Gilbertus Longolius Vltratraiectinus Lectori
Gilbertus Longolius

Présentation du paratexte

Bibliographie :
  • Sur Gilbertus Longolius : notice
Traduction : Mathieu FERRAND

Gilbertus Longolius Vltratraiectinus Lectori.

Gilbert de Longueil d’Utrecht, au lecteur 1.

Nae ille felicem operam collocauit, studiose lector, quicumque ad Plautinam eloquentiam animum suum applicauit, neque eas horas sibi periisse putet, quascumque tanto autori impartiuerit.

Assurément il a fait un heureux choix, savant lecteur, celui qui a appliqué son esprit à l’éloquence plautinienne ; et qu’il ne croie pas avoir perdu les heures qu’il a accordées à un tel auteur !

Nam quis utilior magister, siue quis linguam polire, siue pectus excolere uelit, tam insigni comico esse possit ?

En effet, quel maître plus profitable, pour celui qui veut polir son langage ou encore cultiver son esprit, qu’un si insigne poète ?

Cuius dulcem oris rotunditatem2 nec ipsae musae satis admiratae sunt.

Lui dont les muses mêmes ont assez admiré la douce harmonie de l’expression.

Non inmerito igitur ab Aulu Gellio eleganti ingeniorum spectatore, delitiae decusque latinae linguae3 appellatur.

Et ce n’est pas à tort qu’Aulu-Gelle, fin observateur des beaux esprits, l’appelle délice et ornement de la langue latine.

Quem etiam solum sufficere putat, ex quo latina lingua perdita recuperari posset.

Il pense même qu’à lui seul, il peut suffire à retrouver la langue latine perdue.

Quod uero quidam causantur, quasi duriuscule plurimis uerbis utatur et asperas quasdam atque obscuras dictiones subinde adspergat ; sane si animaduertant quam id raro fiat, quam pauca ea fuerint, rursus quantus ubique eloquentiae campus pateat, nihil erit in hoc festiuissimo poeta quod amplius desiderent.

Certains objectent qu’il utilise souvent des mots durs et se répand en expressions rugueuses et obscures ; mais s’ils notent bien que cela arrive plutôt rarement, que de tels mots ont été peu nombreux et qu’il ouvre en revanche un champ immense à l’éloquence, il n’y aura rien, dans ce poète très plaisant, qu’ils ne puissent davantage désirer.

Non est autem mirandum si temporis uitio mendosior alicubi sit, dolendum potius insignem hunc poetam, post tot uetustissimos codices passim repertos, integrum in manus candidi alicuius et eruditi uiri nusquam incidisse.

Certes il ne faut pas s’étonner si, à son âge, il est excessivement défectueux parfois ; il faut plutôt regretter que ce poète insigne, avec un tel nombre de vieux manuscrits découverts partout, ne soit jamais tombé dans les mains de quelque honnête érudit en parfait état de conservation.

Quamuis hanc iacturam pulchre resarciisse uidentur, doctiss. D. Erasmus, Aldus Man. postremo Simo Charpentarius, qui non tam mendas sustulerunt quam plaerosque uersus in mensuum restituerunt, atque e mortuis ad superos reduxerunt.

Certes, Erasme, Alde Manuce, et enfin Simon Charpentier, qui n’ont pas seulement corrigé des erreurs mais restitué la mesure de bien des vers, semblent avoir joliment compensé ces pertes et l’ont conduit du monde des morts aux séjour des vivants.

Nos quoque nacti nuper uenerandae uetustatis codicem, quem ubique Romanum appellabimus, nam hoc epigraphe indicabat, mensodum quidem illum, sed multis locis tamen nostris castigatiorem, non pauca restituimus.

Nous-même, ayant obtenu récemment un manuscrit d’une vénérable antiquité (nous l’appellerons désormais « Romanus » ; c’est ce qu’indiquait une épigraphe), manuscrit assurément plein de défauts, mais en bien des endroits meilleurs que les nôtres, nous avons pu faire de nombreuses corrections.

Adiecimus praeterea quaecumque mendauerunt aut castigauerunt in Plautum doctissimi quique uiri. Obseruauimus ipsi non pauca, plura fortasse si per aetatem ac eruditionem licuisset. Omnia autem a recognoscendo annotauimus.

Nous avons ajouté en outre toutes les émendations et corrections du texte de Plaute proposées par les meilleurs savants. Nous en avons adopté nous-mêmes un bon nombre, et nous en aurions retenu davantage si notre époque et notre science l’avaient permis. Cela dit, nous les avons toutes relevées en les passant en revue.

Vale.

Salut.


1. Gilbert de Longueil, médecin et philologue né à Utrecht (1507-1543), fit ses études à Cologne où il devint maître ès arts en 1527 ; trois années plus tard, il publie son édition des comédies de Plaute. En 1538, après avoir fréquenté les universités du nord de l’Italie, où il obtint un doctorat de médecine, il est titulaire de la chaire de grec à l’université de Cologne ; c’est là qu’il meurt prématurément, en 1543.
2. Hor., P. 323.
3. Gell., Noct. 19.8.6.