Ioannes Petrus Valla inclyto utriusque iuris doctori Scaramuzae Trivultio Mediolanensi patricio primario S<alutem> D<icit> eternam
Ioannes Petrus Valla

Présentation du paratexte

Le volume réunit deux ensembles bien distincts, le premier dû à Joannes Petrus Valla (avec paratextes et commentaires), le second à Bernardus Saracenus (avec paratextes, textes des comédies et commentaires). Dans sa lettre dédicatoire, Giorgio Valla, fils adoptif du grand humaniste Giorgio Valla dont il publia les œuvres, nous informe sur l’origine du projet de publication puis fait l’éloge de son dédicataire, le milanais Scaramuccia Trivulzio (c. 1465-1527), et de sa très illustre famille.

Bibliographie :
  • http://incunables.bodleian.ox.ac.uk/record/P-356
  • A. Raschieri, « Giorgio Valla Editor and Translator of Ancient Scientific Texts  », dans Greek Science in the Long Run: Essays on the Greek Scientific Tradition (4th c. BCE – 17th c. CE), editor, pubPlace, publisher, date, p. 127-149.
  • A. Raschieri, « Cicero in the Encyclopaedia of Giorgio Valla  », dans Ciceroniana on line, IV,2, editor, date, p. 317-335.
  • A. Raschieri, Dizionario Biografico degli Italiani, vol. 98, date.
Traduction : Mathieu Ferrand

Ioannes Petrus Valla incluto utriusque iuris doctori Scaramuzae Triuultio Mediolanensi patricio primario s<alutem> d<at> aeternam.

Ioannes Petrus Valla adresse un salut éternel à Scaramuza Trivultius de Milan, illustre docteur en droit civil et canon, patricien de premier rang.1

Cum de Plauti fabulis, inclute Scaramuza Triuulti, dum apud te Mediolani essem, inter nos uerba faceremus nonnullaque earum loca non tam minus deprauata, quam ob uenerandae antiquitatis ignorationem subobscura quae tum mihi succurrebant, ut a patre interpretante didiceram, castigataque annotaram nequando memoria exciderent quid sibi uellent exponerem, ea sic abs te laudari animaduerti, ut facile intelligerem te, quae tua est non modo circa excellentissimas quasque res elegantia, sed etiam magnitudo animi et benignitas, cupere ut ea annotata publicarem.

Comme nous discutions, illustre Scaramuza Trivultius, des pièces de Plaute, alors que j’étais chez toi à Milan, et comme j’expliquais le sens à donner à plusieurs passages qui m’apparaissaient (ainsi que je l’avais appris grâce aux commentaires de mon père) moins corrompus qu’obscurcis par ignorance de la vénérable Antiquité – passages que j’avais corrigés puis annotés afin qu’ils ne sombrent pas dans l’oubli –, je vis que tu faisais un tel éloge de ces annotations que je compris sans mal ton désir, motivé non seulement par ton goût très sûr pour les belles choses, mais aussi par ta grandeur d’âme et ta bonté, de me les voir publier.

Quare ego qui multis de causis tibi omnia debeo committendum non statui ut isti tuo honestissimo desiderio satis non facerem, sed liberalis hospitis more qui ientacula modo poscenti amico, ipsum nisi saturum dimittere noluerit, non solum ea, sed alia etiam pluscula, quam tu postularas, ut ut a tirunculo annotari potuerint2, edenda curaui.

C’est pourquoi moi qui, à bien des égards, te dois tout, j’ai jugé qu’il ne fallait pas prendre le risque d’ignorer ta demande, tout à fait estimable, mais, à la manière d’un hôte libéral qui, à l’ami réclamant seulement un repas, ne permet pas de partir autrement que rassasié, j’ai pris soin de publier non seulement ces annotations, mais un peu plus encore que ce que tu m’avais demandé, dans la mesure où le débutant que je suis en a été capable.

Ceterum cum hanc nostram industriam si qua modo est, cuipiam inscribendam mancipandamque statuerem, neminem comperi quem tibi tuaeque domui non modo anteferrem, sed ne compararem quidem nec immerito.

D’ailleurs, comme j’estimais que le résultat de notre effort – s’il a quelque intérêt – devait être l’objet d’une dédicace et d’un présent, je n’ai trouvé personne qui non seulement méritât d’être préféré à toi et à ta maison, mais qui méritât même la comparaison.

Quid enim Triuultia domo per totam Italiam dici potest insignius ?

En effet, que peut-on nommer de plus insigne, dans toute l’Italie, que la maison des Trivultii ?

A qua olim tanquam saluberrimae stellae omnibus ingenuis artibus excellentes quam plurimi effulserint uiri, ut nostra aetate Illustris princeps Ioannis Iacobus Triuultius patruus tuus, qui hoc proprium et peculiare sibi uendicauit ut iam alter Hercules ad improborum hominum obtundendas atterendasque uires esse dicatur.

Dans ses rangs, à la manière des étoiles les plus salutaires, un très grand nombre d’hommes excellents dans tous les arts libéraux ont brillé jadis, comme à notre époque l’illustre prince Joannes Jacobus Trivultius, ton oncle3, qui fit son affaire, toute personnelle, de passer désormais pour un second Hercule, voué à épuiser et écraser les forces des méchants.

Quo scientia rei militaris nemo peritior, auctoritate nemo superior, felicitate nemo faustior.

Personne ne fut plus au fait que lui de la science militaire, personne n’égala son autorité ni ne connut de plus heureuse félicité.

In tractandis quae ad muniendum exercitum pertineant, nemo laboriosior.

Dans la gestion des ressources nécessaires pour fortifier une armée, personne ne s’investit davantage.

In periculis subeundis, duce prudentia, nemo animosior.

Face aux dangers, agissant avec discernement, personne ne fut plus courageux.

Quid in conficiendis rebus celeritatem memorem ? Ad prouidendum rebus omnibus uigilantiam atque consilium ? Sed haec pauca prae quae de ipso dici possent.

Faut-il rappeler sa célérité dans la conduite des entreprises ? Sa clairvoyance et la qualité de son jugement en toute matière ? Mais c’est bien peu de choses au regard de tout ce qu’on pourrait dire de lui.

Quid praeterea excellentissimo Antonio Astensi episcopo fratre tuo, ut aliorum insignes ommittam uirtutes dici potest integrius, continentius, iustiusue, ad cuius recte sancteque uiuendi normam, et indefessam ad subueniendum amicis ac honestis uiris promptitudinem non una lenitatis pietatisque laus accedit.

En outre, qu’y a-t‑il de plus intègre, de plus mesuré ou de plus juste, pour ne rien dire des vertus insignes de tes autres parents, que le très éminent Antoine, évêque d’Asti, ton frère4 : le seul éloge de sa douceur et de sa piété ne suffit pas à honorer sa droiture et sa sainteté ni le prompt secours qu’il porte, sans jamais faiblir, à ses amis et aux hommes de bien.

Erectam uero ad omnem aequitatem mentem tuam omni laude dignissimam, tuamque erga studia nec legum modo, quarum doctor peritissimus haberis et es, sed omnium bonarum disciplinarum uigilantiam, satius mihi duco silentio praetereundam, quam paucis perstringendam ; quae enim prudentia, quae probitas, quae iustitia tanta usquam fuit quae tuis exemplis non posset illustrari ?

Mais ton esprit, tout à fait digne d’éloge, soucieux de justice, et l’attention que tu donnes à l’étude, non seulement du droit (dont on te dit – et dont tu es – un maître des plus compétents) mais aussi de toutes les disciplines, je considère qu’il vaut mieux les passer sous silence plutôt que de les évoquer rapidement. Quelle sagesse en effet, quelle probité, quel sens de la justice y eut-il jamais de si grands, que ton exemple ne puisse illustrer ?

Proinde, cum his tantis uirtutibus praeditus sis, ubi gentium quoue in loco nostrarum frugum primiciae sedem potuere sibi firmiorem praestantioremque uendicare quam apud te tuamque domum tam multipliciter illustrem, qui tantopere eis oblecteris quique nec quemquam ut de Maecenate Horatius inquit naso suspendis5 adunco.

Ainsi, puisque tu es doté de si grandes vertus, où, en quel lieu nos premiers fruits auraient-ils pu obtenir de terrain plus ferme et plus éminent qu’auprès de toi et de ta maison, illustre à tant d’égards ? Toi que charment tant ces fruits et qui, devant personne, ne « fronces dédaigneusement le nez », comme Horace le dit de Mécène.

Si igitur eas tibi placuisse cognouerimus, non exiguam uidebimur apud omnes laudem consecuti.

Si donc nous apprenons qu’ils t’ont plu, il nous semblera avoir obtenu un bel éloge auprès de tous.

Vale.

Salut.


1. Scaramuccia Trivulzio (c. 1465-1527) deviendra, en 1508, évêque de Côme, et sera créé Cardinal en 1517 par le pape Léon X.
2. Nous corrigeons un malencontreux poterint.
3. Gian Giacomo Trivulzio (1440-1518), condottiere guelfe qui combattit aux côtés des français pendant les premières guerres d’Italie. Il conquit le duché de Milan, aux mains des Sforza, pour Louis XII et s’illustra notamment à Agnadel et Marignan.
4. Antonio IV Trivulzio, évêque d’Asti de 1499 à 1508 puis de 1509 à sa mort, en 1519.
5. Hor., S. 1.6.5.. Cf. Érasme, Adagia, 722