Présentation du paratexte
Argumentum tragoaediae
Argument de la tragédie.
Magnam actioni lucem affert mater Iocaste cum suo prologo, quem actui primo adscripsimus, quod saepius reuertatur agendo maxima tragoedia pars.
Jocaste, la mère, apporte une grande lumière à l’action en prononçant le prologue que nous avons attribué au premier acte, parce que la plus grande partie de la tragédie y revient assez souvent par son action.
Reliqua sic habentur.
Le reste est ainsi.
Duos filios genuit Œdipus nefario coitu ex Iocaste, Eteoclen et Polynicen.
Œdipe, à la suite d’une relation criminelle, eut de Jocaste deux fils : Étéocle et Polynice.
Duas quoque filias Ismenen atque Antigonen.
Il eut aussi deux filles : Ismène et Antigone.
Maior natu Eteocles ex pacto annum adeptus imperium, quo patris imprecationes diras euitarent, id Polynici fratri noluit, neque partem, minus totum restituere, cum ex peregrinatione annua reuerteretur.
L’aîné, Étéocle, qui avait obtenu comme convenu le pouvoir pour un an, souhaitant éviter les terribles malédictions de son père, ne voulut le restituer ni en partie ni tout entier à son frère Polynice, alors que de dernier revenait d’un voyage d’un an.
Immo ex regno contra fidem datam eiecit.
Bien plus, dérogeant à sa parole, il l’exila du royaume.
Exul itaque hinc inde uagatus est misere, donec peruenerit Argos ad regem Adrastum, cuius filiam matrimonio sibi iunxit.
C’est pourquoi, exilé, Polynice erra misérablement çà et là, jusqu’à arriver à Argos chez le roi Adraste, dont il reçut la fille en mariage.
Sic adiutus soceri opibus magno exercitu contra fratrem Thebas rediit Polynices ; quem Antigone stans in scalis cum sene paedagogo ex muris diligenter cognoscit.
Ainsi, à l’aide les ressources de son beau-père, Polynice, à la tête d’une importante armée, se rendit à Thèbes pour combattre son frère ; et Antigone, alors qu’accompagnée d’un vieil esclave elle se tenait sur une échelle, le reconnut depuis la muraille.
Hoc uidens mater Iocaste nullis pepercit laboribus quo filios amice coniungeret.
À cette vue, Jocaste, leur mère, n’épargna pas sa peine pour réconcilier ses fils.
Datur colloquio dies.
On fixe une date pour négocier.
Adest Eteocles, adest Polynices per indutias, adest ipsamet mater ; quae suam quemque causam dicere iubet.
Pendant cette trêve, Étéocle est présent, de même que Polynice et leur mère également ; et elle ordonne que chacun plaide sa cause.
Incipit Polynices ueluti actor, conquerens de iniuria, quod frater pactis non steterit, quod regni parte priuaretur, quam sibi hereditario iure debitam tradi simul exposcit.
Polynice commence comme un plaideur, se plaignant de l’injustice subie, du fait que son frère n’ait pas respecté les traités, du fait qu’il est privé d’une partie du trône qu’il réclame en même temps qu’on lui remette, car elle lui est due par droit héréditaire.
Negat Eteocles se daturum.
Étéocle dit qu’il ne la donnera pas.
Mater tertiam dictura sententiam, una exprimit, quid desiderent in utrisque.
Leur mère, alors qu’elle s’apprête à exprimer un troisième avis, récapitule aussi ce qu’ils désirent dans leurs discours respectifs.
Sed maior fuit Eteoclis ambitio, quam ut parte regni data ; redit Polynices ad exercitum, animo intentus obsidioni, quam, consilio cum suis ducibus habito, strenue urget.
Mais l’ambition d’Étéocle fut trop grande pour abandonner une partie du royaume ; Polynice retourne vers son armée, avec l’intention d’assiéger la ville, siège qu’après consultation de ses généraux, il se hâte de mettre en œuvre.
Nec segnis Eteocles in urbe munienda contra hostium adsultus ex Creontis auunculi consilio ; qui rege instructo de modo urbis defendendae ad septem portas, uatem Tiresiam hominem caecum et senem ex iussu eiusdem Eteoclis consulit num diuinandi arte praestans aliquid habeat, quod pro regni Thebani conferat conseruatione.
Et Étéocle se démène pour protéger la ville contre les assauts ennemis sur le conseil de son oncle maternel Créon ; et lui, après avoir instruit le roi du moyen de défendre la ville aux sept portes, il consulte sur ordre du même Étéocle le divin Tirésias, un vieillard aveugle, pour savoir si un expert dans l’art de la divination fournirait quelque moyen de préserver le royaume thébain.
Cunctatur senex aliquamdiu.
Le vieillard hésite assez longtemps.
Tandem saepe rogatus respondet Creonti ut filium suum Menecaeum mactet ; quo facto Thebas saluatum iri, additis causis, cur sic fieri oporteret.
Finalement, pressé par des demandes répétées, il répond à Créon de sacrifier son fils Ménécée ; il dit qu’après cela Thèbes sera sauvée et explique pourquoi il faut qu’il en soit ainsi.
Negat Creon se filium pro patria interempturum.
Créon refuse de tuer son fils pour la patrie.
Qua de causa, priusquam populo responsum uatis innotescat, filium ablegat alio.
Et pour cette raison, avant de faire connaître au peuple la réponse du devin, il envoie son fils ailleurs.
Qui simulans abitum semet ipsum amore patriae de turri praecipitat.
Mais ce dernier, feignant de partir, se précipite d’une tour par amour de sa patrie.
Vnde magnus Phoenissarum dolor, maior ipsius patris Creontis.
De là, jaillit la grande douleur des Phéniciennes, de là la douleur, plus grande encore, de son père Créon.
Qui luctus acerbitate uictus in domum secessit.
Ce dernier, terrassé par le malheur du deuil, rentre dans le palais.
E momento uenit nuntius ex acie, qui domo euocatam reginam matrem Iocasten admodum anxie quaerentem edocet de omnibus, quae gesta : quomodo utrique exercitus aperto marte fuerint congressi, quomodo iam duo fratres in monomachiam consenserint, litem soli gladio finituri, ne sanguis multorum profundatur, quorum de cute non causa agitur.
À ce moment arrive de la bataille un messager qui apprend à la reine mère Jocaste, qu’on a appelée hors du palais et qui s’enquiert avec anxiété de tout ce qui s’est passé, comment l’une et l’autre armée ont marché dans une guerre ouverte, comment désormais les deux frères ont consenti à un combat singulier et s’apprêtent à trancher seuls leur litige au fil de l’épée afin de ne pas verser le sang de nombreux hommes qui n’ont rien à voir avec l’objet de cette guerre.
Monet etiam ut mater properet ad exercitum, si mortis periculo uel alterum uel utrumque eripere uelit.
Il engage leur mère à se hâter vers l’armée si elle veut arracher l’un des deux ou l’un et l’autre du péril de la mort.
Misera mater subito cum filia Antigone auolat.
La pauvre mère y court aussitôt avec sa fille Antigone.
Verum tarde accessit, quando filii reges humi iam mortui iacerent.
Mais elle arrive trop tard, alors que les rois, ses fils, gisent déjà morts à terre.
Solus Polynices iunior exiguum spirans paucula dixit uerba satis miserabilia.
Seul Polynice, qui respire encore un peu, prononça en expirant quelques mots assez pitoyables.
Sic mater maerore superata, gladio ex uentre alterius extracto, semetipsam quoque interemit ; ac procidens utrosque filios fusis circumplexa est brachiis.
Ainsi leur mère, terrassée par le chagrin, après avoir tiré l’épée du ventre du second, se tue également ; en tombant, elle étendit les bras et embrassa ses deux fils.
Continuo Creon Iocastes frater ignarus omnino huius duelli, e domo egreditur ut sororem inuitet ad funus sui filii curandum, sed a choro edoctus iam abiisse cum filia Antigone ad filios a duello auocandos.
Immédiatement, Créon, le frère de Jocaste, ignorant tout de ce duel, sort du palais pour inviter sa sœur à se charger des funérailles de son fils, mais il apprend du chœur qu’elle est partie avec sa fille Antigone afin d'empêcher ses fils de se battre.
Sic inopinatos rerum successus supra modum est miratus.
Ainsi, il est incroyablement surpris de la tournure inopinée des évènements.
E momento uenit alter nuntius cum magno eiulatu ex castris, atque Creonti forte oblato percunctanti ordine recenset, quomodo cum duobus filiis mater Iocaste huius lucis usura infelix fuerit priuata.
À ce moment arrive du camp un second messager avec de grands cris de douleur et il raconte à Créon, qu’il trouve par hasard et qui le lui demande, comment avec ses deux fils, la malheureuse Jocaste, leur mère, s’est privée de la jouissance de l’existence.
Obstupuit Creon, lamentatur ; miserrime plangunt etiam Phoenissae.
Créon s’est figé, il se lamente ; les Phéniciennes aussi se frappent tout à fait piteusement de douleur.
Quia uero Eteocles regni curam sub exitu ad bellum commiserat Creonti, euenit ut haec clades fuerit illi summo emolumento.
Mais parce qu’Étéocle avait confié à Créon la gestion du royaume à son départ pour la guerre, il en découle que ce massacre est à son plus grand avantage.
Nam uelamento iuris inde sumpto primum sub capitis poena edixit, ne quis Polynicem sepeliret: uerum inhumatus esca uolucribus sub dio relinqueretur1.
En effet, sous couvert de légalité, il décréta d’abord l’interdiction d’ensevelir Polynice sous peine de mort et l’ordre de la laisser privé de tombeau en plein air comme nourriture pour les oiseaux.
Deinde miserum quoque Œdipum e carcere ab Antigone filia eductum proscripsit ut regno cedens in exilium abiret alio, propter malum genium, quo pleraeque calamitates inducerentur.
Ensuite il ordonna aussi au malheureux Œdipe, que sa fille Antigone avait libéré de sa prison, de quitter le royaume et de partir ailleurs en exil, à cause du mauvais génie qui introduisait, disait-il, la plupart des malheurs.
Miser Œdipus lamentatur, quod coniuge matre priuatus, quod filiis orbatus, quod senex, quod caecus, quod regno eiiciatur.
Le malheureux Œdipe se lamente d’être privé de mère et d’épouse, d’être dépouillé de ses fils, d’être vieillard, d’être aveugle, d’être exilé du royaume.
Antigone filia, et pro fratre Polynice humando et pro Œdipo patre retinendo apud Creontem supplex instat.
Sa fille Antigone se présente en suppliante à Créon pour obtenir l’inhumation de son frère Polynice et l’absolution de son père Œdipe.
Atqui neutrum obtinet.
Mais elle n’obtient ni l’un ni l’autre.
Hinc fida comes misserrimo patri mauult exilium quam nuptias cum filio Creontis institutas eligere.
De là, fidèle compagne de son père tout à fait misérable, elle préfère choisir l’exil à son mariage avec le fils de Créon.
Sic finis regiae stirpis apud Thebanos et finis etiam tragoediae.
Ainsi finit la souche royale à Thèbes et ainsi finit aussi la tragédie.