Présentation du paratexte
Les littératures antique et tardo-antique n’ont pas transmis de récit biographique nourri sur Plaute, à l’exception des précieux propos d’Aulu Gelle. Sur le modèle de la Vita Terentii de Suétone, les humanistes ont donc composé des textes originaux à partir des Nuits Attiques et de quelques témoignages plus ponctuels et rares. Nous lisons ici la première uita Plauti moderne, parue dans l’éditio Princeps de Merula, après la lettre dédicatoire du savant milanais.
Traduction : Mathieu FERRANDDe uita Comoediisque Plauti excerpta quaedam ex Auctoribus grauissimis.
Extraits sur la vie et les comédies de Plaute, tirés des auteurs les plus éminents.
Plautus, linguae Latinae pater et cuius sermone (ut Varo Epii Stolonis sententia dixit) musae locutae forent si latine loqui uoluissent1, Sarsinas ex Vmbria fuisse legitur.
Plaute, père de la langue latine dont les Muses (comme Varron l’écrivit, d’après Epius Stolon2) auraient parlé la langue si elles avaient voulu parler latin, est originaire, dit-on, de Sarsina en Ombrie.
Nam ad natalem terram alludens seruilem iocum in Mustelaria aduersus Simonem qui umbram usque a domo abesse aiebat sic intulit :
De fait, faisant allusion à sa terre natale, il rapporta ainsi, dans la Mostellaria, le jeu de mots d’un esclave qui répondait à Simon ; ce dernier prétendait qu’il n’y avait pas d’ombre chez lui :
Quid Sarsinatis ecqua est si umbram non habes ?
3
« N’as-tu pas au moins l’Ombrie sarsinate, à défaut d’ombre ? »
Floruit in scaena quinto decimo ferme anno postquam bellum aduersus Poenos secundum sumptum est.
Son floruit sur la scène se situe quinze ans environ après le début de la seconde guerre punique.
Nam ut Portius Licinnius dixit:
De fait, comme l’écrivit Portius Licinnius :
Punico bello secundo Musa pennato gradu intulit sese bellicosam in Romuli
gentem feram.
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« Pendant la seconde guerre punique, la Muse de son pas ailé fit son entrée dans la race belliqueuse et farouche de Romulus ».
Quo item tempore Marcus Cato Orator clarus in ciuitate est habitus.
A cette époque, Marcus Caton était considéré comme un orateur célèbre.
Et quamquam a pluribus Graecis comicis
fabulas sumptas in Latinum conuerterit, Horatii
tamen sententia Plautus
ad exemplum Siculi properare Epicharmi
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Et bien qu’il ait traduit en latin des pièces empruntées à plusieurs comiques grecs, on dit que Plaute, selon Horace, a suivi aussi l’exemple d’Epicharme le Sicilien.
Hic ut Varro et plerique alii memoriae prodiderunt cum pecunia omni quam in operis artificum scaenicorum pepererat in mercationibus perdita inops Romam rediuisset et ob quaerendum uictum ad curcumagendas molas quae trusatiles appellantur operam pistori locasset, in pistrino, Saturionem et Addictum et tertiam quandam fabulam cuius nomen non legitur scripsit.6
Là, comme Varron et beaucoup d’autres l’ont rapporté, tandis que, après avoir perdu dans le commerce tout l’argent qu’il avait gagné par la pratique des arts scéniques, il était revenu à Rome sans un sou et avait loué ses services à un boulanger, pour gagner sa pitance, afin de tourner la meule qu’on dit « à bras », il écrivit au moulin le Saturion, et l’Insolvable et une troisième pièce dont on ne connaît pas le nom.
Mortuus est circiter centesimam et quadragesimam quintam olympiadem quantum ex uerbis Hieronymi in Eusebii Pamphili Chronico colligere possumus.
Il est mort vers la 145e olympiade, pour autant qu’on puisse en juger d’après les mots de Jérôme dans la chronique d’Eusébius Pamphilus.7
Iussitque Epigramma tale suo sepulchro incidi quod an Plauti foret dubitasset Aulus Gelius nisi a Marco Varrone positum esset in libro de Poetis primo :
Et il ordonna de faire graver sur son tombeau cette épigramme dont Aulu-Gelle aurait douté qu’elle fût de Plaute si elle n’avait été recueillie par Marcus Varron dans son premier livre Sur les Poètes :
8
Plurimae sub Plauti nomine Comoediae apud priscos ferebantur quarum una et uiginti Varronianae dictae sunt quas idcirco a ceteris segregauit quoniam dubiosae non erant.9
De très nombreuses comédies étaient, chez les Anciens, attribuées à Plaute, parmi lesquelles vingt-et-une sont dites « varroniennes » que Varron distingua des autres car leur origine ne faisait aucun doute.
Sed consensu omnium Plauti esse censebantur.
Mais tout le monde était bien d’avis qu’elles étaient de Plaute.
Quasdam item alias probauit adductus stilo atque facetia sermonis Plauto congruentis easque iam nominibus aliorum occupatas Plauto uindicauit.
Varron en reconnut quelques autres, d’après leur style et leurs plaisanteries qui correspondaient bien à Plaute ; et, bien qu’elles aient été précédemment attribuées à d’autres poètes, il les lui adjugea.
Aliae dicuntur ambiguae utrum Plauti an aliorum fuerint.
Pour d’autres, dit-on, on ignore si elles sont de Plaute ou d’un autre.
Illud idem subdit Gelius : Marcum Varronem scripsisse Plautium fuisse quempiam Poetam Comoediarum cuius quoniam fabulae Plauti inscriptae forent acceptas esse quasi Plautinas cum essent non a Plauto Plautinae sed a Plautio Plautianae. Ascriptae autem Plauto Comoediae circiter centum atque triginta fuerunt. Sed homo eruditissimus Laelius quinque et uiginti eius solas existimauit. Nec dubium est quin quaedam Comoediae quae scriptae a Plauto non uidentur et nomini eius adiciuntur ueterum Poetarum fuerint et ab eo retractae et expolitae sint ac propterea excipiant dictum Plautinum.10
Aulu-Gelle ajoute cela encore : Marcus Varron écrivit qu’un certain Plautius était auteur de comédies. Et comme des pièces avaient l’indication Plauti11 elles avaient été reçues comme des pièces plautiniennes; elles n’étaient pourtant pas de Plaute (c’est-à-dire plautiniennes) mais bien de Plautius (c’est-à-dire plautiennes). Cent trente comédies environ ont donc été attribuées à Plaute. Mais Laelius, un homme très érudit, estima que seules vingt-cinq d’entre elles étaient de lui. Il n’est pas douteux que certaines comédies qui ne semblent pas écrites par Plaute et lui sont pourtant adjugées furent composées par d’anciens poètes et furent par lui remaniées et perfectionnées ; pour cette raison on les dit « plautiniennes ».
Sed de iudicio Varronis, Laelii et Fauorini qui Neruulariam Plauti esse dixit et eius qui Fretum nomen esse id comoediae Plauti putauit, plura leguntur in libro qui inscriptus est Noctium Atticarum.
Mais, sur ce que pensent Varron, Laelius, Favorinus – qui écrivit que Nervularia était une pièce de Plaute – et celui qui pensa que Fretum était le nom d’une comédie de Plaute, on en lit davantage dans le livre appelé Les Nuits Attiques.
Quem uero locum Plautus inter Comicos Latinos habeat, docet Vulcatius Sedigitus in Poetica, illustris in libro quem scripsit de Poetis, ubi idem quid de iis sentiat qui comoedias fecerunt et quem praestare ex omnibus ceteris putet.12
Quelle place tient Plaute parmi les comiques latins, Vulcatius Sedigitus l’enseigne en sa Poétique, dans le livre qu’il écrivit sur les poètes illustres où le même indique ce qu’il pense de ceux qui ont composé des comédies et quel auteur, d’après lui, l’emporte sur tous les autres.
Ac deinceps quo quemque in loco et honore
ponat his uerbis suis demonstrat :
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A quelle place, ensuite,
et à quel rang d’honneur il faut porter chacun, il le montre par ces mots :