Ioannes Britannicus Salutem Plurimam Alouisio Dardano Veneto.
Ioannes Britannicus

Présentation du paratexte

Bibliographie :
  • Simone SIGNAROLI, Maestri e tipograi a Brescia (1471-1519). L’impresa editoriale dei Britannici fra istituzioni civili e cultura nell’occidente della Serenissima, Edizioni Torre d’Ercole, Travagliato-Brescia 2009.
  • Simone SIGNAROLI, « Plauto nel cimento della filologia umanistica: Brescia, Bologna e la tipografia dei Britannici », Viaggi di testi e di libri. Libri e lettori a Brescia tra Medioevo e età moderna, éd. Valentina Grohovaz, Udine, Forum, 2011, p. 95-100.
Traduction : Christian NICOLAS

Ioannes Britannicus Salutem Plurimam Alouisio Dardano Veneto

Ioannes Britannicus1 donne son salut appuyé à Alovisius Dardanus de Venise2

Pylades Buccardus, uir non minus Graece quam Latine apprime eruditus, quicum maxima mihi dum uixit intercessit familiaritas, quum ad eum graui morbo oppressum uisendi gratia, biduo antequam diem suum obiret, accessissem, coepit post multos inter nos mutuos amplexus atque oscula multa, quum mihi Nestorem filium suum tanquam qui se uicinum morti cernet plurimum commendasset, commemorare id quod antea etiam saepe fecerat : ‘se quum ad communem omnium studiosorum utilitatem, tum ad dignitatem linguae latinae augendam non solum corrigendarum omnium Plauti comoediarum curam, sed etiam earum interpretationem suscepisse, uerum superuentu langoris interpellatum non potuisse quod animo destinauerat in totum perficere, duodeuiginti dumtaxat correxisse, tanta tamen diligentia accersitis undique quam plurimis, tum ueteribus, tum nouis exemplaribus, obseruataque omnium carminum modulatione, ut in iis nihil desiderari posse putaret.

Pylade Buccardus, homme tout aussi pleinement érudit en grec qu’en latin, avec qui, durant toute sa vie, j’ai eu une grande amitié, alors que, venu le visiter pendant la grave maladie dont il souffrait, j’étais arrivé chez lui deux jours avant sa mort, se mit, après des échanges nombreux d’étreintes et de nombreuses embrassades, tout en me recommandant chaudement son fils Nestor, en homme qui se voit tout proche de la mort, à rappeler l’essentiel de son activité antérieure : il avait, dit-il, dans l’intérêt de la communauté des savants autant que pour accroître le crédit des études latines, entrepris non seulement de corriger toutes les comédies de Plaute mais aussi de les expliquer ; mais la survenue de la maladie qui l’avait interrompu l’avait empêché de parachever totalement ce qu’il avait projeté ; il en avait corrigé seulement dix-huit, mais avec tant de soin, en faisant venir de partout le plus possible d’exemplaires tantôt anciens tantôt récents et en vérifiant la scansion de tous les vers, que rien, selon lui ne laissait à désirer.

Praeterea autem quinque tantum interpretatum esse Amphitryonem, Asinariam, Aululariam, Captiuos, Mostellariam, partem Curculionis atque etiam in omnibus aliis loca complura enarrata ; seque a me petere ut si quando opus post obitum suum publicandum censerem, id omnino Alouisio Dardano Veneto dicarem, quem ob multa eius in se merita singularemque ac propensam in omnes litterarum studiosos beniuolentiam plurimi semper fecisset’.

Mais il ajouta en outre qu’il n’en avait expliqué que cinq, Amphitryon, L’Asinaria, L'Aulularia, Les Captifs, La Mostellaria, un bout du Curculion et qu’aussi, dans beaucoup d’autres pièces, de nombreux passages avaient été traités ; qu’il me demandait, au cas où je déciderais de publier son travail après sa mort, d’en confier l’intégralité à Alovisius Dardanus Venetus, de qui, pour ses innombrables bienfaits à son égard et son extrême et généreuse bienveillance à l’égard des spécialistes de littérature, il avait toujours fait le plus grand cas.

Itaque, quum ab obitu eius labores diligenter accurateque saepe inspexissem, utpote qui omnibus in hoc disciplinarum genere uersantibus mirabiliter profuisset non putaui opus in abstruso habendum.

Aussi, quand j’eus après sa mort examiné attentivement et consciencieusement son travail, à lui qui avait si magnifiquement œuvré pour le profit de tous ceux qui s’impliquent dans cette discipline, j’ai pensé qu’il ne fallait pas laisser cet ouvrage au placard.

Nam, quum in omnibus comoediis multa ex fide ueterum codicum aut deficientia substituerit aut peruersa emendauerit aliaque huc atque illuc falso translata in ordinem retulerit suum, animaduerti in Mostellaria, ut nomen habet a monstris, tot monstra ab eo perdomita atque sublata ut, quum non modo uersus sed scenarum ordo confusus foret, nullus omnino antea sensus percipi posset.

Car, alors que dans toutes les comédies, sur la foi de manuscrits anciens, il avait comblé de nombreuses lacunes ou corrigé de nombreuses fautes, qu’ailleurs, ici et là, il avait remis en ordre des passages mal transmis, je me suis aperçu que, dans La Mostellaria (qui tire son nom de monstrum), il avait dompté et supprimé tant de monstres que, alors que non seulement les vers mais même l’ordre des scènes était confus, on ne comprenait rigoureusement rien avant lui.

In Persa etiam mediam paginam offendimus quae ut ipse transtulit in Stichum transferenda fuit.

Dans Le Perse, nous avons même trouvé une demi-page que, comme lui-même l’a fait, il a fallu transplanter dans Stichus.

Sed quid ego haec uerbis prosequor ?

Mais pourquoi poursuivre ?

Vnicuique facile ad iudicandum erit quantum Pylades de Plauto benemeritus sit qui alia cum his exemplaria contulerit.

Chacun pourra facilement juger de l’apport considérable de Pylade aux études plautiniennes s’il compare une autre édition à celle-ci.

Neminem sane uel mediocriter eruditum fore existimo qui quum opus tam accurate castigatum offenderit : non plane speret omnia posse per se intelligere.

On ne trouvera personne, je pense, de bien ou même de moyennement cultivé qui, tombant sur un livre aussi bien corrigé, ne puisse espérer vraiment tout comprendre.

Animo igitur hilari atque benigno, Alouisi Dardane, accipies labores Pyladae, quos tibi dicari non solum uerbis mandauit, sed etiam declarauit epistola, quam sane in eius scriptis ita a se compositam offendimus ut prae se ferret quod mente sua conceperat feliciter posse absoluere, quam quidem epistolam licet ad rem in totum non faciat, non putaui tamen supprimendam, ut omni ex parte optimum eius propositum omnibus foret perspicuum.

C’est donc avec gaité et bienveillance, cher Alovisius Dardanus, que tu recevras le travail de Pylade, qu’il a voulu te voir confier non seulement dans ses dernières paroles mais aussi dans une lettre que j’ai trouvée dans ses papiers et qu’il a écrite pour révéler clairement que, son entreprise, tu pouvais la mener à bien, lettre que, bien qu’elle ne soit pas entièrement liée au sujet, j’ai jugé utile de ne pas supprimer, pour que, à tous égards, son excellent projet fût connu de tous.

Quaecumque igitur ab eo elucubrata fuerunt accipies ut suae in te obseruantiae pignus et monumentum.

Donc tout le fruit de ses veilles, tu les prendras comme un gage et un témoignage de son respect pour toi.

Vnum restat, uir humanissime, ut Nestorem filium eius in amicitiam fidemque tuam ita recipias ut intelligat lucubrationes patris tibi gratas fuisse.

Il reste une chose, homme plein de culture : accueille son fils Nestor dans ton amitié et ta protection, pour qu’il comprenne que les recherches de son père t’ont été agréables.

Hoc autem tibi confirmo te ex gratissimis honestissimisque moribus adolescentis summam uoluptatem esse capturum.

Je puis t’assurer que l’agrément et l’honnêteté extrêmes du caractère de ce jeune homme te procureront le plus grand plaisir.

Prudentem enim officiosumque cognosces et dignum qui a te ametur.

Car il est intelligent, poli, tu verras, et digne de ton affection.

Britannicum autem tuum qui te familiamque tuam nobilissimam summa prosequitur obseruantia in numero tuorum fac habeas.

Quant à ton Britannicus, qui te voue, à toi et à ton illustre famille, le plus grand respect, compte-le, s’il te plaît, au nombre de tes amis.

Vale.

Adieu.


1. Sur Giovanni Britannico, imprimeur à Brescia, cf. Simone SIGNAROLI, Maestri e tipograi a Brescia (1471-1519). L’impresa editoriale dei Britannici fra istituzioni civili e cultura nell’occidente della Serenissima, Edizioni Torre d’Ercole, Travagliato-Brescia 2009.
2. Sur Alvise Dardani, voir la page suivante