Présentation du paratexte
Liste de paratextes dans la même édition : list
Bibliographie :-
M. Ferrand , « Plaute à Paris. Diffusion et imitation des comédies plautiniennes au début du XVIe siècle », pubPlace, Le Carrefour culturel autour de 1500, editor, [in] Cahiers V.L. Saulnier,33 , date,p. 189-203 -
A. Laimé , La Poéétique de Nicolas Petit (c. 1497-1532). Un renouveau de l’écriture poétique néo-latine à Paris et à Poitiers, dans le cercle de François Rabelais, thèse de doctorat, publisher, date,t. II ,p. 28-39 -
J. Lecointe , La Poétique de François Dubois (1520), dossier d’HDR, publisher, date
De comoedia et eius partibus
La comédie et ses parties
Comoedia igitur (ut a diffinitione incipiamus)
est priuatae ciuilisque fortunae sine periculo uitae comprehensio.
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Donc, la comédie (commençons par une définition) a pour objet les affaires privées et publiques, sans péril de mort.
Sic dicta a pagis id est conuenticulis rusticorum quae Graece comae appellantur.
Elle tire son nom des villages ou groupements de paysans qu'en grec on appelle comae.
Ita iuuentus (ait Varro) Attica circum
uicos ire solita fuit et quaestus sui causa hoc genus carminis
pronuntiabat.
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D'après Varron, la jeunesse de l'Attique avait pour habitude d'aller dans les bourgs où elle interprétait ce genre de poèmes afin de gagner un peu d'argent.
Aut certe a uiculis aut ut aliquibus placet a comessationibus quod Graece comos comessatio uel festiuitas in conuiuio dicatur (olim etenim in huiusmodi fabulis amantium iuuenum comessationes canebantur).
Assurément, le mot vient de ces petits bourgs, ou bien, comme certains le veulent, des cortèges de fêtes car, en grec, cortèges et réjouissances, lors des banquets, sont appelés comoi (autrefois en effet, dans ce genre de pièces, on célébrait en chantant les cortèges de jeunes gens amoureux).
Variaque et multiplex est de hac re opinio.
En la matière, les opinions sont diverses et variées.
Sufficiat tamen nobis comoediam eo esse confectam ut affectus nostros moderemur in alienis personis expressamque imaginem nostram uitae quotidianae uideremus.
Mais contentons de rappeler que la comédie a été créée pour nous permettre de modérer nos affects par le moyen de personnages qui nous sont étrangers et pour que nous puissions voir en elle l'image de notre existence quotidienne.
Est autem poema in quo humiles personae inducuntur et amores uirginumque raptus describuntur.
C'est aussi un poème dans lequel apparaissent des personnages humbles et où sont représentés amours et rapts de jeunes femmes.3
Sic quod a tragoedia differt in qua duces, heroes, reges introducuntur in qua et luctus, exilia, aedes ac iurgia magna excitantur.
Il diffère de la tragédie en ce que, dans la tragédie, sont introduits princes, héros et rois, sont suscités chagrins, exils, meurtres et grandes querelles.
In aliis quoque multis discrepant quae quia passim habentur et omnibus notissima sunt praeterimus.
Sur bien d'autres points encore tragédies et comédies diffèrent. Mais comme on trouve cela partout et que chacun le connaît parfaitement, nous passons.
Comoedia insuper partim est antiqua, partim noua, partim media (ut ex commentario Aristophanis colligi potest).
Ajoutons toutefois que la comédie est tantôt « ancienne », tantôt « nouvelle », tantôt « moyenne » (comme on peut le lire dans le commentaire d'Aristophane4).
Differt autem antiqua comoedia tempore, lingua, metro et apparatu.
La comédie ancienne se distingue par l'époque, la langue, le mètre et le mode de représentation.
Tempore quidem in quantum noua aetate Alexandri antiqua uero tempore Peloponesiacorum uiguit unde et ipsi comoediam a suis colonis quos comas uocant nomen sumpsisse arguunt.
Par l'époque, assurément, dans la mesure où la nouvelle comédie s'est épanouie au temps d'Alexandre, l'ancienne à l'époque des Péloponnésiens ; c’est pourquoi eux aussi prétendent que la comédie a tiré son nom de leurs paysans qu’ils appellent comai.
Lingua item in quantum noua quidem manifestius habet utens lingua Attica, antiqua grauem et altum dicendi stilum interdum et idoneas dictiones quasdam.
De même, la comédie se distingue par la langue, dans la mesure où, certes, la comédie nouvelle utilise avec assez de clarté la langue attique, mais où l’ancienne adopte un style grave et élevé, et quelques expressions idoines.
Materia uero in quantum plurimum uertitur circa iambicum. Raro autem metrum aliud.
Elle se distingue par la forme, dans la mesure où <la nouvelle comédie> est composée en général de vers iambiques, et rarement en un autre mètre.
In antiqua autem plurima metra attenduntur.
Dans l’ancienne <comédie>, en revanche, on rencontre de nombreux types de vers.
In antiqua insuper comoediae aetate primi fuere poetae comici Sussarion, Nullus et Magnes qui ueteris disciplinae ioculatoria quaedam minus scite et uenuste pronuntiabant.5
Par ailleurs, à l’époque de l’ancienne comédie, les premiers poètes comiques furent Sussarion, Nullus et Magnes qui produisaient des plaisanteries du vieux style avec assez peu de science et de charme.
Secunda aetate fuerunt Aristophanes, Eupolis et Cratinus qui et principum uitia sectati acerbissimas comoedias composuerunt.
A la seconde époque, il y eut Aristophane, Eupolis et Cratinus ; ils composèrent des comédies très virulentes contre les vices des personnages importants.
Tertia aetas fuit Menandri, Philemonis et aliorum qui omnem acerbitatem comoediae mitigauerunt ac multiplicia argumenta Graecis erroribus secuti sunt.
La troisième époque fut celle de Ménandre, Philémon et de quelques autres qui adoucirent toute la virulence de la comédie et développèrent des intrigues complexes fondées sur les erreurs commises par des Grecs.
Ab his Romani fabulas transtulerunt apud quos constat primo Latino sermone comoediam Liuius Andronicum scripsisse.
Ce sont leurs pièces que les Romains traduisirent ; et l’on convient que, chez eux, Livius Andronicus fut le premier à composer une comédie en latin.
Sunt tamen qui uelint Epicharmum in insula Coo exulantem primum hoc carmen frequentasse et sic a Coo comoediam dici antea.
Certains voudraient cependant que ce soit Épicharme, en exil sur l’île de Cos, qui ait écrit le premier poème de ce genre ; ainsi, la comédie tirerait son étymologie du nom de Cos.6
Quod ex Aristotelis sententia est qui dicit Megarenses comoediam primam sibi asciuisse.7
C’est l’avis d’Aristote, qui dit que les habitants de Mégare s’attribuent la première comédie.
Comoediarum item alia est stataria in qua fere omnia pacifica et quieta.
De même, parmi les comédies, certaines sont statiques : tout ou presque y est paisible et calme.
Alia motaria illi contraria.
D’autres, au contraire, sont « agitées ».
Tertia est ex his mixta ubi neque nimia quies neque nimia commotio est.
D’autres enfin sont « mixtes » : rien de trop calme ni de trop agité ne s’y produit.
Comoediae praeterea partes ut
quidam scripsere sunt hae quattuor : prologus, id est praefatio ; protasis, id est primus actus ; epitasis id
est incrementum processusque turbarum ; catastrophe id est conuersio rerum
ad iucundos exitus.
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En outre, les parties de la comédie, comme certains l’ont écrit, sont au nombre de quatre : le prologue (c’est-à-dire l’avant-propos), la prothasis (c’est-à-dire le premier acte), l’Epitasis (c’est-à-dire le développement et montée des périls), la catastrophe (c’est-à-dire le renversement de situation qui conduit à une fin heureuse).
Dictae autem partes in quinque actus distinguntur.
Lesdites parties se distribuent en cinq actes.
Diciturque actus ab agendo nam est tanta pars quantam lusores agunt sine intermissione.
Le mot « acte » vient du verbe « agir » car la partie dure autant que les acteurs la jouent sans interruption.
Prologus etiamnum quadruplex reperitur. Commendatiuus scilicet quo poeta uel fabula commendatur. Relatiuum quo aut aduersario maledicta aut beniuolis gratiae referuntur aut dicuntur.9
On trouve par ailleurs quatre sortes de prologues. Le prologue de recommandation, où l'on recommande le poète ou la pièce au public. Le prologue relatif où l’on répond aux attaques d’un adversaire ou remercie ses partisans.
Argumentatiuus fabulae argumentum exponens (id quod proprium prologi est officium ut Amphitryonis prologus ipse docebit).
Le prologue argumentatif, qui expose l’argument de la pièce (c’est la fonction même d’un prologue, comme le prologue de l’Amphitryon le montrera).
Quartus et ultimus est ex his consistens.
Le quatrième et dernier type de prologue, qui est celui qui réunit plusieurs de ces fonctions.
Vlterius comoediarum tria membra Graeci posuere diuerbia, cantica et choros.
Plus tard, les Grecs ont établi ces trois éléments constitutifs de la comédie : le diverbium, le canticum et le chœur.
Diuerbia sunt quae scaenae passim uocantur in quibus personae colloquentes raro quattuor introducentur dicente Horatio in Arte :
Le diverbium correspond à ce qu’on appelle « scène » très souvent, où l’on voit rarement plus de trois personnages s’entretenir, comme le dit Horace dans l’Art poétique :
Nec quarta loqui persona laboret.
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« Qu’on ne s’embarrasse pas d’un quatrième personnage ».
In canticis uero una tantum persona poni debet aut si duae fuerint ita ponentur ut ex occulto una audiatur nec loquatur sed secum si opus fuerit uerba faciat.
Dans le canticum, il faut introduire un seul personnage ou, s’il y en a deux, il faut faire en sorte qu’on entende le second depuis sa cachette et qu’il ne s’exprime qu’en aparté, au besoin.
Latinae tamen comoediae tertio membro ut puta choro non constant sed duobus tamen praedictis.
Mais les comédies latines ne présentent pas le troisième élément constitutif, à ce qu’il semble, le chœur, mais seulement ceux dont il vient d’être question.
Reliqua e comoedia uideat apud auctores diligens et studiosus nam reliqua superaddere esset nimis prolixum.
Pour le reste, à propos de la comédie, que le lecteur diligent et studieux lise les auteurs eux-mêmes car il serait trop long de préciser davantage.
Hoc unum adhuc dixisse sufficiat scilicet de habitu personarum in comoediis de quibus sic ueteres referunt :
Assurément, il suffira de dire ce qui a été dit jusque-là sur le costume des personnages de comédies, à propos desquels les Anciens rapportent ceci :
De habitu comoedorum.
Sur le costume des comédiens:
Comicis senibus a soraco per aediles candidus uestitus attribuebatur quod
is antiquissimus fuisse memoretur, adulescentulis discolor. Serui comici
amictu exiguo contegebantur paupertatem prae se ferendo antiquam aut quo
forent expeditiores. Parasiti cum intortis palliis ob collum ueniebant.
Laeto uestitus candidus, aerumnoso ob<so>letus, purpureus diuiti,
pauperi phoeniceus dabatur, militi clamys purpurea, puellae habitus
peregrinus, lenoni uarii coloris pallium, meretrici ob auaritiam luteus
amictus.
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Aux vieillards de comédie était attribué par les édiles un costume blanc, tiré du coffre de la troupe ; parce que c'est, rappelons-le, un costume très ancien ; aux jeunes gens un costume d'une couleur qui tranche. Les esclaves de comédie portaient un manteau court, affichant ainsi leur antique pauvreté ou pour être plus à l’aise dans leurs déplacements. Les parasites se présentaient avec des manteaux plissés sur le cou.12 Au personnage favorisé par le sort, on donnait un costume blanc, au fâcheux un costume démodé, un costume pourpre au riche, au pauvre un costume écarlate, au soldat une chlamyde pourpre, à la jeune femme un costume étranger, au proxénète un manteau bariolé, à la courtisane, à cause de sa cupidité, un manteau jaune.
Atque haec de comoedia satis.
Mais en voilà assez sur la comédie.
Reliqua in lecturis nostris si opus sit beniuolis auditoribus aperiemus.
Au besoin, j’éclaircirai le reste pendant mes cours à l’attention de mes auditeurs bienveillants.
Nunc uero Amphitrionis argumentum exponamus.
A présent, nous allons exposer l’argument de l’Amphitryon.