Présentation du paratexte
La traduction est dédiée à Nicolas Micault seigneur d’Yndevelde. Il est issu d’une famille noble des Pays Bas.
Bibliographie :- Michele Mastroianni, ‘Trois interpretationes de l’« Antigone » de Sophocle. Gentien Hervet (1541), Georges Rataller (1550) et Jean Lalemant (1557)’, Anabases, 21, 2015, 61–77.
- Jacoby, Daniel, "Rataller, Georg" in: Allgemeine Deutsche Biographie 27 (1888), p.339
- Elia Borza, ‘Sophocles redivivus’: la survie de Sophocle en Italie au début du XVIe siècle : éditions grecques, traductions latines et vernaculaires (Bari, Italie: Levante, 2007).
Domino Nicolao Micault Indeveldii Domino et priutai consilii Senatori, Georgius Ratallerus.
Au seigneur Nicolas Micault, seigneur d’Yndevelde et membre du Conseil privé, Georgius Ratallerus.
Quid faciam, rogas, hoc tam turbulento atque luctuoso rerum statu : si quid a publicis negotiis suppetit otii, id sepositis quantum licet seuerioribus studiis historiarum lectione omne libenter consumo.
Que fais-je, demandes-tu, dans une situation si troublée et douloureuse : s’il demeure quelque loisir éloigné des affaires publiques, laissant autant que possible de côté des études plus sérieuses, je le passe volontiers tout entier à lire des récits.
Qua nihil utilius, nihil unde consolationem mens philosophiae praeceptis imbuta maiorem hauriat, ubi praeterita, praesentia perspicimus, ex quibus non difficilis quoque futurorum est coniectura.
Et rien de plus utile que cette lecture, rien d’où la pensée, imprégnée des préceptes de la philosophie, tire une plus grande consolation, où nous percevons le passé, le présent, d’où il n’est pas difficile de déduire aussi ce qui adviendra.
Neque enim minimum ad leuandum luctum momenti habet consideratio uariorum casuum, quibus mortalium uita tamquam fluctibus quibusdam huc et illuc agitatur.
Car la prise en considération des différents évènements qui agitent ici et là la vie des mortels comme des flux a un immense pouvoir pour alléger le chagrin présent.
Et illius quod apud Marcum Tullium : non tibi hoc soli.
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Et c’est ce que nous trouvons chez Cicéron : « Tu n’es pas le seul à qui cela arrive ».
Deinde, si pro se quisque intueamur in omnibus orbis partibus eos, qui et ortu et rebus gestis nobiliores, qui florentiores nobis et opibus et rerum omnium abundantia, uicissitudine fortunae afflicti in grauissimas miseras inciderunt,
Ensuite, si nous regardions chacun de notre côté dans tous les endroits de la terre ceux à qui à la fois leur naissance et leurs exploits ont donné une certaine célébrité, qui, plus prospères que nous à la fois par les richesses et l’abondance de tous les biens, mais abattus par le renversement de la fortune, sont tombés dans les plus tristes misères,
quando istorum meditatione animus quasi lassatus quiete frui desiderat, literis me inuoluo amoenioribus Musisque oblector, e quibus hoc capio commodi, ut quemadmodum Pythagorei, Marco Cicerone teste, solent cantu et fidibus2, sic ego a miseriis praesentibus, quoad eius fieri potest, cum uoluptate etiam quadam cogitationem intentiorem ad tranquillitatem traducam.
lorsque mon esprit, comme lassé par cette pensée, souhaite profiter d’un repos, je m’enveloppe dans des études plus agréables et je suis charmé par les Muses, dont je tire le profit suivant : de même que les disciples de Pythagore, Marcus Cicéron en est témoin, en ont l’habitude en chantant et en jouant de la lyre, je porte, autant que faire se peut, avec une certaine volupté mon esprit trop angoissé loin des misères présentes à la tranquillité.
Itaque autumnali hoc iusticio cum Euripidem in manus sumspissem, cuius multos ante annos ingenii exercendi causa aliquot in Latinum fabulas conuertissem, excussa papyracea supellectile, Phoenissas, et Hippolytum τὸν στεφανοφόρον elegantissimas omnino, quaeque apud eruditos in praecipua admiratione, inter omnes eius auctoris tragoedias habitae fuerunt, inueni ; quas nonnullis in locis recognitas a me atque correctas amici quidam haud uulgares, ut lucem aspicere paterer, cum persuasissent, earum adiutorem atque defensorem te parare uisum est, ut nominis tui splendores eas a calumniis maledicorum hominum uindicares.
C’est pourquoi, en ces vacances d’automne, alors que je m’étais saisi d’Euripide dont il y a bien des années j’avais traduit en latin un certain nombre de pièces pour exercer mon esprit, j’ai trouvé, après avoir déroulé mon papyrus, les Phéniciennes et Hippolyte couronné tout à fait élégantes, elles qui ont, entre toutes les tragédies de cet auteur, été considérées par les érudits avec une admiration particulière ; et alors que certains amis savants m’avaient persuadé d’accepter de faire paraître ces dernières, dont j’avais revu et corrigé quelques passages, il m’a semblé bon de faire de toi leur allié et leur défenseur, si bien que tu les soustrairais aux calomnies des médisants, puisque sur elles rejaillissaient l’éclat de ton nom.
Quod pro mutuo nostro amore uetereque atque arctissima necessitudine facturum te cum libenter, tum maiore etiam animo diligenter omnino mihi persuadeo.
Je suis tout à fait persuadé qu’en échange de notre mutuelle affection et de notre proximité ancienne et si étroite tu le feras bien volontiers, consciencieusement et aussi de bon cœur.
Potuissem forte politiore paulum habitu, et accuratiore rasas lima in publicum emittere, sed illud ne quid nimis uehementer mihi placet manumque de tabula iussit tollere, non ignarum quid plerisque usu uenire soleat, qui austera illa atque morosa edolandi diligentia melioribus deteriora saepe substituunt.
J’aurais pu peut-être les faire paraître avec un aspect un peu plus lisse et polies par une lime plus rigoureuse, mais il ne me paraît pas bon de le faire trop lourdement et je me suis donné l’ordre de lever ma main de la tablette, car je n’ignore pas ce qui a l’habitude d’arriver à la plupart des gens, qui, en voulant dégrossir les passages âpres et rugueux, remplacent souvent les meilleurs tournures par les pires.
Vale.
Adieu.