Présentation du paratexte
Argument de l’Électre de Sophocle par Winshemius . L’auteur insiste notamment sur la notion de providence divine au centre de l’Électre et rappellent la longue suite de malheurs ayant frappé les Atrides.
Bibliographie :- Voir Opera Camerarii : http://kallimachos.de/camerarius/index.php/Winsheim,_Interpretatio_tragoediarum_Sophoclis_(Druck),_1546
In Electram Sophoclis.
Sur l’Électre de Sophocle
Haec fabula Sophoclis hanc doctrinam praecipue tractat, contra Epicureos, quod Deus res humanas curet, innocentes ac indigne oppressos rescipiat, ac tandem liberet, atrocia scelera tragicis atque horribilibus poenis uindicet.
Cette pièce de Sophocle traite principalement de l’idée, contraire à la doctrine épicurienne, que la divinité s’occupe des affaires humaines, qu’elle protège les innocents et ceux qui sont indignement oppressés et enfin qu’elle les libère et venge les crimes atroces par des châtiments tragiques et horribles.
Ad quem locum communem de prouidentia diuina etsi omnes fere tragoediae communiter referri possunt, tamen in quibusdam magis illustria exempla et testimonia huius sententiae proponuntur, sicut et in hac, quae tristissima quaedam imago est irae diuinae aduersus atrocia scelera.
Même si presque toutes les tragédies peuvent généralement être ramenées à ce lieu commun de la providence divine, dans certaines cependant on en trouve des exemples et témoignages plus illustres : c’est le cas dans cette tragédie, qui est une représentation tout à fait funeste de la colère divine à l’égard des crimes atroces.
Et ostendit nobis, quantam saeuissimarum calamitatum et malorum Lernam unum aliquod atrox factum secum trahat et quam ex uno delicto Satanas longam atque horribilem telam scelerum et poenarum texere atque accumulare soleat.
Et elle nous montre quel abîme de malheurs et de maux absolument terribles entraîne à lui seul un acte atroce et quelle longue et horrible toile de crimes et de châtiments le diable a coutume de tisser et d’accumuler à partir d’une seule faute.
Interficit Pelops Myrtilum.
Pélops tue Myrtilos.
At filii ipsius alternis caedibus, sanguine et incestis libidinibus domum ac ciuitatem replent : haerent in poenis non ipsi tantum, sed et horum liberi, qui iisdem a furiis agitati, partim in suum sanguinem saeuiunt, partim a proximis ipsi quoque trucidantur.
Ses fils remplissent leur maison et leur cité de massacres successifs, de sang et de désirs incestueux : ce ne sont pas seulement eux qui sont punis mais également leurs enfants, qui, tourmentés par les mêmes furies, soit sévissent contre leur propre sang, soit sont également tués par leurs proches.
Neque adhuc finis est scelerum ac poenarum, sed ad nepotes ac pronepotes usque tristissimae calamitates propagantur.
Et il n’y a alors nul terme à leurs crimes et à leurs châtiments ; au contraire, des malheurs absolument funestes touchent jusqu’à leurs petits et arrières-petits-enfants.
Hoc est quod uerba legis diuinae minantur, Deum uisitare iniquitatem Patrum in tertiam et quartam generationem.
C’est ce dont les mots de la loi divine menacent : la divinité punit l’injustice des pères jusqu’à la troisième et quatrième génération.
Sunt uero duae personae sorores, quae in hac fabula introducuntur, et primas partes agunt, praecipue obseruandae, quae ingeniis diuersissimis praeditae consilio quoque et sententiis discrepant.
Il faut surtout observer les personnages des deux sœurs qui sont mises en scène dans cette pièce et y tiennent les premiers rôles : dotées de dispositions d’esprit tout à fait opposées, elles diffèrent également par leurs intentions et leurs points de vue.
Altera Electra, uirago et puella ingentis spiritus, scelera domus ac tyrannidem non modo non adprobare, sed ne sustinere quidem et dissimulare potest : prodiga uitae et ex desperatione ad quiduis faciendum ac patiendum parata, adulterum cum matre quoquo modo interficiendos et liberandam a turpitudine domum atque a tam foeda seruitute patriam censet.
La première, Électre, gaillarde et jeune femme d’un grand courage, ne peut pas encourager ni même soutenir et dissimuler les crimes et la tyrannie de sa maison : gaspillant sa vie et disposée par le désespoir à faire et endurer n’importe quoi, elle estime devoir tuer par tous les moyens sa mère et son amant et devoir libérer sa maison de la souillure et sa patrie d’une si honteuse servitude.
Altera soror Chrysothemis natura multo mitior, quae etsi non adprobat flagitia matris, tamen praesentem calamitatem utcumque ferendam, et fortunam non irritandam esse censet.
La seconde sœur, Chrysothémis, est bien plus douce de nature : même si elle n’approuve pas les actions scandaleuses de sa mère, elle estime cependant qu’il faut quoi qu’il en soit supporter le malheur présent et qu’on ne doit pas irriter le destin.
Desperat rem tantam posse confici et sororem quantum potest mitigare conatur dumque ipsa ad leniorem partem rem trahit, altera tantum uiolenta consilia agitat, et utraque sui propositi ac consilii argumenta ac rationes colligit, interuenit Orestes cum Pylade et paedagogo, qui adulterum cum Clytaemnestra interficientes necem Agamemnonis ulciscuntur.
Elle déplore qu’un tel acte puisse être accompli et entreprend d’adoucir sa sœur autant qu’elle le peut ; tandis qu’elle défend dans cette affaire un parti plus doux, que la première ne présente que de violentes résolutions et que toutes deux présentent les arguments de leur projet et de leur dessein, Oreste arrive avec Pylade et son précepteur et ils vengent la mort d’Agamemnon en tuant Clytemnestre et son amant.
Ea fabulae catastrophe est ita atrox et tragica, ut poetam ipsum a commemoratione tam immanium facinorum animo abhorruisse adpareat : magis enim supprimit quam explicat eam partem.
Cette catastrophe de la pièce est si atroce et tragique qu’il apparaît que le poète lui-même a répugné à évoquer des actes si monstrueux : il supprime en effet cette partie plus qu’il ne la développe.
Est uero etiam historica series fabulae obseruanda.
Mais il faut également observer la série des récits dans laquelle s’insère cette pièce.
Iuppiter primum ex Plote Nympha Tantalum genuisse dicitur, regem Phrygiae, qui propter enuntiata mysteria sacrorum apud inferos plecti dicit.
On rapporte qu’en premier lieu Jupiter engendra de la nymphe Plouto Tantale, roi de Phrygie, qui, dit-on, est supplicié aux Enfers pour avoir révélé les secrets des dieux.
Ex Tantalo Pelops natus ; is, translata in Graeciam sede, cum imperium Argiuorum obtinuisset, deinde Peloponneso nomen praebuit.
De Tantale naquit Pélops : ce dernier, après avoir émigré en Grèce, alors qu’il avait régné sur les Argiens, légua ensuite son nom au Péloponnèse.
Pelopi fuerunt filii, Atreus et Thyestes, qui fraternis odiis inter se incensi, immani caede et incestis libidinibus domum ac regnum complent.
Pélops eut pour fils Atrée et Thyeste, qui, embrasés par une haine fraternelle mutuelle, remplirent leur maison et leur royaume d’un massacre monstrueux et de désirs incestueux.
Ex Atreo geniti Menelaus et Agamemnon et filia soror horum Anaxibia Strophio patri Pyladis nupta.
D’Atrée naquirent Ménélas et Agamemnon et une fille, leur sœur, Anaxibie, mariée à Strophios, le père de Pylade.
Ex Thyeste Aegisthus nascitur.
De Thyeste naquit Égisthe.
Agamemnon filium habuit Oresten, filias Chrysothemin et Electram, a qua huic fabulae nomen est.
Agamemnon eut pour fils Oreste, pour filles Chrysothémis et Électre, qui donne son nom à cette pièce.
Atque haec genealogia alterius familiae.
Et voilà pour la généalogie de l’une des deux familles.
Videamus etiam Strophii et Pyladis genus.
Examinons également l’extraction de Strophios et de Pylade.
Aeacus, quem ex Ioue et Aegina natum tradunt, filios tres habuit, Phocum, Telamonem et Pelea.
Éaque, qui, dit-on, naquit de Jupiter et d’Égine, eut trois fils, Phocos, Télamon et Pélée.
Ex Phoco natus Crisus.
De Phocos naquit Crisos.
Ex Criso Strophius.
De Crisos naquit Strophios.
Ex Strophio et Anaxibia sorore Agamemnonis Pylades.
De Strophios et Anaxibie, sœur d’Agamemnon, naquit Pylade.
Hinc adparet, quae inter Oresten et Pyladen affinitates et cognationes fuerint, et quae causae ipsos coniunxerint.
De là on voit clairement quels liens des parenté unirent Oreste et Pylade et pourquoi ils ont été réunis.
Pyladi Electra nubit, Orestes Hermionen Pyrrho eripit.
Électre épouse Pylade, Oreste arrache Hermione à Pyrrhus.
Et fuerunt illis temporibus hae duae familiae Aeacidarum et Tantalidarum praecipuae ac potentissimae in Graecia.
Et, dans ces temps anciens, ces deux familles, celle des Éacides et celles des Tantalides, furent les plus importantes et les plus puissantes en Grèce.