Ad clarissimum discipulum Ladislaum Vartimbergensen Philippi Beroaldi bononiensis epistola
Philippus Beroaldus

Présentation du paratexte

La date. L’édition est parfois datée de 1500, au troisième jour avant les calendes de décembre (29 novembre) ; cf. Silvia Fabrizio-Costa, « Filippo Beroaldo il Vecchio ; prefatorie e politica », dans Filippo Beroaldo l’Ancien. Un passeur d’humanités, Bern, Peter Lang, 2005, p. 137-150, spéc. p. 150). Toutefois, cette lecture du colophon nous semble erronée. Comparez avec les Symbola Pythagorae a Philippo Beroaldo moraliter explicate, publiés, par le même imprimeur, « Anno salutis M. D. tertio pridie Dominicum natalem ». Nous proposons de développer ainsi (après d’autres) : « Anno salutis millesimo quingentesimo tertio, Calendis Decembribus ».

Bibliographie :
  • G. Ventura, « Il "Comicus" per i grammatici: Plauto tra filologia e imitazione nella Bologna del primo Cinquecento », dans Le forme del comico, éd. Francesca Castellano, Irene Gambacorti, Ilaria Macera et Giulia Tellini, Florence, Società Editrice Fiorentina, 2019, p. 166-175.
Traduction : Mathieu FERRAND

Ad clarissimum discipulum Ladislaum Vartimbergensen Philippi Beroaldi bononiensis epistola

Lettre de Philippe Beroalde de Bologne, à son élève très fameux Ladilas de Wartenberg

Sicut boni uenatoris est in saltu uenatico feras indaganter ex latibulis excitare ita industrii professoris est in silua litteraria solerter mendas excutere et sicut nulli uenatori culpae fuit non omnes feras coepisse ita nulli professori dandum uitio est non omnes mendas excussisse.1

Comme il appartient au bon chasseur, au cours de la chasse, de pousser les bêtes sauvages hors de leur repaire, en suivant leur trace, de même il appartient au professeur industrieux de débusquer les erreurs, en faisant preuve de discernement ; et comme on ne peut reprocher au chasseur de ne pas poursuivre chaque bête, de même il ne faut pas incriminer le professeur de ne pas avoir débusqué chaque erreur

cum non cuncta sed plurima repurgasse abunde sit satis, nam maculae haud parum multae iampridem insederunt inueteraruntque in uoluminibus complusculis quae deleri non queunt suntque ineluibiles.

; il suffit en effet d’avoir abondamment expurgé non pas toutes les erreurs, mais le plus grand nombre d’entre elles, car de très nombreuses fautes se sont incrustées et enracinées depuis fort longtemps dans un joli nombre de volumes, qui ne peuvent être ni supprimées ni effacées.

Valerius Probus primae notae Grammaticus exemplaria antiquorum emmendare atque adnotare auorum saeculo curauit soli huic nec ulli praeterea grammatices parti deditus.

Valerius Probus, grammairien de premier ordre, eut soin d’amender et annoter les exemplaires des Anciens au temps de nos pères, ne se consacrant à rien d’autre qu’à la question grammaticale.

Ego quadamtenus Probum emulatus scriptores classicos emaculare et pro uirili parte mendis repurgare contendo.

Moi-même j’essaie, me faisant, dans une certaine mesure, l’émule de Probus, de nettoyer les auteurs classiques et de corriger leurs erreurs, à proportion de mes forces.

Quod cum in plerisque aliis iampridem tum nuper in Plauto feci cuius cum fabulas hoc est latinae linguae delicias2 enarrarem, operam dedi et quidem operosam

Ce que j’ai fait non seulement pour beaucoup d’autres auteurs, depuis longtemps, mais aussi, plus récemment, pour Plaute : tandis que je commentais ses pièces, délices de la langue latine, je lui ai accordé beaucoup d’attention et même, beaucoup d’efforts

ut ab impressore nostro Benedicto formatus ueniret in manus studiosorum emaculatior sinceriorque quam ante hac aliubi sit formis excusus.

afin que, mis en forme par notre cher imprimeur Benedictus, il arrivât entre les mains des savants, plus correct et plus pur que dans toute impression antérieure, d’où qu’elle vienne.

Hanc autem nouissimam recognitionem plautinam ut sub tuo nomine publicarem tibique nominatim hac epistola dedicarem mi Ladislae Vartimbergensis hortamenta non pauca inuitarunt et illa cumprimis quod in contubernio meo degis causa studiorum politiorisque litteraturae, quod mihi es factus ut uulgo dicitur compater, quod plautinae elegantiae studiosum te cognoui.

Beaucoup m’ont exhorté à publier cette toute nouvelle édition de Plaute sous ton patronage et à te la dédier nommément par cette lettre, mon cher Ladislas Vartimbergensis, et en particulier, parce que tu es mon familier pour l’étude des belles lettres, parce que tu es devenu, comme on dit, mon « co-auteur », et parce que je te sais amateur des élégances plautiniennes.

Ad haec familia Vartimbergensis non minus honorata inter proceres Boemiae quam famigerata multis ab hinc annis a me colitur diligiturque ex qua frater tuus Ioannes scholasticorum elegantissimus ad capiendum ingenii cultum iampridem huc concesserat fueratque nostrae sectae asdectator frequens et uigilax qui mihi germana quasi quadam beniuolentia et religiosa necessitudine est copulatus, quem amabilissimum, comissimum, liberalissimum non minus municipes mei quam alienigenae experti sunt.

Pour cela j’honore et j’estime la famille de Vartimberg, non moins honorée que célébrée parmi les ancêtres de la Bohème depuis de nombreuses années, d’où ton frère Joannes le plus distingué des étudiants est sorti il y a longtemps pour embrasser le culte de l’esprit, sectateur fidèle et vigilant de notre communauté, qui s’est lié à moi par une sorte d’amour quasi fraternel et un lien quasi religieux et que mes compatriotes tout autant que les étrangers ont tenu pour le plus aimable, le plus obligeant, le plus libéral des hommes.

Tu uero, mi Ladislae, uadis per fraterna uestigia agisque scholasticum munificum ac amabilem.

Or toi, mon cher Ladislas, tu suis les traces de ton frère et tu te comportes comme un étudiant généreux et aimable.

Tu probus, modestus, officiosus atque ingenua simplicitate sincerus, tu quod boni discipuli specimen est praeceptorem amas et colis.

Toi, honnête, modeste, obligeant et sincère dans ta simplicité ingénue, tu aimes et honores, parce que tu es un modèle de bon élève, ton professeur.

Dasque operam ut dolatorio nostro leuigatus expolitusque in patriam, ad genitales terras, post peracta litteratoria stipendia possis cum laude remigrare.

Tu veilles à ce que, dégrossi et poli par notre dolabre, tu puisses, après avoir accompli ton service littéraire, revenir avec honneur dans ta patrie, ta terre natale.

Cape itaque hilaro uultu hoc quicquid est munusculi et Plautum mea castigatione minus insincerum relege translege, perlege continenter. Hoc sit deliciolum tuum.

Accueille donc d’un visage souriant ce petit présent, quel qu’il soit, relis, lis encore et lis tout entier, sans discontinuer, ce Plaute qu’améliorent mes corrections. Qu’il soit ton petit plaisir.

Hoc enchiridion : nullus dies praetereat sine Plautina lectione. Non testudineo non formicino gradu sed militari et pleno discurre per plautinos campos, si cupis optatam metam contingere,

Qu’il t’accompagne partout : pas un jour sans lire Plaute. Et ce champ plautinien, il te faut le parcourir non point au pas de la tortue ou de la fourmi, mais au pas rapide du soldat, si tu désires atteindre le but que tu poursuis,

si uis esse tum in sermone quotidiano tum in epistolis formandis elegantior uenustiorque.

si tu veux gagner en élégance et en grâce non seulement pour la conversation quotidienne, mais aussi pour la rédaction de lettres.

Scito hominem insulsum fore ac inuenustum, qui neque sale neque lepore Plautino conditus extiterit.

Sache qu’il sera insipide et sans agrément celui que n’aura pas relevé le sel ni la grâce de Plaute.

Vale et doctorem eumdemque compatrem tuum mutuo dilige.

Salut à toi, et aime en retour ton maître et « co-auteur ».

Fieri non potuit quin labeculae quaedam minutulique errores per incuriam ministri excusoris irreperent.

Des scories et de toutes petites erreurs se sont inévitablement glissées en raison de l’incurie des imprimeurs.

Talia praestare nec uolo nec debeo nec possum.

Je ne veux, ni ne dois, ni ne peux en répondre.


1. Col., Rust. 5.1.
2. Gell., Noct. 19.8.6.