Présentation du paratexte
- Ekkehard Stärk, « Camerarius’ Plautus », Joachim Camerarius, éd. Rainer Kössling et Günter Wartenberg, Tübingen, 2003, p. 235-248. Prete, Sesto; “Camerarius on Plautus”, in: Frank Baron (Hg.): Joachim Camerarius (1500 – 1574). Beiträge zur Geschichte des Humanismus im Zeitalter der Reformation,éd. F. Banon, München 1978, p. 223 – 230.
- Ritschl, Friedrich: Über die Kritik des Plautus, in: Ders.: Opuscula philologica, Bd. 2, Leipzig 1868, 1 – 165.
- Ritschl, Friedrich: Bio-bibliographisches zu Camerarius’ Plautus-Studien, in: Ders.: Opuscula philologica, Bd. 3, Leipzig 1877, 67 – 119.
- Projet Opera Camerarii : http://kallimachos.de/camerarius/index.php/Plautus,_Comoediae_viginti,_1558
De editione et emendatione fabularum Plautinarum ad inclitum puerum illustrissimum Principem, Georgium Fridericum Marchionem Brandenburgensem etc. Ioachimi Camerarii Papebergensis prooemium.
Sur l’édition et l’émendation des comédies de Plaute, au glorieux jeune homme, l’Illustrissime Prince Georges Frédéric, Margrave de Brandebourg, etc.1, Préambule de Joachim Camerarius de Bamberg2.
κάλλιστ’· ‘ἔνδοι πᾶσαι’, ὁ τὰν νυὸν εἶπ’ ἀποκλᾴξας
3
« Parfait. ‘Toutes dedans’, dit celui qui a enfermé la mariée »4, c’est-à-dire celui qui, après avoir réalisé sa tâche, pourrait se réjouir d’être libéré des embarras et des soucis.
Etiam mihi tandem post confectum negotium, et absolutam operam, quam fabulis Plautinis impendendam esse duxissem, quasi functo curatione mea, libuit acquiescere et ueluti inclusas illas studio diligentiae nostrae, relinquere in hoc libro, ita quidem, ut tanquam elocatas, quam fieri potuit incorruptissimas, et conseruari integritatem illarum, et casta harum consuetudine uti adolescentes, qui in studiis literarum educantur, uelim atque cupiam.
Moi aussi, après avoir enfin achevé mon travail et m’être délivré de l’activité que j’avais pensé devoir consacrer au théâtre de Plaute, mission accomplie pour ainsi dire, j’ai été content de me reposer, de les abandonner là, enfermées par mes bons soins dans ce livre, non sans toutefois, avant de les déléguer, les rendre le plus parfaites possible avec la volonté et le désir que leur intégrité soit préservée et qu’elles puissent être lues dans leur parlure irréprochable par les jeunes gens qui se lancent dans les études littéraires.
Etsi enim me non fugit, esse in his nunc etiam nonnihil quasi dedecoris et probri, tamen cum in necessitate, tum comparatione laudis ac honestatis, illa et tolerabilia esse, et facile tegi posse arbitramur : fucos autem et pigmenta audaciae et doctrinae infinitae, attingere has nostras Plautinas nymphas uetamus et nolumus.
Car même si j’ai conscience qu’on y trouve encore quelques grossièretés et indécences, pourtant, s’il le faut (et comparativement aux passages remarquables et beaux), elles sont supportables et peuvent facilement se défendre, à mon avis ; quant au fard et au maquillage de la hardiesse et d’une érudition sans borne, nous refusons et ne voulons pas qu’ils touchent nos nymphes plautiniennes.
Sed quibus collocantur, ii et boni consulent quosdam naeuulos harum in necessario usu, et, ut diximus, in consuetudine cum his casta uersabuntur.
Mais ceux à qui on les donne en mariage agréeront leurs petites verrues (il le faudra bien) et, comme nous disions, se confronteront (en même temps qu’à elles) à une parlure irréprochable.
Quod autem ad eruditionem linguae latinae necessaria sit Comicorum scriptorum lectio, iam aliquoties nostris disputatiunculis ostendere et demonstrare studuimus.
Que la lecture des auteurs comiques soit nécessaire à l’apprentissage de la langue latine, nous avons déjà entrepris de le montrer et prouver dans plusieurs de nos petits traités.
Etiam de hoc disseruimus, quod pietati aliquorum in mentem uenire posset, et nostras aliquando cogitationes conturbauisset, anne propter argumentorum uel scurrilitatem, uel etiam turpitudinem, ab iis, apud quos ueritas et religio coli debet, penitus legenda talia scripta non sint.
Nous avons aussi disserté sur une question qui pourrait se poser à la piété de certains et a parfois agité notre réflexion : faut-il vraiment, vu la bouffonnerie et même le caractère scandaleux des arguments, faire lire intégralement de telles œuvres par ceux qui doivent cultiver la vérité et la religion ?
Nam, ut ab hoc auctore dicitur, haud aliter atque meretricum, esca mera horum oratio uideri potest5, et cum multa male monstrare, tum illas scintillas prauvarum cupiditatum, que hominum animis insunt, suscitare, ut inflammetur libido, et exardescant appetitiones uitiosae, quibus et pietatis et bonarum artium studia euerti, et officium honestasque omnis uitae deleri soleat.
Car, comme le dit notre auteur, c’est à un appât de courtisanes que leur discours authentique paraît ressembler et il donne à voir beaucoup de laideurs et souffle d’autre part sur les braises des désirs coupables qui sont innés chez les hommes, pour enflammer leur libido et faire bouillir leurs appétits vicieux qui font oublier ordinairement le goût de la piété et des arts honnêtes et détruisent le devoir et l’honnêteté de toute une vie.
Ac uitanda profecto est, in omni aetate6, puerili quidem in primis, εὐτραπελία καὶ μωρολογία Christianis, quibus uel [a] 7 sanctissimis cogitationibus uel curis necessariis, uel imminentibus periculis, uel etiam occupationibus negotiorum uitae communis, tantum otii non suppeditat, ut ad istas nugas respiciant, et his uacent.
Et bien sûr, il faut éviter à tout âge, et surtout pour les enfants chrétiens, la plaisanterie et la bouffonnerie8, qui ne les préparent guère aux pensées pieuses, aux soucis nécessaires, aux périls qui les menacent ou même aux occupations de la vie quotidienne, avec leur degré d’oisiveté qui les fait se tourner vers ces bagatelles et y consacrer de leur temps.
Scio posse ad hunc modum commemorari plurima, quae et mihi et aliis in mentem uenire necesse est, contra hoc genus eruditionis litterariae.
Je sais qu’on peut à cet effet convoquer de nombreux arguments (qui viennent à l’esprit chez moi et chez d’autres) à opposer à ce genre d’apprentissage littéraire.
Sed et ante conati fuimus hanc etiam partem doctrinae puerilis defendere ac tueri, et nunc ita sumus animati, ut si certo statueremus alienam, uel etiam perniciosam esse lectionem talium librorum, auctores potius et adiutores exterminandi illos de scolis, quam in has reuocandi esse uellemus.
Mais nous avons déjà essayé de défendre et sauver cette partie de l’enseignement aux enfants et notre intention aujourd’hui, au cas où nous jugerions que la lecture de telles œuvres est incompatible, voire pernicieuse, serait de vouloir travailler et contribuer à leur éviction des programmes scolaires plutôt qu’à leur réinsertion.
Ingens enim et saeuum malum est, saucia conscientia, et animus leuis, facinorosus, impius.
Car c’est un mal bien grand et funeste qu’une conscience endommagée, un esprit léger, criminel, impie.
Quod malum si commouent, et hanc si impingunt securim scripta ista, abominanda et fugienda esse statuantur.
Si ces œuvres suscitent ce mal et si elles donnent ce coup de hache, alors qu’on les juge abominables et qu’on les fuie !
Verum neque nos in ea sententia sumus, neque pietate et uirtute et eximio studio religionis nostrae praestantes uiros alios esse scimus, quorum iudicium de hac re cognoscere nobis cura fuit.
Mais ce n’est pas notre avis, pas plus que celui (nous le savons) de ces hommes éminents par la piété, la vertu et le goût de notre religion, dont nous avons pris soin de solliciter les avis sur le sujet.
Non enim certe proponuntur haec pueris ad corruptionem uitae, et innocentiae detrimentum, et ut profani, futiles, improbi, flagitiosi reddantur : sed contra haec uitia omnia, cum praecepta tum exempla de his scriptis peti tradique possunt atque debent.
Car, bien sûr, on ne propose pas cette lecture aux enfants pour corrompre leur vie, abîmer leur innocence et les rendre impies, futiles, malhonnêtes, scandaleux ; mais pour contrer tous ces vices, des leçons autant que des exemples peuvent et doivent être tirés de ces œuvres.
Sit enim aliquis, qui, uerbi causa, amore Pamphili delectetur : si non eundem et miserrimae curae adolescentis, et apud patrem pudor ac humilitas, uicissim terruerint, hunc profecto eum esse oportet, qui ingenio sit eiusmodi, ut admoneri turpitudinis se non patiatur, sed hanc ipse ultro perquirat atque excerceat.
Car prenons l’exemple d’un garçon charmé par les amours de Pamphile9, : si d’une part les peines bien pitoyables du jeune homme, d’autre part la retenue et l’humilité devant son père ne le dissuadent pas tour à tour, c’est qu’il faut qu’il soit d’une trempe à ne pas se laisser mettre en garde contre l’indignité, voire à la rechercher et à la pratiquer spontanément.
In aliis, ubi quasi imagines deformes et obscenae proponuntur, ut senum libidinosorum, et lenociniorum probri, et illecebrarum uoluptatis, in ipsis illis, si quis metus est mali, simul tamen etiam remedia comprehenduntur, ut si quis, quam pro formosissima muliere habuisset, eam comperiret Lamiarum e numero unam esse, de quibus narrationes ueterum notae sunt, e uestigio nimirum hic pedem retraheret, et consuetudinem exitiosam atque letiferam fugeret.
Par ailleurs, quand sont montrées des images disons hideuses et obscènes, comme celle de vieillards libidineux, de grossièretés de proxénètes, du plaisir de la séduction, s’y trouvent en même temps également impliqués, si l’on a quelque crainte du péché, les antidotes ; ainsi, quand l’amoureux qui prenait Unetelle pour la plus belle femme du monde s’aperçoit qu’elle est au nombre des vampires10, sur lesquels on connaît les récits des Anciens, il fait évidemment aussitôt demi-tour et fuit une liaison funeste et mortifère.
Ita in his cognitio irae Dei, et poenarum quas haec ab impiis exigit, caecitatis et peruersionis animi, per quam in ea ruunt, de quibus in mortem praecipitentur sempiternam, cui obsecro, non pro uoluptate dolorem, pro exultatione et laetitia horrorem et trepidationem afferrent ?
De même dans ces passages la conscience de la colère de Dieu et des peines qu’elle inflige aux impies, celle de l’aveuglement et de la perversion de l’âme en vertu de quoi ils se ruent sur des plaisirs qui les font tomber tête baissée dans la mort pour l’éternité, qui, s’il te plaît, ne ressentirait pas non du plaisir mais de la douleur, non pas exultation et joie mais horreur et tremblements ?
Quibus qui non tangitur, non huic iam scriptorum talium argumenta, sec propria nequitia damnosa fuerit.
Si l’on n’est pas touché par ces sentiments, alors ce ne sont pas les arguments de ces écrivains qui sont dommageables, mais ses propres défauts.
Non illi uitia monstrabuntur, sed a se ipse haec promet.
À celui-là, on ne montrera pas des vices : il les prendra lui-même de son cru.
Non incitabitur ad turpia, sed sua sponte procurret.
On ne l’incitera pas au déshonneur : il y courra spontanément.
Non erit periculum ne huius castitas, simplicitas, pietas, pudor laedatur : in quo iam dominantur libido, malitia, profanitas, inuerecundia
Aucun risque de blesser sa chasteté, sa naïveté, sa piété, sa pudeur : chez lui règnent déjà la libido, la méchanceté, l’impiété, l’irrespect.
Ad perspiciendam autem certe proprietatem atque naturam, et comparandum uerum usum linguae Latinae, necessaria est profecto lectio comoediarum, in quibus communis familiarisque et pura inest oratio.
En revanche, c’est pour observer le sens propre, la nature de la langue latine et acquérir son usage authentique, que la lecture des comédies est assurément nécessaire, car on y trouve un style commun et familier.
Quod si nihil interest uel ecclesiae Iesu Christi, uel uitae et coniunctionis ciuilis, quo sermone utamur, abiiciatur sane haec cura, et agantur alia.
Et si c’est sans intérêt pour l’église chrétienne ou pour la vie et les relations civiles de savoir quelle langue utiliser, alors qu’on renonce à cette activité et qu’on en fasse d’autres !
Sin manifestum est, male loquendo res ipsas obscurari atque corrumpi, uel potius quasi furtiuas, mutatis signis, alias prorsus uideri, eritne dubium ulli non alieno a sensu humanitatis, quin studium sermonis tam ad ecclesiasticam quam ciuilem administrationem tantum afferat momenti, ut et hoc florente, omnia recte ac laudabiliter succedere et geri necesse sit et contra arescente, In peius ruere, ac retro sublapsa referri11 ?
Mais s’il est manifeste que, quand on parle mal, les choses mêmes s’obscurcissent et se corrompent, ou même, quasi-furtives, deviennent tout autres quand on change des lettres, quelqu’un qui a un tant soit peu de sens humain pourra-t-il douter que l’étude de la langue a, tant pour les affaires religieuses que civiles, une si grande importance que, quand elle se porte bien, nécessairement tout va droit et réussit avec succès, mais que, au contraire, quand elle sèche, « tout s’en va à l’échec et marche à reculons » ?
Quam multa commemorari possent, quibus sacra profanaque confusa et deprauata fuisse ostenderetur, sermonis genere abhorrente et alieno !
Combien d’exemples pourrions-nous rappeler où l’on verrait que, sacrées ou profanes, les choses sont confuses et abâtardies dès que le niveau de langue est horrible et barbare !
Quod si uellem hanc commemorationem per singularum artium doctrinam atque professionem ducere, iam liber hic facile fieret.
Et si je voulais étirer en longueur ce rappel en prenant le contenu et l’expression de chaque discipline, on en ferait facilement un livre.
Sed de hoc et alibi disseruimus, et insuper, uolente Deo, disseremus.
Mais sur ce sujet, nous avons déjà parlé ailleurs et, si Dieu le veut, nous en reparlerons.
Cur enim nos disputationis huius pudeat, qui et colimus et probamus haec studia, uel unica, uel prae caeteris uniuersis ?
De fait, pourquoi aurions-nous honte de traiter ce sujet, alors que nous cultivons et chérissons ces études exclusivement ou avant les autres ?
Nunc quasi complectemur rei summam, ut concludamus, neque teneris animis nocituram lectionem comicorum, si ita illis proponatur, ut par est proponi omnem eruditionem doctrinae in scolis Christianis, et ad exquisitum, proprium, certum, uerum usum sermonis necessariam esse.
Embrassons maintenant, pour ainsi dire, l’ensemble du propos pour conclure : la lecture des comiques ne nuira pas aux jeunes esprits, si on la met au programme, comme il est légitime de mettre au programme dans les écoles chrétiennes tout ce qui s’apprend ; en outre elle est nécessaire pour acquérir une langue choisie, appropriée, sûre et authentique.
Quod si non, ut a Christianis legi debent, ita illa legantur, aut si superuacanea est cura sermonis consentanei et boni, neque tamen illa scripta plus quam alia quaeuis, uel minus quoque damni dederint, et me etiam censente abiicienda atque relinquenda sint.
Et si on venait à ne plus les lire comme on doit les lire en chrétiens, ou si l’apprentissage de la bonne langue qui convient est superflu et que ces œuvres ne soient pas, plus que d’autres, moins nocives, il faudrait, et j’en serais moi-même s’accord, y renoncer et les abandonner.
De his igitur in praesentia satis.
En voici donc assez pour le moment.
De Plauto quidem et ipso, cuius orationem horridiorem et obsoletiorem quodam modo uideri nonnullis sciremus, disputauimus alibi satis copiose et remouimus, ut spero, ea quae studiosae lectioni fabularum huius obstare possent.
Sur Plaute et sur un auteur dont le style peut sembler d’une certaine manière à quelques-uns trop hérissé et obsolète, nous le savons, nous avons déjà parlé copieusement ailleurs et réfuté, j’espère, ce qui pouvait empêcher la lecture studieuse de son théâtre.
Volo enim et hac in parte praeceptorem esse neque ineptum, et peritum atque prudentem, qui ea doceat quae nos a pueris disci iubemus et illa nimis antiqua, et audacter καὶ παρακεκινδυνευμένως facta, indicet, et non usurpanda esse moneat.
Car je veux, dans cette partie aussi, qu’il y ait un professeur, un valable, un expert, un raisonnable, qui enseigne ce dont nous recommandons l’enseignement aux enfants et qui marque les passages trop archaïques et ceux qui sont trop osés et hardis12 et engage à ne pas les utiliser.
Quales reperiri iam non erit difficile, explosis illis rationibus mirificis, quas in affectanda oratione monstrosa, et hac de istiusmodi ueterum non tam flosculis quam sentibus, concinnanda, quosdam superiore aetate secutos fuisse scimus.
Il ne sera pas difficile d’en trouver de cet acabit, une fois qu’on aura éliminé les mirifiques méthodes qu’ont suivies, je le sais, certains professeurs de la génération précédente, en affectant un style monstrueux et en l’agençant non tant avec les jolies fleurs qu’avec les épines de ce genre d’auteurs archaïques.
Ad nostram autem operam diligentiae quidem illius summae ualde laboriosam, sed et industriae non contemnendae, ut speramus, quam in Plautinis fabulis emendandis posuimus, quod attinet, de eo neque hoc loco multum uerborum faciendum est et editae relataeque sunt rationes nostrae, quibus quae non continentur, ea erunt eiusmodi, ut plerumque in certa persuasione correctionis simpliciter ueterem scripturam exprimi curauerimus.
Pour ce qui relève de notre tâche laborieuse, pleine d’un zèle exaltant mais aussi de cette activité non négligeable, j’espère, que nous avons consacrée à l’émendation du théâtre de Plaute, à ce sujet, d’une part il n’est pas nécessaire de s’expliquer longtemps ici, d’autre part on a révélé et rapporté les raisons de nos choix : ce qui y est corrigé, nous avons pris soin le plus souvent de l’exprimer simplement avec une graphie archaïque en cherchant la vraisemblance.
Non tamen nunquam in quadam ambiguitate ea retinuimus, quae in exemplis uulgatis reperissemus ; sed haec multa non erunt.
Parfois pourtant nous avons conservé leur ambiguïté à quelques passages que nous avons trouvés dans des exemplaires connus, mais ils sont en petit nombre.
Illa sunt paene innumerabilia, ut uere possim gloriari de hac etiam editione, idem quod ante annos xvii fecimus, cum a nobis recognitum mitteremus Heruagio nostro Macrobium, de cuius officina ille exiret in publicum, non tam castigatus quam nouus, si cum aliis editionibus conferretur.
Nos interventions en revanche sont presque innombrables, au point que je peux être fier de cette édition, comme de celle que j’ai procurée il y a 17 ans quand j’ai envoyé à notre cher Hervagius13 un Macrobe revu, pour qu’il soit publié dans son atelier, moins châtié que nouveau, par comparaison aux autres éditions14.
His enim tunc uersibus epigramma nostrum clausimus, quod in libri fronte praeponi placuerat,
Car à l’époque nous avons conclu par ce distique l’épigramme de notre cru qu’il avait plu de placer au frontispice du livre :
« Si l’on veut cependant chiffrer notre travail, il suffit de chiffrer les vers de tout ce livre ! »
Idem inquam et de nostro opere Plautino non laudatorie, sed uere ac simpliciter affirmare possum : uix ullum uersum, de quo non aliquid : certe paginam nullam esse, de qua non plurimum mendorum sublatum sit.
De même, dis-je, pour ce Plaute que j’ai fait, je peux affirmer sans vantardise mais vraiment et simplement qu’il n’y a guère de vers où il n’y ait aucune intervention, à coup sûr aucune page dont on n’ait supprimé de nombreuses erreurs.
Nemini inuideo suam famam, ac omnibus potius gratiam habendam iudico, qui uel studio inquisitionis accuratae, uel iudicio coniecturarum eruditarum, Plautinis uulneribus mederi conati fuerunt.
Je n’enlève à personne son mérite et je pense nécessaire, plutôt, de remercier tous ceux qui, avec le soin de leurs enquêtes précises ou leur choix judicieux de conjectures savantes, ont entrepris de panser les blessures de Plaute.
Quorum ut curationes gnauae aliam etiam existimationem praeclaram augent et accumulant, ita nos quoque errata (nam et medicina interdum malum exasperat) ne indicanda quidem nominatim duximus, tantum abest ut in hac parte aliquid gloriolae simus aucupati.
Autant leurs bons soins augmentent et accroissent la réputation où on les tient, autant pour leurs erreurs (car parfois le remède aggrave le mal) je n’ai pas jugé bon de les leur attribuer nominativement, tant je n’ai pas voulu, sur ce plan, m’arroger un peu de gloriole.
Est autem infelix hoc genus hominum, qui de aliorum ignomina et obtrectatione, sibi celebritatem et excellentiam quaerunt : quod nulli fere faciunt, nisi si qui de existimatione propria et sua non admodum bonam spem habent, et innotescere tamen quacunque uia et ratione cupiunt.
Ils sont bien malheureux, ces gens qui, en dépréciant et critiquant les autres, recherchent pour eux-mêmes la célébrité et l’excellence : la seule chose qu’ils prisent, c’est d’avoir de soi une opinion démesurément favorable et de souhaiter néanmoins être connu par n’importe quel moyen.
Mihi etiam ueniam bonos omnes daturos esse confido, si frustratum esse me alicubi conatum, aut fefellisse opinionem, deprehenderint.
Pour moi, j’ai bon espoir que les gens de bien m’accorderont leur indulgence quand ils me verront échouer dans telle tentative ou avoir une idée erronée.
Etsi enim fateor me in hanc emendationem et temporis et studii plurimum, et iudicii tantum contulisse, quantum assidua lectione autorum utriusque linguae comparare potuissem, tamen permulta impedimenta oblata fuerunt labori meo, quo minus ea perficeremus : quae si nihil obstaret, fortasse possemus perficere, et ne procederet eo usque industria nostra, quo contendendum esse initio putassemus.
Car même si, de mon propre aveu, j’ai mis à ce travail d’édition critique beaucoup de temps et d’énergie et autant de jugement que ma lecture assidue des auteurs grecs et latins a pu m’en procurer, ma tâche a pourtant été en butte à de nombreux obstacles qui l’ont empêchée de tout achever (sans obstacle, peut-être aurais-je tout achevé) et ont empêché mon activité d’aller jusqu’où nous avions au début envisagé de tendre.
Soli fuimus, cum tales operae multorum manus et cogitationes requirant.
Nous étions seuls, alors qu’une pareille entreprise demande les mains et les cerveaux de plusieurs.
Quoties autem, dum incumbimus operi interpellati, quoties opus penitus excussum nobis fuit !
Combien de fois, interrompu au milieu de cet ouvrage, combien de fois avons-nous sorti un autre ouvrage complet !
Non dico quae mea fortuna, quae ualetudo, quae conditio, quae necessariae et cotidianae occupationes, quae tempora reipublicae fuerint, quibus omnibus perturbari animum nostrum, et uitiosam reddi elaborationem necesse esset.
Je ne dis rien des aléas de ma vie, de ma santé, de mon statut, des nécessaires occupations quotidiennes, de mes activités politiques, autant de raisons qui ont nécessairement perturbé ma concentration et rendu défectueuse cette élaboration.
Sed quicquid sit quod praestitimus, id gratum acceptumque esse eruditis cupio.
Mais quelle que soit la valeur de notre prêt, je veux qu’il soit agréable et bien reçu de la part des savants.
De ceteris, peto ab illis, ut eam aequitatem et humanitatem, tam in cognoscendo quam ignoscendo adhibeant, quam liberalitate studiorum optimarum disciplinarum atque artium dignam esse iudicauerint.
Pour le reste, je leur demande de montrer, tant dans l’instruction du dossier que dans l’indulgence de leur verdict, cette équité et cette humanité qu’ils ont jugée digne de cette culture issue de l’étude des disciplines et des arts les meilleurs.
Ita profecto et nostram uoluntatem boni consulent et cum intellexerint quantopere annisi simus, neque progredi tamen longius potuerimus, miserebit nostri illos potius, quam ut insectationem et reprehensionem nos meritos esse existiment.
Ainsi assurément, ils valoriseront notre volonté de bien faire et, quand ils auront compris que nous avons fait de grands efforts sans pouvoir pourtant aller plus loin, ils nous pardonneront plutôt qu’ils ne penseront que nous avons mérité l’insulte et le blâme.
Qui uero uel nactus libros meliores, uel de ingenii sui industria et copia doctrinae meliora protulerit, is a nobis non quidem, secundum Propertianum15, donabitur auro (non enim ferunt hoc facultates meae) sed laudem certe, et praedicationem grati animi et ingenuae orationis est consecuturus.
Qui trouvera des livres meilleurs ou en produira de meilleurs avec l’activité de son génie et l’abondance de son savoir, ne recevra pas de nous, comme dans la promesse propertienne, de l’or (car mes facultés ne m’en apportent pas) mais il trouvera chez moi à coup sûr louange et manifestation de gratitude et de discours généreux.
Adminicula quaedam habuimus duorum librorum, ueterum quidem illorum, sed quos librariorum inscitia, et futilitas foede deprauasset.
Nous avions un appui, celui de deux livres, certes anciens, mais que l’ignorance et la futilité de bibliothécaires avaient abîmés.
Horum alterum nacti fuimus de bibliotheca praestantis dignitate et doctrina uiri Viti Vuerleri Franci, cui pleraque debemus eorum quae a nobis fuerunt correcta.
L’un d’eux, nous l’avions tiré de la bibliothèque d’un homme éminent par son mérite et sa science, Vitus Werlerus de Franconie 16, à qui nous devons la plupart des exemplaires que nous avons corrigés.
Georgii autem Fabricii candor eximius, et beneuolentia summa erga nos, de incredibili studio diligentiae suae, communicauit nobiscum nuper suum quoque librum, in quem congesserat, quicquid perquirere legendo potuit, quod ad Plautinarum fabularum tam emendationem quam explicationem aliquid momenti haberet.
Georgius Fabricius17, fort aimable et extrêmement bienveillant à mon égard, avec le goût inouï qu’il a de rendre service, nous a également communiqué récemment son ouvrage, dans lequel il avait rassemblé tout ce qu’il a pu lire et trouver en rapport avec l’édition critique mais aussi l’explication du théâtre de Plaute.
Cetera sunt considerationis et curae ac studii nostri.
Tout le reste vient de mes observations, de mon travail et de mon zèle.
Hunc fructum qualemcunque ingenii et attentionis et soliciti laboris, ueterem et nouum morem secutus, peculiariter dedicandum putaui studiis tuis, Georgi Friderice Princeps, propter singularem curam et spem institutionis tuae, in submissa ueneratione domus quidem ac familiae uestrae uniuersae, sed in primis Illustrissimi Principis Georgii patris tui, cuius in terris uirtutes tamdiu predicabuntur, quamdiu memoria nominis Germanici durabit.
Ce fruit, quoi qu’il vaille, de mon talent, de mon attention et de mon travail anxieux, suivant un usage ancien et moderne, j’ai pensé devoir le dédier spécialement à tes études, Prince Georges Frédéric, en raison du soin singulier de ton éducation et des espérances qu’elle porte, dans une vénération soumise à votre maison et famille entière mais surtout de l’Illustrissime Prince Georges, ton père, dont les vertus sur terre seront chantées aussi longtemps que le souvenir du nom de l’Allemagne subsistera.
Ipse uita et felicitate fruitur cum Christo, et iis sanctisimis. atque fortissimis animis, quorum constantiam et pietatem superstes imitatus est, in caelis sempiterna.
Il jouit désormais de la félicité et de la vie éternelle au ciel, avec le Christ et les esprits très saints et forts dont il a, sur terre, imité la constance et la piété.
Huius mihi nunc etiam status atque figura ante oculos uersatur, ea qua illum uidi, animo excelso, et singulari fide ac religione, in causa optima atque iustissima neque patrocinium ueritatis deserentem, et eam tamen moderationem retinentem, ut et quibus deberet, iis se subiiceret, et erga sui ordinis homines comiter et suauiter se gereret, ceteros benignitate et clementia memorabili complecteretur.
J’ai encore aujourd’hui sous les yeux sa posture et sa figure, celle qu’il avait quand je l’ai vu, avec son âme élevée, sa foi et sa piété singulières, impliqué dans la cause la meilleure et la plus juste, ne lâchant jamais la défense de la vérité tout en gardant cette modération qui le faisait se soumettre à qui il le devait, se comporter à l’égard des hommes de son rang de façon douce et agréable, et embrasser tous les autres avec une gentillesse et une clémence mémorables.
Itaque Germaniae nostrae cum hoc quoque Principe quid opis et praesidii ademtum esset, celeriter cognitum fuit.
Aussi notre Allemagne s’est-elle vite aperçue, en perdant ce prince, de ce qui lui était ôté de puissance et de protection.
Sed ad hanc tam tristem mentionem, delabi orationem non sinemus et praeterita, ut dicitur, omittemus.
Mais à cette triste évocation, nous ne laisserons pas notre propos s’étioler et, comme on dit, nous oublierons le passé.
Te quidem, inclite puer, et tali patre, et illustrissima stirpe Saxonica, in quam de genere materno insitus es, procreatum, hoc nomine spes est in egregium principem euasurum esse, et quia antiqua Germanici soli coniuncta nobilitas hanc sobolem edidit, et quod parente utroque non facile alii praestantiores reperiantur : altero pietate, animi magnitudine, caritate patriae, erga bonos ac doctos studio, religione, fide excellente : altera repraesentante eximium decus matronalis pudicitiae, inque te uno ad uirtutem et ueram laudem educando occupata, et huic curae posthabente omnia, iuuentutis et formae florem atque pulchritudinem, iucundae uitae appetitionem, fugam multiplicium molestiarium, cui tu iam unus es omnia, ut dicere tibi id possit, quod Hectori Andromacha apud Homerum,
Toi, glorieux enfant, sorti d’un tel père et de la très illustre souche saxonne dans laquelle, par ta famille maternelle, tu as été semé, sous ce nom il y a espoir que tu deviennes un grand prince, parce que c’est l’antique noblesse liée au sol allemand qui a mis au monde cette souche et parce qu’on ne trouverait pas facilement plus éminents que tes deux parents, ton père, par sa piété, sa grandeur d’âme, son amour de la patrie, son dévouement pour les gens de bien et les savants, sa religion, sa foi exemplaire, ta mère, qui représente l’honneur suprême de la pudeur maternelle, occupée à la seule tâche de t’élever vers la vertu et le vrai mérite et qui a, à cette mission, subordonné tout le reste, la fleur et l’agrément de la jeunesse et de la beauté, le désir d’une vie agréable, la fuite devant les ennuis de tout type, elle pour qui toi seul es tout, au point qu’elle pourrait te dire ce qu’Andromaque dit à Hector chez Homère :
« Tu es pour moi un père, une mère puissante, un frère aussi ; tu es mon juvénile époux ».19
Tu uero inclite puer, non modo hanc familiarem, sed totius regionis, eorumque quos sub tua dictione ac potestate reliquit pater, expectationem sustines, qui omnes te sibi habere uolunt patris, matris, fratrum, coniugum loco, ut a te paulo post illustrissimo et optimo Principe amentur, alantur, subleuentur, augeantur, protegantur.
Toi, glorieux enfant, non seulement tu réponds aux attentes de ta famille, mais aussi de tout le pays et de tous ceux que ton père a laissés sous ta juridiction et ton pouvoir et qui, tous, voudraient t’avoir pour père, mère, frère, conjoint pour que tu puisses, après un prince si illustre et si bon, les aimer, les nourrir, les soulager, les faire croître, les protéger.
Hoc etsi officium est Principum quod debetur subditis, tamen in superbia quadam et fastu huius saeculi, bene cum illis non nusquam agi uidetur, si non contraria his patiantur : tantum abest, ut benignitatem istam sibi polliceri ausint.
Bien que ce soit là la fonction que les Princes doivent à leurs sujets, néanmoins, dans l’époque de morgue et de faste que nous vivons, ils s’en tirent bien ici ou là, semble-t-il, quand ils n’ont pas à subir le contraire ; ils sont loin d’oser se promettre la douceur qu’on a chez toi.
Nulla autem cordato Principi res melior uideri, neque gratior esse potest amore subditorum erga se.
Or rien, pour un prince qui a du cœur, ne semble pourvoir être meilleur ou plus agréable que l’amour que ses sujets lui portent.
Et sapientem Principem Eberhardum Vuirtebergensium Ducem, inter praecipuos fructus, quos de sua terra perciperet, hoc referre solitum accepimus, quod tuto auderet, quocunque tempore ac loco, acquiescere in sinu uniuscuiusque ex subditis suis.
Et le sage Prince Eberhard, Duc de Wurtemberg, disait souvent, lit-on, que de tous les fruits qu’il pouvait tirer de sa terre, le principal était de pouvoir oser se reposer en sûreté, n’importe quand, n’importe où, dans le giron de chacun de ses sujets.
Ordiere autem tu, inclite puer, ut par est, hoc opus spei et expectationis eximiae, a sancto timore et pia ueneratione Dei, in fide Iesu Christi et in efficiendo ita te geres, ut omnia quae honesta, recta et laudabilia sunt, persequaris, in quibus optimarum artium studium primum locum tenere debebit.
Quant à toi, glorieux enfant, tu entameras, comme de juste, cette œuvre d'espérance et d’attente extrême, par la sainte crainte et la pieuse adoration de Dieu, dans la foi du Christ, et en la réalisant tu te comporteras de manière à rechercher les actions justes, droites et louables, au rang desquelles le soin des belles lettres devra occuper la première place.
Ac afferent alii quoque a suis Musis aliquid scilicet adiumenti tuae cupiditati, ego uero hunc librum ad te mittere cum hac compellatione uolui, non alienum ab initiis doctrinae tuae.
Et d’autres aussi t’apporteront un cadeau de leurs Muses, propre à satisfaire ton désir ; mais moi c’est ce livre, avec cette adresse, que j’ai voulu t’envoyer, comme un objet conforme aux premiers rudiments de ta culture.
Quod nostrum submissae promti animi uoluntatis factum, ut clementer et in optimam partem accipias, et me admiratorem Illustrissimi generis, et amatorem praeclarae indolis tuae, et fautorem optimae spei et maximae expectationis de te, esse patiaris, oro.
Ce travail issu de la volonté soumise de mon esprit prompt, je te prie de l’accepter avec clémence et en très bonne part, et de souffrir que j’admire ton illustre famille, que j’aime ta célèbre souche et favorise les espérances et les attentes immenses que l’on a de toi.
Christum σωτῆρα precor, ut tuam Illustrissimam adolescentiam regat et tueatur, et deducat ad imitationem maiorum, laudatissimorum Principum, et amplificationem sanctissimi nominis et ecclesie suae incrementa.
Je prie le Christ sauveur de diriger ton illustre jeunesse, de la protéger et de la mener vers l’imitation de tes ancêtres, ces princes si estimés, vers l’amplification de son saint nom et l’accroissement de son église.
itidem hic apud nos : aedis nobis areast, auceps sum ego,/ Escast meretrix, lectus inlex est, amatores aues, « pareil chez nous ; pour nous le terrain c’est la maison, moi je suis l’oiseleur, l’appât c’est la courtisane, le lit est l’appeau, les amoureux sont les oiseaux ».
Quas si quis mihi rettulerit, donabitur auroἐπάγγελμα, « si quelqu’un me les rapporte mes tablettes il recevra de l’or ».
Ἕκτορ, ἀτὰρ σύ μοί ἐσσιetc., pour une meilleure recontextualisation. La citation se retrouve aussi chez Plutarque, Brut. 23.5, où Camerarius l’aura peut-être trouvée plus facilement.