Présentation du paratexte
Ce poème est en distiques élégiaques.
Traduction : Déborah BOIJOUX
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Ioannes Salandus
Giovanni Salandi 1
Scaena, Ioci, Charites Vmbrique emuncta poetae
Musa, Venus Stygiis mersa rogabat aquis
Ferret opem ut miserae quisquis bene sentit et optat
Consultum ingenuis artibus esse bonis.
Nemo tamen precibus satis aurem admorat honestis,
Collapsam erigeret qui modo nullus erat.
Le théâtre, les jeux, les Charites, la Muse raffinée
Du poète ombrien et Vénus suppliaient, depuis les profondeurs du Styx,
De leur porter secours, dans leur détresse, tout homme doué de sensibilité et
désirant
qu’une action favorable aux arts libéraux fût prise par les gens de bien.
2
Mais personne n’avait prêté l’oreille, de façon satisfaisante, à ces honnêtes
prières ;
Il n’y avait personne pour les relever de leur chute.
Doctorum turba in tanta celebrique corona,
Aurea Saturni saecula ut ista putes,
Per quae (pace frui liceat modo) digna uidebis
Ingenia antiquis laudibus, ore, tuba.
Il y avait pourtant une foule de savants parmi ce cercle nombreux et d’une telle
importance
Que l’on pourrait considérer cette génération comme celle de l’âge d’or,
Parmi laquelle – puissions-nous au moins jouir de la paix – on trouvera des
hommes de génie
Dignes des éloges, des voix et des trompettes antiques.
Sed Baptista Pius pietate insignis
auita,
Censura et rerum cognitione grauis,
Hunc uatem frustra auxilium implorare manusque
Tendere non patiens, ecce rogatus adest.
Deque penu abstruso gemmas iubet ire, lapillos
In medium et uulgus qui latuere prius.
Mais voici que Battista Pio, admirable pour sa piété envers les ancêtres,
Puissant par son jugement et par sa connaissance du monde,3
Ne supportant pas de voir ce poète implorer de l’aide et tendre
Ses mains en vain, répond à son appel.
Il ordonne à ses joyaux et ses pierres précieuses, qui sont jusque-là demeurées
cachées,
De quitter leur temple secret pour gagner la foule et l’espace public.
Plura licet quidam media haud de plebe notarint
Atque obseruarint laude ferenda sua,
Baptistae tamen hanc frugem peperere
lucernae :
Hanc messem, hunc usum commoda, lector, habes.
Bien que certains privilégiés aient davantage relevé
Et observé des qualités dignes d’éloge,
Ce sont les lumières de Battista qui ont mis au jour cette récolte :
Cette moisson, cette ressource, lecteur, tu la détiens comme une richesse.
Vt si forte loqui Plautus uelit, ore loquatur
Haud alio, dictet, digerat, ornet, agat.
À supposer que d’aventure Plaute veuille parler, c’est avec la voix de cet homme
qu’il parlerait,
Qu’il dicterait et distribuerait ses rôles, qu’il préparerait la scène et serait
acteur.
1. On sait peu de
choses de ce contemporain de Battista Pio, peut-être apparenté à Pier Antonio
Salandi Reggiano, professeur à l’Université de Bologne de 1489 à 1503 (d’après
TIRABOSCHI G., Biblioteca modenese o notizie della vita e delle opere degli
scrittori natii degli Stati del Serenissimo Signor Duca di Modena, t. 5, Modène,
Società tipografica, 1784). Sans doute proche d’Antonio Motta, il clôt l’editio
princeps d’Apicius dirigée par ce dernier (Milan, 1498) par une épigramme de
cinq distiques adressée au lecteur (f°42v)
. Il est également l’auteur de deux épigrammes latines insérées à la fin
(f°516r)
de l’editio princeps de la Souda, publiée, à Milan, par Démétrios
Chaldondyle, en 1499 (dans laquelle on retrouve d’ailleurs deux poèmes
liminaires d’Antonio Motta, f°1v).
2. On pourra rapprocher ces deux premiers distiques du début de
l’épigramme composée par Salandi « au lecteur », à la fin de l’
editio princeps d’Apicius (f°42v) :
Accipe quisquis amas irritamenta palati / Praecepta et
leges oxigarumque nouum / Condiderat caput et Stygias penitrauerat undas
/ Celius in lucem nec rediturus erat. De même, on retrouve
l’image de la Muse implorante dans son poème à Démétrios Chaldondyle (Souda,
editio princeps, Milan, 1499, f°516r) :
Et Musae Argolicae locum rogarent (v.
13).
3. On retrouve
cette association du jugement critique et de la connaissance au début du
poème de Salandi à Démétrios Chaldondyle (op. cit., v. 4-8) :
Sermo CecropriusSophosque Achaeum, / Nostra a cognitione
iam remotum / Propter barbariem parum ferendam / A censoribus utriusque
linguae, / Qum frustra appeteretur in poetis.