρεῖται, αὐτὸ δὲ τὸ σύστημα ἔχει πληρούμενον, οἷά ἐστι τὰ ἐν τῷ δευτέρῳ καὶ τρίτῳ Σαπφοῦς· ἐν οἷς καταμετρεῖται μὲν ὑπὸ διστιχίας, αὐτὴ δὲ ἡ διστιχία ὁμοία ἐστί.
9. Noter que Canter remplace les illustrations d’Héphestion (Sapho) par les Distiques de Caton, donc du grec par du latin. Ce recueil prêté à Caton est constitué de maximes faites systématiquement de deux hexamètres. Donc un système (distique) mais homogène (tout en hexamètres)
10. Heph., Poem. 59.11. Καὶ τὰ μέν ἐστι κατὰ σχέσιν, τὰ δὲ ἀπολελυμένα, τὰ δὲ ἐξ ὁμοίων, τὰ δὲ μετρικὰ ἄτακτα, τὰ δὲ μικτά, τὰ δὲ κοινά. Noter que l’ordre des types n’est pas strictement identique.
11. Heph., Poem. 59.14. Καὶ κατὰ σχέσιν μέν ἐστιν, ὅσα μετρεῖται ὑπὸ συστήματος, καλεῖται δὲ οὕτως διὰ τὸ κατὰ σχέσιν τινὰ πρὸς ἄλληλα τὰ ἐν τῷ ποιήματι συστήματα καταμετρεῖσθαι.
12. Heph., Poem. 60.17. Τῶν γὰρ κατὰ σχέσιν τὰ μέν ἐστι μονοστροφικά, τὰ δὲ ἐπῳδικά, τὰ δὲ κατὰ περικοπὴν ἀνομοιομερῆ, τὰ δὲ ἀντιθετικά, τὰ δὲ μικτὰ κατὰ σχέσιν, τὰ δὲ κοινὰ κατὰ σχέσιν.
13. Heph., Poem. 60.27. Τὰ μὲν οὖν μονοστροφικά ἐστιν, ὁπόσα ὑπὸ μιᾶς στροφῆς καταμετρεῖται.
14. Heph., Poem. 59.11. Τὰ δὲ (lacuna) / ἐπῳδικὰ καλεῖται, ἐὰν δὲ ἐν τῇ πρώτῃ, προῳδικά, ἐὰν δὲ ἐν μέσῳ, μεσῳδικά.
15. Heph., Poem. 61.1.
16. Eur., Hec. 905.
17. Eschl., Ag. 367. Le texte édité par les modernes est Διὸς πλαγὰν ἔχουσιν εἰπεῖν.
18. Heph., Poem. 61.13. Τὰ δὲ κατὰ περικοπὴν ἀνομοιομερῆ τὰς μὲν περικοπὰς ὁμοίας ἀλλήλαις ἔχει, τὰς δὲ ἐν ταῖς περικοπαῖς περιόδους ἀνομοίους.
19. Eur., Or. 1246. Le texte édité des modernes a la forme Μυκηνίδες ὦ φιλίαι.
20. Heph., Poem. 61.19. Ἀντιθετικὰ δέ, ὅσα κατὰ σχέσιν μὲν γέγραπται, οὐ μέντοι κατὰ τὴν αὐτὴν τάξιν παραβάλλεται ἀλλήλοις τὰ ἀντιστρέφοντα, τὸ πρῶτον τῷ πρώτῳ ... παραβάλλεσθαι, τὸ δὲ δεύτερον ἀπὸ τέλους τῷ δευτέρῳ ἀπ’ἀρχῆς· τὸ δὲ τρίτον ἀπὸ τέλους τῷ τρίτῳ· καὶ ἐπὶ τῶν λοιπῶν οὕτω. ταύτης τῆς ἰδέας ἐστὶ τὸ Ὠιὸν τὸ Σιμίου καὶ ἄλλα παίγνια.
21. L’Œuf du lyrique Simmias est un célèbre calligramme. La forme ovoïde du poème est donnée par la longueur croissante puis décroissante (en miroir) de chaque vers .
22. Heph., Poem. 62.7. Μικτὰ δὲ κατὰ σχέσιν ἐστίν, ὅσα ἐκ μερῶν ἐστιν, πάντων μὲν κατὰ σχέσιν, ἀνομοίων δὲ ἀλλήλοις κατὰ πάντων μὲν κατὰ σχέσιν, ἀνομοίων δὲ ἀλλήλοις κατὰ τὴν ἰδέαν, οἷον ἔκ τε ἐπῳδικῶν καὶ μονοστροφικῶν, ἢ κατὰ περικοπήν.
23. Heph., Poem. 62.7. Κοινὰ δέ ἐστι κατὰ σχέσιν, ὅσα καθ’ ἑτέραν μὲν ἰδέαν τῶν κατὰ σχέσιν γέγραπται, δύναται δὲ καὶ καθ’ἑτέραν γεγράφθαι δοκεῖν, οἷον, εἰ μονοστροφικῶς γραφὲν δύναται τοῦτο καὶ ἐπῳδικῶς γεγράφθαι δοκεῖν.
24. Heph., Poem. 69.3. Δεδειγμένου δὲ ἡμῖν τίνα ἐστὶ τὰ ἀπολελυμένα, φαμὲν εἴδη τούτων εἶναι τά τε ἄστροφα καὶ τὰ ἀνομοιόστροφα καὶ ἄτμητα.
25. Heph., Poem. 69.7. Ἄστροφα μὲν οὖν ἐστι τὰ τηλικούτου μεγέθους ὄντα [ἐπ’ ἐλάχιστον], ὡς μηδὲ στροφῆς ὅλης εἶναι αὐτὰ ὑπονοητικά.
26. Heph., Poem. 69.10. Ἀνομοιόστροφα δέ ἐστιν, ὅσα πάντως διαιρεῖται ἢ κατὰ πρόσωπον ἀμοιβαῖον ἢ χοροῦ πρὸς ὑποκριτὴν ἀπόκρισιν ἢ κατὰ ἐφύμνιον ἢ κατὰ ἐπῳδὸν ἢ κατ’ ἄλλο τι ἀναφώνημα. διαιρεῖται δὲ ἤτοι εἰς δύο ἢ εἰς πλείω· ἐὰν μὲν οὖν εἰς δύο διαιρεθῇ, καλεῖται ἑτερόστροφον, ἐὰν δὲ εἰς πλείονα, ἀλλοιόστροφον.
27. Eur., Hec. 689.
28. Heph., Poem. 69.16. Ἄτμητα δέ ἐστι τὰ τηλικαῦτα, ὥστε δύνασθαι μὲν τέμνεσθαι, μὴ μέντοι τι τεκμήριον ὑπάρχειν τοῦ τὸν ποιητὴν αὐτὰ τετμηκέναι.
29. Heph., Poem. 65.3. Μετρικὰ δὲ ἄτακτά ἐστιν, ἅπερ μέτρῳ μὲν γέγραπταί τινι, οὔτε δὲ ὁμοιότητα ἔχει πρὸς ἄλληλα οὔτε ἀνακύκλησιν (…) τοιοῦτός ἐστι καὶ ὁ Μαργίτης Ὁμήρου.
30. Eur., I.T. 1234.
31. Eur., H.F. 107 et suiv..
32. Soph., O.C. 1211.
33. Eur., Ph. 202.
34. Heph., Poem. 65.12. Ἐξ ὁμοίων δέ ἐστιν, ἅπερ ὑπὸ ποδὸς ἢ συζυγίας ἢ περιόδου καταμετρεῖται ἄνευ ἀριθμοῦ τινὸς ὡρισμένου.
35. Heph., Poem. 69.22. Τῶν δὲ ἐξ ὁμοίων τὰ μέν ἐστιν ἀπεριόριστα, τὰ δὲ κατὰ περιορισμοὺς ἀνίσους.
36. Eur., Hec. 59-97.