Présentation du paratexte
Le texte que reproduit, pour la première fois dans une édition plautinienne, Francesco Asolano, a été publié par Pietro Crinito dès 1506 à Florence dans son De poetis latinis. Il puise aux mêmes sources (Aulu-Gelle, III, 3, essentiellement) que les trois Vitae Plauti précédemment publiées dans les éditions du Sarsinate (Merula, 1472 ; Pio, 1500 ; Charpentier, 1512) mais cette Vita s’imposera dans les éditions postérieures. Notons du reste que, dès 1512 à Paris, Simon Charpentier, qui avait pu consulter l’édition parisienne du De poetis latinis (Josse Bade, 1508), reprend une partie du texte de Crinito dans sa propre Vita.
Bibliographie :- Sur Pietro Crinito, http://www.treccani.it/enciclopedia/del-riccio-baldi-pietro_(Dizionario-Biografico)
- Annaclara Cataldi Palau, Gian Francesco d’Asola e la tipografia aldina. La vita, le edizioni, la biblioteca dell’Asolano, Gênes, Sagep Libri e Communicazione, 1998.
- AIlaria Pierini, « Comici e tragici nel De poetis latinis di Pietro Crinito », Comico e tragico nella vita del Rinascimento, Florence, Franco Cesati Editore, 2016, p. 191-215
- Traduction anglaise de Crinito dans Plautus and the English Renaissance of Comedy de Richard F. Hardin, Madison, Fairleigh Dickinson university press, 2018
Plauti uita ex Petro Crinito de Poetis Latinis.
Vie de Plaute, extraite de l’ouvrage Les poètes latins de Petrus Crinitus 1
Marcus Plautus patria Sarsinas fuit ex Vmbria, quod ipse de se insinuat, in fabula Mostellaria2.
Marcus Plautus est originaire de Sarsina, en Ombrie, ce que lui-même laisse entendre, dans sa pièce Mostellaria.
Et alii ueteres tradunt.
D’autres auteurs anciens le rapportent également.
Constat eum his temporibus Romae uixisse atque in scena praestitisse quibus in ciuitate Pub. Scipio, Fuluius Nobilior, et M. Cato excellentes habiti sunt.3
Il est certain qu’il vécut à Rome et qu’il s'est distingué sur la scène à l’époque où dans la ville, on tenait Publius Scipion, Fulvius Nobilior et Marcus Caton pour des personnages éminents.
Ingenio perurbano fuit, et maxime festiuo, quod cum alia multa indicant, tum Comoediae ipsius plenae iucunditatis ac leporum.
C’était un homme d’esprit affable et tout à fait charmant, ce que montrent, avec bien d’autres choses, ses propres comédies, pleines de gaîté et de grâce.
Relata sunt ab A. Gellio complura in Atticis noctibus de eruditione et fabulis Plautinis, ex auctoritate M. Varronis, qui Plautum ait, cum erogasset omnem pecuniam in scenicis ornamentis ad summam paupertatem fuisse redactum, eaque ratione in Vrbem rediisse et operam pistori locasse ad uictum comparandum his molis circumagendis, quas trusatiles uocant.4
Aulu-Gelle a beaucoup écrit sur la science et l'oeuvre de Plaute dans les Nuits Attiques , en s’appuyant sur son érudition, sur les pièces de Plaute et sur l’autorité de Marcus Varron qui dit que Plaute, après avoir dépensé tout son argent pour l’organisation des spectacles, fut réduit à la plus grande pauvreté, et pour cette raison, revint à Rome et loua ses services à un boulanger pour gagner sa pitance en faisant tourner la meule que l’on dit « à bras »
Hieronymus
manuales
5
Jérôme les appelle « manuelles ».
Et cum aliquamdiu in pistrino uersaretur, ibidem fabulas aliquot dicitur composuisse ut Saturionem et Addictum.6
Et comme il passa un certain temps dans le moulin, on dit qu’il composa là quelques pièces, comme le Saturion et l’Addictum.
M. Varro in libro de Plautinis Comoediis uerba haec posuit7, quae adscribenda existimaui ut a Gellio est obseruatum.
Marcus Varron, dans son livre Sur les comédies de Plaute, rapporte ces mots, que j’ai jugé bon de reproduire, ainsi qu’Aulu-Gelle l’a mentionné.
Feruntur sub Plauti nomine Comoediae
circiter C. et XXX.
8
On dit que l’on attribue à Plaute cent-trente pièces.
Sed homo eruditissimus Laelius XXV dumtaxat illius esse censuit.9
Mais Laelius, homme fort savant 10, ne lui en a attribué que vingt-cinq.
Neque dubium est quin ista etiam, quae a Plauto scripta non sunt, ueterum poetarum fuerint, ut M. Accii C. Plautii a quo dictae sunt Plautianae fabulae, non Plautinae.11
Et il ne fait guère de doute que ce qui n’a pas été écrit par Plaute l’a été par d’anciens poètes comme M. Accius C. Plautius, dont les pièces sont dites « plautiennes », et non « plautiniennes ».
Ceterum cum XXV a ueteribus connumerentur M. Plauti Comoediae, sciendum est praeter illas XX (quae a nostris grammaticis consensu omnium pro Plautinis habentur) tres a Gellio nominari. hoc est Bethiam, Neruulariam, Fretum.12
Du reste, tandis que les anciens comptent vingt-cinq comédies de Plaute, il faut savoir que, outre les vingt qui, de l’avis général de nos grammairiens, sont bien de Plaute, trois autres sont nommées par Aulu-Gelle : Boethia, Nervularia et Fretum.
Varro et Sex. Pompeius alias plures nuncupant, ut Artemonem13, Friuolariam14, Phagornem15, Cestrionem16 atque Astrabam17, easque inter Plautinas referunt.
Varron et Festus Pompeius 18 en nomment d’autres encore : Artemo, Frivolaria, Phago, Cestrio, Astraba ; et celles-ci sont comptées au nombre des comédies plautiniennes.
De Astraba tamen Gellius et Nonius dubitarunt.19
A propos d’Astraba, cependant, Aulu-Gelle et Nonius ont émis des doutes.
In fabulis suis secutus est Graecos auctores, maxime Demophilum, Philemonem et Epicharmum Siculum20, ut Horatius Flaccus testatur.
Dans ses pièces, Plaute a suivi les auteurs grecs, en particulier Démophile, Philémon et le Sicilien Epicharme, comme l’atteste Horace.
Tantumque scribendi elegantia et salibus uisus est praestitisse, ut Epius Stolo adfirmare non dubitauerit, musas ipsas plautino sermone fuisse locuturas, si latine loqui uoluissent.21
Et il a paru à ce point l’emporter par le sel et l’élégance de son style qu’Epius Stolo 22 n’a pas hésité à affirmer que « Les muses elles-mêmes auraient parlé la langue de Plaute, si elles avaient voulu parler latin » ;
Quod a Fabio Quintiliano refertur.
C’est ce que rapporte Quintilien.
Quocirca 23 Gellius censor optumus omnium scriptorum appellat eundem Plautum parentem ac principem in omni latina elegantia24.
C’est pourquoi Aulu-Gelle, le meilleur juge pour chaque auteur, appelle ce même Plaute « le père et le prince de l’élégance latine ».
Volcatius Sedigitus, cum de ordine Comicorum scribit, post Caecilium collocauit Plautum, ceterisque omnibus praetulit.25
Volcatius Sedigitus, quand il écrit sur le classement des Comiques, place Plaute après Cécilius, et il le préfère à tous les autres.
Nomen Plauti deductum est a planitie pedum26, ut est auctor Sex. Pompeius ; prius enim M. Plotus dicebatur.
Le nom de Plaute vient des « pieds plats » (comme le dit Festus Pompeius) ; car d’abord, on l’appelait Marcus Plotus.
Hinc semiplotia calciamenta dicta sunt, quibus in uenationibus uterentur, sed hac de re suo loco diximus.
De là vient le nom des chaussures « semiplotia » que portaient les chasseurs. Mais nous avons déjà parlé de cela en temps voulu 27.
Obiisse traditur paucis annis post Q. Ennium olympiade centesima XLV.28
On rapporte qu’il est mort peu d’années après Ennius, lors de la 145e olympiade.
Quantum iacturae factum sit in eius obitu, testus est idem Poeta his uersibus de se compositis :
Quelle perte fut sa mort, le poète lui-même en témoigne dans ces vers de sa composition :
29
molas manuarias; Charpentier, qui avait repris l’erreur de Crinito, la corrigeait pourtant dans son édition des Comediae en 1512 : Hieronimus manuales aut manuarias appellauit (Symonis Charpentarii […] praelibatio seu praefatio, phrase 10)