Présentation du paratexte
Vlrico Chytraeo Domino Dauidis, uiri clarissimi Filio, Iohannes Posselius Salutem Plurimam Dat.
Au seigneur Ulricus Chytraeus, fils du très illustre David, Johannes Posselius adresse son chaleureux salut.
Vere et eleganter mellitissimus orator
Isocrates ; in oratione prima ad Demonicum scribit : πρέπει γὰρ τοὺς παῖδας ὥσπερ τῆς οὐσίας οὕτω καὶ τῆς
φιλίας τῆς πατρικῆς κληρονομεῖν
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C’est à juste titre et avec élégance qu’Isocrate, orateur plein de miel, écrit dans son Premier discours à Démonique : « Il convient en effet que les enfants, comme ils héritent des richesses de leurs pères, héritent aussi de leurs amis ».
Cum itaque carissimo patri meo, piae recordationis, cum optimo et praestantissimo parente tuo, summa semper intercesserit familiaritas, hoc ipsum sapientissimi uiri praeceptum utrique nostrum potissimum competere arbitror.
Ainsi, puisqu’une très profonde amitié a toujours uni mon très cher père, de sainte mémoire, et ton très grand et très illustre père, je pense que le précepte de cet homme si sage s’applique tout à fait à notre cas.
Vt autem amicitiae nostrae publicum aliquod exstaret τεκμήριον, illud hoc exiguo munere, quo te prae multis aliis dignum iudico, hoc tempore declarare uolui, cum quod parentum nostrorum arctissima necessitudo, tum uero maxime tua in audiendis lectionibus nostris adsiduitas et attentio, tale quid mereri uideretur.
D’autre part, afin que paraisse publiquement une preuve de notre amitié, j’ai voulu aujourd’hui la faire voir grâce ce petit présent dont je te pense davantage digne que bien d’autres gens en raison du lien si étroit qui unissait nos pères, mais aussi et surtout parce que l’assiduité et le soin que tu as mis à assister à nos enseignements semblent mériter une rétribution de ce genre.
Proinde hanc optimi poetae Euripidis tragoediam uenustissimam quam deinceps σὺν θεῴ interpretaturus sum, tibi potissimum dedicandam duxi.
Par conséquent, j’ai pensé qu’il fallait absolument te dédier cette tragédie si agréable du si grand poète Euripide que, suivant la volonté divine, je m’apprête à traduire.
Nemo enim ex συμπατριώτων nostrorum filiis (quod uere et ingenue profiteor) te et Iohanne Rungio, Amplissimi Consulis, Dn. Henrici Rungii filio exceptis, toto illo tempore quo publico docendi munere in hac Academia fungor, diligentius et crebrius auditorium nostrum fequentatuit.
En effet, aucun des fils de nos compatriotes (je le dis vraiment et franchement) n’a fréquenté notre auditoire plus attentivement et plus fréquemment que toi et Johannes Rungius, fils du seigneur Henricus Rungius, très généreux consul, alors que je remplis mon office public dans cette Académie.
Cuius rei causam hanc esse autumo, quod parentes uestri pro singulari tua prudentia rectissime intelligant, quantum in peregrinarum linguarum inprimisque Graecae, cognitione factum sit ideoque sedulo uos instigarint, ut in hac addiscenda plurimum studii atque operae collocaretis.
Et je pense que cela vient de ce que vos parents ont très justement compris, considérant ta remarquable sagesse, le pouvoir des langues étrangères et en particulier de la langue grecque et de ce qu’il vous ont soigneusement incités à mettre beaucoup de zèle et de soin à les apprendre.
Reliqui non ita a parentibus, forte artium et linguarum ignaris, admonentur, ut earum studiis magnopere inuigilent, satis esse putantes, si modo utcunque latinum sermonem intelligant et neglectis solidae eruditionis fundamentis ad suggestum adspirent, et ut uetus uerbum est, contionem ex manica excutiant.
Tous les autres ne sont pas encouragés par leurs parents, peut-être ignorants des arts et des langues, à s’appliquer soigneusement à ces études ; ils pensent qu’il est suffisant de savoir au moins un peu de latin, d’aspirer à la tribune sans s’occuper des fondements d’une solide éducation, et de sortir, selon la vieille formule, le discours de sa manche.
Tu uero, Vlrice carissime, si ita ut coepisti strenue in laudandarum artium et linguarum studiis perrexeris, nihil certe ad honestatem et felicitatem tibi deerit.
Mais toi, très cher Ulricus, si, ainsi que tu as commencé à le faire, tu persévères activement à mener les louables études des arts et des langues, il est certain qu’il ne manquera rien à ton honneur et ton bonheur.
Et quamquam paternis admonitionibus te abundare satis, non dubito, tamen pro amicitia nostra te rogo et obtestor, ut reuerendi et clarissimi patris tui, integritate, doctrina et beneficentia uiri excellentissimi, exemplum adsidue intuearis, eundemque pietate et uirtute, nec non diligentia in omni officio aequare coneris.
Et bien que je ne doute pas que tu sois assez prévenu par les avertissements paternels, je te demande et te prie en raison de notre amitié d’observer assidument l’exemple de ton vénérable et très illustre père, homme tout à fait excellent par sa probité, son savoir et sa générosité et de t’efforcer de l’égaler dans tous les offices tant par ta piété et ta vertu que par ta diligence.
Quae gloria nati, soletur tristem patris, recreetque senectam.
Que la gloire de son fils console un père triste et adoucisse sa vieillesse.
Quin Epaminondae uocem, ex intimo naturae sensu prolatam, tibi uitae Regulam proponas, qui dixisse fertur, se hunc praecipuum uirtutis et laborum suorum fructum capere, quod optimum patrem adhuc superstitem, et gloriae suae spectatorem haberet.
Bien plus, puisses-tu régler ton existence sur le propos qu’Épaminondas tire d’une connaissance intime de la nature, lui qui a dit, rapporte-t-on, que le plus grand fruit qu’il cueillait de sa vertu et de tous ses travaux était d’avoir son excellent père, qui vivait encore, pour spectateur de sa gloire.
Bene et feliciter cum clarissimo Patre et tota familia tua uale meque tui studiosissimum amare perge.
Porte-toi bien et sois heureux, de même que ton père très illustre et toute ta famille, et continue de me chérir, moi qui te suis tout à fait dévoué.
Rostochii ex musaeo meo, die Iohannis Bapistae, Anno 1595.
À Rostock, depuis mon musée, le jour de Jean-Baptiste, 1595.