Présentation du paratexte
L’épître dédicatoire est adressée par Winshemius à Édouard, prince d’Angleterre et de France. Le texte commence par une réflexion sur l’ancienne faveur aux savants et d’une comparaison avec la situation de l’époque de l’édition (§1-7). Suit un resserrement sur le genre de la tragédie et sur son intérêt pour l’instruction des hommes, sur la similarité des enseignements qu’elle prodigue et des leçons tirées des textes bibliques (§8-51). L’épître se clôt sur l’éloge du destinataire et sur le souhait de le voir soutenir les lettres dans une époque troublée (§52-61).
Bibliographie :- Voir Opera Camerarii : http://kallimachos.de/camerarius/index.php/Winsheim,_Interpretatio_tragoediarum_Sophoclis_(Druck),_1546
Inclito regi Angliae et Franciae Eduardo principi clementissimo Vitus Vuishemius S. D.
Vitus Winshemius adresse son salut au célèbre roi d’Angleterre et de France Édouard, prince tout à fait clément.
Cum multi ciues Athenienses in Sicilia capti passim seruirent, ac sicubi forte eos audirent tragoedias Euripidis recitantes, tanta fuit admiratio operum ingeniosissime scriptorum, ut plerisque captiuis domini libertatem redderent, pro hoc uno officio, quod Euripidis fabulas tradebant et ipsis et pueris : qua in re et auiditas discendi laude digna fuit, et magna uirtus fuit gratitudo, cum pro tali officio libertas captiuis redderetur.
Alors que de nombreux citoyens athéniens faits prisonniers en Sicile étaient partout réduits en esclavage, leurs maîtres, si d’aventure ils les entendaient réciter des tragédies d’Euripide, concevaient pour ces œuvres écrites avec le plus grand génie une si grande admiration qu’ils rendaient à la plupart des esclaves leur liberté en échange de cet unique office qu’ils leur transmettaient, à eux et à leurs enfants, les tragédies d’Euripide : dans cette histoire, la soif d’apprendre était digne de louange et la gratitude était une grande qualité puiqu’on rendait la liberté aux esclave en échange d’un si grand office.
Nunc si conferas nostri saeculi barbariem ad illa tempora quanta erit dissimilitudo ?
Comparons maintenant la barbarie de notre siècle à ces temps anciens: quelle différence on verra !
Quae nunc gratia redditur fidelibus doctoribus ?
Quelle faveur est rendue de nos jours aux fidèles savants ?
Et si igitur in tanta confusione imperiorum, et in tantis tumultibus non satis exaudiri uox doctrinae potest, et frustra coli haec studia uidentur, tamen nos certis Dei testimoniis et euentibus ipsis confirmati statuamus semper aliquam Dei Ecclesiam mansuram esse, etiam si inter imperiorum tumultus duriter quassatur.
Donc, même si, dans une si grande confusion des Empires et dans de si grands tumultes, la voix de la science peut n’être pas assez entendue et que ces études semblent être cultivées en vain, nous, confirmés par les témoignages certains de Dieu et les événements, devrions établir qu’une Église de Dieu va demeurer, même si au milieu des tremblements des Empires elle est durement ébranlée.
Haec autem cum litteris et doctrina carere non possit, sciamus Deo et filio eius Domino nostro Iesu Christo, et eius Ecclesiae nostros labores seruire, nec dubitemus passim multis profuturos esse.
Puisque d’autre part l’Église ne peut manquer de lettres et de savoir, comprenons que nos travaux servent Dieu, son fils notre Maître Jésus Christ et son Église et ne doutons pas qu’ils seront partout utiles à bien des gens.
Hac spe studia doctrinae colamus.
Cultivons les études de la science avec cet espoir.
Cumque ex his ipsis litteris discamus fortitudinem uirtutem esse, necessariam caeteris uirtutibus, ut constantia in recta sententia et honestis institutis praestetur, hic quoque pectora fortitudine armentur, ne propter difficultates et aerumnas, quae nos praecipue exercent, doctrinae propagationem abiciamus.
Et puisque nous apprenons de ces lettres elles-mêmes que le courage est une vertu nécessaire au reste des vertus, afin que la constance excelle dans un opinion droite et des positions honnêtes, que cette idée également renforce nos cœurs de sa vigueur pour ne pas abandonner, à cause des difficultés ou des épreuves qui nous éprouvent, la diffusion du savoir.
Me uero haec ipsa temporum tristitia mouit, ut nunc Sophoclis tragoedias enarrarem, in quibus imagines multae illustres humanarum calamitatum proponuntur, quas considerare, tum ad commonefactionem, tum ad consolationem utile est.
Or, ces temps malheureux m’ont poussé à commenter aujourd’hui les tragédies de Sophocle, où il donne à voir de nombreuses représentations illustres des malheurs humains qu’il est utile de considérer autant pour se les remémorer que pour se consoler.
Et quoniam in hanc commemorationem ingressus sum, recitabo propter iuniores, quo consilio a sapientibus hominibus scriptae et oculis atque animis hominum spectandae exhibitae sint tragoediae, ut magnitudo utilitatis consideretur, quam hae terribiles imagines proponunt et auidissime haec scripta appetant.
Et puisque je me suis engagé dans cette remémoration, je montrerai aux plus jeunes pourquoi les hommes sages ont écrit des tragédies et pourquoi ils les ont produites pour être montrées aux esprits des hommes, de sorte qu’ils considèrent l’immense utilité que possèdent ces terribles représentations et qu’ils abordent ces écrits avec la plus grande avidité.
Non dubium est praecipuam causam
fuisse ut, sicut Pindarus inquit, Ixionem iacentem in
rota clamitare, Discite iustitiam moniti, et non spernere Diuos
1
Sans aucun doute possible la principale raison a été que, de même que Pindare dit qu’Ixion attaché sur sa roue criait : « vous qui êtes maintenant avertis, apprenez la justice et à ne pas mépriser les dieux », ces poèmes poussaient les hommes à la justice en faisant voir des exemples de châtiments.
Remoueantur ineptiae scribentium, ludorum causa, et ut risus, ac plausus in multitudine cieretur, mirandas narrationes confictas esse.
Qu’on laisse de côté les bêtises de ceux qui écrivent que c’est pour les jeux et pour faire naître les rires et les applaudissement de la foule qu’ont été faits ces récits admirables.
Longe aliud fuit sapientum scriptorum consilium initio : qui, intuentes horribiles casus praestantissimorum hominum, agnouerunt humani generis infirmitatem, uiderunt et certissimo ordine atrocia delicta fere semper comitari atroces poenas in hoc ipso breuissimo spatio mortalis uitae ; qua ex re iudicarunt esse mentem aeternam conditricem generis humani, sapientem, iustam, uindicem, quae hunc ordinem instituerit et tueatur, ut nos de conditore et de eius sapientia, iustitia, et iudicio admoneat.
Au commencement, le projet des auteurs sages fut tout autre : car eux, alors qu’ils observaient les malheurs atroces des hommes les plus remarquables, ont pris conscience de la faiblesse du genre humain, ils ont vu aussi que des châtiments atroces succédaient, dans un ordre tout à fait réglé, aux actes atroces dans ce laps de temps très bref qu’est l’existence humaine ; de là, ils ont pensé qu’il y avait un esprit éternel créateur du genre humain, sage, juste, vengeur, qui institue et protège cet enchaînement, de sorte qu’il nous rappelle le créateur et sa sagesse, sa justice et de son jugement.
Exempla igitur insignia recitarunt, ut metu poenarum non solum dehortarentur homines ab iniustitia, sed deducerent etiam ad aliquam Dei agnitionem.
Ils ont donc représenté des exemples illustres pour non seulement dissuader par crainte du châtiment les hommes de l’injustice mais aussi pour les conduire vers une connaissance de Dieu.
Interfecit Orestes matrem et patruum Aegisthum.
Oreste tua sa mère et son oncle Égisthe.
Haec adulterii et caedis poena fuit.
Ce fut le châtiment de l’adultère et du meurtre.
Nam antea Agamemnon a coniuge adultera interfectus fuit.
En effet, avant cela, Agamemnon fut tué par son épouse adultère.
Cresphontes perfidiosus tutor Messenen pupillis fraude eripuit.
Le perfide tuteur Cresphontès ravit par la ruse la Messénie à ses pupilles.
Huius oratio apud Euripidem haec est :
Et l’on trouve ces mots de lui chez Euripide :
2
« L’argent, cette bénédiction pour la race humaine, ne peut être égalé par l’amour d’une mère ou les babillements des enfants, ni par l’honneur dû à un aïeul ».
Hos uersus cum Athenis in theatro populus audiret, mox et actorem et poetam explosit, aegre ferens pecuniam uirtuti et naturali pietati anteferri.
Alors qu’à Athènes le peuple entendait ces vers dans le théâtre, il siffla l’acteur et le poète, parce qu’il ne pouvait souffrir que l’argent fût placé avant la vertu et la piété naturelle.
Sed prodiens in medium poeta iussit expectari finem fabulae, ubi audituri essent, quas poenas hic perfidiosus tutor daturus esset.
Mais le poète s’avança et ordonna qu’on attendît la fin de la pièce, où l’on entendrait quel châtiment ce tuteur perfide allait recevoir.
Hic enim, fraude potitus regno pupillorum, postea a ciuibus interfectus est, et uxor furens ipsa filios interfecit.
Lui en effet, après s’être emparé du trône de ses pupilles par la ruse, fut ensuite tué par les citoyens et son épouse en furie tua ses fils.
Rapuit adolescentem Laius, qui postea a filio Œdipo interfectus est ; et cum filius matrem duxisset et ex incesta consuetudine soboles nata esset, fratres de regno dimicarunt ; et cum mutuis uulneribus cecidissent, mater infelicissima iacens inter filios media, mortem sibi sua manu consciscit ; seni patri Œdipo terra dehiscit.
Laïos enleva un jeune homme, lui qui ensuite fut tué par son fils Œdipe ; et alors que le fils avait épousé sa mère et qu’était née de cette relation incestueuse une descendance, les frères se battirent pour le trône ; et alors qu’ils étaient tombés sous leurs coups respectifs, leur mère, gisant dans l’affliction la plus totale au milieu de ses fils, se donna elle-même la mort ; la terre s’ouvrit pour leur père Œdipe, alors vieillard.
His tantis calamitatibus in semine tetra libido Laii punita est, quia plerumque hoc fit, ut qua parte, seu quo genere scelerum delinquitur, poena feriat eandem partem, aut idem genus mali sontes opprimat.
Ce sont les malheurs immenses de sa descendance qui punirent l’horrible désir de Laïos parce qu’il arrive souvent que le châtiment frappe par où l’on a fauté ou qu’un genre de punition semblable au genre de la faute touche les coupables.
Tales euentus sapiens antiquitas non accidisse casu iudicabat, sed statuebat uere diuinitus puniri scelera.
La sage Antiquité jugeait que de tels évènements n’étaient pas arrivés par hasard mais pensait que les crimes étaient punis à juste titre par la divinité.
Vt igitur ueram sententiam de prouidentia populo traderet, et multorum animos a turpitudine deterreret, talia exempla grandi sono orationis recitari uoluit: uoluit perterrefieri hominum mentes poenarum atrocitate, ut frenos inicerent ambitioni, libidini, auariciae, et aliis errantibus cupiditatibus.
Ainsi, afin de transmettre au peuple une droite opinion sur la providence et pour détourner de la honte bien des esprits, elle a voulu qu’on fasse entendre à haute voix ce genre d’exemples ; elle a voulu que les esprits des hommes soient épouvantés par l’atrocité des châtiments afin de mettre des freins à l’ambition, au désir, à la cupidité, et aux autres appétits déviants.
Quamquam autem Graeci homines ingeniosi plurimum artis adhibuerunt, tamen existimo omnibus temporibus apud gentes bene moratas talia carmina recitata esse.
Or, bien que les Grecs, des hommes adroits, aient fait le plus grand usage de cet art, je pense que de tous temps on a récité des poèmes de ce type chez les nations de bonnes mœurs.
Et mos ab Ecclesia ortus est, in qua Deus iussit exempla irae suae proponi, quia uult nos scire qualis sit, uult discerni a rebus non intelligentibus et iniustis.
Et cette coutume est née de l’Église, où Dieu a ordonné qu’on fasse voir des exemples de sa colère parce qu’il veut que nous connaissions sa nature, il veut qu’elle soit distinguée des évènements mystérieux et injustes.
Extant igitur testimonia sapientiae et iustitiae eius : haec uult aspici et flagitat oboedientiam, ut discrimen iustitiae et iniustitiae intelligatur.
C’est pourquoi subsistent des témoignages de sa sagesse et de sa justice : il veut qu’on les examine et il réclame notre soumission pour que nous saisissions la différence entre la justice et l’injustice.
Recitantur ergo in Ecclesia inde usque ab initio tristissimae tragoediae, furores et poenae Cain, historia diluuii, excidii Sodomorum, interitus Pharaonis, Cananeorum, Saulis, et aliorum multorum, denique stupor et impia ἀναλγησία non considerare horribiles poenas, quae per totum genus humanum omnibus temporibus uagantur.
Ainsi, depuis les origines, on fait entendre dans l’Eglise les plus tristes tragédies, les fureurs et les châtiments de Caïn, l’histoire du déluge, la chute de Sodome, la mort de Pharaon, des Cananéens, de Saül et de beaucoup d’autres, en somme c’est paralysie et insensibilité impie de ne pas prendre en considération les châtiments horribles qui traversent à toutes les époques le genre humain tout entier.
Ardet orbis terrarum fere assiduis bellis, in quibus magnae gentium dissipationes fiunt, multi trucidantur, distrahuntur coniuges, auelluntur liberi a complexu parentum, Ecclesiae uastantur, reliqua plebecula seruitute opprimitur.
La terre brûle de guerres presque continuelles, où les nations connaissent de lourdes pertes, où de nombreux hommes trouvent la mort, où des épouses sont enlevées, des enfants arrachés de l’étreinte de leurs parents, où les églises sont dévastées, où le petit peuple survivant est réduit en esclavage.
Talis est tragoedia perpetua totius generis humani, in qua singuli uariis doloribus excruciantur.
Telle est la tragédie perpétuelle du genre humain tout entier, tragédie où chacun est torturé par des douleurs variées.
Verum est enim quod Solon dixit :
Intrant in thalamos publica damna tuos
3
Car ce qu’a dit Solon est vrai : « Les préjudices faits à l’État entrent dans ta chambre à coucher ».
Nec putemus haec spectacula nobis a Deo frustra proponi : uult iustitiam suam agnosci, uult nos cogitatione irae suae expauescere, uult disciplina regi mores.
Et ne pensons pas que c’est en vain que Dieu nous montre ces spectacles : il veut que sa justice soit connue, il veut que nous soyons effrayés à la pensée de sa colère, il veut que nos mœurs soit réglées par la discipline.
Prodest igitur consideratio uel alienarum uel communium calamitatum.
C’est pourquoi il est bon de considérer les malheurs des autres ou les malheurs communs.
Ad hunc usum cum scriptas esse tragoedias non dubium sit, adsuefieri iuuentutem ad earum lectionem utile est, ut consideratione miseriarium humanarum ad modestiam flectatur.
Puisque c’est sans aucun doute pour servir à cela que les tragedies ont été écrites, il est bon d’habituer les jeunes gens à les lire, afin que la considération des misères humaines les oriente vers la mesure.
Praeterea et aliarum uirtutum doctrina ibi proponitur.
En outre, la tragédie fait aussi connaître les autres vertus.
In Antigone Sophoclis totum certamen est an ius diuinum anteferendum sit edicto regis pugnanti cum iure diuino.
Dans Antigone de Sophocle, tout l’enjeu est de savoir s’il faut préférer le droit divin à la décision du roi, qui s’oppose au droit divin.
Aliquid etiam ad consolandos innocentes et modestos conducit uidere placidos exitus iustorum et in poenis tyrranorum iuuat uidere defensionem innocentum.
Voir les morts flegmatiques des hommes justes conduit également à consoler quelque peu les hommes innocents et modestes et voir dans les châtiments des tyrans la défense des innoncents les apaise.
Vt potentem Argiuorum regem Eurystheum, Herculis liberos orphanos et desertos expulsurum tota Graecia, Deus opprimit.
Ainsi, Dieu accable le puissant roi des Argiens Eurysthée qui allait expulser de la Grèce tout entière les enfants d’Hercule, orphelins et abandonnés.
Sed unde firmae consolationes petendae sint monstrat doctrina Ecclesiae propria.
Mais la doctrine propre à l’Eglise révèle d’où il faut chercher de fermes consolations.
Nam et in lectione horum poematum haec diligentia etiam necessaria est ostendere discrimen inter haec scripta et doctrinam Ecclesiae.
Car en lisant ces poèmes, il faut également s’appliquer à montrer la différence entre ces écrits et la doctrine de l’Église.
Hae narrationes ad Legis uocem pertinent.
Ces récits relèvent de la voix de la Loi.
Alia est uox Euangelii, quae in ipsis aerumnis adfirmat recipi a Deo confugientes ad mediatorem.
Or, il en va autrement de la loi de l’Evangile, qui affirme qu’au milieu de ces calamités Dieu reçoit ceux qui ont recours à un médiateur.
Sed huius discriminis longiorem explicationem relinquo iis qui iuuentutem docent.
Mais je laisse à ceux qui enseignent à la jeunesse le soin d’expliquer plus longuement cette difference.
Nunc postquam dixi quo consilio tragoediae scriptae sint, hoc etiam addam, eloquentiae causa ualde appetendam esse Sophoclis et Euripidis lectionem.
Après avoir dit pourquoi les tragédies ont été écrites, j’ajouterai également qu’il faut ardemment chercher à lire Sophocle et Euripide pour l’éloquence.
Sed omnium iudicio non solum grandior et splendidior est Sophocles, sed etiam grauior.
Du jugement de tous, Sophocle est non seulement le plus grand et le plus splendide, mais aussi le plus grave.
Nec dubium est multum prodesse studiosis eloquentiae, lumina uerborum et sententiarum, et consilium in narrationibus et contentionibus studiose intueri, et saepe multumque considerare.
Et sans nul doute il est grandement utile à ceux qui étudient l’éloquence d’observer attentivement les figures de mots et de pensée et la sagesse dans ses narrations et ses discours et de les considérer souvent et amplement.
Iudicauit et Horatius tantum artis in his tragoediis esse, ut de eis praecipue dixerit :
Horace également a pensé qu’il y avait dans ces tragédies un art immense, de sorte qu’il a dit à leur sujet :
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« Quant à vous, étudiez avec amour les chefs-d’œuvres de la Grèce, nuit et jour étudiez-les »
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« Les Grecs, oui les Grecs, la Muse leur donna le talent et une élocution parfaite ».
Etsi autem haec nostra interpretatio non uidetur esse munus Regi conueniens, tamen Maiestati tuae inscripsi, quia cum cura tuendarum et ornandarum litterarum etiam ad hoc summum fastigium in genre humano pertineat, usitatum est a Regibus petere omnium artium honestarum defensionem, etiam earum, quibus rudis adolescentia initio imbuenda est.
D’autre part, même si notre ouvrage ne semble pas être un présent convenable à un Roi, je l’ai cependant dédié à ta Majesté, parce que, le soin de protéger et d’honorer les lettres tenant au plus haut rang du genre humain, les Rois ont eu l’habitude de rechercher une défense de tous les arts honnêtes, de ceux aussi dont il faut abreuver une adolescence inexpérimentée.
Et quidem plurimum refert curare gubernatores ut elementa illa doctrinarum recte tradantur ; qua de re possem multorum ueterum Principum et Regum exempla recitare, qui publicis legibus studia iuuentutis ordinarunt.
Et il est capital que les gouvernants s’occupent de ce que les principes des sciences soient correctement transmis ; à ce propos je pourrais citer les exemples de nombreux Princes et Rois anciens qui ont réglé les études de la jeunesse par des lois publiques.
Sed domesticum exemplum habes maxime illustre.
Mais tu en possèdes chez toi un exemple tout à fait illustre.
Multis saeculis nemo Regum doctior fuit patre tuo.
De nombreux siècles durant, aucun Roi ne fut plus savant que ton père.
Cum igitur et intelligeret ipse doctrinarum fontes, et sciret necessariam esse in Ecclesia et in republica literarum, linguarum et artium quae litteris traduntur, cognitionem, perfecit, ut patria litteris et eruditione ornatissima esset.
Ainsi, puisque lui à la fois connaissait les sources des savoirs et savait que la connaissance des lettres, des langues et des arts que transmettent les lettres est nécessaire dans l’Église comme dans l’État, il a fait en sorte que sa patrie soit la plus distinguée par les lettres et l’érudition.
Huius exemplum imitari tibi honestissimum est, quod ut maiore studio facias, tempora etiam te adhortantur.
Il est tout à fait honorable pour toi d’imiter son exemple, ce que l’époque t’exhorte également à faire avec un grand soin.
Dissipantur in aliis regionibus Academiae, et magna barbaries, magnae tenebrae secuturae uidentur, nisi aliqui reges hospitium litteris et ueritati praebant, et studia recte institui curent.
Les Académies sont dissoutes dans d’autres régions et une grande barbarie, de grandes ténèbres semblent devoir advenir, si des Rois ne fournissent pas un refuge aux lettres et à la vérité et ne s’occupent pas que les études soient correctement établies.
Vt aut olim cum Gotthi et Vandali Ecclesias in Gallia et Germania uastassent, religio et litterarum doctrina rursus ex Britannia uestra in has regiones importata est, ita si nunc possessionem doctrinae tueberis, aliquanto post et litteras et religionis puritatem Anglia Ecclesiis multarum gentium restituet.
De même que jadis, alors que les Goths et les Vandales avaient dévasté les Églises en Gaule et en Germanie, la religion et l’étude des lettres ont été importées de nouveau de votre Bretagne dans ces régions, de même, si tu protèges maintenant le domaine du savoir, l’Angleterre redonnera en peu de temps aux Églises de nombreuses nations à la fois les lettres et la pureté de la religion.
Hanc igitur tenuem lucubrationem eo accipies, quia hoc consilio tibi inscripta est, ut simul tibi curam tuendarum litterarum etiam exteros homines commendare scias, quod Regi gloriosum esse non dubium est, quia significat magnam esse de eo apud alios uirtutis opinionem.
Tu accepteras donc ce petit travail de nuit, parce qu’il t’a été dédié afin que tu saches que des étrangers te confient le soin de protéger les lettres, ce qui, à n’en pas douter, est source de gloire pour un roi, puisque cela montre que d’autres ont une grande opinion de sa vertu.
Bene uale.
Porte-toi bien.