Présentation du paratexte
En 1500, l’humaniste bolonais Giovanni Battista Pio, élève de Béroalde, publie à Milan une copieuse édition des vingt comédies de Plaute. Cette édition se distingue notamment par ses commentaires abondants, la richesse de son paratexte et par la vive polémique qu’elle a ensuite suscitée, à propos des choix philologiques de Pio. Ici, le grand humaniste bolonais Philippe Béroalde gratifie son ancien élève, Giovanni Battista Pio, d’une épître au lecteur très flatteuse. Après avoir souligné les grands mérites du comique latin, il développe en particulier la métaphore de la route tracée dans la « forêt plautinienne » par son « plautinissime » commentateur, guide excellent entre tous.
Traduction : Mathieu FERRANDPhilippus Beroaldus lectori salutem dicit.
Philippe Béroalde à son lecteur.
Marcum Plautum inter scriptores clarissimum ac latinae linguae decus deliciasque1 dici et esse nemo non nouit ; cuius sales et facetosam urbanitatem qui non probat, nihil prorsus probat ; cuius lectione qui non capitur, qua capiatur non dispicio.
Tout le monde sait que l’on dit Plaute, et qu’il est vraiment, le plus illustre des auteurs ainsi que la gloire et le délice de la langue latine ; celui qui n’en goûte pas le sel et la plaisante urbanité ne saurait rien goûter ; et je ne vois pas bien ce qui peut séduire celui que sa lecture ne séduit pas.
Ceterum ut uiam qui nescit qua deueniat ad mare eum oportet amnem quaerere comitem sibi, ita qui ignorat semitam qua per Plautinam siluam gradiatur, eum par est sibi quoque comitem assumere. Comes autem commodissimus erit Ioannes Baptista Pius municeps meus idemque discipulus, qui apprime eruditus et uetustatis uerborumque priscorum curiosus affectator commentarios condidit in Plauti fabulas plane plautinissimos quibus haud parum multa aspreta laeuigantur quae uiatori moramenta atque obices afferre possent. Cuius ingenium et eruditionem parcius laudo quia indecorum est uirum litteratum alieno magis ingenio quam suo commendari et ne praeceptor discipulum immodice extollens sibi ipsi blandiri uideatur.
Au reste, si l’on ne sait par quel chemin gagner la mer, il convient de prendre un fleuve pour compagnon ; de même, si l’on ignore par quel chemin traverser la forêt plautinienne, il faut s’adjoindre un compagnon. Or, le plus compétent des compagnons, c’est Joannes Baptista Pius, mon compatriote et aussi mon élève qui, érudit entre tous, chercheur passionné d’antiquités et de mots anciens, a composé, sur les pièces de Plaute, des commentaires vraiment plautinissimes ; ils aplanissent un bien grand nombre des difficultés qui pourraient retarder ou entraver le voyageur. Mais c’est avec quelque retenue que j’en célèbre le génie et l’érudition parce qu’il est indigne qu’un homme de science se voie recommandé par le génie d’un autre plutôt que par le sien propre, et afin de ne pas paraître, professeur vantant immodérément son élève, me flatter moi-même.
Quisquis igitur Plautini poematis lector es studiosus, una cum Plauto specta hosce Pii commentarios, hosce tecum habe nec ullam operae uerearis impensaeque iacturam.
Donc, qui que tu sois lecteur passionné des vers de Plaute, considère, en même temps que Plaute, ces commentaires de Pius, garde-les avec toi et ne crains pas de perdre ton temps ni ta peine.
Ex his nosces quo ingenio, qua doctrina praeditus sit Pius noster : quamquam et aliis quoque iampridem editis commentariis coepit innotescere.
Grâce à eux, tu connaîtras de quel génie et de quelle science fait preuve notre cher Pius, quoiqu’il ait commencé à se faire connaître aussi par d’autres commentaires déjà publiés.
Vale.
Salut.