Eiusdem ad eundem elegia
Ianus Dousa Filius

Présentation du paratexte

Le poème est en distiques élégiaques.

Bibliographie :
Traduction : Sarah GAUCHER

Eiusdem ad eundem elegia

Élégie du même pour le même.

Qualem Pirithoi memorant in Thesea, rebus, Non dubiam, dubiis, enituisse fidem ; Qualis cum socio Pyladis concordia Oreste ; Euryali in Nisum qualis amor fuerat : Talis et est Patri tua cognita, siue secundis, Siue etiam aduersis rebus, amicitia.

Telle la confiance absolue de Piritous en Thésée qui s’illustra dans des situations périlleuses ; telle l’union de Pylade avec son compagnon Oreste ; tel l’amour d’Euryale pour Nisus, on connait ton amitié pour mon Père dans les situations favorables comme défavorables.

Tempore iam ex illo, postquam uos iuuit Oberi Perfidiam et tectos perdidicisse dolos : Nec tua post illa cessarunt officia umquam ; Seu te eadem, seu diuersa teneret humus ; Dum fraude hostile captum, docte Rogersi, Barbara praedonum detinuit feritas, Carceris postquam sensisti taedia lenti, Quinta tibi messis, quinta recurrit hyems : Hinc longo ex squalore tibi uix redditus ipsi, Redditus et Laribus, redditus et Patriae es ; Hic ubi me studiis etiam complexus amicis, Ceu solet unigenum pignus amare parens.

Après qu’il vous a aidé à connaître la perfidie d’Hubert van Giffen1 et ses ruses cachées, tes bienfaits n’ont jamais cessé, que vous soyez réunis sur le même sol ou que vous vous trouviez éloignés l’un de l’autre ; quand la sauvagerie barbare des brigands, docte Rogers2, te retint prisonnier à cause d’une ruse des ennemies, après que tu as ressenti la fatigue d’un long emprisonnement, que la temps des récoltes, que l’hiver sont cinq fois revenus, tu es revenu de ce long exil avec peine à toi-même, à tes Lares, à ta patrie ; c’est alors que tu m’as entouré de ton amitié, comme un parent a l’habitude d’aimer le fruit unique de son sang.

O tempus meminisse mihi iucunda uoluptas, Quo licuit uestris usque frui alloquiis !

O doux plaisir que j’ai à me remémorer cette époque où il m’était permis encore de jouir de votre conversation !

Quamuis me Fati lex dura iuberet abire, Et Patriae quamuis me reuocaret amor, Vix tamen a uestro potui diuellier igne, Pectore quem nostro doctus alebat amor.

Bien que la dure loi du Destin m’ordonne de partir et que l’amour de ma Patrie me rappelle, c’est avec peine que j’ai pu me détacher du feu qu’un un docte amour entretenait dans mon cœur.

Tam certo mea corda Puer concusserat ictu, Obsequiis semper dedita corda tuis.

L’enfant avait frappé mon cœur d’un coup si certain, ce cœur toujours voué à te servir.

Nunc quoque, quantumuis nos arua liquentia Nerei Dispergant3, et tot flumina cum siluis ; Non tamen ulla dies, non ulla abit hora diei, Quae haud faciat uestri me memorem officii : Officii ; cui quae digna hostimenta rependam, Siue mei Patris nomine, siue meo ?

Encore maintenant, quelle que soit la distance que placent entre nous les plaines liquides de Nérée, tant de fleuves et de forêts, aucun jour, aucune heure ne passe sans que je me souvienne de vos bienfaits ; quelles dignes compensations puis-je leur offrir, soit au nom de mon Père, soit en mon propre nom ?

Nulla puto, nisi gratum animum tantumque fauorem, Candoris testes quos iuuet esse tui Tantisper, dum saltem exsoluam nominis huius Partem, meque magis uincla soluta ligent.

Je n’en trouve aucune, si ce n’est un esprit reconnaissant et une immense amitié, pour permettre de témoigner de ta bienveillance le temps nécessaire pour que j’acquitte une partie de cette dette et que libéré de mes chaînes je sois davantage lié.

Interea, patrii qui sit uelut obses amoris, Hunc foetum ingenii suspicias Patrii, Quo argutos Plauti explicuit numerosque salesque, Et solem Soli restituit Latio.

En attendant, examine tel un gage de l’amour de mon père, le fruit de son esprit, où il a expliqué les vers ingénieux et les plaisanteries de Plaute et a restitué sa lumière au Soleil du Latium.

Nec pigeat, paulum studio grauiore relicto Cum Patre Plautinis ferre pedem choreis.

Et ne répugne pas à laisser de côté un travail plus sérieux et à mettre, avec mon père, le pied dans les choeurs de Plaute.

Quid, non et Varro ille sui doctissimus aeui, His animum suetus pascere deliciis ?

Eh quoi, est-ce que Varron, le plus grand savant de son siècle, n’eut pas l’habitude de repaître son esprit de ces délices ?

Non te ego in hostilis retraho loca plena pericli, Sint precor haec ultra non metuenda tibi: Ad faciles risus atque ad ioca nuda uocaris, Et scenam a crocinis imbribus uuidulam.

Moi, je ne te pousse pas dans des lieux pleins de dangers hostiles ; je t’en prie, ne crains pas d’aller plus loin ; laisse-toi guider vers les rires francs, les plaisanteries nues et la scène légèrement mouillée par les pluies safranées.

At tu cum Musis Phoebe, et cum Matre Cupido, Tuque hedera uinctus, come iocose comam, (Sic semper croceis madeant tua pulpita nimbis, Sic ueniat Genio nulla senecta tuo) Huc agedum uestrum pariter nostrumque Rogertem Ducite, ut his sese lusibus exhilaret.

Mais toi Phébus, avec les Muses, Cupidon avec ta mère, et toi, que le lierre couronne, coiffe plaisamment ta chevelure (puisse tes tréteaux être toujours ainsi mouillés par des nuages de safran, puisse ton génie ne jamais connaître la vieillesse), allez, menez également ici Rogers, à la fois vôtre et nôtre, pour que ces jeux le divertissent.

Tunc ego crediderim uobis, quoscumque dolores Sollicitis hominum demere pectoribus.

Moi, je me fierais alors à vous pour extraire les souffrances, quelles qu’elles soient, du cœur des hommes.


1. Il s’agit là de Hubert van Giffen, Obertus Giphanius, qui fut accusé par le groupe des savants hollandais d’avoir publié des travaux plagiés, voir https://de.wikipedia.org/wiki/Obertus_Giphanius
3. L’imprimé donne dispernant.